CAMERATA POUR LA PAIX
Dimanche 22 avril 2015
TEMPLE PROTESTANT REIMS
C’était il y a cent ans. Le cauchemar avait
commencé en août 1914. Il allait durer 52 mois et
faire 9 millions de morts et 6 millions d’invalides.
Premier mois du conflit : plus de 300000 tués.
Entre août 14 et févier 15, sont tombés près de
40% des 1million 500 mille soldats français tués
pendant toute la durée de la guerre.
1. CHOPIN. Largo de la Sonate pour violoncelle et
piano.
La fièvre patriotique s’empare des deux camps :
sacrifiant études musicales en cours, carrières
artistiques débutantes ou déjà confirmées,
instrumentistes et compositeurs sont nombreux à
s’engager. On veut faire son devoir et on est
persuadé que la guerre sera de courte durée.
2. SCHUBERT. Marche militaire pour piano à 4
mains.
Lui, il signait Claude de France ou Claude Debussy,
musicien français. Dès le début du conflit et
malgré son admiration pour Wagner, il laisse libre
cours à sa germanophobie irréductible. Il n’est pas
mobilisable en raison de son âge. Il a 52 ans et
déclare que « ses aptitudes militaires le rendent
tout au plus bon à garder une palissade » ; 26 ans
auparavant, il compose une œuvre lumineuse pour
le piano. C’est cette Arabesque que nous
entendrons dans un arrangement pour flûte et
alto, deux instruments de prédilection du
compositeur, avec accompagnement de piano
bien sûr.
3. DEBUSSY. Arabesque pour flûte, alto et piano.
Le patriotisme confine parfois au chauvinisme. Dès
1916, est créée à Paris La Ligue nationale pour la
défense de la musique française. Debussy y est
particulièrement actif. Un des premiers objectifs
de cette Ligue est d’interdire l’exécution publique
sur le territoire français de toute œuvre allemande
ou autrichienne non tombée dans le domaine
public. Les Parisiens n’ont donc pas dû entendre ce
trio du compositeur allemand Karl Reinecke, mort
en 1910, donc quelques années avant le début de
la guerre.
4. REINECKE. Trio pour alto, clarinette et piano.
Mendelssohn, mort près de 70 ans auparavant
n’était en principe pas concerné par cette mesure
discriminatoire. Mais, bien qu’ayant en son temps
épousé une française et entretenu des rapports
d’amitié avec notre compatriote Berlioz, il avait
deux raisons de n’être que très peu joué en
France : c’était un Allemand issu d’une famille
juive: tout pour ne pas plaire à la France
germanophobe et passablement antisémite de
l’époque. Par contre, la France très catholique du
début du siècle pouvait lui savoir gré d’avoir en
dirigeant à 20 ans la Passion selon Saint Mattieu
fait redécouvrir à toute l’Europe le chef d’œuvre
de Bach, complètement tombé dans l’oubli. Les
instrumentistes français ne partageaient
heureusement pas le dédain de certains : ainsi, le
violoniste combattant Lucien Durosoir, qui passa
quatre ans au front, écrivait à sa mère le soir de
Noël 2015 : « Je joue ce soir l’andante du
concerto de Mendelssohn. Envoie- moi les
accompagnements des concertos de
Mendelssohn. » Le général Mangin aime la
musique mais il n’est pas question d’avoir un
orchestre symphonique dans le salon de son QG.
Donc, Durosoir jouera en version réduite c’est à
dire accompagné par un piano. On aurait pu aussi
proposer au général cette belle pièce de musique
de chambre : ce trio pour clarinette, violoncelle et
piano.
5. MENDELSSOHN. Trio pour clarinette,
violoncelle et piano.
Durosoir réclamait aussi des partitions des
quatuors de Mozart. Il avait pu retrouver des
musiciens mobilisés comme lui : en particulier le
compositeur et altiste André Caplet et le
violoncelliste Maurice Maréchal qui jouait sur un
instrument fabriqué pour lui par des soldats dans
une caisse à munitions. Celui-ci, baptisé le Poilu est
toujours visible à la Cité de la Musique à Paris.
Voici une sonate de Mozart (on n’osa jamais
interdire le compositeur pendant la première
guerre !) : c’est une œuvre écrite pour le
violoncelle et le basson. Le violoncelle de Nicolas
n’a pas fait les tranchées et il ne provient pas
d’une caisse de munitions.
6. MOZART. Sonate pour violoncelle et basson.
Encore étudiant, le Français Jacques Ibert rejoint le
front à sa demande. IL est d’abord infirmier-
brancardier à l’hôpital d’Amiens. « Ce matin,
opérations. Je sens encore l’iode à pleines narines.
Il y a un pauvre petit chasseur qui est mort encore
cette nuit ! Gangrène ! » Ambulancier en
Champagne, Ibert effectue plus de 800 missions au
péril de sa vie. Le chirurgien, dont il est l’assistant,
lui propose s’il renonce à la musique après la
guerre, de le prendre comme anesthésiste dans
son service. Mais Ibert ne renoncera pas et se
remettra à la composition.
7. IBERT. Trio d’anches.
Parfois, dans les villages dévastés de Champagne,
on trouve par miracle dans l’église souvent
quasiment détruite un orgue qui fonctionne
encore : Ibert se met au clavier, les Poilus
l’écoutent, les larmes aux yeux. Après l’offensive
de Champagne en 1915, il est mis au repos et il
compose un peu plus sereinement.
8. IBERT. Trio Interlude pour flûte, violon et
piano.
Dans l’autre camp, quand la guerre éclate, le
violoniste virtuose et compositeur autrichien Franz
Kreisler est au sommet de sa gloire. Il a 39 ans et il
refuse l’immunité artistique que réclament pour
lui les membres influents de la grande bourgeoisie
de Vienne. Il s’engage. Très gravement blessé, le 7
septembre, il est même donné pour mort. Il
survivra et sera réformé : « Ce sera une grande
perte pour mon régiment »écrit-il avec beaucoup
d’humour « car grâce à mon oreille musicale
entraînée, je pouvais déterminer la distance
exacte des canons d’après le son que produisaient
les obus au sommet de leur courbe. » Toute sa vie,
il souffrira de sa blessure : il boitera et aura de
grandes difficultés à supporter la station debout.
Autre douleur tout aussi inguérissable : le chagrin
d’amour
9. KREISLER . Liebesleid.
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