Un événement majeur, aux conséquences sous-estimées

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Culture des soins
Transplantation d’organes
Un événement majeur, aux
conséquences sous-estimées
Le contexte de transplantation bouleverse tout dans la vie du patient et de ses proches. Ces
bouleversements sont source de réactions émotionnelles se traduisant par des comportements
qui déroutent parfois les soignants. Cet article a pour but de les aider à mieux comprendre.
AURÉLIE LE FLOCH
L A transplantation est perçue comme
une expérience bouleversante, éthiquement complexe, qui soulève des questions existentielles, nourries par des
Assailli par des
questions existentielles, le patient
peut perdre ses
repères.
Photo: Bilderbox
croyances et des représentations. Les
dimensions de la maladie chronique
telles que l’image corporelle, l’estime
de soi, l’ambivalence, le rôle de la maladie dans la vie du patient et dans celle de son entourage, l’adhérence théra-
peutique font partie du quotidien des
patients et des soignants qui les suivent. Bien que les problèmes ou difficultés soient ressentis de manière
abstraite, confuse ou dispersée, ils ne
sont jamais mieux connus que par la
personne elle-même. Il s’agit de lui permettre de comprendre ce qui est problématique pour elle, et remobiliser ses
ressources intérieures pour lui permettre de s’adapter au mieux à sa situation.
Le parcours d’un candidat
à la greffe
D’abord orientés par leur médecin
traitant chez un gastro-hépatologue ou
un néphrologue, les patients sont accueillis dans le service de transplantation pour un bilan pré-greffe. Ensuite la
décision de mise en liste d’attente peut
être effective ou contre-indiquée, de
manière temporaire ou définitive. Les
patients en liste sont suivis dans le
service ambulatoire, voire en hospitalisation, afin que l’évolution de la maladie soit réévaluée régulièrement. Lorsqu’un organe est compatible,
ils sont convoqués par les
coordinatrices. En postgreffe, après un séjour aux
soins intensifs, les soins
aigus et l’éducation
thérapeutique
sont
assurés dans le service de transplantation jusqu’à leur
retour à domicile ou en convalescence. Des
contrôles régu-
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liers sont organisés ensuite en ambulatoire et un bilan post-greffe a lieu tous
les ans.
L’annonce de la greffe
A l’annonce d’un diagnostic, le médecin explique de manière accessible ce
qu’est la maladie, quels sont les risques
possibles et surtout les solutions qui
existent. Or le patient a un vécu, des expériences peut-être traumatisantes, des
conceptions et des croyances concernant la maladie. Alors qu’il est encore
sous le choc de l’annonce, on lui demande d’absorber toutes les informations et
d’accepter de se soumettre aux solutions souvent contraignantes. Le patient
a besoin de se sentir écouté, respecté,
compris et inclus dans cette situation
qui est la sienne. L’annonce de la greffe
comme seule alternative thérapeutique
est souvent difficilement vécue car elle
confirme la limitation de l’espérance de
vie. La transplantation apparaît aléatoire, car dépendante d’un don. «Le patient doit également intégrer l’idée qu’il
a désormais besoin d’un autre pour
vivre, et que cet autre est mort. Pour
s’adapter à cette réalité, il lui faut initier
le processus de deuil de son organe natif, étape indispensable dans l’objectif
d’une greffe, ce que son narcissisme
peut lui rendre difficile» relève Pascale
Dendauw, psychiatre du service de
transplantation des HUG.
Pouvoir s’exprimer
Pouvoir s’exprimer librement sur son
ressenti, ses interrogations, ses peurs,
ses croyances, ses doutes est un besoin
essentiel. Un dialogue ouvert, sans jugement, permet d’obtenir des réponses
sur la réalité de la vie du patient, de la
greffe, de faire le tri, d’ouvrir vers des
réflexions. L’équipe devrait pouvoir accueillir et explorer l’ambivalence du
patient, et lui restituer son libre arbitre. Une relation de confiance et un
espace de communication libre favorisent une meilleure préparation, même
s’il apparaît que de se projeter dans
quelque chose de si inconnu reste difficile. «Un espace où la personne en attente de greffe d’organe pourrait se
montrer sans fard, sans faux-semblant,
avec ses zones d’ombre, ses faiblesses
(...). Un espace où il y aurait simple-
ment de la place pour un dire authentique.» (Spoljar)
On observe que les patients ont besoin
de se tourner davantage vers la religion,
dans toute la période péri-transplantation. Dans les représentations, le cœur
constitue l’organe le plus symbolique,
avec une grande composante émotionnelle. Suit le foie qui véhicule les humeurs.
Dans le cas particulier des affections
hépatiques fulminantes, les patients
n’ont pas le temps de s’adapter émotionnellement d’une bonne santé à une
situation d’urgence vitale. Cela signifie
que le deuil se fera à posteriori, et un encadrement plus intense épaulera le patient dans ce douloureux cheminement.
Mais l’expérience nous montre que l’acceptation de la greffe et de son nouvel
état de patient chronique, avec des précautions au quotidien, est en général
très difficile et beaucoup plus longue.
Le bilan pré-transplantation
Le bilan pré-transplantation permet
de rencontrer l’équipe pluridisciplinaire
et de tisser les premiers liens du partenariat. L’entretien d’accueil constitue
donc le premier contact soignant-soigné
dans un long processus d’apprentissage
dans le contexte très particulier d’une
transplantation.
Fréquemment, à leur arrivée, les patients montrent des signes d’ambivalence, d’anxiété et attendent avec un mélange d’impatience et de réticence le
planning des investigations. L’état de
santé souvent précaire des candidats à
la greffe hépatique peut compliquer les
gestes invasifs. Le rythme soutenu des
examens et consultations éprouve ces
patients déjà épuisés physiquement et
émotionnellement déstabilisés. L’équipe
entend souvent: «J’aurais eu besoin de
parler, mais je suis trop fatigué», «Je ne
fais que dormir entre les examens, et la
nuit je n’arrive plus à dormir parce que
je réfléchis trop!».
Certains patients s’effacent, n’osent
pas «déranger» autrement que pour des
soins techniques. Beaucoup de patients
disent éprouver des difficultés à poser
des mots sur ce qu’ils ressentent durant
leur hospitalisation. Avec le recul, beaucoup m’ont expliqué comment leurs
angoisses et leurs questionnements
existentiels se traduisaient par un comportement agressif, opposant, ou in-
L’angoisse de la famille
Du surinvestissement
à la désimplication
La greffe constitue une véritable
épreuve pour la famille du patient.
Même éprouvée, cette famille conserve un rôle de premier plan, et sa participation active à la prise en charge
du patient mérite d’être soutenue. La
maladie engendre fréquemment une
redistribution des rôles. Dans les maladies chroniques, l’entourage a souvent un rôle phare, que ce soit de manière positive, avec un soutien moral
efficace ou la gestion pratique au quotidien de la maladie, ou au contraire,
négatif par l’entretien d’un climat défavorable à l’observance. La maladie
chronique modifie les liens affectifs
pouvant aller du surinvestissement à
la désimplication, créant un climat
émotionnel autour de la maladie. La
communication est souvent perturbée au sein de la famille, allant de la
sur-information aux non-dits.
adapté, ce qui engendre des difficultés
relationnelles avec l’équipe.
L’importance des échanges
Cette hospitalisation est aussi l’occasion de rencontrer et d’échanger avec
d’autres patients: certains en bilan prégreffe également, d’autres en phase aiguë post-greffe immédiate ou encore
des patients transplantés depuis plusieurs années. Madame P., 42 ans, mariée, 2 enfants, atteinte d’une cirrhose
biliaire primitive relate: «... et déjà voir
qu’on n’est pas la seule. On sait très bien
qu’il y a des personnes qui sont transplantées, mais on a tendance à être
égoïste dans ces moments-là, et se dire
qu’on est toute seule. (...)».
Mais cela peut-être aussi l’occasion de
se confronter à une réalité plus difficile,
comme Monsieur T., 43 ans, en stade
terminal d’une cholangite sclérosante
primitive, d’une hépatite auto-immune
et d’abus d’alcool. Il partage une
chambre avec deux autres patients
transplantés dont l’état de santé est préoccupant. «Il est déjà greffé, lui?! Il est
pire que moi! C’est trop impressionnant,
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Une lourde dette
La tyrannie
du cadeau
Malgré l’accent mis sur l’importance de l’anonymat des donneurs, il a
été démontré à plusieurs occasions
que les receveurs expérimentaient
une frustration dans leur sentiment
d’être redevables envers la famille
donneuse pour l’extraordinaire acte
de générosité dont elle a fait preuve.
C’est ce que R. C. Fox et J. Swazey
nomment la «tyrannie du cadeau», à
savoir l’impossibilité évidente de
rendre au donneur, dans le don cadavérique, qui instaure un état de dette
négatif. «Si les greffés tendent à établir un rapport symbolique personnalisé avec le donneur disparu, le rapport potentiel réel avec sa famille
tend, lui, à être volontairement minimal. Le lien personnel symbolique
avec le donneur – lien positif – s’oppose donc au lien réel concret avec sa famille – lien négatif menaçant. Pour le
réel, on préfère donner à un tiers. (...)
Quand on observe comment le don
d’organes est reçu, on constate qu’une
part importante des receveurs refuse
de matérialiser l’organe. Ils vivent
l’expérience du don.» (J. T. Gobout).
je ne pourrais jamais affronter ça. J’ai
besoin de prendre du recul. (...) Je ne
m’attendais pas ça.»
L’attente sur liste
Plus tard, la période d’attente sur liste nourrit de nouvelles interrogations,
doutes et découragements voire désespoirs à mesure qu’elle s’allonge. L’ambivalence peut réapparaître et une fois encore, le patient doit être soutenu. Se positionner quant à la suite à donner est
déterminant dans l’orientation à suivre
par le patient et ses proches, et par
l’équipe.
De plus, l’expérience nous a montré
que les patients qui ne sont pas fondamentalement convaincus du bien-fondé
de la greffe ont plus de difficulté à
s’adapter aux exigences du suivi postgreffe, par rapport à ceux qui ont fait le
deuil de leur santé antérieure. Souvent,
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lors de complications ou du premier rejet, on entend: «Si j’avais su, j’aurais
refusé la greffe. C’est trop dur.» Ou «Ca
a servi à quoi? C’est pire qu’avant!». Le
temps pré-greffe est un facteur important dans cette préparation.
Un choix éclairé
Le succès d’une transplantation réside dans la bonne préparation de cette
greffe; le patient doit pouvoir choisir de
manière éclairée s’il accepte ou non la
transplantation et son univers. Cela signifie qu’il doit être informé de manière
objective de la réalité des contraintes,
des précautions et des risques qu’engendre une transplantation. Les aspects
psychosociaux peuvent influencer l’évolution post opératoire. Donner des informations essentielles pour une meilleure
prise en charge des patients et la condition psychologique du patient sont des
facteurs déterminants pour la réussite
de la transplantation. «Les besoins d’information perçus par le patient et les
soignants ne sont pas tout à fait superposables: le patient peut ressentir des
besoins non perçus par le soignant et inversement. Face à cela, ce qui semble le
plus évident à aborder en premier lieu,
ce sont les questionnements communs
aux patients et aux soignants.» (A. Deccache).
Habitudes de vie
L’importance de l’hygiène de vie a été
démontrée; une bonne qualité de vie
chez les transplantés en dépend. En
amont de la greffe, certaines habitudes
de vie peuvent être identifiées comme
problématiques; dans certains cas, des
solutions seront proposées. On observe
fréquemment chez les patients atteints
d’affections hépatiques terminales une
fonte musculaire importante, conséquence de la maladie et des déséquilibres alimentaires. Cependant, après
la transplantation, les traitements immunosuppresseurs et les soins aigus
ont également un effet négatif sur la
musculature. Il est donc important de
préserver autant que possible un capital musculaire par une alimentation et
une activité physique adaptées. Le bilan pré-greffe est l’occasion d’informer
et de proposer des stratégies personnalisées et réalisables au quotidien.
D’autre part, les immunosuppresseurs et la cortisone peuvent induire un
diabète, plus ou moins réversible à la
diminution progressive des doses, ou
déstabiliser un diabète préexistant.
Dans ce dernier cas, il est important
d’en vérifier les connaissances, le degré d’acceptation et d’observance.
Ne pas attendre des miracles
Selon les pathologies de base, des
spécificités peuvent être attendues. La
tolérance des immunosuppresseurs est
différente selon qu’il s’agit d’une amyloïdose portugaise, une cirrhose alcoolique ou une cirrhose biliaire primitive
par exemple. Les symptômes de certaines maladies sont réversibles avec la
transplantation, comme c’est le cas avec
l’encéphalopathie hépatique alcoolique,
et pour d’autres maladies, les séquelles
ne disparaîtront pas, comme c’est le cas
de Mesdames D. C. et M. qui conservent
leurs douleurs neuropathiques et leurs
diarrhées.
L’observance rigoureuse de règles
d’hygiène de vie, la prise d’immunosuppresseurs à vie, couplée aux examens biologiques et histologiques réguliers constituent la condition sine qua
non de la réussite de cette entreprise.
Cette compliance, si nécessaire et
évidente pour l’équipe, l’est souvent
beaucoup moins pour le patient, surtout avec une co-morbidité tabagique,
alcoolique ou toxicologique. Or, comme
l’analyse le Docteur Nicolas de Tonnac:
«Nombreux deviennent abstinents du
seul fait de la précarité de leur état
de santé. La question est alors de savoir si lors du rétablissement de leur
fonction normale, les habitudes toxicomaniaques reprendront. On peut
considérer que la dépendance à des
substances psychoactives est une automédication dans le but de se substituer
à la relation thérapeutique dans une vision autarcique.» Ce qui démontre l’importance de l’évaluation psychologique
voire psychiatrique en pré-greffe, et de
l’adaptation du soignant dans sa relation avec le patient.
L’organe étranger
Si l’aspect technique est le plus souvent résolu, l’angoisse manifestée par
les patients greffés, leurs questions
concernant le donneur, et certains comportements de non-adhérence thérapeutique attirent notre attention sur
leur difficulté à vivre cette «incorporation» d’un organe étranger. Malgré la
joie de pouvoir «revivre» et la sécurité
procurée par l’éloignement du danger
imminent, il peut ressentir les difficultés
suivantes:
• la privation d’un entourage constant et
soutenant le confrontant à la solitude,
• la nécessité de retrouver sa place dans
un système familial que la maladie
avait modifié, pour être plus solitaire,
et qui devra se renégocier pour lui laisser reprendre son rôle,
• le besoin de se reconnaître dans les
changements psychiques qui se sont
opérés au cours de ce qu’il a vécu, qu’il
ne s’attribue pas toujours et qu’il peut
fanstasmatiquement imputer à l’identité du donneur,
• la perspective de se reconstruire
(P. Dendauw).
L’après-greffe
Après la greffe, certains patients s’effondrent à la moindre contrariété, quelle concerne leur santé ou non. D’autres
qui avaient lutté avec détermination jusqu’à la greffe se disent épuisés, ne plus
avoir la force nécessaire. D’autres encore ne supportent pas leur dépendance
relative aux soignants. D’autres enfin
subissent de nouveaux désagréments,
plus ou moins importants, liés aux immunosuppresseurs ou à la greffe ellemême, et ne les supportent pas.
Certains patients cirrhotiques avaient
observé leur déchéance physique jusqu’à ne plus la voir. Avec les multiples
hospitalisations passées et les soins
aigus post-greffe, ils ont perdu leur pudeur et se détachent émotionnellement
de ce corps qui appartient à la médecine depuis des mois, et qu’ils ne reconnaissent plus.
Certains négligent leurs auto-surveillances, leur prise de médicaments
tout en manifestant une angoisse vis-àvis d’une sortie jugée prématurée qui les
laisse seuls face à une nouvelle vie.
Des entretiens de qualité
Selon Alain Deccache, l’accompagnement et la prise en charge des patients
chroniques seront améliorés si:
Ecoute, compréhension, empathie et patience sont fondamentales.
• les soignants concernés travaillent
plus en équipe, de manière concertée,
complémentaire et collaborative (et
donc en réseau)
• les soignants travaillent de manière
plus empathique avec les patients, en
étant plus à leur écoute, et en les aidant à apprendre et à prendre
conscience de leurs propres actions et
choix de santé
• les soignants maîtrisent bien les divers
facteurs qui entrent en compte dans la
manière qu’ont les patients de vivre
leur état, leur situation, leurs traitements, et d’y faire face.
C’est dans cette logique que cet article
tend à éclairer sur le vécu des patients
autour de la transplantation d’organes.
En complément, des ateliers menés dans
le cadre de mon projet de recherche-action ont permis une réflexion d’équipe
sur les notions d’écoute, de croyances et
de représentations, et de développer des
compétences relationnelles pour mieux
comprendre les besoins des patients
concernés par la transplantation. L’empathie et un entretien ciblé sur le vécu
de la personne permettent de construire
une relation de confiance; un partenariat dans lequel le patient et le soignant
vont négocier des stratégies d’adaptation personnalisées et concrètes comme dans une alliance. Ainsi, l’adhésion
au traitement sera favorisée. Cette
situation d’entretien détermine avec ses
caractéristiques propres les compor-
Photo: Martin Glauser
tements de ses interlocuteurs. Des modèles de dynamique d’entretien et de
réponses induites régissent cette technique. Car il s’agit bien d’une technique
précise qui demande la maîtrise de l’entretien non-directif, la reformulation,
etc, et qui requiert des qualités personnelles telles que l’attention positive, la
congruence et la compréhension empathique.
■
Contact: [email protected]
Références
Dendauw P., Deuil et transplantation, mémoire
de FMH de psychiatrie, HUG.
Spoljar P., L’accompagnement du patient greffé,
un travail sur les liens, Pratiques psychologiques 14 (2008) 323–38.
Deccache A., Du travail éducatif à l’évaluation
des besoins, des effets et de la qualité de l’éducation du patient: méthodes et techniques individuelles et de groupes, Bulletin d’Education du Patient, l.15 n°3 (1996).
De Tonnac N., Intervention psychosociale et psychiatrique dans le cadre de greffe d’organes,
Cahiers psychiatriques 22 (1997) 161–167.
Fox R.C. et Swazey J., Spare parts organ replacement in American society, Oxford University
Press New York, (1992).
Godbout J.T., Le don, la dette et l’identité dans le
don d’organe, Paris, La Découverte et Montréal, Boréal (2000).
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