mise au point
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 6, juin 2000 220
Mise au point sur l’anxiété
d’une réalité dont il résultera secondai-
rement une réaction d’alerte”. Ces sou-
cis sont excessifs et concernent souvent
des problèmes mineurs. Associée au
souci, on retrouve la notion de tension
interne, sans pour autant que les troubles
somatiques soient au premier plan. Ce
qui différencie les soucis du sujet
anxieux des soucis du sujet normal est
l’intensité, la fréquence et le caractère
incontrôlable de ces phénomènes. Des
études ont montré que le sujet anxieux
présenterait un schéma cognitif de vulné-
rabilité qui serait présent dans la mémoire
à long terme (5). Ce schéma proviendrait
d’expériences précoces de confrontations
au danger dans l’environnement qui n’au-
raient jamais abouti à des mécanismes
adaptatifs satisfaisants (6).
Des études cognitives ont révélé une
organisation dysfonctionnelle du traite-
ment de l’information dans la pathologie
anxieuse. Le traitement de l’information
anxiogène par le sujet anxieux montre
qu’une partie de ses fonctions cognitives
sont détournées, au détriment de l’élabo-
ration d’une réponse adaptée (7). À par-
tir du test de Stroop et des expériences
d’écoute dichotique, des anomalies cli-
niques ont été mises en évidence chez le
sujet anxieux, telles que l’attrait privilé-
gié pour certaines informations de nature
anxiogène extraites du contexte, l’impact
sélectif de ces informations relatives à un
domaine de vulnérabilité de l’individu, et
le détournement des fonctions adaptatives
impliquées dans la réponse anxieuse.
Mais avant le traitement de l’information
interviennent des processus attention-
nels, de dénomination et de reconnaissan-
ce du stimulus. Chez l’anxieux, l’atten-
tion serait impliquée préférentiellement
dans le traitement des stimuli anxiogènes.
À partir d’une tâche de détection percep-
tive d’un point sur l’écran, on a montré
que les sujets souffrant de TAG présen-
taient une attention focalisée sur les sti-
muli anxiogènes alors que les sujets
témoins présentaient une attention
détournée en faveur d’items neutres ou
rassurants (8). Ce résultat plaide en
faveur de l’automaticité du processus. Le
biais attentionnel chez l’anxieux survient
dès les premières phases automatiques de
sélection des informations perçues dans
un contexte, et se répercute en aval sur
les fonctions cognitives (9). Si l’attention
chez l’anxieux est détournée vers des
informations cibles de nature anxiogène,
la facilitation de ces processus de per-
ception et de détection précoce de l’in-
formation peuvent trouver une explica-
tion dans le fonctionnement de la
mémoire.
L’étude de la mémoire explicite dans
une tâche de rappel libre montre que,
chez le sujet anxieux, il existe un évite-
ment des informations menaçantes. La
mémoire explicite qui correspond à la
mémoire consciente et volontaire est
intacte. En revanche, l’étude de la
mémoire implicite, par la tâche de com-
plément de radicaux de mots, montre
que les sujets anxieux présentent un
“priming” (amorçage) pour les stimuli
anxiogènes (10). La mémoire implicite,
qui correspond à la mémoire automa-
tique, indépendante de tout effort volon-
taire de récupération présente un dys-
fonctionnement ; il s'agit d'une
activation automatique et accélérée de
représentations menaçantes sollicitées
par l’item pathogène. Cette activation
pourrait même être présente en dehors
de toute stimulation, sous l’effet d’une
hypersensibilité permanente, latente et
quasi spontanée (11, 12). Dans le
trouble anxieux, il semble y avoir un
déficit de l’élaboration dans le traite-
ment de certaines informations, telles
que l’inhibition de l’identification d’un
mot neutre suivant une amorce anxiogène
(décision lexicale) ou l’inhibition des
processus de rappel d’informations
anxiogènes (mémoire explicite). En
revanche, il semble y avoir une facilita-
tion des processus d’intégration vis-à-
vis de certaines informations, telles que
la facilitation de la reconnaissance d’un
mot anxiogène suivant une amorce de
même nature (mémoire implicite).
Ainsi, les dysfonctionnements cognitifs
entravant le traitement de l’information,
dans le cadre des troubles anxieux, peu-
vent se résumer par des processus d’in-
tégration automatique de stimuli
conduisant à la dénomination anxiogène
de situations. Ils peuvent aussi se résu-
mer par des processus attentionnels
orientés vers le traitement sélectif de
données informatives anxiogènes et par
des processus d’élaboration désorgani-
sés, détournés de leur fonction de syn-
thèse, provoquant des réponses non
conformes au contexte (13).
Études épidémiologiques
De nombreuses études sur les troubles
anxieux ont été réalisées. Une étude amé-
ricaine, la National Comorbidity Survey
(NCS), menée en population générale, a
montré que la prévalence sur la vie entiè-
re des troubles anxieux était proche de
25 %, et que pour le TAG, elle était de
5,1 % (14). Dans une enquête en popula-
tion française, Lépine et al., ont retrouvé
une prévalence vie entière des troubles
anxieux de 17,3 % chez les hommes et de
36 % chez les femmes (15).
Concernant spécifiquement le TAG, peu
d’études épidémiologiques ont été réali-
sées. Celle menée en 1992 par
F. Rouillon et le GEP avait montré que la
prévalence du TAG chez les patients
consultant en psychiatrie était de l’ordre
de 25 % (16) et d’environ 15 % en méde-
cine générale.
Le début du TAG se situerait à l’adoles-
cence, avec une évolution progressive
vers la chronicité. En ce qui concerne les
facteurs d’apparition du TAG, certains
auteurs rapportent une plus grande fré-
quence de perte parentale précoce.
L’enquête épidémiologique réalisée dans
le cadre du programme ECA