
49
Krankenpflege 8/2011
Soins infirmiers
ment de la place pour un dire authen-
tique.» (Spoljar)
On observe que les patients ont besoin
de se tourner davantage vers la religion,
dans toute la période péri-transplanta-
tion. Dans les représentations, le cœur
constitue l’organe le plus symbolique,
avec une grande composante émotionnel-
le. Suit le foie qui véhicule les humeurs.
Dans le cas particulier des affections
hépatiques fulminantes, les patients
n’ont pas le temps de s’adapter émo-
tionnellement d’une bonne santé à une
situation d’urgence vitale. Cela signifie
que le deuil se fera à posteriori, et un en-
cadrement plus intense épaulera le pa-
tient dans ce douloureux cheminement.
Mais l’expérience nous montre que l’ac-
ceptation de la greffe et de son nouvel
état de patient chronique, avec des pré-
cautions au quotidien, est en général
très difficile et beaucoup plus longue.
Le bilan pré-transplantation
Le bilan pré-transplantation permet
de rencontrer l’équipe pluridisciplinaire
et de tisser les premiers liens du parte-
nariat. L’entretien d’accueil constitue
donc le premier contact soignant-soigné
dans un long processus d’apprentissage
dans le contexte très particulier d’une
transplantation.
Fréquemment, à leur arrivée, les pa-
tients montrent des signes d’ambivalen-
ce, d’anxiété et attendent avec un mé-
lange d’impatience et de réticence le
planning des investigations. L’état de
santé souvent précaire des candidats à
la greffe hépatique peut compliquer les
gestes invasifs. Le rythme soutenu des
examens et consultations éprouve ces
patients déjà épuisés physiquement et
émotionnellement déstabilisés. L’équipe
entend souvent: «J’aurais eu besoin de
parler, mais je suis trop fatigué», «Je ne
fais que dormir entre les examens, et la
nuit je n’arrive plus à dormir parce que
je réfléchis trop!».
Certains patients s’effacent, n’osent
pas «déranger» autrement que pour des
soins techniques. Beaucoup de patients
disent éprouver des difficultés à poser
des mots sur ce qu’ils ressentent durant
leur hospitalisation. Avec le recul, beau-
coup m’ont expliqué comment leurs
angoisses et leurs questionnements
existentiels se traduisaient par un com-
portement agressif, opposant, ou in-
liers sont organisés ensuite en ambula-
toire et un bilan post-greffe a lieu tous
les ans.
L’annonce de la greffe
Al’annonce d’un diagnostic, le méde-
cin explique de manière accessible ce
qu’est la maladie, quels sont les risques
possibles et surtout les solutions qui
existent. Or le patient a un vécu, des ex-
périences peut-être traumatisantes, des
conceptions et des croyances concer-
nant la maladie. Alors qu’il est encore
sous le choc de l’annonce, on lui deman-
de d’absorber toutes les informations et
d’accepter de se soumettreaux solu-
tions souvent contraignantes. Le patient
abesoin de se sentir écouté, respecté,
compris et inclus dans cette situation
qui est la sienne. L’annonce de la greffe
comme seule alternative thérapeutique
est souvent difficilement vécue car elle
confirme la limitation de l’espérance de
vie. La transplantation apparaît aléatoi-
re, car dépendante d’un don. «Le pa-
tient doit également intégrer l’idée qu’il
adésormais besoin d’un autre pour
vivre, et que cet autreest mort. Pour
s’adapter à cette réalité, il lui faut initier
le processus de deuil de son organe na-
tif, étape indispensable dans l’objectif
d’une greffe, ce que son narcissisme
peut lui rendre difficile» relève Pascale
Dendauw, psychiatre du service de
transplantation des HUG.
Pouvoir s’exprimer
Pouvoir s’exprimer librement sur son
ressenti, ses interrogations, ses peurs,
ses croyances, ses doutes est un besoin
essentiel. Un dialogue ouvert, sans ju-
gement, permet d’obtenir des réponses
sur la réalité de la vie du patient, de la
greffe, de faire le tri, d’ouvrir vers des
réflexions. L’équipe devrait pouvoir ac-
cueillir et explorer l’ambivalence du
patient, et lui restituer son librear-
bitre. Une relation de confiance et un
espace de communication libre favori-
sent une meilleurepréparation, même
s’il apparaît que de se projeter dans
quelque chose de si inconnu reste diffi-
cile. «Un espace où la personne en at-
tente de greffe d’organe pourrait se
montrer sans fard, sans faux-semblant,
avec ses zones d’ombre, ses faiblesses
(...). Un espace où il y aurait simple-
adapté, ce qui engendredes difficultés
relationnelles avec l’équipe.
L’importance des échanges
Cette hospitalisation est aussi l’occa-
sion de rencontrer et d’échanger avec
d’autres patients: certains en bilan pré-
greffe également, d’autres en phase ai-
guë post-greffe immédiate ou encore
des patients transplantés depuis plu-
sieurs années. Madame P., 42 ans, ma-
riée, 2 enfants, atteinte d’une cirrhose
biliaireprimitive relate: «... et déjà voir
qu’on n’est pas la seule. On sait très bien
qu’il y a des personnes qui sont trans-
plantées, mais on a tendance à être
égoïste dans ces moments-là, et se dire
qu’on est toute seule. (...)».
Mais cela peut-êtreaussi l’occasion de
se confronter à une réalité plus difficile,
comme Monsieur T., 43 ans, en stade
terminal d’une cholangite sclérosante
primitive, d’une hépatite auto-immune
et d’abus d’alcool. Il partage une
chambreavec deux autres patients
transplantés dont l’état de santé est pré-
occupant. «Il est déjà greffé, lui?! Il est
pireque moi! C’est trop impressionnant,
La greffe constitue une véritable
épreuve pour la famille du patient.
Même éprouvée, cette famille conser-
ve un rôle de premier plan, et sa par-
ticipation active à la prise en charge
du patient mérite d’être soutenue. La
maladie engendre fréquemment une
redistribution des rôles. Dans les ma-
ladies chroniques, l’entourage a sou-
vent un rôle phare, que ce soit de ma-
nièrepositive, avec un soutien moral
efficace ou la gestion pratique au quo-
tidien de la maladie, ou au contraire,
négatif par l’entretien d’un climat dé-
favorable à l’observance. La maladie
chronique modifie les liens affectifs
pouvant aller du surinvestissement à
la désimplication, créant un climat
émotionnel autour de la maladie. La
communication est souvent pertur-
bée au sein de la famille, allant de la
sur-information aux non-dits.
L’angoisse de la famille
Du surinvestissement
àla désimplication