Pr Dr Jürgen MANHART
28 - DENTOSCOPE N° 105 - 22/11/2012
ODONTOLOGIE RESTAURATRICE
© FOTOLIA
COMMENT EMPLOYER
DANS LA ZONE LATÉRALE ?
Outre les possibilités offertes par les matériaux
composites esthétiques dans l’application de la
technique polychromatique multicouches, il existe
des produits faciles, rapides à mettre en œuvre
et économiques, pour la zone latérale.
Exploration des combinaisons de matériaux.
L’emploi de matériaux compo-
sites directs dans la zone laté-
rale fait partie des traitements
standard en odontologie restaura-
trice conservatrice moderne. De
nombreuses études cliniques ont
confirmé distinctement les perfor-
mances de ce type de restaurations,
notamment dans la zone latérale
soumise aux contraintes de la masti-
cation. En règle générale, la mise en
œuvre se fait selon une technique de
stratification complexe. Cette procé-
dure chronophage requiert un état
des frais proportionnel au temps
passé et économiquement rentable.
Depuis plus de vingt ans, et de plus
en plus fréquemment depuis
quelques années, les matériaux com-
posites sont utilisés comme alterna-
tive esthétique aux restaurations
métalliques pour les obturations
(zone latérale soumise aux
contraintes de la mastication). Les
premières données cliniques peu
encourageantes, recueillies au début
des années 1980, s’expliquent avant
tout par les propriétés mécaniques
insuffisantes des matériaux compo-
sites de l’époque. Leur faible résis-
tance à l’abrasion entraînait une perte
des contours des obturations.
LES COMPOSITES
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En outre, les fractures, bords abîmés et
défauts d’étanchéité causés par la rétrac-
tion à la polymérisation limitaient à
l’époque la durée de vie des obturations.
Les développements apportés dans le
secteur des matériaux composites et des
systèmes adhésifs, surtout au cours de
ces dernières années, ont permis de
réduire sensiblement ces insuffisances.
Toutefois, les effets négatifs de la rétrac-
tion à la polymérisation – mauvaise étan-
chéité des bords, adhérence insuffisante
aux parois cavitaires, déflexion des cus-
pides… – représentent aujourd’hui
encore le problème principal des maté-
riaux à base de composite.
À l’heure actuelle, les composites hybrides
ainsi que ceux issus de la nanotechnologie
sont à privilégier lorsqu’une technique
directe est prévue pour la restauration per-
manente d’importantes lésions de caries
primaires ou le remplacement d’obtura-
tions insuffisantes préexistantes dans la
zone latérale. Cela suppose une mise en
œuvre correcte de la technique de matrice
et une mise à sec adéquate des cavités.
Les matériaux composites sont mis en
œuvre selon une technique de stratifica-
tion consistant en l’apport, couche par
couche, d’incréments d’une épaisseur
habituelle de 2 mm maximum. Chaque
incrément est polymérisé séparément,
avec des temps d’exposition compris
entre 10 et 40 secondes selon l’intensité
lumineuse de la lampe, la teinte et / ou le
degré de translucidité de la pâte compo-
site. Ce procédé peut prendre beaucoup de
temps, surtout en cas de cavités impor-
tantes dans la zone latérale, et requérir des
honoraires qui sont en mesure de couvrir
les coûts du cabinet dentaire. Toutefois, de
nombreux praticiens souhaitent disposer
d’une alternative à la technique multi-
couches complexe et chronophage afin de
pouvoir mettre en œuvre les matériaux
composites de manière plus rapide, et
donc, plus économique. De nouveaux pro-
duits intéressants répondant à ces exi-
gences existent depuis peu sur le marché.
UNE MISE EN ŒUVRE ÉCONOMIQUE
Au cours de ces dernières années, l’in-
dustrie dentaire a lancé sur le marché
toute une série de systèmes composites
hautement esthétiques. À condition d’être
mis en œuvre correctement, ces systèmes
permettent de réaliser des restaurations
directes qui ne se distinguent pratique-
ment plus de la substance dentaire dure et
peuvent rivaliser avec l’esthétique des
inlays en céramique.
Ces systèmes de restauration contiennent
des masses composites disponibles dans
un nombre suffisant de teintes et dans dif-
férentes opacités et translucidités (Filtek
Supreme XTE de 3M Espe, Ceram-X Duo
de Dentsply, Enamel HFO de Micerium,
Esthet-X de Dentsply, Venus de Heraeus-
Kulzer, Premise de Kerr, IPS Empress
Direct de Vivadent…). Certains de ces
systèmes comprennent plus de 30
masses composites dans des teintes et
translucidités différentes. Il est donc
indispensable de faire l’expérience du
maniement de ces matériaux, dont la mise
en œuvre, par le biais d’une technique de
stratification nécessitant l’emploi de diffé-
rentes opacités et / ou translucidités.
Outre les possibilités offertes par ces
matériaux dans la technique polychroma-
tique multicouches, il existe chez les chi-
rurgiens-dentistes – lesquels sont parfois
exposés à des pressions économiques
considérables – une forte demande de
matériaux composites pouvant être mis
en œuvre de manière la plus simple et la
plus rapide qui soit, et donc plus écono-
miques, dans la zone latérale.
L’amalgame, longtemps utilisé avec suc-
cès comme solution d’obturation clinique,
est aujourd’hui de moins en moins choisi
par les patients. Ces derniers sont de plus
en plus nombreux à exiger des solutions
non métalliques pour la restauration de
défauts dans la zone latérale. La plupart
des cabinets dentaires ne proposent plus
de restaurations à base d’amalgame, étant
donné qu’un très grand nombre de
patients évitent aujourd’hui ce type de res-
tauration en raison de ses éventuels effets
secondaires, mais aussi de son manque
d’esthétique. Par ailleurs, le fait que de
plus en plus d’inlays en or soient égale-
ment refusés s’explique par une prise de
conscience accrue de la part des patients
de leur santé dentaire et par une demande
de plus en plus forte de restaurations
reproduisant la teinte dentaire naturelle.
Mieux stabiliser les
substances dentaires
Pour le traitement des lésions ne nécessi-
tant pas encore de recouvrement par cou-
ronne complet dans la zone latérale sou-
mise aux contraintes de la mastication, les
praticiens disposent d’obturations compo-
sites synthétiques, une alternative clinique
éprouvée depuis de nombreuses années,
ainsi que d’inlays ou d’onlays composites
indirects et d’inlays en céramique. Les in-
dications des matériaux composites directs
dans la zone latérale se sont nettement élar-
gies, surtout au cours de ces dernières an-
nées. Si, autrefois, le traitement avec des
matériaux composites directs concernait
avant tout les cavités de petite et moyenne
taille, si possible limitées à l’émail, l’amé-
lioration constante des matériaux compo-
sites et des systèmes adhésifs, associée
aux expériences positives rapportées lors
de nombreuses études cliniques, ont per-
mis d’élargir sensiblement ces limites d’in-
dications. Aujourd’hui, les défauts de classe
I et II sont traités avec succès au moyen de
restaurations composites directes, sans li-
mite de taille explicite, voire avec le rem-
placement de certaines cuspides, et sans la
nécessité d’une limitation circulaire à
l’émail. Toutefois, surtout en cas de défauts
très étendus, il convient toujours de vérifier
au cas par cas si une restauration indirecte
(inlay en céramique ou en or) n’est pas pré-
férable, étant donné qu’elle permet de
mieux stabiliser les substances dentaires
dures résiduelles très affaiblies, et de pallier
l’accès difficile aux zones de traitement ou
les éventuels problèmes liés à la reconsti-
tution du contact proximal. Si une mise à
sec efficace n’est plus possible et, par
conséquent, si les cavités risquent d’être
contaminées par le sang, la salive ou le
fluide du sillon gingivo-dentaire, il convient
de renoncer à la restauration adhésive.
L’obturation composite s’avère très effi-
cace dans le traitement des molaires et
prémolaires. Néanmoins, il convient d’ob-
server certaines règles fondamentales de
la technique adhésive. Ces règles com-
prennent notamment le respect à la lettre
du protocole d’adhésion, l’application
d’une technique par incréments tenant
compte de la profondeur de durcissement
des différentes couches du composite uti-
lisé, une photopolymérisation suffisante,
ainsi qu’un dégrossissage et un polissage
soignés. En général, les restaurations
adhésives présentent une sensibilité rela-
tivement élevée à la technique de mise en
œuvre. Le même matériau présente sou-
vent des performances sensiblement dif-
férentes selon l’utilisateur.
Le chirurgien-dentiste doit investir beau-
coup de temps dans l’application rigou-
reuse des règles de la technique adhé-
sive. Cette dépense de temps doit se
refléter dans des prix calculés de manière
rentable et proportionnelle au temps in-
vesti. Or, de nombreux patients assurés
àtitre obligatoire ne sont pas en mesure de
payer les suppléments adaptés en sus de
la prestation de la caisse d’assurance-ma-
ladie. Pour ce groupe d’assurés, le prati-
cien est donc quotidiennement confronté
au dilemme suivant :
• Le patient ne veut pas d’amalgame.
• Actuellement, les ciments verre iono-
mère (et leurs dérivés) ainsi que d’au-
tres matériaux d’obturation à base de
ciment ne conviennent pas comme res-
tauration permanente en raison d’un
risque élevé de fracture et / ou d’usure
pour la zone soumise aux contraintes
de la mastication. Le montant du sup-
plément à verser pour une restauration
composite directe multicouches, ancrée
par adhésif dentinaire, dépasse le bud-
get du patient. Enfin, un recouvrement
par couronne n’est pas encore indiqué
et entraînerait également pour le patient
un coût supplémentaire considérable.
Traitements alternatifs
économiquement viables
Par ailleurs, le praticien ne saurait être
contraint d’appliquer pour un type de res-
tauration de haute qualité qui prend du
Pr Dr Jürgen MANHART
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temps – et qui plus est, est réalisé avec un
matériau composite loin d’être bon marché
à l’achat – des honoraires trop bas dénués
de toute logique économique, lesquels en-
traîneraient une perte pour le prestataire de
services. N’oublions pas les principes fon-
damentaux de l’économie d’entreprise : le
prix d’une prestation se calcule à partir du
matériau utilisé, du temps requis pour la
prestation et de l’ensemble des frais y affé-
rents (frais salariaux, loyer, amortisse-
ments…), des coûts énergétiques, des frais
de stockage, et enfin, du bénéfice de l’en-
treprise. En ce qui concerne les soins aux pa-
tients ne pouvant payer qu’un supplément
minime, il convient de disposer, pour la zone
latérale soumise à de fortes contraintes, de
traitements alternatifs d’une efficacité clinique
raisonnable mais qui restent économique-
ment viables pour le chirurgien-dentiste.
Dès lors, le souhait de matériaux d’obtu-
ration pouvant être mis en œuvre plus
rapidement et plus facilement, et donc
pouvant être proposés à des prix plus
avantageux, n’en est que plus compré-
hensible. De nombreux cabinets ont une
clientèle qui requiert une stratégie de trai-
tement économique et des formes de res-
tauration moins coûteuses.
Pour les soins de base dans l’odontologie
conservatrice, il serait souhaitable de dis-
poser, en alternative à l’amalgame, d’un ma-
tériau combinant la sensibilité minime de ce
dernier à la technique de mise en œuvre,
avec les propriétés stabilisantes de la tech-
nique adhésive. Pour le patient, les proprié-
tés optiques de ce type de matériaux revê-
tent une importance moindre pour la zone
latérale, dans la mesure où ils n’entraînent
pas une impression de métal
ou de ciment très opaque.
Selon l’auteur, le fait que le
patient ressente également
une différence sensible par
rapport aux restaurations
composites hautement es-
thétiques, dont la mise en
œuvre par le biais de la tech-
nique polychromatique mul-
ticouches est beaucoup plus
complexe, représente au
contraire un avantage.
Facteurs d’une mise
en œuvre rapide
Certains fabricants de maté-
riaux composites ont repris
les suggestions exprimées
par les praticiens dans leur
cahier des charges lors du
développement de matériaux
et s’efforcent de simplifier la
technique d’obturation à base
de composites dans la zone
postérieure. Pour cette tech-
nique d’obturation accélérée
(« fast track »), des agents de
pontage simplifiés (en règle
générale, des systèmes adhé-
sifs automordançants en une
étape) sont utilisés en asso-
ciation avec des matériaux
composites à rétraction mi-
nime, et suffisamment sta-
bles d’un point de vue méca-
nique, dont la mise en œuvre
est directement réalisée dans
les cavités. Généralement, les facteurs sui-
vants peuvent contribuer à mettre en œuvre
plus rapidement, et donc plus économique-
ment, une restauration composite photo-
polymérisante dans la zone latérale :
• Teinte universelle du matériau
d’obturation : suppression du choix
parfois compliqué de la teinte (surtout
lorsque le patient participe à ce choix).
• Teinte très translucide du matériau
composite : plus grande profondeur
de durcissement par couche, d’où
moins d’incréments.
• Amélioration du système d’initiateurs
du matériau composite photopolyméri-
sant : temps d’exposition plus courts.
• Matériaux composites à rétraction
minime avec tension minimale : couches
plus épaisses, d’où, moins d’incréments.
• Lampes de polymérisation
puissantes : expositions à haute
intensité plus courtes.
• Réalisation à la fois fonctionnelle et
rationnelle de l’occlusion : dégrossis-
sage et polissage plus rapides.
Les matériaux composites « fast track »
doivent être faciles à manier et présenter
des bords d’obturation de qualité, ainsi
qu’une sensibilité réduite à la technique
de mise en œuvre, tout en permettant un
gain de temps lors de la pose grâce à une
technique plus économique. Comme la
plupart de ces composites ne sont propo-
sés qu’en une seule teinte, le choix des
nuances de couleur est également sup-
primé. Toutefois, ces matériaux permet-
tent d’obtenir des résultats esthétiques
tout à fait acceptables, surtout en compa-
raison avec l’amalgame et les ciments
verre ionomère. Au sens d’un concept «
fast track » étendu, ces matériaux compo-
sites sont utilisés la plupart du temps en
combinaison avec des systèmes d’agents
de pontage automordançants, sans mor-
dançage séparé de l’émail et de la dentine.
Les propriétés de ces matériaux compo-
sites optimisés du point de vue de la ren-
tabilité sont comparables à celles des
matériaux composites photopolyméri-
sants traditionnels. Les données issues
d’études cliniques montrent une bonne
performance en bouche.
Pr Dr Jürgen MANHART
Fig.1 :
Situation de départ. Obturations
composites pré-existantes insuffisantes dans
la zone latérale du maxillaire.
MATÉRIAU COMPOSITE
X-TRA BASE
Le matériau fluide x-tra base (teneur
en charges : 75 % en masse) est un
composite fluide à rétraction réduite à
base de méthacrylate traditionnel. Il
est indiqué dans la technique d’obtu-
ration Bulk pour insérer une base
d’obturation de 4 mm d’épaisseur
maximum (« fond de cavité ») dans
les restaurations composites de
classe I et II. Après le durcissement,
l’opération suivante consiste à recou-
vrir cette base d’une couche d’au
moins 2 mm d’épaisseur de matériau
composite hybride à base de métha-
crylate, et compatible avec les
molaires et prémolaires (composite
hybride issu de la nanotechnologie
GrandioSO de Voco, Cuxhaven…)
dans la zone de l’anatomie occlusale.
x-tra base peut également être utilisé
comme fond de cavité lors d’une pre-
mière couche fine dans les cavités de
classes I et II. Le produit est fourni
dans les teintes « Universal » et
« A2 ». Le temps de polymérisation
varie en fonction du rendement lumi-
neux de la lampe de polymérisation et
de la teinte choisie : 10 secondes
pour la teinte « Universal » et un ren-
dement lumineux d’au moins
500 mW / cm2; 20 secondes pour la
teinte A2 et un rendement lumineux
d’au moins 800 mW / cm2; dans les
autres cas 40 secondes (500 à
800 mW / cm2).
CAS CLINIQUE
Le cas clinique suivant présente pro-
gressivement le remplacement de
trois obturations composites pré-exis-
tantes insuffisantes dans la zone laté-
rale du maxillaire, par des obturations
combinant les matériaux composites
x-tra base et GrandioSO (Voco) dans
une série clinique, étape par étape, au
sens du procédé « fast track ».
Une patiente se plaint de douleurs
aux stimuli osmotiques et / ou ther-
miques au niveau des molaires et
prémolaires du premier quadrant
restaurées avec de vieilles obtura-
tions composites dont les bords ne
sont pas étanches. L’examen cli-
nique permet de constater que les
dents réagissent de manière sensi-
ble au froid ; le test de percussion ne
révèle aucune anomalie. En accord
avec la patiente, il est décidé de rem-
placer les restaurations composites
insuffisantes. Après avoir été infor-
mée des alternatives de traitement
possibles, la patiente opte pour des
obturations synthétiques combinant
les matériaux composites x-tra base
et GrandioSO.
Le traitement consiste d’abord à éli-
miner entièrement les dépôts externes
sur les dents concernées du premier
quadrant au moyen d’une pâte pro-
phylactique exempte de fluor et d’une
cupule en caoutchouc ;
(Fig.1)
.
Fig.1
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