désignations générales et réductrices.
La création artistique, qui est l’expression même de la liberté et de l’ouverture, constitue dans « le monde arabe »
un acte de résistance. L’exigence esthétique n’est-elle pas ce qui élève et travaille toute éthique ou politique ?
Surtout en ce qui concerne le spectacle vivant qui, à la différence des autres formes artistiques, permet un
déplacement plus direct des valeurs morales et politiques. Et c’est pour cette raison qu’il est le premier domaine
artistique à être la cible de la volonté de contrôle et de censure de la part des institutions et des sociétés dans cette
région. Permettre donc aux artistes arabes d’exprimer leur créativité devient une urgence qui va les encourager et
leur permettre de continuer à déconstruire tout cet héritage patriarcal et logocentrique. Le théâtre, par exemple, a
une histoire récente dans le « monde arabe », mais les artistes de ces pays ont vite compris que c’est à travers un
passage par cet art « étranger » à leur culture qu’ils peuvent sortir d’un certain enfermement, et déclore ainsi les
structures des rapports entres les individus et les communautés sans renier leur héritage culturel et symbolique,
mais en travaillant avec lui, contre lui. À partir d’une visée stratégique, le projet Siwa essaie donc de faire connaître
et reconnaître ces artistes dans le monde occidental afin de leur permettre une plus grande liberté, et une immunité
dans leurs pays, et diminuant ainsi la censure exercée sur leurs performances.
Le travail en réseau s’impose par conséquent à Siwa comme le moyen le plus efficace d’arriver à tous ces objectifs
cités plus haut. La collaboration entre artistes et structures européens d’une part, et artistes et structures arabes de
l’autre permettra ce travail d’innovation et de rupture que cherche à mettre en évidence le projet. Cette rencontre et
cet échange entre artistes des deux cultures montreront clairement les différences et l’inégalité des moyens qu’ont
les artistes des deux contrées ; les artistes du « monde arabe » sont dépourvus de toute aide et financement de la
part des États qui restent craintifs à l’égard de toute innovation artistique. Ainsi, Khalid Roui’i, metteur en scène
bahreïni affirme : « L’institution officielle est totalement hors sujet, et la communication entres créateurs et artistes
ne la concerne pas. Absolument pas. […] Nos institutions politiques dans le monde arabe représentent un cas
spécial : la culture ne les intéresse pas… d’ailleurs, je peux imaginer la situation alarmante qui nous attend même
dans les dix prochaines années. Car, fondamentalement, il n y a pas une importance accordée à la culture, ou même
aux arts et à la création d’une manière générale. » 2
Aussi la création artistique dans le domaine du spectacle vivant ne va pas sans la question de l’écriture. On a décidé
au niveau du projet Siwa de privilégier les textes dramatiques contemporains non traduits. C’est-à-dire des textes
qui puisent leurs sources dans la réalité présente. Une commission qui va être créée pour sélectionner des textes qui
vont être traduis et publiés en français.
En ce qui concerne le public, le projet Siwa donnera une importance particulière au public issu de la tradition
musulmane peu habitué au spectacle vivant, en lui proposant des actions de sensibilisation et en lui montrant ce qui
travaille sa culture de l’intérieur, et ce qui la relie à travers la création artistique. Siwa cherchera aussi à toucher un
public familiarisé avec les performances artistiques, ayant une pratique culturelle de spectateur, et lui fera découvrir
ces thématiques du projet.
La première édition de Siwa, qui sera plutôt un épisode « pilote », aura lieu les 7, 8 et 9 juin 2007 au théâtre de la
Cité internationale et aura des formes multiples (en fonction des partenariats) allant de différentes présentations à
des rencontres/débats sur des questions qui touchent les problématiques concernant la création artistique dans le
monde arabe : la projection d’un documentaire sur le festival de théâtre de Amman (Jordanie) ; une rencontre/
débat sur la mobilité de l’artiste du monde arabe et les problèmes liés à cette question ; des témoignages d’artistes
metteurs en scène/chorégraphes invités sur leurs expériences des libertés ; des lectures croisées : mise en espace
de textes contemporains arabes en partenariat avec le Jeune Théâtre national présentée par deux équipes
artistiques (une équipe française dirigée par Michel Cerda et une équipe de jeunes comédiens irakiens dirigée par
Haytham Abderazzak) et une présentation de danse (en cours) et de théâtre avec le texte de Christophe Martin,
http://www.arcadi.fr/publications/larevue/print.php?article=92 (3 sur 4) [09/07/2007 14:49:24]