Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Partie I : les Etats-Unis et le monde depuis les « quatorze points » du président Wilson (janvier 1918) Documents à utiliser : carte p. 220-221, carte p. 2 p. 235 Exercice amorce : Montrez que les Etats-Unis ont été une grande puissance de la Première Guerre Mondiale à nos jours mais que cette puissance a changé. Problématique : Comment les Etats-Unis ont-ils transformé et modelé la notion de puissance tout au long du XXème siècle en alternant entre un isolationnisme teinté de doctrine Monroe et une vision wilsonienne du rôle des Etats-Unis dans le monde, le tout sur fond de « destinée manifeste » ? I. Une tentation de puissance sans engagement international (1917-1941) A. Doctrine Monroe, mythe de la « destinée manifeste » et Pax Americana, les héritages de la diplomatie en 1917. Documents à utiliser : Extrait de la doctrine Monroe (Site de la Maison Blanche), la « destinée manifeste » ou la raison de l’impérialisme américain (dictionnaire des Etats-Unis, 2011, p. 219-220), document 1 p. 224, la politique du « gros bâton » (P. Milza, Pax Americana, Les collections de l’histoire n° 7, p. 42). Document 1 : La doctrine Monroe du président américaine James Monroe (1823) « Nous avons toujours été les spectateurs anxieux […] des événements qui se déroulent dans cette partie du globe avec laquelle nous avons tant de liens et dont nous tirons notre origine. Les citoyens des États-Unis se réjouissent de la liberté et du bonheur de leurs semblables de l'autre côté de l'Atlantique. Dans les guerres […] européennes […] nous ne sommes jamais intervenus et il n'est pas conforme à notre politique de le faire. […] C'est seulement lorsque nos droits sont atteints ou sérieusement menacés que nous ressentons l'offense ou faisons des préparatifs pour notre défense. Les événements de cet hémisphère nous touchent infiniment de plus près. […] À l'égard des colonies actuelles des puissances européennes, […] nous n'interviendrons pas. Mais à l'égard des gouvernements qui ont déclaré leur indépendance […] nous ne pourrions considérer aucune intervention d'une puissance européenne […] que comme la manifestation d'une position inamicale à l'égard des États-Unis. » Source : traduction du texte original, site de la Maison Blanche Document 2 : La « destinée manifeste » ou la raison de l’impérialisme américain Le concept de « destinée manifestée » recoupe toute la problématique liée à l’expansion et à la conquête du continent. Apparue en mai 1845 dans un article de la Democratic Review sous la plume du journaliste John O’Sullivan, l’expression fait référence au droit sacré des Américains de conquérir les territoires occupés par les indigènes. D’emblée, la Providence donne à la population blanche, la mission d’occuper et de faire fructifier la terre par des millions d’individus. La référence biblique est constante et entérine l’idée que la conquête du continent [américain] se fait selon un plan prédéterminé par le Très-Haut. […] La Destinée manifeste postule que le peuple américain est élu par le Tout-Puissant pour accomplir ses desseins. Elle puise au creuset de l’exceptionnalisme américain, lui-même hérité du puritanisme qui faisait des premiers colons l’assemblée des Saints élue par Dieu pour ériger la Cité idéale dans le désert américain. […] Distincte de la colonisation européenne subie par les 1 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Américains, elle promeut le bien-être en faisant partager aux peuples conquis les bienfaits d’une société fondée sur les droits de l’homme. […] Cette conquête du continent, liée à la fierté d’être américaine, obéit à une logique d’agrandissement du pays [ou de son influence]. Source : Dictionnaire des Etats-Unis, 2011 Document 3 : La politique du « gros bâton » Tous les instruments d'une politique d'expansion se trouvent ainsi réunis à l'aube du XXe siècle. […] La justification d'éventuelles interventions militaires opérées par les marines est purement et simplement rattachée à la doctrine Monroe à laquelle Theodore Roosevelt 1901-1909 donne une formulation élargie fondée sur de vagues alibis humanitaires : les Américains se réservent le droit exclusif de protéger la sécurité et les biens des étrangers dans les pays dont le régime instable pourrait rendre cette intervention nécessaire. Citant un proverbe africain, Theodore Roosevelt lance en avril 1903 une formule qui va servir à caractériser durablement la politique de Washington en Amérique centrale : « Parlez doucement et portez un gros bâton [ big stick] ; vous irez loin. » C'est à propos de la Chine, […] qu'est formulée en 1900 l'autre doctrine qui va, pendant plusieurs décennies, constituer l'un des fils conducteurs de la politique américaine : celle de la « porte ouverte ». […] L'Amérique [ici au sens des Etats-Unis] s'érige […] donc en championne de l'anticolonialisme et d'autre part en arbitre des intérêts rivaux dans les pays qu'elle entend maintenir ouverts à tous les investisseurs commerciaux. Attitude parfaitement conforme aux intérêts des États-Unis, auxquels la puissance et le dynamisme de leur économie confèrent dès cette période, en l'absence d'entraves douanières, un avantage considérable sur les concurrents européens. Mais aussi moyen pour l'Amérique de se réconcilier avec elle-même et avec son histoire, en affichant l'image restaurée de la patrie des droits de l'homme et de l'autodétermination des peuples dans un monde auquel elle s'offre en modèle. Se trouvent ainsi rassemblés à la veille du premier conflit mondial la plupart des ingrédients qui vont nourrir, pendant plus d'un demi-siècle, le consensus de politique étrangère : refus du colonialisme, respect proclamé de la souveraineté nationale, rejet de toute ambition territoriale, volonté de diffuser une technologie de pointe vecteur du modèle américain. Telle est la mission que la providence a assignée aux États-Unis : promouvoir par l'exemple — et non par l'engagement direct dans les affaires du monde — la Pax americana. Le déclenchement de la guerre européenne en août 1914 remet brusquement en question cette vision. Source : P. Milza, Pax Americana, Les collections de l’histoire n° 7, p. 42-43 Questions : 1. Quels sont les héritages de la politique extérieure des Etats-Unis lorsque ceux-ci entrent en guerre en 1917 ? 2. Quels sont les fondements diplomatiques de leur puissance jusqu’alors ? 3. Pourquoi entrent-ils en guerre alors que la doctrine Monroe va à l’encontre de cette intervention ? B. L’échec de l’interventionnisme wilsonien après la Première Guerre mondiale : Documents à utiliser : document 2 p. 224, documents 3 et 5 p. 225, la new diplomacy wilsonienne (L. V. Smith, Wilson était-il un idéaliste, Les collections de l’histoire, n° 56, p. 16-18), document 4 p. 223. 2 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Document 1 : La new diplomacy wilsonienne Aux yeux de ses détracteurs, le « wilsonisme » constituait un amalgame incohérent de principes flous. Le problème de ce système n'était pourtant pas son incohérence, mais son radicalisme. Wilson poussa le libéralisme anglo-américain du XIXe siècle vers sa conclusion logique, et fit de l'individu rationnel et responsable le lieu même de la souveraineté. L'individu souverain constituait la composante élémentaire de toutes les configurations politiques, du local à l'international en passant par la nation. C'était le sujet nécessaire à l'idée même d'auto-détermination, le « self-government ». Le concept du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » émergea en grande partie en réponse aux efforts déployés par les bolcheviques pour saper les empires européens. […] Pour Wilson, c'était l'existence de pactes illégitimes, liant les nations d'Europe à des intérêts égoïstes, qui avait mené à la guerre en 1914. Aussi considérait-il qu'un pacte nouveau, légitime et universel, mettrait fin non seulement à la Grande Guerre, mais aussi à quelque guerre que ce soit, et ce pour toujours. Un monde lié par des pactes planétaires révolutionnerait les relations internationales. La doctrine wilsonienne cherchait à ôter la régulation du système des mains des États pour la confier au vrai souverain : une communauté transnationale composée d'individus politiquement semblables. […] Paradoxalement, le wilsonisme comportait aussi une théorie de la puissance de l'État en général, et de la notion de grande puissance en particulier. Wilson ne considérait pas que la concentration des pouvoirs soit un problème en soi, qu'elle se manifeste entre les nations ou au sein de ces dernières. Selon lui, la difficulté résidait davantage dans l'utilisation du pouvoir. […] De même, il était légitime d’établir une paix reconnaissant la primauté des grandes puissances. […]Un groupe restreint d'individus puissants pouvait donc modeler la paix, à condition qu'il le fasse en accord avec la volonté présumée de la communauté mondiale. Assurément, Wilson considérait la SDN comme une entité supérieure à la somme des souverainetés nationales qu'elle comprenait. […] Source : L. V. Smith, Wilson était-il un idéaliste, Les collections de l’histoire, n° 56, p. 16-18 Questions : 1. Sur quels fondements repose la new diplomacy wilsonienne ? 2. Quelle est la vision de la paix mondiale mise en place par Wilson et sur quel organisme repose-t-elle ? 3. Quelles sont les raisons qui expliquent que les Etats-Unis n’aient pas appliqué la politique wilsonienne ? Quelle était la principale crainte des opposants au projet de Wilson ? 4. La politique isolationniste menée par les Etats-Unis depuis 1920 persiste jusqu’à l’ère de F. D. Roosevelt, montrez de quelle manière (aidez-vous aussi du document 3 p. 223) C. L’économie, l’absence d’isolationnisme américain : Documents à utiliser : l’expansionnisme économique dans les années 1920 (Cl. Folhen, Canada et Etats-Unis depuis 1780, p. 415-416), document 3 p. 223 (loi Cash and Carry). Document 1 : L’expansionnisme économique dans les années 1920 […] Dans le domaine économique, les Etats-Unis ne se retranchent pas dans un isolationnisme frileux. Ayant échangé leur statut de débiteur pour celui de créancier net à la faveur de la Première Guerre mondiale, les Américains participent activement aux négociations internationales qui tente de trouver une solution viable à l’épineuse question des dettes alliées et des réparations allemandes. […] Pour réduire les tensions, le gouvernement de Washington agit par l’intermédiaire de banquiers privés chargés de diriger les emprunts à 3 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance New York afin d’amorcer un cercle vertueux. […] D’une manière générale, les investissements directs et les crédits à court terme américains facilitent le bon fonctionnement des marchés financier et monétaire international entre 1924 et 1929. Les grandes corporations exploitent des mines, des plantations, des usines sur tous les continents, aussi bien dans les pays industrialisés […] que dans les régions sous-développées et même en URSS […]. L’historienne Akira Iriye signale que « la pénétration des marchés mondiaux par les capitaux, la technologie et les marchandises américaines a fourni une base, le fondement économique de l’ordre international d’après-guerre ». Dans les années 1920, l’économie, plus que la géopolitique, est perçue comme force dominante. […] Source : Cl. Folhen, Canada et Etats-Unis depuis 1780, p. 415-416 Questions : 1. Alors que les Etats-Unis sont isolationnistes sur le plan politique, qu’en est-il sur le plan économique ? 2. En quoi l’économie est-elle un instrument de la puissance américaine, notamment dans les années 1920 (les années 1930 étant marquées par une crise économique mondiale ? 3. Montrez qu’en raison de l’importance de l’économie, les Etats-Unis sont en partie intervenus dans les affaires européennes avant 1941 mais avec des clauses suspensives. II. Une puissance globale qui se veut protectrice de la paix dans le monde (1941-1991) A. 1941 et l’abandon de l’isolationnisme des années 1930 Documents à utiliser : document 4 p. 223, document 1 p. 226, document 3 p. 227, Roosevelt, héritier pragmatique de Wilson (A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41) Document 1 : Roosevelt, héritier pragmatique de Wilson Isolationniste de raison jusqu'aux années 1930, Franklin Roosevelt engage toutes les forces des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Il décide qu'une fois la paix rétablie les Américains assumeront leurs responsabilités, celles d'une superpuissance. Franklin Roosevelt est un wilsonien réaliste. […] En avril 1917, les États-Unis entrent en guerre. Roosevelt participe, au premier rang, à la défense nationale. Il applaudit des deux mains les « quatorze points* » de Wilson, le projet d'une Société des Nations SDN qui instaurerait la sécurité collective, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La politique étrangère des États-Unis repose sur des valeurs universelles, la primauté du Droit, la Justice, la Liberté. […]Roosevelt tire les leçons de l'échec de Wilson. Il ne parle plus guère de sécurité collective. Il ira même jusqu'à dire que la SDN n'est pas faite pour les États-Unis. […] Franklin Roosevelt accède à la présidence le 4 mars 1933. Le pays est plongé dans la tourmente. […] C'est le temps du new deal. Plus encore qu'auparavant, les États-Unis se replient sur eux-mêmes. […] Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41 Document 2 : Une suspension progressive de l’isolationnisme […] Roosevelt n'ignore rien de ce qui se passe en Europe, qu'il s'agisse des succès du nazisme et du fascisme ou des faiblesses des démocraties. Il n'est pas indifférent, non plus, aux ambitions d'un Japon militariste qui désire dominer la Chine et, peut-être même, l'Asie orientale. Il n'empêche que la reconstruction de l'économie américaine, la sauvegarde de la démocratie aux États-Unis, les formes nouvelles de la solidarité sociale occupent son esprit. Sous le poids des circonstances, Roosevelt oublie le reste du monde. 4 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance C'est aussi son intérêt politique. L'air du temps le pousse à devenir un isolationniste de raison. Au Congrès comme dans l'opinion publique, l'intervention américaine dans la Grande Guerre est maintenant condamnée. […] Les idéaux américains ne sont pas respectés. « Les associés » d'hier n'expriment aucune reconnaissance. Ils ne remboursent pas les dettes qu'ils ont contractées pour poursuivre le combat. Non, décidément, il ne faut pas que les États-Unis tombent, une fois de plus, dans le piège. […]La guerre éclate en Europe. Surprise parmi les plus endurcis des isolationnistes. Roosevelt, lui, s'y attendait et avait autorisé que Français et Anglais passent des commandes d'armements. D'ailleurs, il encourage ses compatriotes à rester neutres « en actes », pas « en pensées » comme l'avait dit Wilson en 1914. Roosevelt soutient le camp des démocraties. Il sait que les États-Unis ne pourront pas pratiquer très longtemps la politique de l'autruche. […] Après les élections, un pas de plus est franchi. Les États-Unis offrent aux Britanniques le prêt-bail, des armes et des munitions qu'ils prêtent jusqu'à la fin du conflit. Voila que les États-Unis deviennent en mars 1941 « le grand arsenal de la démocratie ». […] Il rencontre Churchill au large de Terre-Neuve et les deux hommes élaborent la charte de l'Atlantique du 9 au 12 août 1941. […]Lorsque l'Allemagne nazie attaque l'Union soviétique 22 juin 1941, Roosevelt accorde aux Soviétiques le bénéfice du prêt-bail. De plus en plus, il affiche ses positions : priorité à l'Europe, soutien à la Grande-Bretagne. Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41 Document 3 : La guerre et la paix selon Roosevelt Le 7 décembre 1941, le raid japonais sur Pearl Harbor détruit la quasi-totalité de la flotte américaine dans le Pacifique. […]Le spectateur engagé cède la place au belligérant. L'Amérique jette toutes ses forces dans la bataille. La guerre est mondiale. […] Après des années de frustrations, d'hésitations, de demi-mesures, Franklin Roosevelt devient un chef de guerre. Libre à lui maintenant d'imaginer ce que sera le monde, une fois que les démocraties et l'Union soviétique auront remporté la victoire. […]La priorité des priorités, l'objectif primordial, c'est de gagner la guerre. Quand la paix sera rétablie, les Américains assumeront leurs responsabilités, celles d'une superpuissance. La France, vaincue en 1940, ne retrouvera pas son rang. Le Japon et l'Allemagne seront reconstruits « à l'américaine ». La Chine occupera sans doute une place plus importante que celle qu'on lui attribue. Restent deux alliés avec lesquels il faut compter. […] La Grande-Bretagne de Winston Churchill est l'alliée privilégiée. Sans elle, pas d'après-guerre solide. L'Europe ne peut pas reprendre vie sans que les Britanniques y tiennent la place principale. […]Et l'Union soviétique ? Roosevelt n'éprouve aucune sympathie pour le régime stalinien - du moins jusqu'en 1942. Il constate, toutefois, que l'Armée rouge est indispensable pour défaire les armées hitlériennes. Il croit surtout que Staline évoluera. […]Les Russes ne domineront pas l'Europe. Il faut leur faire confiance. D'ailleurs, les États-Unis n'ont pas le choix. Ils doivent s'entendre avec l'URSS pour que l'après-guerre ne devienne pas une autre avant-guerre. L'opinion américaine est encore plus optimiste. […] Cependant, à son retour aux États-Unis [après Yalta], Roosevelt a bien compris que l'entente avec l'URSS est très fragile. Il nourrit peu d'illusions. Staline ne cédera rien en Europe et tâchera d'établir un glacis stratégique aux dépens de la démocratie. L'après-guerre n'instaurera pas la paix éternelle et universelle. Source : A. Kaspi, Le monde selon Roosevelt, Les collections de l’histoire n° 56, p. 38-41 Questions : 1. Quelles les raisons qui poussent progressivement Roosevelt à abandonner l’isolationnisme envers l’Europe ? Quelles sont les différentes étapes de cette rupture progressive ? 2. Quel est l’événement déterminant qui fait rompre les Etats-Unis avec l’isolationnisme ? 3. Quelle est la vision du conflit et de la paix défendue par Roosevelt ? Est-il pour autant certain d’y parvenir ? 5 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance 4. Pourquoi peut-on dire que la période de Roosevelt, notamment les années de guerre, ouvre ce que les historiens appellent la « présidence impériale » (terme désignant le fait que l’ensemble des décisions, notamment pour les traités, sont de plus en plus prises par le président que par le Congrès américain) ? B. Les Etats-Unis, superpuissance responsable du déclenchement de la Guerre Froide ? Documents à utiliser : carte p. 228-229, document 3 p. 231, Le plan Marshall, sauver un monde conforme aux intérêts des Etats-Unis (P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42), Les Etats-Unis, une puissance impérialiste après 1945 ? (P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv.), L’action des Etats-Unis dans le monde pendant la Guerre Froide (P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv.) Document 1 : Le plan Marshall, sauver un monde conforme aux intérêts des Etats-Unis A coups de milliards de dollars, le plan Marshall, l'acte « le plus désintéressé de l'histoire » selon Churchill, a permis aux Américains de s'investir durablement dans les affaires du Vieux Continent et a ramené la prospérité dans l'Europe de l'Ouest en ruines. De part et d'autre de l'Atlantique, les réticences étaient pourtant grandes. «La vérité, c'est que les besoins de l'Europe pour les trois ou quatre prochaines années en nourriture ou autres produits essentiels en provenance de l'étranger - notamment des ÉtatsUnis - sont si supérieurs à sa capacité actuelle de financement qu'elle doit recevoir une assistance supplémentaire substantielle ou faire face à une détérioration économique, sociale et politique d'une extrême gravité. » Dans son célèbre discours du 5 juin 1947 à Harvard, George C. Marshall, secrétaire d'État ministre des Affaires étrangères américain depuis le mois de janvier, résume parfaitement le but du plan auquel son nom est demeuré attaché : sauver un ordre international conforme aux intérêts des États-Unis. […] Source : P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42 Document 2 : Les Etats-Unis, une puissance impérialiste après 1945 ? Les Américains se voient en défenseurs du monde libre. Il y a là évidemment une part d'hypocrisie. Car il existe bien des rapports de domination, de nature politique, militaire et économique. Quand Truman déclare en mars 1947 que les États-Unis sont pour la première fois en position d'établir la paix dans le monde, il parle de la liberté de pensée, de la liberté politique mais aussi de la liberté du commerce : on retrouve là leur intérêt économique et l' « open door policy » politique de la porte ouverte de la fin du XIXe siècle. […]Pour l'Europe, en tout cas, on ne peut pas parler d'un impérialisme « classique » : les États-Unis donnaient le plan Marshall* à condition que les Européens coopèrent entre eux. […]Parlons d'un impérialisme éclairé, d'inspiration libérale, dans la mesure où il servait à la fois les intérêts américains et ceux des Européens, qui émergeaient des décombres de la guerre. Source : P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv. Document 3 : L’action des Etats-Unis dans le monde pendant la Guerre Froide Si impérialisme il y a [en Europe], il n'est pas de même nature, en tout cas, que celui que Washington pratique à l'égard de l'Amérique latine. Là, on est dans une configuration d'un classicisme impeccable. Au Guatemala ou à Saint-Domingue, les Américains, sous Eisenhower comme sous Kennedy, n'hésitent pas à financer des coups d'État pour renverser des gouvernements légitimes. La même politique se poursuit au Chili en 1973, sous Nixon, lorsque les États-Unis favorisent la prise de pouvoir par Pinochet. Les Américains se considèrent comme chez eux, dans leur 6 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance pré carré. La doctrine Monroe formulée au début du XIXe siècle reste de mise. […]En Asie, c'était encore différent, les Américains ont établi des relations bilatérales multiples avec le Japon, avec Taïwan quand la Chine est devenue communiste, avec le Pakistan - l'Inde étant non-alignée. Les différents alliés des États-Unis restaient souvent en mauvais termes entre eux. […]En revanche, les relations des États-Unis avec les divers pays occupation, rééducation, alliance avec le Japon, protection pour la Corée du Sud ou Taïwan, renversement encouragé ou organisé de Sukarno en Indonésie, aux Philippines lutte contre la guérilla révolutionnaire, puis soutien à la démocratie lors du renversement du dictateur Marcos, renversement de Mossadegh par la CIA* en Iran ont été permanentes, encore que variables. […]Roosevelt avait fait le pari de la bonne foi de Staline, « le plus grand pari de l'histoire », comme il l'avait confié à son fils. Mal lui en a pris. […]Si, des diplomates - Averell Harriman, Georges Kennan - ont fait part de leurs inquiétudes. Mais jusqu'en 1946, l'attitude officielle à Washington reste constante : nous sommes alliés, c'est à nous de nous entendre pour régler les affaires du monde au lendemain de la guerre. […] [La doctrine du containment] s'élabore au terme d'une réflexion qui fait le constat de la dégradation irréversible des relations entre Occidentaux et Soviétiques. En février 1946, le diplomate américain George Kennan, en poste à Moscou, adresse à Washington un long télégramme où il invente la doctrine de l'endiguement, le containment. […]Le 12 mars 1947, Truman prononce au Congrès un discours dans lequel il propose l'aide des États-Unis aux pays qui veulent défendre leur liberté. Une date souvent considérée comme la date de naissance de la guerre froide. Source : P. Hassner, Un Empire pas comme les autres, Les collections de l’histoire n° 56, p. 49 et suiv. Questions : 1. Quelles sont les raisons qui expliquent que les Etats-Unis soient sortis de leur isolationnisme après la Seconde Guerre Mondiale ? 2. Pourtant, en 1945, les Etats-Unis veulent-ils gérer les relations internationales comme seule et unique superpuissance (utilisez vos connaissances de première) ? 3. Peut-on dire que les Etats-Unis sont à l’origine de la Guerre Froide ? 4. Quels sont les intérêts qui expliquent que les Etats-Unis ne soient pas favorables à ce que l’Europe sombre dans la dépression économique, voire dans le communisme ? 5. Dans quelles mesures peut-on dire qu’une fois la Guerre Froide débutée, les Etats-Unis ont été interventionnistes, mais à des degrés différents selon les continents ? C. Les Etats-Unis jusqu’aux années 1960, entre domination économique et Soft power Documents à utiliser : Le plan Marshall, pourvoyeur d’un nouvel modèle d’économie libérale pour le monde (P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42), document 1 p. 374, document 5 p. 375, document 5 p. 233, Le Soft Power, une autre forme de la puissance américaine (J. M. Gaillard, Les Etats-Unis sont-ils tous puissants, Les collections de l’Histoire n° 7, 2000) Document 1 : Le plan Marshall, pourvoyeur d’un nouvel modèle d’économie libérale pour le monde Dans son célèbre discours du 5 juin 1947 à Harvard, George C. Marshall, secrétaire d'État ministre des Affaires étrangères américain depuis le mois de janvier, résume parfaitement le but du plan auquel son nom est demeuré attaché : sauver un ordre international conforme aux intérêts des États-Unis. 7 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Aussi les Américains cherchent à appliquer au monde les méthodes auxquelles ils attribuent leur prospérité. Discernant dans un vaste marché national une des clés de leur succès, ils comptent sur l'abolition des discriminations douanières pour réaliser à l'échelle de la planète cette division optimale du travail qui accroît la productivité. Voyant dans l'initiative privée le meilleur gage d'efficacité, ils sont décidés à la protéger des nationalisations. Mais comprenant aussi, New Deal oblige, l'intérêt d'un interventionnisme tempéré, ils financent la création d'organisations internationales afin d'atténuer les fluctuations économiques trop brutales. Tandis qu'une Organisation des Nations unies ONU est mise en place pour gérer la paix, de nouvelles institutions sont chargées d'assurer le rétablissement de la prospérité : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement BIRD, le Fonds monétaire international FMI et une Organisation internationale du commerce qui ne verra pas le jour mais aboutira en 1947 au General Agreement on Tariffs and Trade GATT, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Pour les États-Unis, ce système est le plus favorable qui se puisse imaginer. Il institutionnalise leur leadership économique tandis que leur statut plus modeste de « primus inter pares » au Conseil de sécurité des Nations unies limite le coût de leurs nouvelles responsabilités. Cette illusion est de courte durée. […] Le 3 avril 1948, le président Harry Truman signe enfin la loi qui lance le Plan de reconstruction européenne European Recovery Program. Les pays assistés doivent signer une convention collective qui institue l'Organisation européenne de coopération économique OECE. Par ailleurs, chaque pays bénéficiaire doit conclure avec les États-Unis un accord bilatéral par lequel il s'engage à utiliser au mieux les ressources à sa disposition, à stabiliser sa monnaie, à coopérer avec les autres participants pour libérer les échanges commerciaux, à ouvrir aux Américains l'accès à ses ressources naturelles, enfin à accueillir une mission de l'Economic Cooperation Administration ECA, l'agence chargée de la gestion du plan. Source : P. Melandri, le coup de génie du général Marshall, Les collections de l’histoire n° 56, p. 42 Document 2 : Le Soft Power, une autre forme de la puissance américaine Considérant les biens culturels comme des produits comme les autres qui se vendent et s'achètent, s'importent et s'exportent, les États-Unis s'efforcent d'obtenir la libéralisation complète des échanges dans ce secteur [...]. Bien qu'ils se heurtent à la résistance des pays tiers, en particulier des Européens, et parmi eux des Français [...], les États-Unis occupent déjà une position prééminente. Dans le domaine du cinéma, les « blockbusters », succès mondiaux, sont, à quelques exceptions près, produits aux États-Unis par les sept grands studios d'Hollywood. Peu nombreux encore dans les années 1960 James Bond ou 1980 Indiana Jones, ils sont maintenant monnaie courante, de Jurassic Park à Titanic, de Matrix à La Menace fantôme. [...]. Le symbole de cette industrie est peut-être, plus que les compagnies Viacom ou Time Warner, Walt Disney qui s'est alliée en 1997 avec Coca-Cola et McDonald's dans un partenariat de dix ans, chacune s'engageant à diffuser les produits des deux autres. Et l'on peut en dire autant de la télévision : émissions pour enfants, sitcoms, feuilletons ont envahi les écrans du monde entier. En Europe, il est des heures et des pays où les productions américaines occupent 70 % du temps d'antenne hors émissions d'information et de variétés. De Dallas, Dynasty, Starsky et Hutch, dans les années 1980, aux séries cultes des années 1990 et succès d'aujourd'hui tels New York Police Blues, Friends, X-Files ou Ally Mac Beal, [CSI, Bones, Dr House, Desesperate Housewives], c'est bien l'Amérique qui donne le tempo. Son industrie culturelle rapporte 18 milliards de dollars par an et représente le deuxième poste à l'export. Elle recouvre aussi bien les matériels que les programmes, au cinéma, à la télévision, y compris dans le domaine particulier de l'information : les États-Unis possèdent 8 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance deux réseaux à couverture mondiale par satellite, Worldnet public et CNN privé dont on a souligné le rôle lors de la guerre du Golfe. [...] C'est donc la « culture américaine » au sens large — en y incluant musique, vêtement, façon de se nourrir — qui semble s'imposer. [...]. Source : J. M. Gaillard, Les Etats-Unis sont-ils tous puissants, Les collections de l’Histoire n° 7, 2000 Questions : 1. En dehors de l’influence politique et diplomatique, comment s’exerce la puissance américaine à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale ? 2. Comment la domination économique a-t-elle été mise en place ? 3. En dehors de l’économie, quel autre moyen a été utilisé par les Etats-Unis pour développer son influence dans le monde et ce, dès la Guerre Froide ? III. De « l’hyperpuissance » des années 1990 à la contestation de la puissance américaine dans les années 2000 A. Le Nouvel Ordre Mondial dans les années 1990, un réel multilatéralisme ? Documents à utiliser : carte 2 p. 235, Le Nouvel Ordre mondial selon G. Bush (Site de la Maison Blanche), Les Etats-Unis, une « hyperpuissance » dans les années 1990 ? (Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70). Document 1 : Le Nouvel Ordre Mondial selon Georges Bush […] Ce soir, je veux vous parler de ce qui est en jeu, de ce que nous devons faire ensemble pour défendre partout les valeurs du monde civilisé et pour maintenir la force économique de notre pays. Nos objectifs dans le golfe Persique sont clairs, précis et bien connus : - L’Irak doit se retirer du Koweït complètement, immédiatement et sans condition ; - le gouvernement légitime du Koweït doit être rétabli ; - la sécurité et la stabilité dans le golfe Persique doivent être garanties ; - les ressortissants américains à l’étranger doivent être protégés. Ces objectifs ne sont pas seulement les nôtres. Ils ont été approuvés par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies […]. La plupart des pays partagent notre volonté de faire respecter les principes. […] Il est clair qu’aucun dictateur ne peut plus compter sur l’affrontement Est-Ouest pour bloquer l’action de l’ONU contre toute agression. Un nouveau partenariat des nations a vu le jour. […] De cette période difficile, notre cinquième objectif, un nouvel ordre mondial, peut voir le jour : une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. Une ère où tous les pays du monde, qu’ils soient à l’Est ou à l’Ouest, au Nord ou au Sud, peuvent prospérer et vivre en harmonie. […] Aujourd’hui, ce nouveau monde cherche à naître. Un monde tout à fait différent de celui que nous avons connu. Un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle. Un monde où les états reconnaissent la responsabilité commune de garantir la liberté et la justice. Un monde où les forts respectent les droits des plus faibles. […] Les Etats-Unis et le monde doivent défendre leurs intérêts communs vitaux. Et ils le feront. Les Etats-Unis et le monde doivent soutenir la primauté du droit. Et ils le feront. Les Etats-Unis et le monde doivent se dresser contre l’agression. Et ils le feront. Et une dernière chose : dans la poursuite de ces objectifs, les Etats-Unis ne se laisseront pas intimider. […] Les récents évènements ont certainement montré qu’il n’existe pas de substitut au leadership américain. Face à la tyrannie, que personne ne doute de la crédibilité et du sérieux 9 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance des Etats-Unis. Que personne ne doute de notre détermination. Nous défendrons nos amis. […] Source : Discours du président G. Bush devant le Congrès, 11 septembre 1990 Document 2 : Les Etats-Unis, une « hyperpuissance » dans les années 1990 ? La dissolution de l'URSS en 1991 a entraîné une disparité stratégique extraordinaire. Les États-Unis se sont retrouvés dans une configuration inédite « d'unipolarité », c'est-à-dire de suprématie militaire mondiale incontestée. […] L'avantage économique américain était beaucoup moins marqué, mais les États-Unis étaient redynamisés par leur avance dans la révolution, encouragée par l'État, des technologies de l'information. Du fait de l'afflux de capitaux venant s'investir aux États-Unis, ces derniers ont pu financer leur expansion économique à faible coût. Leurs principaux concurrents s'étaient simultanément affaiblis. Du fait des coûts de la réunification allemande, l'Europe devait connaître une décennie de croissance molle. Le Japon, qui paraissait économiquement triomphant dans les années 1980, était tombé dans une longue période de stagnation dont l'archipel n'est pas encore vraiment sorti. Au plan des représentations, le modèle américain semblait triompher, tant dans les modes de consommation qu'au niveau politique avec la vague de démocratisation en Amérique latine et en Asie orientale. En somme, à l'abord de l'an 2000, les États-Unis paraissaient dans le meilleur des mondes possibles. Le résultat fut un accès de triomphalisme. […] Voix parmi tant d'autres, début 2001, Henry Kissinger écrivait : « A l'aube du nouveau millénaire, les États-Unis jouissent d'une prééminence qui n'a jamais été égalée, même par les plus grands empires du passé. De l'armement à l'esprit d'entreprise, de la science à la technologie, de l'éducation supérieure à la culture populaire, l'Amérique exerce un ascendant sans parallèle sur la planète. » Pour leur part, les néoconservateurs se mirent à rêver d'un « nouveau Siècle américain » et à bricoler une stratégie pour pérenniser la « nouvelle ère d'unipolarité ». Source : Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70 Questions : 1. Après avoir replacé le document 1 dans son contexte, vous en présenterez l’auteur. 2. En quoi ce texte montre-t-il que les Etats-Unis sont une « hyperpuissance » ? 3. Montrez que la position des Etats-Unis dans le monde repose sur une vision multilatérale ? 4. Pour autant, cette vision multilatérale n’est-elle pas marquée par une volonté de supériorité des Etats-Unis et un rôle de leadership dans le monde ? 5. Selon le terme d’Hubert Védrine, les Etats-Unis étaient-ils une « hyperpuissance » dans tous les domaines ? B. Le retour à l’unilatéralisme après 2001 Documents à utiliser : Le choix de l’unilatéralisme (Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 70), document 4 p. 235, les Etats-Unis et le monde au lendemain du 11 septembre 2001 (cartothèque science-po). Document 1 : Le choix de l’unilatéralisme Les attentats ont révélé une vulnérabilité à un défi de type nouveau - le terrorisme transnational non étatique - et profondément atteint le moral des Américains. Mais ils n'ont pas modifié la nouvelle donne des relations internationales. Les grands équilibres n'ont pas été rompus. Ce qui a modifié la donne, du moins en partie, est la réponse de l'administration Bush aux attentats du 11-Septembre. Cette dernière a choisi une stratégie de rupture en officialisant une doctrine de guerre préventive, en abandonnant les institutions multilatérales et le droit 10 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance humanitaire international, et en engageant une mobilisation militaire de grande ampleur dont la finalité n'était pas logiquement liée au terrorisme transnational. L'objectif sous-jacent était de remodeler les relations internationales. Le 12 octobre 2001, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld déclarait dans une interview accordée au New York Times, que les événements du 11-Septembre représentent « le genre d'opportunités que la Seconde Guerre mondiale avait offertes de refaçonner une grande partie du monde ». Source : Ph. Golub, Le spectre de la décadence, Les collections de l’histoire n° 56, p. 69-70 Document 3 : Questions : 1. Montrez que les Etats-Unis adoptent une position unilatérale après les attentats du 11 septembre 2001 et que l’on revient dans un système de « présidence impériale » qui avait disparu depuis 1974 et la fin de la Guerre du Vietnam. 2. Montrez que depuis 2008 et l’arrivée de Barack Obama, les idées issues du wilsonisme sont de nouveau à l’ordre du jour, de même que le multilatéralisme. C. Une « hyperpuissance » économique depuis les années 1990 ? (CM) L'avantage économique américain était beaucoup moins marqué, mais les États-Unis étaient redynamisés par leur avance dans la révolution, encouragée par l'État, des technologies de l'information. Du fait de l'afflux de capitaux venant s'investir aux États-Unis, ces derniers ont pu financer leur expansion économique à faible coût. Leurs principaux concurrents s'étaient simultanément affaiblis. Du fait des coûts de la réunification allemande, l'Europe devait connaître une décennie de croissance molle. Le Japon, qui paraissait économiquement triomphant dans les années 1980, était tombé dans une longue période de stagnation dont l'archipel n'est pas encore vraiment sorti. Au plan des représentations, le modèle américain semblait triompher, tant dans les modes de consommation qu'au niveau politique avec la vague de démocratisation en Amérique latine et en Asie orientale. En somme, à l'abord de l'an 2000, les États-Unis paraissaient dans le meilleur des mondes possibles. 11 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance La guerre en Irak, et la politique de guerre préventive en général, a eu des coûts exorbitants de la guerre pour le Trésor américain. Le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a avancé le chiffre de 3 000 milliards de dollars si l'on ajoute aux coûts directs de près de 1 000 milliards les coûts indirects que constituent les intérêts sur la dette, car la guerre a été financée par l'endettement externe, et les coûts différés de 1 000 milliards pour les soins et les pensions invalidité des vétérans. A tout cela s'ajoute le coût plus large difficilement chiffrable pour la société du fait du détournement de ressources qui auraient pu être consacrées à des besoins internes : éducation, infrastructures, santé, etc. Le prix des aventures impériales est donc très élevé. Aujourd'hui, la puissance économique et culturelle américaine diminue. Du point de vue de l’économie, plutôt que de déclin américain, il est plus pertinent aujourd'hui de parler de rééquilibrage graduel des relations internationales. Si les États-Unis restent la première puissance militaire et la première source d'innovation technologique, leur position relative dans l'économie mondiale décroîtra dans les années à venir. Au cours des dernières décennies nous avons assisté à l'émergence ou la réémergence, selon les cas, de régions postcoloniales telles que la Chine, l'Inde, l'Amérique latine, qui désormais représentent des composantes dynamiques de l'économie mondiale capitaliste. Structurellement parlant, il s'agit du changement le plus significatif de l'histoire internationale depuis la révolution industrielle européenne. La mondialisation de la fin du XXe siècle, impulsée par les États-Unis, a certes intégré la planète, mais elle a aussi conduit à des nouvelles concentrations de richesse, et donc à terme de puissance, dans des États qui, comme la Chine, ont su canaliser les flux financiers et commerciaux à des fins de développement endogènes. Cette transformation met un terme au cycle pluricentenaire de primauté occidentale. Il y aura inévitablement redistribution de la puissance et les États-Unis, comme l'Europe, devront s'y adapter. La Chine devient un « coeur » parmi d'autres, pour reprendre l'expression de Braudel, dans un monde polycentrique et pluriel. Elle ne deviendra pas le coeur du monde. Il faudra donc partager le pouvoir. Cela ne sera sans doute pas aisé puisque, comme le disent si bien les historiens Peter Cain et Anthony Hopkins, « les porte-parole des puissances dirigeantes n'admettent pas facilement l'idée que la fin de leur période de domination ne soit pas nécessairement la fin du monde ». Mais le partage équivaut-il au « déclin » ? Les discours déclinistes masquent les enjeux globaux contemporains cruciaux que sont l'interdépendance et la coopération ; ils dissimulent les défis internes tout aussi urgents auxquels fait face la société américaine : les inégalités, l'éducation, la santé... Ce sont les réponses données à ces problèmes qui détermineront l'avenir. Le raisonnement vaut tout autant pour la Chine qui connaît des turbulences sociales et politiques importantes, sans parler de l'Europe qui erre et se déchire. Conclusion : organigramme p. 243 12 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Partie II : La Chine et le monde depuis le « mouvement du 4 mai 1919 » Exercice amorce : Comparez la situation décrite par l’affiche p. 274 et celle montrée par la photo 2 p. 251. Que pouvez-vous en déduire de l’évolution de la situation de la Chine depuis le début du XXème siècle ? Affiche réalisée par le parti communiste chinois en 1952 au moment de la parution des Œuvres Complètes de Mao Zedong. La phrase écrite en chinois signifie : « Etudions avec ardeur le marxisme-léninisme pensée de Mao Zedong, et construisons une nouvelle Chine prospère, riche et puissante ». Problématique : Comment la Chine est-elle devenue une puissance communiste tout en étant aujourd’hui parmi les plus grands leaders du monde ? I. La République populaire de Chine sous l’influence maoïste (1949-1978) A. Le parti communiste chinois, résistance à l’Occident et restauration de la puissance chinoise Documents à utiliser : documents 3 et 5 p. 257, document 4 p. 259, le parti communiste, un parti nationaliste et révolutionnaire (A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24), la victoire communiste née de la seconde guerre mondiale (A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24-25) Document 1 : Le parti communiste, un parti nationaliste et révolutionnaire : […]Rappelons d'abord que les communistes n'étaient pas moins nationalistes que les autres […]Persuadé que Lénine était en train de moderniser une Russie arriérée, maint intellectuel nationaliste était impatient de transposer en Chine une méthode qui avait pu faire ses preuves. Le politologue Chalmers Johnson a même identifié les communistes chinois à des nationalistes qui auraient gagné le soutien des masses paysannes en animant la résistance à l'envahisseur nippon1. Bien que cette thèse soit excessive et unilatérale, c'est incontestablement l'invasion japonaise qui a permis aux communistes de l'emporter : la révolution chinoise fille de la Seconde Guerre mondiale, comme la révolution russe de la Première. […] Si les révolutionnaires voulaient tous édifier une Chine forte et prospère, les communistes prétendaient aussi défendre les déshérités contre leurs exploiteurs. Dans un pays agricole où le prolétariat industriel représentait en 1949 moins de 2 % de la population, les pauvres dont il importait de promouvoir la condition, c'était avant tout les paysans. […] C'est 13 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance la principale raison du choix de Mao Zedong, qui transfère, à partir de 1927, le combat révolutionnaire des villes aux campagnes. Source : A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24 Document 2 : La victoire communiste née de la seconde guerre mondiale De 1927 à 1934, Mao tente de mobiliser les paysans pauvres du Jiangxi en leur distribuant la terre des riches. Non pas dans tout le Jiangxi, mais dans ses régions les plus sousdéveloppées, et ce pour des raisons stratégiques et non sociales : il est plus facile de se terrer et de maintenir une armée dans les collines et montagnes mal administrées que le long des voies de communication. Mao y fonde en 1931 une « République soviétique chinoise ». […] Lorsque la « république soviétique du Jiangxi » s'effondre, […] les communistes entament leur Longue Marche. […] Épopée et plus encore mythe, la Longue Marche est d'abord une retraite, une fuite éperdue pour préserver l'instrument de la conquête du pouvoir : l'armée et ses chefs politiques et militaires. […] Les « masses paysannes » chères à l'historiographie maoïste ont-elles aidé cette expansion ? Pas au début, pas spontanément ensuite. Dès les premiers mois de son épopée du Jiangxi, en 1928, Mao a jugé les masses « froides et réservées ». Dix ans plus tard, lorsque l'invasion japonaise leur donne de nouveaux atouts, les communistes font certes de nombreuses recrues, mais à peu près exclusivement parmi les jeunes intellectuels patriotes, accessoirement parmi les fils de propriétaires fonciers ; les paysans ont, eux, d'autres chats à fouetter. […] Baptisée « libération » jiefang en Chine populaire, la révolution communiste est d'abord le remplacement d'une domination par une autre, plus rigoureuse mais plus efficace. Efficace pour rétablir la loi et l'ordre qui a tellement fait défaut. Moins efficace toutefois pour promouvoir l'indispensable modernisation qu'a, à l'origine, incarnée le projet révolutionnaire. Source : A. Roux, le retour du Guomindang, L’histoire n° 365, p. 24-25 Questions : 1. Quel est le fondement de l’idéologie communiste chinoise ? 2. Le parti communiste est-il un parti nationaliste ? 3. Quelles sont les actions menées par le parti communiste afin d’arriver au pouvoir ? 4. Quel est l’objectif principal du PCC une fois le pouvoir entre ses mains ? B. Construire un Etat fort Documents à utiliser : la constitution de la République populaire de Chine du 20 septembre 1954 (Ministère chinois des affaires étrangères) Document 1 : La constitution de la République populaire de Chine du 20 septembre 1954 […] En l’an 1949, après plus d’un siècle de lutte héroïque, le peuple chinois, guidé par le parti communiste chinois, a finalement remporté la grande victoire dans la révolution populaire contre l’impérialisme, le féodalisme, et le capitalisme bureaucratique […] et a fondé la République Populaire de Chine – une dictature populaire démocratique. Le système de la démocratie populaire – le système d’une nouvelle démocratie – de la République populaire de Chine garantit que notre pays peut, de manière pacifique, éliminer l’exploitation et la pauvreté et construire une société socialiste heureuse et prospère. […] Les tâches générales de l’Etat durant la période de transition consistent, pas à pas, à provoquer l’industrialisation socialiste du pays et, pas à pas, d’accomplir la transformation socialiste de l’agriculture, de l’industrie artisanale et capitaliste et du commerce. […] 14 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Au cours des dernières années, notre peuple a mis en place avec succès la réforme du système agraire, la résistance contre l’agression des Etats-Unis et l’aide à la Corée, l’élimination des contre-révolutionnaires, la réhabilitation de notre économie nationale et d’autres luttes à grande échelle, préparant ainsi les conditions nécessaires pour la construction d’une économie planifiée et la transition graduelle vers une société socialiste. […] L’unité des nationalités de notre pays continuera à gagner en force sur la base du futur développement de ponts fraternels et d’aide mutuelle, et sur la base de l’opposition à l’impérialisme, l’opposition aux ennemis publics dans nos rangs, et l’opposition à la fois au chauvinisme des grandes nations et du nationalisme local. Sur le chemin de la construction économique et du développement culturel, l’Etat sera concerné par les besoins des différentes nationalités, et, dans le but de la transformation socialiste, fera pleinement cas des caractéristiques spéciales dans le développement des nationalités. […] Article 2. Tous les pouvoirs de la République populaire de Chine appartiennent au peuple. Les organes à travers lesquels le peuple exerce le pouvoir sont le Congrès populaire national et les congrès populaires locaux à différents niveaux. […] Le Congrès populaire national, les congrès populaires locaux et les autres organes de l’Etat pratique le centralisme démocratique. Source : Ministère chinois des affaires étrangères Questions : 1. Après avoir replacé le document dans son contexte, vous en présenterez rapidement le ou les auteurs. 2. Quelles sont les caractéristiques du gouvernement de la République Populaire de Chine ? 3. Quels sont les principes sur lesquels repose le nouveau gouvernement ? 4. Contre qui ou quoi se bat la République Populaire de Chine ? 5. Montrez que l’Etat ainsi créé est un Etat fort qui tente d’unifier la Chine sous son contrôle mais aussi se donner une envergure internationale. C. Reconquérir son influence en Asie Documents à utiliser : document 1 p. 262, document 3 p. 263, Influencer l’Asie et s’opposer à l’Occident (Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 136-137), document 1 p. 272. Document 1 : Influencer l’Asie et s’opposer à l’Occident La rupture de l’Occident avec la Chine populaire n’est pas une résultante de la prise de pouvoir des communistes, ni de son engagement dans le camp socialiste. Elle est provoquée par l’intervention militaire de la Chine en Corée. [Les 8000 « volontaires » chinois] repoussent les troupes onusiennes, sauvant le régime de Kim Il-Sung. Cette confrontation va peser sur les relations sino-américaines […]. Pékin intervient plus discrètement mais de manière tout aussi efficace dans le conflit qui sévit en Indochine. Après avoir reconnu implicitement le gouvernement d’Hô Chi Minh en janvier 1950, elle lui apporte un soutien militaire et diplomatique, mais cette fois, elle évite toute implication directe qui risquerait une riposte occidentale. […] Dans le même temps, la Chine entend récupérer ce quelle considère comme être historique son territoire. En 1950, les troupes chinoises occupent le Tibet. En août 1954, Zhou Enlai fait de la libération de Taïwan un de ses principaux objectifs1. […] Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 136-137 1 Après la victoire des communistes en Chine continentale, les membres du Guomindang se sont réfugiés à Taïwan créant un Etat nationaliste chinois qui est officiellement le représentant chinois à l’ONU jusqu’en 1971, date à laquelle la République Populaire de Chine est reconnue par les Etats-Unis. 15 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Questions : 1. Quelle est l’alliance formée par la République Populaire de Chine afin de lui donner un poids international ? Sur quelles bases se fonde-t-elle ? 2. Quelles sont les raisons de la querelle avec l’Occident, et notamment les Etats-Unis ? 3. Par quelles actions la Chine se présente-t-elle comme une puissance incontournable en Asie ? 4. Quel est l’autre moyen utilisé par la Chine pour tenter de devenir une grande puissance en Asie, mais aussi dans le reste du monde dans les années 1950-1960 ? D. Une nouvelle puissance régionale Documents à utiliser : L’opposition Moscou-Pékin (Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 137-138), La normalisation des relations entre la Chine et l’Occident (Dictionnaire de la Guerre Froide p. 138-139) Document 1 : L’opposition Moscou-Pékin Après une phase de reconstruction, la Chine de Mao adopte le modèle de développement stalinien d’édification du socialisme, mais elle ne peut en aucun cas être considérée comme un satellite de Moscou. L’URSS apporte l’aide financière et technique nécessaire à la mise en œuvre du plan quinquennal lancé en 1953. […] En 1956, des désaccords apparaissent entre les deux pays après la tenue du XXème Congrès du PCUS. […] Le fossé idéologique se creuse progressivement. Mao […] se montre de plus en plus hostile à la détente et reproche ouvertement à l’URSS d’abandonner la stratégie révolutionnaire pour rechercher la paix à tout prix. […] Mao tourne le dos au modèle soviétique. Il se lance dans l’industrialisation à outrance et lance son pays dans l’aventure du « Grand Bon en avant » et des communes populaires. Parallèlement, il renforce ses liens avec les éléments les plus révolutionnaires du Tiers-Monde. Le voyage de Khrouchtchev aux Etats-Unis en 1960 envenime un peu plus la situation et, en 1960, la rupture est consommée. […] Malgré leur isolement et l’échec patent du « Grand Bon en avant », les communistes chinois ne plient pas. […] La Chine utilise la crise de Cuba pour contester à Moscou le rôle de leader du mouvement communiste international. [En 1964], la Chine se dote de la bombe A et en juin 1967 […], elle se dote de la bombe H, aggravant l’inquiétude des soviétiques. […] De son côté, Moscou fomente des troubles à la frontières du Xinjiang pour dresser la population contre le pouvoir central. […] Les relations diplomatiques sont rompues et l’URSS envisage une frappe nucléaire préventive sur les installations atomiques du nord de la Chine. Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 137-138 Document 2 : La normalisation des relations entre la Chine et l’Occident [La menace de guerre avec l’URSS] provoque un revirement total de la diplomatie chinoise, qui reçoit au même moment des signes d’apaisement de la part de Washington. […] Les échanges de biens et de personnes reprennent entre les deux pays. En 1971, la Chine populaire est admise aux Nations-Unies et retrouve sa place dans la communauté internationale. Le président Nixon se rend en visite officielle à Pékin du 21 au 28 février 1972. Lors de sa rencontre avec Mao Zedong, il manifeste son désir de normaliser les relations entre les deux pays. […] L’alliance sino-américaine, destinée à contrer « l’impérialisme russe », est abandonnée après la disparition du grand timonier (=Mao Zedong) en raison du soutien américain à Taïwan, mais que soit pour autant rompue la coopération économique. Source : Dictionnaire de la Guerre Froide, p. 138-139 16 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Questions : 1. Comment la Chine entend-elle s’opposer à l’URSS dans les années 1960-1970 ? Quelles sont les raisons de cette opposition ? 2. En quoi la normalisation des rapports avec l’Occident sont-ils directement liés avec la querelle avec l’URSS ? 3. Montrez que la Chine s’est dotée des attributs de la puissance internationale mais qu’elle est marquée intérieurement par de grandes difficultés économiques. 4. L’influence chinoise est-elle aussi importante que sa propagande semble le laisser entrevoir ? II. L’ouverture économique de la Chine à la mort de Mao A. L’acquisition de la puissance économique et financière Documents à utiliser : L’ouverture économique de Deng Xiaoping (François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300), documents 4 et 5 p. 269. Document 1 : L’ouverture économique de Deng Xiaoping […] Deng a d’abord enrayé un nouveau mouvement de mobilisation de masse dans l’agriculture. Il lance à cette occasion la critique des impostures de la politique économique et sociale de l’ère maoïste*. Puis il ouvre les vannes de la réhabilitation des victimes de la Révolution culturelle, lance une politique de hausse des prix d’achat des récoltes aux paysans. Il restaure aussi la légalité le droit même avait été suspendu pendant la dernière phase de la Révolution culturelle. […]Dès janvier 1979, dans la province du Sichuan, gouvernée par Zhao Ziyang, une réforme de l’entreprise est lancée : elle réhabilite les profits et rend aux entreprises d’État une autonomie de gestion. En juin 1979, des zones économiques spéciales ZES sont ouvertes aux étrangers, qui y implantent très vite des usines. Au début 1981, l’ensemble des terres cultivées est rendu aux familles paysannes, même si l’État en conserve la propriété théorique. […]En 1984, on libéralise une partie des prix industriels. On autorise la création d’entreprises privées en principe à échelle réduite. […]La généralisation des marchés libres réduit la portée des restrictions officielles à la mobilité de la population - on pourra désormais se déplacer plus facilement. Commence un afflux migratoire vers les villes chinoises, qui va bouleverser la répartition de la population. Toujours cette même année 1984, la libéralisation du commerce extérieur conduit à un gonflement des importations de biens de consommation et à un dérapage économique en 1985 : déficit commercial, effondrement des réserves de change, inflation des prix et du crédit. Ainsi s’achève le premier cycle économique de l’ère des réformes et de l’ouverture. Il sera suivi d’une deuxième vague de réformes au début des années 1990. Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 103 Document 2 : Réformes économiques mais répression politique En 1986, le lieutenant le plus libéral de Deng, Hu Yaobang, propose de séparer le parti de l’État et de promouvoir la liberté d’expression. Il est désavoué par Deng et perd son poste en janvier 1987. Il faut dire que l’expansion des projets économiques et de la consommation conduit à un nouveau dérapage inflationniste à l’été 1988. C’est un moment clé. L’alliance de 1976 se disloque et les conservateurs reprennent le pouvoir. Les intellectuels, les étudiants et les classes urbaines se mobilisent alors pour appuyer les dirigeants réformateurs menacés, tandis que le refroidissement économique entraîne des difficultés sociales pour les petits entrepreneurs et les artisans. Ce sera la base économique et sociale du mouvement de Tian’anmen. […] 17 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance La proclamation de la loi martiale, l’intervention sanglante d’une partie de l’armée, l’absence aussi d’alternative politique constituée, permettront de rétablir l’ordre ; la répression entraîne la chute de toute l’aile réformatrice du régime. On évalue à plusieurs milliers le nombre de morts, sans compter les nombreux blessés. Deng reste au pouvoir. Il a choisi la préservation du régime aux dépens de la réforme et de l’ouverture. La stabilité politique, le maintien du noyau dirigeant, seront désormais sa ligne directrice jusqu’à sa mort, en février 1997. Il a pourtant relancé la politique d’ouverture et de réforme, suscitant un flot sans précédent d’investissements étrangers vers la Chine. […] Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 105 Questions : 1. Quelles sont les réformes menées par Deng Xiaoping ? 2. Que permettent-elles pour l’économie chinoise ? 3. En quoi, l’organisation de la ville de Shanghai reflète-t-elle aujourd’hui le caractère incontournable de la Chine dans les échanges économiques mondiaux ? 4. Si la Chine s’est ouverte économique, peut-on estimer qu’il existe une ouverture politique ? B. Un nouveau centre géopolitique en Asie orientale Documents à utiliser : la Chine, une intégration progressive dans les instances internationales (François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300), document 4 p. 265, document 5 p. 267. Document 1 : La Chine, une intégration progressive dans les instances internationales Deng a mené une politique d’ouverture, j’y ai fait allusion, qui a permis à la Chine de réintégrer pleinement la communauté internationale : l’entrée de la Chine dans tous les organismes financiers internationaux FMI, Banque mondiale en 1980-1981, participation à l’APEC, en 1993, et finalement entrée à l’OMC en 2001. Cela n’empêche pas que Deng se soit révélé un nationaliste à certains égards plus exigeant que Mao. Les hostilités contre le Vietnam en 1979, c’est lui qui en prend l’initiative - la Chine tente alors d’envahir son voisin. C’est lui qui négocie le rattachement de Hongkong à la Chine qui se fera finalement en 1997 et, quand, en 1983, un général affirme que l’Armée rouge ne stationnera pas dans la colonie revenue dans le giron chinois, il le dément aussitôt. Les dirigeants actuels de Pékin démentent toute volonté hégémonique en Asie. Ils se plient au précepte de Deng selon lequel il vaut mieux cacher ses forces et attendre son heure. Mais la Chine est décidée à jouer le premier rôle en Asie. Aucun doute n’est permis : elle veut se servir de son dynamisme économique pour étendre son rayonnement sur la région. Par réalisme, Pékin accepte l’équilibre géostratégique asiatique, marqué par l’alliance entre Washington et Tokyo. Source : François Godement, La première puissance mondiale ?, L'Histoire n°300, p. 106 Question : Montrez que la Chine est une puissance diplomatique et militaire mais qu’elle doit aussi faire face à des nombreuses tensions géopolitiques dans sa zone d’influence. C. La Chine, une puissance incomplète ? Documents à utiliser : les défis actuels de la population chinoise (Atlas de la Chine, 2012, p. 21), Pourquoi la Chine n’éclate-t-elle pas ? (Atlas de la Chine, 2012, p. 40), Une puissance militaire face à de nouveaux défis (Atlas de la Chine, 2012, p. 71). 18 Thème 3 : Puissances et tensions dans le monde de la fin de la première guerre mondiale à nos jours Chapitre 4 : Les chemins de la puissance Document 1 : Les défis actuels de la population chinoise La population de Chine devrait se stabiliser vers 1,5 milliards d’habitants dans les 30 ans à venir. […] Mais les conséquences du boom démographique dans les années 1950 et 1960, puis de la politique de l’enfant unique pèseront longtemps sur le pays. Une main d’œuvre pléthorique, insuffisamment formée, est le défi majeur depuis 30 ans déjà. […] Le vieillissement de cette classe d’âge nombreuse constitue un autre défi. […] Un déséquilibre des sexes inquiète enfin les autorités chinoises : compte 123 garçons pour 100 filles parmi les enfants de moins de 5 ans en 2005. Source : Atlas de la Chine Document 2 : Pourquoi la Chine n’éclate-t-elle pas ? L’hypothèse du prochain éclatement territorial dû à l’essor économique actuel souligne une disparité régionale aggravée par les inégalités de croissance face à un Etat idéologiquement affaibli. Mais les principaux acteurs à la tête des logiques régionales ne sont plus aujourd’hui l’ancienne élite foncière et commerciale, ni des « seigneurs de la guerre ». Une solidarité dans leur appartenance au Parti communiste les lie entre eux et leur fait partager un discours commun. Premier acquis de la Chine socialiste, il faut en souligner une unité interne de nature politico-administrative. La fragmentation en cours entre les régions n’est pas radicale. Source : Atlas de la Chine Document 3 : Une puissance militaire face à de nouveaux défis. Les ambiguïtés de la puissance. Si sa doctrine reste strictement défensive, l’armée chinoise contribue aussi au maintien de l’ordre intérieur et au renforcement de la stratégie diplomatique du pays grâce à l’acquisition de moyens crédibles de coercition. La question taïwanaise et les possibilités d’une intervention américaine sont les principaux défis avancés en interne. Des forces armées à plusieurs vitesses. L’accent est mis sur la création d’unités disposant de moyens technologiques les plus modernes, notamment en technologie de l’information. Par contre, la grande majorité des forces militaires demeure très mal équipée. Un retard à combler. Les capacités navales et aériennes accusent un retard considérable face à celle des pays occidentaux, et notamment des principales puissances présentes dans la région, les Etats-Unis et le Japon. Le soutien russe. Alors que l’embargo européen sur les ventes d’armes date de la répression de 1989, la Russie est devenue le premier d’armes de la Chine dans les années 1990. Source : Atlas de la Chine Question : Montrez que malgré l’importance de la puissance économique et financière de la Chine à l’heure actuelle, les nombreux défis auxquels elle doit faire face ne lui permettent pas de prétendre au statut de superpuissance. Conclusion : organigramme p. 273 19