> XPress 6 Noir L’Encéphale (2007) Supplément 1, S33-S35 j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p Quel suivi médical au long cours pour les patients schizophrènes ? Quels acteurs de soins ? N. Bazin CH de Versailles, Service de psychiatrie, 78000 Versailles Le suivi somatique d’un patient schizophrène représente une vraie difficulté. L’acteur au centre de ces soins somatiques devrait être le médecin généraliste, surtout depuis la mise en place du parcours de soins coordonnés. Mais en pratique quotidienne, force est de constater que ce n’est vraiment pas le cas pour nos patients schizophrènes. Les besoins de nos patients schizophrènes sont pourtant les mêmes que ceux de la population générale : problèmes somatiques minimes (angine, grippe…), avis somatique en urgence (chute, perte de connaissance…), consultations de spécialistes, préparation d’intervention chirurgicale… Plus spécifiquement pour eux, une prise en charge somatique peut être nécessaire lorsqu’ils sont hospitalisés en psychiatrie, ce qui met en avant des difficultés particulières dans les hôpitaux psychiatriques comme dans les hôpitaux généraux, mais que nous n’aborderons pas ici. Pourquoi les patients schizophrènes ont une si grande difficulté dans l’accès aux soins ? Est-ce lié à la réticence des patients à se prendre en charge sur le plan somatique ? À celle des médecins généralistes à prendre en charge des patients qui ont des troubles du comportement ou un discours peu cohérent ? Ou à celle des psychiatres - on a ainsi constaté que 80 % des patients adressés au psychiatre par les médecins généralistes ont ultérieurement un suivi exclusif par le psychiatre [1, 2] ? Ces réticences multiples et diverses mettent en évidence l’ampleur du problème. Face à ces difficultés, la stratégie la plus adaptée apparaît autour de la mise en place d’un réel partenariat entre les différents intervenants potentiels, en favorisant le décloisonnement : un vrai travail de soins partagés qui permettrait d’augmenter l’interface entre les psychiatres et les médecins généralistes. Nous nous proposons de rapporter ici l’exemple du Réseau pour la Promotion de la Santé Mentale Yvelines sud (RPSMYS) qui tente de répondre à ces difficultés de cette manière. L’exemple du Réseau Yvelines Sud Le Réseau pour la Promotion de la Santé Mentale dans les Yvelines sud (RPSMYS) est un réseau territorial, couvrant 650 000 habitants. Il regroupe plus de 1 000 professionnels, 5 établissements de soins avec l’ensemble des huit secteurs de psychiatrie adulte et des trois secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, et des praticiens libéraux (450 médecins généralistes, 80 psychiatres, 80 psychologues). Le réseau s’appuie par ailleurs sur des partenaires : une centaine d’institutions partenaires du champ social et médico-social, ainsi que les usagers et leurs familles. Le champ d’action du réseau est à la fois bien délimité et assez large : il ne se substitue pas à l’offre de soins existante mais il est requis pour les situations qui ne reçoivent pas de réponse satisfaisante malgré un besoin réel identifié, ou lorsque le niveau d’interdépendance est élevé entre les différents acteurs, dans les situations où les cloisonnements sont les plus forts. La méthodologie de travail au sein du RPSM est très spécifique. Tout travail comprend toujours 4 étapes successives : * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. 4487_15_Ba z i n. i ndd 4487_15_Bazin.indd 33 33 1 2 / 1 2 / 0 79:19:15 12/12/07 9: 19: 15 > XPress 6 Noir S34 N. Bazin 1. une évaluation objective des besoins et des ressources 2. des réponses élaborées collectivement au sein de groupes de travail 3. la mise en œuvre d’actions concrètes 4. et enfin une évaluation des actions mises en place. Parmi les nombreux domaines de réflexion et d’action au sein du RPSM, nous avons choisi d’en présenter ici deux qui sont particulièrement représentatifs de ce travail de décloisonnement et de soins partagés avec les médecins généralistes. Les Consultations d’Avis et de Suivi Conjoint (CASSC) La mise en place de ces consultations repose sur deux constats (suite à une étude faite en 2000) et deux objectifs de soins en rapport. Le premier est le manque de coopération entre les médecins généralistes et les psychiatres : 2/3 des médecins généralistes sont insatisfaits ou très insatisfaits de leurs relations avec les psychiatres, mettant en particulier en avant la pauvreté des informations échangées. De plus, comme cela a déjà été indiqué, 80 % des patients adressés à un psychiatre ne sont plus revus par leur généraliste. L’objectif est donc d’améliorer l’accès aux soins psychiatriques et de favoriser la continuité dans la trajectoire de soins des patients. Le second constat est que la psychiatrie est mal utilisée : ainsi, au Centre Hospitalier de Versailles, la moitié des passages aux urgences correspondent en fait à des demandes de consultations et plus de 40 % des patients suivis par les généralistes auraient nécessité un avis spécialisé plus précoce. Un second objectif est donc d’améliorer l’amont des situations d’urgences et de favoriser une intervention psychiatrique précoce. Sur ces constats de dysfonctionnement et avec ces objectifs d’amélioration en tête, nous avons mis en place la Consultation d’Avis Spécialisée et de Suivi Conjoint (CASSC) au Centre Hospitalier de Versailles. Quelques éléments de fonctionnement pratique sont importants à préciser : • les délais de rendez-vous sont rapides et adaptés à la situation du patient et à la demande du généraliste (de 24 h à 1 mois) ; • le temps de préparation du rendez-vous est un moment important et formalisé : les soins débutent dès la demande téléphonique de rendez-vous, certaines demandes étant d’emblée réorientées (vers les urgences, les circuits de soins spécialisés…). Ceci permet un taux d’absentéisme très bas au rendez-vous proposé, de l’ordre de 15 % ; • une évaluation conjointe de la situation est effectuée par le médecin généraliste, le spécialiste, et la famille, durant un à trois rendez-vous. Une élaboration partenariale du projet de soins est effectuée, impliquant des objectifs précis ; • un dispositif d’évaluation sur le devenir du patient est mis en place, avec retour sur les décisions prises et réflexion sur le rôle des différents acteurs ; • ce réseau implique des praticiens publics et libéraux. 4487_15_Ba z i n. i ndd 4487_15_Bazin.indd 34 34 Après ces quelques années de fonctionnement nous notons que la demande d’avis est importante (566 interventions en 2005, dont 400 patients vus en consultation), et que cette action est très appréciée, reconnue et identifiée par les médecins généralistes : 139 d’entre eux ont travaillé avec la CASSC, 90 % sont satisfaits ou très satisfaits, avec un impact favorable ou très favorable pour 70 % des patients. Nous notons aussi que principal responsable de la prise en charge, pour les patients suivis à la CASSC, est le médecin généraliste dans les trois quarts des cas (seul dans 60 % des cas, avec un psychologue ou un psychothérapeute dans 10 % des cas, et avec une autre structure spécialisée dans 3 % des cas). Le suivi conjoint par le médecin généraliste et la CASSC concerne 5 % des cas, et le suivi par un psychiatre 20 % des cas. Par ailleurs et plus indirectement, le retentissement pour la prise en charge des patients schizophrènes au CMP de cette pratique de soins partagés mise en place avec la CASSC est important. Le fait que les intervenants se connaissent permet un maintien plus facile des liens entre le patient et le médecin généraliste quand ils existent et permet également d’introduire de manière plus aisée dans la prise en charge du patient schizophrène un médecin généraliste souhaitant prendre en charge des patients psychiatriques. L’exemple du dispositif de psychiatrie du sujet âgé En suivant toujours la même méthodologie, nous avons constitué au sein du RPSM, un groupe de travail autour des sujets âgés. Les dysfonctionnements dans la prise en charge des sujets âgés présentant des troubles psychiatriques et les relations entre psychiatres et médecins généraliste ont été tout d’abord évalués. Ceux-ci étaient nombreux : les généralistes se plaignaient de l’absence de psychiatre disponible lorsqu’un avis était nécessaire, d’une mauvaise collaboration avec les CMP, d’une mauvaise coordination entre les différents intervenants auprès d’un patient, d’un recours à l’hospitalisation comme seule réponse possible quand apparaissent des troubles du comportement, ou au contraire d’une difficulté à hospitaliser les patients âgés présentant des troubles psychiatriques… La réponse proposée pour résoudre ces difficultés (ou au moins une partie) a été de mettre à disposition des médecins généralistes (mais aussi des autres partenaires du RPSM) un avis médical spécialisé en psychiatrie du sujet âgé, cet avis pouvant être donné par téléphone, lors d’une consultation ou lors d’une visite sur le lieu de vie (domicile ou institution). Parallèlement, et afin de favoriser l’accès aux soins plus précoces, nous avons aussi proposé aux médecins généralistes, de participer à des journées de formation pratique à partir de cas cliniques, organisées avec les acteurs de proximité (psychiatres, gériatres, CLIC). Enfin, plus récemment, une formalisation du dispositif de soins en psychogériatrie sur le territoire du RPSM a été effectuée, via la 1 2 / 1 2 / 0 79:19:17 12/12/07 9: 19: 17 > XPress 6 Noir Quel suivi médical au long cours pour les patients schizophrènes ? Quels acteurs de soins ? réalisation d’une plaquette, et dans l’objectif de mieux définir le travail de chacun, de diffuser le dispositif de soins et ainsi de favoriser l’accès des personnes âgées aux soins spécifiques. Ce travail a permis d’identifier les CEPPA Centres d’Évaluation en Psychiatrie de la Personne Âgée et de les placer au centre de notre dispositif de soins comme lieu d’évaluation, de conseil, d’avis, de consultation, d’orientation, et de formation. Ce dispositif actuellement reconnu par tous sur le territoire du RPSM semble pouvoir répondre à une grande partie des difficultés identifiées antérieurement. D’autres sujets de réflexion peuvent désormais être abordés dans notre groupe de travail, comme l’hébergement des patients schizophrènes vieillissants, l’amélioration des liens entre les EHPAD et les secteurs… Conclusion Le Réseau pour la Promotion de la Santé Mentale dans les Yvelines sud (RPSMYS) semble donc pouvoir offrir une réponse au problème du suivi médical des sujets présentant 4487_15_Ba z i n. i ndd 4487_15_Bazin.indd 35 35 S35 des troubles psychiatriques, en particulier les patients souffrant de schizophrénie. Il permet un décloisonnement des professionnels, un réel partenariat entre psychiatres et médecins généralistes, entretenu par des actions conjointement élaborées, mise en place et réévaluées. En répondant dans un premier temps à leur demande d’aide, les médecins généralistes, pivots centraux de la prise en charge somatique de nos patients, sont plus favorables ensuite pour assurer le suivi somatique de nos patients schizophrènes jeunes ou plus âgés. Références [1] Younes N, Hardy-Baylé MC, Falissard B et al. Differing mental health pratice among general practitioners, private psychiatrists and public psychiatrists. BMC Public Health 2005 ; 5 : 104. [2] Younes N, Gasquet I, Gaudelout P et al. General practitioner’s opinions on their practice in mental health and their collaboration with mental health professionals. BMC Fam Pract. 2005 ; 6 (1) : 18. 1 2 / 1 2 / 0 79:19:17 12/12/07 9: 19: 17