Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel 3.A2. L’OFFRE a/ La courbe d’offre La courbe d’offre relie la quantité offerte du bien à son prix, toutes choses égales par ailleurs. Comme pour la demande, cette courbe peut être interprétée de deux manières complémentaires : - d’un côté, elle représente la quantité de bien que l’individu est prêt à vendre pour chaque niveau de prix possible ; - de l’autre, elle indique quel est le prix minimum auquel l’individu est prêt à céder chaque unité additionnelle de bien. Dans le cas qui sera considéré comme le plus usuel, la courbe d’offre traduit une relation croissante entre prix et quantité. Plus le prix est élevé et plus la quantité que l’agent souhaite vendre est forte. Une interprétation en termes de raisonnement à la marge peut aider à comprendre cette forme. Elle peut se décliner de deux façons selon que l’offre est liée à l’existence d’une dotation initiale exogène en bien ou à une activité de production. Si l’agent offreur dispose initialement d’un stock donné suffisamment élevé du bien considéré, on peut supposer qu’il acceptera relativement facilement de céder la première unité. Par la suite, à mesure que son stock diminue, il devient de plus en plus réticent à céder de nouvelles unités et exige un prix minimum de plus en plus élevé pour chaque unité offerte en plus. On retrouve en fait ici l’hypothèse de décroissance de l’utilité marginale invoquée, en première approximation, pour comprendre de manière intuitive la forme de la courbe de demande ; l’individu valorise d’autant plus sa renonciation à une unité supplémentaire que son stock est réduit par les cessions déjà consenties. Si l’offre résulte d’une activité de production, la croissance par rapport au prix s’explique par référence à une croissance du coût marginal de production. On suppose que le coût additionnel lié à la production d’une unité supplémentaire croît avec le niveau de production. Intuitivement cela peut se comprendre en référence à un phénomène de saturation des capacités de production ou de baisse de la productivité des facteurs. L’arbitrage à la marge entre avantage et coût conduit alors le producteur à exiger un prix minimal (avantage retiré de la vente) de plus en plus élevé lorsque le niveau de l’offre augmente. Le fait que la forme la plus usuelle de la courbe d’offre soit une courbe croissante n’exclut pas d’autres formes parfois plus atypiques. En appliquant le concept d’élasticité à la mesure de la sensibilité de l’offre d’un bien aux mouvements de son prix, on peut tout d’abord définir une offre parfaitement rigide. C’est la situation d’une offre dont la quantité reste invariante par rapport au prix. Cela peut notamment être le cas, à court terme, d’une offre résultant d’une production qu’il serait impossible de faire varier en raison, par exemple, de l’indisponibilité des inputs nécessaires à une augmentation de production ou de la nécessité d’attendre la fin du cycle de production en cours. L’élasticité-prix de l’offre est alors nulle. Sans aller jusqu’à ce cas extrême, on notera 1 Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel que, habituellement, l’élasticité-prix de l’offre est sensiblement plus faible à court terme qu’à long terme. On peut aussi envisager l’autre cas extrême d’une offre parfaitement élastique au prix. Cela signifie qu’il existe un niveau de prix auquel l’agent est indifférent à vendre une quantité quelconque du bien. Au-dessous de ce niveau, l’offre s’annule ; au-dessus elle devient potentiellement infinie. Une telle situation peut être associée à une production à coûts constants. Dans ce cas, le coût unitaire de production est le même pour chacune des unités produites, de la première à la dernière. Formalisation mathématique de l’élasticité-prix de l’offre Comme nous l’avons fait à propos de la demande, il est possible de définir formellement l’élasticitéprix de l’offre en retenant une expression d’élasticité-arc ou une expression d’élasticité-point. L’élasticité-arc, entre deux points A et B, s’écrit : (QSi A S i,i QSi B ) (pi A pi B ) QSi B ) 1 2 (QSi A (p i A pi B ) 12 où QSi et pi désignent respectivement la quantité offerte et le prix du bien i. L’élasticité-point s’écrit, en utilisant l’expression d’une dérivée partielle de la fonction d’offre qui peut a priori dépendre de variables autres que le seul prix du bien : S i,i QSi pi pi QSi On peut enfin envisager des formes plus atypiques dans lesquelles la courbe d’offre présente un point de retournement. L’exemple de l’offre de travail par un individu peut illustrer ce cas. Pour accroître ses revenus, l’individu peut être incité à accroître son offre de travail lorsque sa rémunération (prix du travail) augmente ; le salaire en hausse compense le désagrément d’un travail plus important. Mais l’individu peut avoir une attitude différente et considérer qu’un salaire plus élevé lui permet de conserver le même revenu global en travaillant moins. Ainsi, au-delà d’un certain seuil correspondant à ce que l’individu considère comme assurant un revenu satisfaisant, l’offre de travail diminuerait avec la hausse du salaire. Quelques courbes d’offre Prix Prix Quantité Offre à coûts croissants Prix Quantité Offre parfaitement rigide Prix Quantité Offre parfaitement élastique (à coûts constants) Quantité Offre atypique 2 Chapitre 3 : Fonctionnement d’un marché concurrentiel b/ Déplacements de la courbe d’offre Du fait que le comportement d’offre ne répond pas uniquement aux seules variations du prix du bien offert, il est possible d’observer des déplacements de la courbe d’offre. Ceux-ci s’expliquent par des modifications dans l’une ou l’autre des variables qui constituent l’environnement général de l’offreur, ses préférences ou les contraintes auxquelles il est soumis. Dans le cas d’une offre résultant de la simple cession de quantités prise dans un stock initial détenu par l’agent, les déplacements de la courbe d’offre peuvent s’expliquer par des modifications de préférences, une variation de la dotation exogène de l’individu ou encore dans les caractéristiques de disponibilité ou de prix d’autres biens, tels des substituts au bien considéré. Nous nous attarderons davantage sur le cas d’une offre liée à un processus de production. Déplacement de la courbe d’offre suite à un progrès technique dans la production du bien Les intentions d’offre résultant d’un processus de production sont directement affectées par une modification des conditions Prix techniques ou économiques de cette production. Ainsi une innovation génératrice de progrès technique permet d’accroître la quantité offerte à prix donné ou de façon équivalente d’offrir une même quantité à moindre coût, c’està-dire avec un prix minimum exigé en baisse ; le progrès technique entraîne donc un déplacement de la courbe d’offre vers la droite ou/et vers le bas. Quantité Déplacement de la courbe d’offre suite à une variation du prix des inputs dans la production du bien Les variations de prix des inputs impliquent aussi un déplacement de la courbe. Un renchérissement des inputs, en Prix accroissant les coûts de production, élève le prix minimum exigé par l’offreur pour une quantité donnée ; la courbe d’offre se déplace vers le haut. A l’inverse une baisse de prix des inputs déplace la courbe d’offre vers le bas. Prix d’inputs en hausse Prix d’inputs en baisse Indépendamment de leur prix, des variations dans la disponibilité physique des inputs affecteront également la Quantité courbe d’offre à travers leur effet sur les capacités de production. Dans la mesure où cette disponibilité des inputs peut être reliée à leur répartition entre les secteurs d’activité, ce type d’effets révèle des phénomènes d’interdépendance entre les marchés du côté de l’offre : en situation de plein emploi des facteurs à l’échelle globale et en l’absence de progrès technique et d’augmentation des dotations factorielles, on ne peut pas avoir déplacement dans le même sens de toutes les courbes d’offre des produits. Comme dans le cas de la demande, on perçoit ici les limites de l’approche d’équilibre partiel centrée sur le marché d’un actif particulier. 3