I.
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A NOTION D
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IMPOT
A./ Constitution de la notion
L’impôt est un fait avant d’être l’objet d’une science. Il répond à une nécessité.
L’étude scientifique de l’impôt n’est pas absente sous l’Ancien régime. Mais cette étude est
essentiellement le fait d’économistes, tels Adam Smith, qui étudient le système fiscal dans ses
aspects économiques et, dans une perspective normative, en prescrivent le meilleur usage
pour accroître la « richesse des nations ».
L’étude de l’impôt en tant que tel se concentre alors essentiellement sur la nature de ce
prélèvement.
De Montesquieu à Mirabeau, l’impôt est envisagé comme une « prime d’assurance ». Émile
de Girardin fait sienne cette théorie et l’expose avec la plus grande netteté : « … l’impôt doit
être la prime d’assurance payée par ceux qui possèdent pour s’assurer contre les risques de
nature à les troubler dans leur possession ou leur jouissance ».
Pour d’autres auteurs, tels que Proudhon, l’impôt est payé en contrepartie de services rendus :
« L’impôt est un échange. De même que, pour certaines utilités, l’échange se fait de personne
à personne, de même, pour certaines autres utilités, l’échange ne peut se faire que de
particuliers à une personne collective qui a nom l’État » (Proudhon (Pierre-Joseph), Œuvres
complètes, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1850-1871, 26 tomes, tome 15, Théorie
de l’impôt, 1868, p. 40). Et ces services doivent être rendus à leur coût de revient, sans
bénéfice.
Bien que Proudhon condamne Girardin, il appartient au même courant qui lie l’impôt à une
contrepartie : la sécurité ou la force publique pour l’un, des « services publics » plus
diversifiés pour l’autre.
Cette vision de l’impôt comme échange ou prime d’assurance est bien évidemment liée à une
vision des fonctions de l’État : ce dernier ne doit prélever que l’impôt qui lui est nécessaire
pour remplir les fonctions qui lui sont assignées. Dans la vision de l’impôt-échange de
Proudhon, les services rendus par l’État, qui ne sont pas productifs de richesse, sont
secondaires et doivent être limités au strict minimum.
Cette vision de l’impôt et donc de la société se retrouve à l’article 14 de la déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui établit que « Pour l'entretien de la force
publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable :
elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés »
.
Aucun de ces auteurs ne donne de définition de l’impôt, mais bien plutôt une conception
philosophique (malgré la prétention de Proudhon d’élaborer une véritable théorie universelle
de l’impôt). Certes, la définition de l’impôt n’a pu être donnée, à la fin du XIXème et au début
du XXème siècle, qu’au prix d’un cheminement idéologique. Mais celui-ci n’est pas exempt
de visées scientifiques.
Ce cheminement a d’abord été accompli par des auteurs tels que Stroum. René Stourm, dans
un ouvrage classique Systèmes généraux d'impôts dont la première édition paraît en 1893,
réfute les théories de l’impôt-contrepartie de Proudhon et de l’impôt-assurance de Girardin. Il
opte pour une vision de l’impôt-solidarité. Il n’existe pas en effet de contrepartie entre l’impôt
acquitté et un service rendu au contribuable.