22/09/2016 UE 2. UE 2.11. PHARMACODYNAMIE DES MÉDICAMENTS S DUMITRESCU SEPTEMBRE 2016 INTRODUCTION Institut de Formation Interhospitalier Théodore Simon– Tous droits réservés 2016/2017 Définition médicament • Art. L-511 du CSP: « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ». Fonctions médicaments • Fonction thérapeutique: – Préventive – Curative • Fonction de diagnostique (explorations fonctionnelles) Classification des médicaments selon leurs fonctions • • • • Médicaments à usage préventif :administration à un sujet sain en vue de prévenir la maladie. – Exemple : les vaccins antiviraux (hépatite b…) et antibactériens (coqueluche). Médicaments de substitution :pour pallier à une carence de l'organisme. – A) soit d'origine exogène ou alimentaire • Exemple : administration de minéraux (fer,calcium, fluor…) Ou de vitamines (vit D, vit A,…) – B) soit d'origine endogène • Exemple: administration d'insuline chez le diabétique Médicaments étiologiques: supprimant la cause première de la maladie – Exemple : antibiotiques, antiviraux, antifongiques,… Médicaments symptomatiques: supprimant les symptômes d'une pathologie : ils constituent la majorité des médicaments disponibles. – Exemple : anti-douleurs, anti-hypertenseurs, anti-inflammatoires, antiépileptiques… PHARMACODYNAMIE 1 22/09/2016 Définition • Branche de la pharmacologie – Etudie les effets du médicament sur l’organisme (bénéfices et effets secondaires) – S’intéresse: • Aux propriétés du médicament • Au mécanisme d’action du médicament • À la réponse physiologique à l’action du médicament • À la mesure de l'intensité de la réponse pharmacologique Effet pharmacodynamique • On appelle effet pharmacodynamique une modification mesurable et reproductible, fonctionnelle ou organique, provoquée par un médicament dans un système biologique appelé « effecteur ». Famille pharmacologique • Un médicament provoque un ou plusieurs effets pharmacodynamiques, pour des doses qui peuvent être différentes. • Un médicament possède : – un effet principal, utilisé en thérapeutique – des effets secondaires (latéraux), qui sont: • utiles ou • indifférents ou • gênants ou • nuisibles. Effet pharmacologique versus effet thérapeutique • L’interaction du médicament avec son site d’action va entraîner, via des mécanismes de signalisation intracellulaire, un effet pharmacologique quantifiable au niveau: – de la cellule, – d’un organe isolé (ex :contraction d’artère isolée, …) ou – de l’organisme entier (ex : augmentation de la pression artérielle). • Cet effet pharmacologique est suivi généralement d’un effet thérapeutique. • Il est important de bien dissocier l’effet pharmacologique de l’effet thérapeutique. • Un même effet pharmacodynamique peut être provoqué par plusieurs médicaments ; • Une famille pharmacologique est constituée par l’ensemble des médicaments ayant un effet pharmacodynamique commun. • Les membres d’une famille pharmacologique ont en commun l’effet principal tandis que les effets secondaires peuvent différer selon les substances. Exemple • Par définition, les antiagrégants plaquettaires ont, in vitro, un effet pharmacologique correspondant à l’inhibition de l’agrégation plaquettaire (effet biologique). • L’effet thérapeutique qui résulte de cet effet pharmacologique est de diminuer le risque de thrombose et d’embolie artérielles (effet observable cliniquement). 2 22/09/2016 • La mise en évidence de l’effet pharmacologique est du ressort de la pharmacodynamie (des études précliniques in vitro) • La mise en évidence de l’effet thérapeutique est du ressort de la pharmacologie clinique (les essais cliniques). A. Non Spécifique B. Spécifique MÉCANISMES D'ACTION DES MÉDICAMENTS A. Médicaments à action non spécifique • Certains médicaments agissent grâce à leurs propriétés physiques (volume, pouvoir couvrant, etc.) – Ils modifient les propriétés physico-chimiques du milieu extra cellulaire (pouvoir osmotique, équilibre acido-basique, équilibre électrolytique, etc.). • Pas d’interaction avec site cellulaire ou un organe spécifique Exemples • Crème solaire, • Lotion siliconée anti poux • Huile de paraffine pour la constipation(laxatifs a action osmotique) • Pansements et anti acide pour les ulcères(Hydroxyde d’Al+ hydroxyde de Mg MAALOX®) • Mannitol: diurétique osmotique • Charbon: adsorbant B. Médicaments à action spécifique 1. Substitution 2. Interaction métabolique 3. Interaction avec les canaux ou transports ioniques 4. Interaction avec des exo-biotiques 5. Interaction avec les cibles des substances endogènes 1. Action substitutive • Nature de la carence : enzymes, vitamine, hormones • Défaut de synthèse : – – – – Insuline chez le patient diabétique, Facteurs de coagulation chez le patient hémophile, Dopamine (L dopa) chez le patient parkinsonien , Œstrogènes chez la femme ménopausée • Défaut d'apport : – Vitamine D (rachitisme), – Vitamine B12 (anémie de Biermer) 3 22/09/2016 2. Interaction avec le métabolisme d'une substance endogène • Blocage de la synthèse ou stimulation de la dégradation d'une substance endogène. Ex : • Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine ( IEC) : Inhibition de la synthèse de l'angiotensine II à partir de l'angiotensine I. • Statines: Inhibition de la synthèse du cholestérol par inhibition de l'HMG-CoA réductase (hydroxy methyl glytaryl Co-enzyme A reductase) • Anticoagulants oraux (Previscan, Sintrone): Inhibition des vitamines K réductases Inhibiteurs de la pompe à protons: (omeprazol Mopral®), Inexium® ) Traitement de l’ulcère gastrique 5.Interaction avec les cibles des substances endogènes 3. Interaction avec les canaux membranaires ou des systèmes de transport ionique transmembranaire a) Canaux ioniques dont l’ouverture est activée par le potentiel de membrane – Canaux Ca 2+ : cible des «anticalciques» ou «antagonistes calciques» :Vérapamil, Diltiazem et Dihydropyridines. • Blocage de l’entrée de Ca2+ du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire via les canaux Ca2+. – Canaux Na+ : cible des anesthésiques locaux (lidocaine Xylocaine®) • Blocage du passage du courant sodique et de la dépolarisation de la membrane cellulaire, bloquant ainsi la genèse ou la conduction de l’influx nerveux. b) Pompes ioniques: structures protéiques qui assurent des échangent d’ions à contre-courant des gradients de concentrations – pompe Na/K ATPase: digitaliques – pompe Na/H+ ATPase: Inhibiteurs pompe à protons 4. Interaction avec des exo-biotiques: bactéries/virus parasites/champignons • Les médicaments agissent sur des cibles spécifiques de ces agents tels que des enzymes, des récepteurs • Ils peuvent inhiber la synthèse des constituants des microorganismes indispensables à leur développement ou à leur survie Exemples: • Antibiotiques beta-lactamines: inhibition de synthèse de la paroi bactérienne, • Quinine, chloroquine : inhibition du cycle de maturation du plasmodium falciparum • Les inhibiteurs de la transcriptase inverse du virus VIH. Définition d’un récepteur • Les récepteurs représentent la cible principale des médicaments. • Les récepteurs sont des protéines qui jouent un rôle physiologique dans les systèmes de communication de l'organisme; un récepteur est une structure moléculaire qui reçoit, traite et transmet de l’information. 4 22/09/2016 Interaction du médicament avec un récepteur • Les récepteurs se lient à des ligands. • Le ligand est toute substance capable de se lier à un récepteur. – des ligands naturels (hormones, neuromédiateurs, un facteur de croissance) ou – des ligands artificiels tel que les médicaments. • La dénomination des récepteurs se fait à partir de leur ligand usuel : ex : – Les récepteurs béta adrénergiques (ligand= adrénaline), – Les récepteurs dopaminergiques (ligand= dopamine) Transduction du message • En se fixant sur le récepteur, le ligand provoque une modification de celui-ci appelée « stimulus ». Médicament Récepteur Processus biochimique Effet Fixation Stimulus Couplage pharmaco dynamique • Le stimulus ne provoque pas directement l’effet pharmacodynamique • Le stimulus déclenche d’autres processus biochimiques intracellulaires qui constituent le phénomène de « couplage » ou transduction du message, qui est à l’origine de l’effet pharmacodynamique. Localisation de récepteurs • Les récepteurs peuvent être localisés : – Sur la membrane plasmique – Dans le milieu intracellulaire ou – Dans le noyau de la cellule. • Pour un médicament donné, l'organisme pourra avoir de nombreux récepteurs à différents endroits. • Au contraire les récepteurs peuvent être très localisés, dans ce cas la réponse au médicament sera unique. • Enfin un même organe peut renfermer des récepteurs de différents médicaments. Les différents types de récepteurs A. Les récepteurs localisés dans la membrane plasmique: ce sont des récepteurs transmembranaires classés en : a. Récepteurs couplés aux protéines G, b. Récepteurs à activité de canal ionique, c. Récepteurs enzymes. B. Les récepteurs localisés dans le noyau cellulaire: ce sont des récepteurs nucléaires 5 22/09/2016 • La fixation d'un ligand sur un récepteur induit un effet spécifique de cette fixation. • L'étude expérimental de cette action comporte deux aspects : – La fixation sur le récepteur: relation ligand - récepteur – L'induction de l'effet proprement dit: relation doseeffet (ou concentration - effet). ETUDES DE LA FIXATION LIGAND RECEPTEUR Relation ligand - récepteur Courbes de liaison La courbe de liaison permet de caractériser la relation ligand/récepteur • Cette courbe montre que lorsque leur concentration augmente, les ligand occupent de plus en plus de récepteurs, pour atteindre finalement la saturation au moment où tous les récepteurs sont occupés (100%). • La concentration qui correspond à l’occupation de 50% des récepteurs est la constante de dissociation du complexe ligand-récepteur et se représente par le symbole Kd. • Dans l’organisme humain, le nombre de récepteurs est limité. • Lorsqu’on augmente la concentration en ligand (un médicament, par exemple), les récepteurs sont progressivement occupés par des molécules de ligand qui s’y fixent et se saturent peu à peu. • On peut représenter graphiquement l’évolution de cette occupation jusqu’à la saturation de tous les récepteurs (occupation 100%) quand on augmente la concentration de ligand • Comme les concentrations en PA (ligand) peuvent varier considérablement on représente généralement la saturation par des courbes semi-logarithmiques (l’axe des abscisses exprime le logarithme des concentration au lieu de concentration brutes) 6 22/09/2016 L'affinité • La capacité de fixation d’un ligand à son récepteur est appelée affinité. • Elle est caractérisée par la concentration du ligand occupant 50 % des récepteurs (constante de dissociation : Kd) Affinité = 1/Kd • L ’affinité d’un médicament pour un récepteur est d’autant plus grande que la concentration nécessaire pour obtenir la réponse de l’effecteur est faible Sélectivité Une substance est dite sélective pour un récepteur : • Si elle présente une affinité plus élevée pour ce récepteur par rapport aux autres récepteurs (plus faible Kd) • Si elle induit un effet donné sur ce récepteur à une dose (ou une concentration) plus faible que les doses nécessaires pour agir sur les autres récepteurs. • La sélectivité disparaît avec l ’augmentation des doses ou concentrations • Toute substance est un poison et aucune n’est inoffensive. C’est simplement la dose qui fait qu’une substance n’est pas toxique (Paracelse 1493-1541) Relations dose-réponse Courbe dose-réponse. Intérêt thérapeutique de la selectivité : • La sélectivité d’action permet d’éviter certains effets indésirables • Exemple : les agonistes non sélectifs des récepteurs beta (beta 1 et beta 2) sympathiques sont bronchodilatateurs et tachycardisants • Dans l’asthme on utilise les broncho-dilatateurs sélectifs des récepteurs beta 2 adrénergiques (Ventoline®) • Ils sont peu tachycardisant car ils ont peu d’effet sur les récepteurs beta 1 adrénergiques • Si l’on représente l’intensité de la réponse pharmacologique au médicament au lieu de représenter le pourcentage de récepteurs occupés, on obtient le même type de courbe, qu’on appelle courbe doseréponse. 7 22/09/2016 • L’intensité de la réponse maximale que l’on peut obtenir est notée Emax (effet maximum) – Elle indique l’efficacité d’un médicament • La dose (ou la concentration) qui induit la moitié de l'effet maximal s'appelle la DE50 ou la CE50 – La valeur CE50 d’un médicament représente sa puissance L'efficacité • L'efficacité d'une substance est caractérisée par l'Emax qu'elle induit. • Plus grand sera l'effet maximal, plus efficace sera la substance. • Ainsi, sur la figure , le médicament B est moins efficace que le médicament A. La puissance d'une substance • La DE50 ou la CE50 caractérisent la puissance d'une substance. • Plus elle est faible, plus la puissance de la substance est grande. Ainsi, sur la figure 2, les substances C et D sont moins puissantes que les substances A et B. • Selon le type de réponse pharmacologique obtenu lors de la liaison d’un ligand sur un récepteur, on peut classer les ligands en: – Agonistes – Agonistes partiels – Antagonistes Puissance et efficacité sont 2 notions bien différentes 8 22/09/2016 Un agoniste Médicament agoniste • C’est une substance qui se lie à un récepteur et produit un effet biologique qui reproduit celui du ligand endogène. 1er Exemple : • Lors de la maladie de Parkinson, l’équilibre entre les différentes voies nerveuses centrales de régulation de la motricité est rompu par la dégénérescence des fibres dopaminergiques. • Les agonistes dopaminergiques font partie des traitements de cette maladie. • Ils stimulent les récepteurs dopaminergiques « à la place » de l’agoniste endogène libéré en quantité insuffisante. 2ème Exemple : L’activité intrinsèque • Il existe des récepteurs β-adrénergiques sur le muscle cardiaque. • Leur stimulation physiologique par les catécholamines endogènes (adrénaline, noradrénaline) s’accompagne d’une augmentation de la force de contraction du myocarde. • Dans une situation de détresse cardiocirculatoire associée à un bas débit sanguin, l’utilisation thérapeutique d’agonistes des récepteurs βadrénergiques (dobutamine) permet d’augmenter la force de contraction cardiaque. • Les agonistes se distinguent par leurs activités intrinsèques (α) et leurs puissances (CE50 ou DE50) • L’activité intrinsèque représente la proportion de l’effet max que cet agoniste peut atteindre. • Un agoniste entier à la même efficacité que le ligand endogène: Son activité intrinsèque α =1 • Un agoniste partiel est un agoniste dont l’activité intrinsèque est <1 (ex substance moins forte que la morphine, si donnée à un patient morphinomane, risque de syndrome de sevrage) 9 22/09/2016 Un antagoniste • Un antagoniste est une molécule qui inhibe l’action d’un agoniste sans exercer d’effet en absence de celui-ci. 1er Exemple • Les β-bloquants sont des antagonistes des récepteurs βadrénergiques cardiaques. • Ils s’y fixent sans les activer, ce qui diminue les capacités de fixation des catécholamines endogènes et donc leurs effets. • Le résultat est une diminution de l’activité contractile cardiaque et par conséquent une diminution du débit cardiaque et de la pression artérielle. 2ème exemple • L’histamine est massivement libérée en cas de réaction allergique et la stimulation de ces récepteurs histaminergiques peut s’accompagner de manifestations cutanées (rougeur, urticaire), vasculaires (chute de la pression artérielle), respiratoires (rétrécissement des voies respiratoires, crise d’asthme). • Les médicaments antihistaminiques sont des antagonistes des récepteurs à l’histamine. • Ils préviennent ou diminuent ces réactions allergiques d’hypersensibilité. • Les mécanismes d’action des antagonistes sur les récepteurs et la façon dont ces ligands se fixent sur les récepteurs sont multiples • Ils permettent de distinguer: – Des antagonistes compétitifs (se fixant au niveau du site d'action de la substance endogène) – Des antagonistes non compétitifs(se fixant au niveau d'un site différent) • Un antagoniste non compétitif peut se fixer sur un site autre que le site de fixation de l’agoniste, et cette fixation empêche l’activation du récepteur 10 22/09/2016 Evaluation clinique d’un antagoniste CI50 Antagonistes compétitifs • Un antagoniste n’a pas d’effet propre, son activité intrinsèque est nulle. On ne peut donc pas mesurer directement son effet • La CI50 permet d’évaluer la « puissance » d’un antagonisme L’antagoniste seul ne produit aucun effet L’antagoniste ajouté à un agoniste modifie la réponse du récepteur par compétition sur le site avec l’agoniste. Un antagoniste déplace parallèlement vers la droite la relation dose effet d'un agoniste; Il y a donc diminution de la puissance de l’agoniste. Il faut augmenter les doses d’agoniste pour arriver à décrocher l’antagoniste des sites de fixation; L’antagonisme est donc reversible Antagoniste non compétitif Marge thérapeutique Un antagoniste non-compétitif peut se fixer au site actif du récepteur soit de façon covalente irréversible, soit avec une très forte affinité; Dans les deux cas, la liaison est irréversible Une augmentation de doses (concentration) ne peut pas déplacer l’antagoniste de sa liaison: On observe alors une perte d’efficacité de l’agoniste Il diminue l'effet max obtenu par l'agoniste quand il est seul. • Intègre deux éléments : la dose induisant les effets indésirables (EI) et la dose induisant les effets thérapeutiques (ET) • La marge thérapeutique est le rapport entre les doses provoquant des EI et les doses thérapeutiques 11