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contact des juifs et des chrétiens, que
Mahomet s’interrogea sur la nécessité
réelle de consigner les révélations dans
un livre comme celui auquel juifs et chré-
tiens se référaient. La Tradition dit que
dans les dernières années de sa vie,
Mahomet avait des dizaines de secré-
taires qui notaient ses paroles (c’est-à-
dire aussi bien les sourates du Coran que
les hadîths.(les paroles, faits et gestes
du Prophète) que les
hadîth quansi
—
c’est-à-dire les paroles divines qui n’en-
traient pas dans le Coran).
La vulgate coranique
À la mort de Mahomet, à partir des divers
documents écrits (sur cuir, os, végétal,
etc.), des érudits établirent des
corpus
contenant les diverses sourates trans-
mises par Mahomet. Ces divers corpus
— dont on ne possède plus le moindre
échantillon — divergeaient parfois quant
au contenu. Puisque plusieurs érudits et
dignitaires disposaient de corpus cora-
niques, le calife aussi — dont le rôle était
de faire respecter la Loi — souhaitait dis-
poser d’une collection complète des sou-
rates. C’est ainsi que les deux premiers
califes firent colliger tous les documents
disponibles dans de nouveaux corpus. La
Tradition dit que le calife Othman deman-
da à un jeune « scribe » de Mahomet (Zayd
ibn Thâbit) d’effectuer une ultime recen-
sion. On raconte également que celui-ci
était assez réticent à réaliser « une chose
que le Prophète n’a pas faite ». Il le fit
cependant. Lorsque le travail fut terminé,
Othman, le troisième calife, fit détruire
toutes les autres versions encore en circu-
lation. C’est ainsi que fut constitué le
Coran actuel qui, sous la pression du cali-
fe, et malgré certaines réticences des
chiites, devint la Vulgate. Malgré tout,
l’écriture arabe étant assez déficiente (voir
l’article consacré à la langue arabe), les
variantes orales étaient assez nom-
breuses. Une amélioration de l’écriture fut
donc nécessaire… Bien entendu, elle ne se
réalisa pas d’un coup de baguette
magique et il fallut plus ou moins deux
siècles pour que l’écriture arabe, tant dans
sa forme (coufique) que dans son écriture,
rendît toute variante quasi impossible. Ce
n’est donc qu’au IXesiècle que la réforme
de l’écriture put être considérée comme
achevée et les exemplaires du Coran figés
pour l’éternité.
La pluralité des lectures
L’écriture des premiers exemplaires du
Coran ne comportait que des consonnes.
Cette
scriptio defectiva
(voir plus haut,
page 27) ne permettait pas une véritable
lecture mais servait seulement de sup-
port pour les lecteurs qui connaissaient
déjà le texte. On peut aisément imaginer
que dans les diverses parties du monde
arabe les lectures du Coran n’étaient pas
identiques : un mot pouvait facilement
en remplacer un autre. On imagine que
des juristes s’étaient fait une spécialité
de découvrir dans une phrase composée
uniquement de consonnes le concept
répondant parfaitement à leurs idées.
C’est pour lutter contre les erreurs pou-
vant provenir de ces diverses lectures que
tout fut mis en œuvre par les califes pour
créer une
scriptio plena
(c’est-à-dire une
écriture comportant tous les signes
nécessaires pour une lecture fidèle) ne
permettant, elle, plus aucune interpréta-
tion de lecture. Mais le « mal » était fait et
les califes furent contraints d’accepter
une pluralité des lectures du Coran pour
Le Coran
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