Quel suivi médical au long cours pour les patients schizophrènes

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Quel suivi médical au long cours pour les patients
schizophrènes ? Quels acteurs de soins ?
N. Bazin
CH de Versailles, Service de psychiatrie, 78000 Versailles
Le suivi somatique d’un patient schizophrène représente
une vraie dif culté. L’acteur au centre de ces soins somati-
ques devrait être le médecin généraliste, surtout depuis la
mise en place du parcours de soins coordonnés. Mais en
pratique quotidienne, force est de constater que ce n’est
vraiment pas le cas pour nos patients schizophrènes.
Les besoins de nos patients schizophrènes sont pourtant
les mêmes que ceux de la population générale : problèmes
somatiques minimes (angine, grippe…), avis somatique en
urgence (chute, perte de connaissance…), consultations de
spécialistes, préparation d’intervention chirurgicale… Plus
spéci quement pour eux, une prise en charge somatique
peut être nécessaire lorsqu’ils sont hospitalisés en psychia-
trie, ce qui met en avant des dif cultés particulières dans
les hôpitaux psychiatriques comme dans les hôpitaux géné-
raux, mais que nous n’aborderons pas ici.
Pourquoi les patients schizophrènes ont une si grande
dif culté dans l’accès aux soins ? Est-ce lié à la réticence
des patients à se prendre en charge sur le plan somatique ?
À celle des médecins généralistes à prendre en charge des
patients qui ont des troubles du comportement ou un dis-
cours peu cohérent ? Ou à celle des psychiatres - on a ainsi
constaté que 80 % des patients adressés au psychiatre par
les médecins généralistes ont ultérieurement un suivi
exclusif par le psychiatre [1, 2] ? Ces réticences multiples
et diverses mettent en évidence l’ampleur du problème.
Face à ces dif cultés, la stratégie la plus adaptée appa-
raît autour de la mise en place d’un réel partenariat entre
les différents intervenants potentiels, en favorisant le
décloisonnement : un vrai travail de soins partagés qui per-
mettrait d’augmenter l’interface entre les psychiatres et
les médecins généralistes. Nous nous proposons de rappor-
ter ici l’exemple du Réseau pour la Promotion de la Santé
Mentale Yvelines sud (RPSMYS) qui tente de répondre à ces
dif cultés de cette manière.
L’exemple du Réseau Yvelines Sud
Le Réseau pour la Promotion de la Santé Mentale dans les
Yvelines sud (RPSMYS) est un réseau territorial, couvrant
650 000 habitants. Il regroupe plus de 1 000 professionnels,
5 établissements de soins avec l’ensemble des huit secteurs
de psychiatrie adulte et des trois secteurs de psychiatrie
infanto-juvénile, et des praticiens libéraux (450 médecins
généralistes, 80 psychiatres, 80 psychologues). Le réseau
s’appuie par ailleurs sur des partenaires : une centaine
d’institutions partenaires du champ social et médico-social,
ainsi que les usagers et leurs familles.
Le champ d’action du réseau est à la fois bien délimité
et assez large : il ne se substitue pas à l’offre de soins exis-
tante mais il est requis pour les situations qui ne reçoivent
pas de réponse satisfaisante malgré un besoin réel identi-
é, ou lorsque le niveau d’interdépendance est élevé entre
les différents acteurs, dans les situations où les cloisonne-
ments sont les plus forts.
La méthodologie de travail au sein du RPSM est très spéci-
que. Tout travail comprend toujours 4 étapes successives :
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas signalé de con its d’intérêts.
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1. une évaluation objective des besoins et des ressources
2. des réponses élaborées collectivement au sein de grou-
pes de travail
3. la mise en œuvre d’actions concrètes
4. et en n une évaluation des actions mises en place.
Parmi les nombreux domaines de ré exion et d’action
au sein du RPSM, nous avons choisi d’en présenter ici deux
qui sont particulièrement représentatifs de ce travail de
décloisonnement et de soins partagés avec les médecins
généralistes.
Les Consultations d’Avis
et de Suivi Conjoint (CASSC)
La mise en place de ces consultations repose sur deux
constats (suite à une étude faite en 2000) et deux objectifs
de soins en rapport.
Le premier est le manque de coopération entre les méde-
cins généralistes et les psychiatres : 2/3 des médecins géné-
ralistes sont insatisfaits ou très insatisfaits de leurs relations
avec les psychiatres, mettant en particulier en avant la pau-
vreté des informations échangées. De plus, comme cela a
déjà été indiqué, 80 % des patients adressés à un psychiatre
ne sont plus revus par leur généraliste. L’objectif est donc
d’améliorer l’accès aux soins psychiatriques et de favoriser
la continuité dans la trajectoire de soins des patients.
Le second constat est que la psychiatrie est mal utili-
sée : ainsi, au Centre Hospitalier de Versailles, la moitié
des passages aux urgences correspondent en fait à des
demandes de consultations et plus de 40 % des patients sui-
vis par les généralistes auraient nécessité un avis spécialisé
plus précoce. Un second objectif est donc d’améliorer
l’amont des situations d’urgences et de favoriser une inter-
vention psychiatrique précoce.
Sur ces constats de dysfonctionnement et avec ces
objectifs d’amélioration en tête, nous avons mis en place
la Consultation d’Avis Spécialisée et de Suivi Conjoint
(CASSC) au Centre Hospitalier de Versailles.
Quelques éléments de fonctionnement pratique sont
importants à préciser :
les délais de rendez-vous sont rapides et adaptés à la
situation du patient et à la demande du généraliste (de
24 h à 1 mois) ;
le temps de préparation du rendez-vous est un moment
important et formalisé : les soins débutent dès la demande
téléphonique de rendez-vous, certaines demandes étant
d’emblée réorientées (vers les urgences, les circuits de
soins spécialisés…). Ceci permet un taux d’absentéisme
très bas au rendez-vous proposé, de l’ordre de 15 % ;
une évaluation conjointe de la situation est effectuée par
le médecin généraliste, le spécialiste, et la famille, durant
un à trois rendez-vous. Une élaboration partenariale du pro-
jet de soins est effectuée, impliquant des objectifs précis ;
un dispositif d’évaluation sur le devenir du patient est
mis en place, avec retour sur les décisions prises et ré exion
sur le rôle des différents acteurs ;
ce réseau implique des praticiens publics et libéraux.
Après ces quelques années de fonctionnement nous
notons que la demande d’avis est importante (566 inter-
ventions en 2005, dont 400 patients vus en consultation),
et que cette action est très appréciée, reconnue et identi-
ée par les médecins généralistes : 139 d’entre eux ont
travaillé avec la CASSC, 90 % sont satisfaits ou très satis-
faits, avec un impact favorable ou très favorable pour 70 %
des patients.
Nous notons aussi que principal responsable de la prise
en charge, pour les patients suivis à la CASSC, est le méde-
cin généraliste dans les trois quarts des cas (seul dans 60 %
des cas, avec un psychologue ou un psychothérapeute dans
10 % des cas, et avec une autre structure spécialisée dans
3 % des cas). Le suivi conjoint par le médecin généraliste et
la CASSC concerne 5 % des cas, et le suivi par un psychiatre
20 % des cas.
Par ailleurs et plus indirectement, le retentissement
pour la prise en charge des patients schizophrènes au CMP
de cette pratique de soins partagés mise en place avec la
CASSC est important. Le fait que les intervenants se
connaissent permet un maintien plus facile des liens entre
le patient et le médecin généraliste quand ils existent et
permet également d’introduire de manière plus aisée dans
la prise en charge du patient schizophrène un médecin
généraliste souhaitant prendre en charge des patients psy-
chiatriques.
L’exemple du dispositif de psychiatrie
du sujet âgé
En suivant toujours la même méthodologie, nous avons
constitué au sein du RPSM, un groupe de travail autour des
sujets âgés.
Les dysfonctionnements dans la prise en charge des
sujets âgés présentant des troubles psychiatriques et les
relations entre psychiatres et médecins généraliste ont été
tout d’abord évalués. Ceux-ci étaient nombreux : les géné-
ralistes se plaignaient de l’absence de psychiatre disponi-
ble lorsqu’un avis était nécessaire, d’une mauvaise
collaboration avec les CMP, d’une mauvaise coordination
entre les différents intervenants auprès d’un patient, d’un
recours à l’hospitalisation comme seule réponse possible
quand apparaissent des troubles du comportement, ou au
contraire d’une dif culté à hospitaliser les patients âgés
présentant des troubles psychiatriques…
La réponse proposée pour résoudre ces dif cultés (ou
au moins une partie) a été de mettre à disposition des
médecins généralistes (mais aussi des autres partenaires du
RPSM) un avis médical spécialisé en psychiatrie du sujet
âgé, cet avis pouvant être donné par téléphone, lors d’une
consultation ou lors d’une visite sur le lieu de vie (domicile
ou institution).
Parallèlement, et a n de favoriser l’accès aux soins plus
précoces, nous avons aussi proposé aux médecins généralis-
tes, de participer à des journées de formation pratique à
partir de cas cliniques, organisées avec les acteurs de
proximité (psychiatres, gériatres, CLIC). En n, plus récem-
ment, une formalisation du dispositif de soins en psychogé-
riatrie sur le territoire du RPSM a été effectuée, via la
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réalisation d’une plaquette, et dans l’objectif de mieux
nir le travail de chacun, de diffuser le dispositif de soins
et ainsi de favoriser l’accès des personnes âgées aux soins
spéci ques. Ce travail a permis d’identi er les CEPPA
Centres d’Évaluation en Psychiatrie de la Personne Âgée et
de les placer au centre de notre dispositif de soins comme
lieu d’évaluation, de conseil, d’avis, de consultation,
d’orientation, et de formation.
Ce dispositif actuellement reconnu par tous sur le terri-
toire du RPSM semble pouvoir répondre à une grande partie
des dif cultés identi ées antérieurement.
D’autres sujets de ré exion peuvent désormais être
abordés dans notre groupe de travail, comme l’héberge-
ment des patients schizophrènes vieillissants, l’améliora-
tion des liens entre les EHPAD et les secteurs…
Conclusion
Le Réseau pour la Promotion de la Santé Mentale dans les
Yvelines sud (RPSMYS) semble donc pouvoir offrir une
réponse au problème du suivi médical des sujets présentant
des troubles psychiatriques, en particulier les patients
souffrant de schizophrénie. Il permet un décloisonnement
des professionnels, un réel partenariat entre psychiatres et
médecins généralistes, entretenu par des actions conjoin-
tement élaborées, mise en place et réévaluées. En répon-
dant dans un premier temps à leur demande d’aide, les
médecins généralistes, pivots centraux de la prise en charge
somatique de nos patients, sont plus favorables ensuite
pour assurer le suivi somatique de nos patients schizophrè-
nes jeunes ou plus âgés.
Références
[1] Younes N, Hardy-Baylé MC, Falissard B et al. Differing mental
health pratice among general practitioners, private psychiatrists
and public psychiatrists. BMC Public Health 2005 ; 5 : 104.
[2] Younes N, Gasquet I, Gaudelout P et al. General practitioner’s
opinions on their practice in mental health and their collabo-
ration with mental health professionals. BMC Fam Pract.
2005 ; 6 (1) : 18.
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