Les pseudohypoparathyroïdies, un spectre de pathologies

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Résistance aux hormones
dossier
Les pseudohypoparathyroïdies,
un spectre de pathologies
à reconsidérer d’un œil nouveau
Pseudohypoparathyroidism, a spectrum of pathologies
to look at in a new way
Agnès Linglart1-4, Patrick Hanna1-4, Alessia Usardi1-3
» Le terme de pseudohypoparathyroïdie (PHP) regroupe un spectre
The term of pseudohypoparathyroidism (PHP) indicates a
group of diseases caused by an impairment of the signalling
pathway of the parathyroid hormone receptor (PTH/PTHrP).
» La classification actuelle des PHP ne reflète ni les bases
The actual PHP classification does not accurately represent neither
the molecular basis nor the clinical diversity of these diseases.
» L’association de plusieurs résistances à des hormones dont les
In the presence of several hormonal resistances, involving
receptors coupled with G proteins (GPCRs), one should think
about possible abnormalities of the GPCR/Gsa/cAMP signalling
pathway.
moléculaires des pathologies ni l’extrême diversité clinique
des patients.
récepteurs sont couplés aux protéines G (RCPG) doit faire évoquer
une anomalie de la voie de signalisation RCPG/Gsa/AMPc/PKA.
» Les ossifications ectopiques sous-cutanées sont pathognomoniques des mutations de GNAS1.
» Le diagnostic d’une résistance à la PTH doit faire réaliser une
enquête étiologique moléculaire poussée.
Highlights
P o i nt s f o rt s
de pathologies dont le défaut moléculaire est un élément
de la voie de signalisation du récepteur de la parathormone
(PTH/PTHrP).
Mots-clés : Pseudohypoparathyroïdie – Empreinte parentale – PTH –
Résistance hormonale – Acrodysostose – GNAS – Méthylation.
Service
d’endocrinologie et
diabétologie pédiatrique,
hôpital Bicêtre Paris-Sud.
2 Centre de référence
des maladies rares du
métabolisme du calcium
et du phosphore et filière
santé maladies rares
“OSCAR” (Os-Calcium/
Cartilage-Rein), Paris-Sud.
3 Plateforme d’expertise
maladies rares, hôpital
Bicêtre Paris-Sud.
4 Inserm U1169,
hôpital Bicêtre,
Le Kremlin-Bicêtre.
1
12
0012_MET 12
L
a parathormone (PTH) est une hormone
peptidique dont le rôle essentiel est de maintenir
la calcémie à une concentration située entre 2,20
et 2,65 mmol/l. Les défauts de sécrétion ou d’action
de la PTH ont pour conséquence une hypocalcémie,
une hyperphosphatémie et une augmentation de la
réabsorption tubulaire du phosphate. La PTH agit sur
ses tissus cibles (rein, os) en se liant à son récepteur,
le PTHR1, également dénommé récepteur PTH/
PTHrP. Le PTHR1 appartient à la famille des récepteurs
membranaires à 7 domaines transmembranaires
couplés aux protéines G (RCPG). Il a un deuxième
ligand, le PTHrp (PTH related peptide), dont la structure
peptidique est proche de celle de la PTH. Il est produit,
entre autres, par les chondrocytes.
Ectopic ossifications are typical features caused by mutations
of the GNAS1 gene.
The discovery of PTH resistance should trigger a molecular
investigation.
Keywords : Pseudohypoparathyroidism – Parental imprinting –
PTH – Hormonal resistance – Acrodysostosis – GNAS –
Methylation.
Les défauts de signalisation de la PTH sont appelés
“syndromes de résistance à la PTH” ou pseudohypoparathyroïdies (PHP) [1]. En effet, bien que la
PTH endogène soit synthétisée, les patients qui
en souffrent présentent des signes très similaires à
ceux atteints d’hypoparathyroïdie : hypocalcémie,
hyperphosphatémie et augmentation de la
réabsorption tubulaire du phosphate. Cette résistance
à l’action de la PTH est démontrée in vivo par l’absence
de réponse à l’injection de PTH exogène (test à
la PTH) : absence d’élévation de la phosphaturie et
absence d’élévation de l’AMP cyclique (AMPc) urinaire,
produit de l’activation du récepteur de la PTH (2-4).
Les syndromes génétiques de résistance à la PTH sont
donc secondaires à :
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Les pseudohypoparathyroïdies, un spectre de pathologies à reconsidérer d’un œil nouveau
✓ une anomalie du récepteur de la PTH : la chondrodysplasie de Blomstrand est une maladie létale due
à une mutation homozygote perte de fonction du gène
codant pour PTHR1 (5) ;
✓ une anomalie de la sous-unité α-stimulatrice des
protéines G (Gsa) caractérisant les PHP de type 1 ;
l’injection de PTH exogène ne produit ni élévation de
l’AMPc ni phosphaturie ; les PHP de type 1 représentent
la grande majorité des patients atteints de PHP ;
✓ les PHP de type 2 pour lesquelles l’injection de PTH
exogène élève l’AMPc urinaire mais ne produit pas de
phosphaturie ; l’anomalie se situe donc en aval du
complexe PTHR1/protéine Gsa (6).
Nous savons aujourd’hui que les patients atteints de
PHP présentent de nombreux signes cliniques en sus
de leur résistance à l’action de la PTH, et qu’il existe de
très nombreux chevauchements – à la fois cliniques et
moléculaires – entre les différents types de PHP. C’est la
caractérisation de ces aspects cliniques, de la réponse
biochimique à l’activation de la voie de signalisation
RCPG/Gsa/AMPc/PKA, puis des anomalies moléculaires
qui permet de reconsidérer aujourd’hui ces maladies
et de nous amener dans un futur proche à proposer
une classification moderne (7).
Les PHP1 ou PHP par défaut
d’expression de Gsa
Nous n’aborderons pas la chondrodysplasie de
Blomstrand (OMIM #215045), létale, et non relevante
pour le clinicien.
Toutes les PHP1 sont, à ce jour, liées à des défauts
d’expression de Gsa. La protéine Gsa est codée par
GNAS1, appartenant au locus GNAS soumis à empreinte
STX16
parentale (figure 1). L’empreinte est un mécanisme
épigénétique de régulation de la transcription d’un
gène qui aboutit à la transcription d’un seul des
2 allèles parentaux. La modulation de la transcription
est principalement due à la méthylation différentielle
de l’ADN de certains promoteurs. L’expression de Gsa
se fait à partir de l’allèle maternel, uniquement dans
certains tissus, comme le tubule rénal proximal (où est
exprimé PTHR1), la thyroïde, l’hypophyse et les gonades.
Dans les autres tissus, comme les leucocytes, le tissu
adipeux ou les ostéoblastes, Gsa est exprimée à partir
des 2 allèles parentaux (8-10).
La classification actuelle des PHP1 repose principalement sur leur défaut moléculaire.
PHP1A et PHP1C
La PHP1A (OMIM #103580) est une maladie rare de
transmission autosomique dominante avec empreinte
parentale, forcément héritée par la mère. Elle est due
à une mutation hétérozygote maternelle perte de
fonction de la séquence codante de GNAS1. Tous les
types de mutations ont été identifiés (faux sens, non
sens, délétions, sites d’épissage alternatifs). La mutation peut avoir été héritée, ou être de novo (survenue
sur l’allèle maternel). Les manifestations cliniques
reflètent le défaut d’expression de Gsa dans les tissus
en fonction de sa transcription mono- ou biallélique.
Les symptômes peuvent être secondaires à un défaut
de signalisation des RCPG (PTHR1, TSHR, FSHR et LHR)
ou à un défaut biologique propre à Gsa (dans le tissu
adipeux, par exemple).
Dans notre expérience, alors que le défaut moléculaire
a été hérité dans près de 50 % des cas, l’âge moyen au
diagnostic est de 6,5 ans au cours de l’investigation
d’une hypocalcémie (symptôme révélateur le plus
GNAS
Cen : centromère ; tél : télomère ; NESP : NeuroEndocrin Secretory Protein ; AS : antisense ; XL : Extralarge Gsa.
Figure 1. Représentation schématique du locus GNAS (qui code pour Gsa) et du gène STX16. Les rectangles représentent les exons. Leur localisation supérieure
signifie une transcription maternelle (Mat) et leur localisation inférieure indique une transcription paternelle (Pat). L’initiation de cette transcription est symbolisée
par une flèche. Les parenthèses indiquent les limites des délétions identifiées chez des patients atteints de PHP1B.
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Résistance aux hormones
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50
TSH (mUI/l)
40
30
20
10
0
A
B
PHP1A
PHP1C
PHP1B
C
D3
D1
D2
D4
Figure 2.
A. Ossifications sous-cutanées plantaires, une des possibles manifestations cliniques de la PHP1A.
B. Taux de TSH en fonction des formes de PHP (avec diagnostic moléculaire).
C. Brachydactylie (4e orteil) visible cliniquement.
D. Manifestations radiologiques de la résistance du PTHR1 au PTHrP. D1 et D2. Brachymétacarpie qui s’aggrave progressivement au cours de la vie. D3. Canal lombaire étroit. D4. Cols
fémoraux courts.
14
0014_MET 14
fréquent), d’une obésité, d’un retard de croissance,
d’une hypothyroïdie ou d’ossifications sous-cutanées
(figure 2A).
Le tableau typique de la résistance à la PTH est constitué
d’une hypocalcémie, d'une hyperphosphatémie, d'un
taux élevé de PTH en l’absence de carence en vitamine D
et d’une insuffisance rénale (attention, la carence en
vitamine D révèle souvent l’hypocalcémie mais sa
supplémentation ne corrige pas le tableau biochimique).
Cette résistance se développe progressivement au cours
de la vie, débutant initialement par une élévation du
phosphate et de la PTH, suivie par une baisse de la
calcémie puis par des symptômes comme crampes
et convulsions (4). Chez les patients, l’hypocalcémie
résulte du défaut de production de la 1,25-(OH) 2
vitamine D par le tubule proximal, et donc d’un défaut
d’absorption intestinale du calcium, mais probablement
aussi d’un défaut de réponse du squelette à l’élévation
de la PTH. En revanche, dans le tubule distal rénal,
où l’expression de Gsa est biallélique, la réabsorption
du calcium urinaire PTH-dépendante est probablement
longtemps conservée et contribue à la tolérance
prolongée de la résistance à la PTH. La résistance à la
TSH est – presque – toujours présente dans la PHP1A.
Présente dès la naissance mais exceptionnellement
symptomatique, les chiffres de TSH varient entre
4 et 50 mUI/l au diagnostic. Les valeurs de T4 libre
sont généralement dans les valeurs inférieures de
la normale (4, 11). La résistance à la TSH peut être
détectée par le programme de dépistage néonatal ;
dans ce cas, il s’agit d’une hypothyroïdie congénitale
avec glande en place, sans goitre, à TSH modérément
élevée (12). La présence d’une résistance à la TSH a
une très grande valeur pour l’orientation vers un
diagnostic de PHP1A (figure 2B). Les mêmes patients
ont également des résistances au TRH, au GHRH et à
la calcitonine, dont les récepteurs sont couplés aux
protéines G (11, 13). La cryptorchidie bilatérale est
fréquente chez les garçons (selon notre expérience
clinique) ; un retard à l’âge des premières règles a été
décrit chez les filles (14,0 ± 1,9 ans) associé à des taux
de FSH élevés (14).
La très grande majorité des patients PHP1A présente
une chondrodysplasie appelée ostéodystrophie
héréditaire d’Albright (OHA) qui est la manifestation
clinicoradiologique de la résistance du PTHR1 au PTHrP
(figures 2C et 2D). Les patients présentent :
✓ Une brachydactylie affectant toujours au moins le
4e rayon, mais parfois tous les doigts ou tous les orteils.
✓ Un canal lombaire étroit.
✓ Des cols fémoraux courts.
✓ Parfois des épiphyses en cône.
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Les pseudohypoparathyroïdies, un spectre de pathologies à reconsidérer d’un œil nouveau
Comme la résistance à la PTH, l’OHA est absente à la
naissance et se développe progressivement, devenant
évidente à l’approche de la puberté.
Le retard de croissance est un symptôme de la PHP1A.
Dès la naissance, la taille moyenne est de –1DS (déviation standard), le retard de croissance s’accentuant
au cours de la vie, avec une absence complète de
croissance pubertaire (15). La taille finale est autour
de –3DS (notre série personnelle et [16]). Ce retard de
croissance résulte de l’action combinée de la résistance au PTHrP, d’une résistance au GHRH présente
chez 70 % des patients et d’une résistance aux gonadotrophines (14).
Les ossifications ectopiques sont un signe spécifique des mutations perte de fonction de GNAS1.
Elles sont faites d’os matures endochondraux formés à partir du derme ou de la graisse sous-cutanée
et progressent vers la profondeur (à l’inverse de la
fibrodysplasie ossifiante). L’obésité a toujours été
associée à la PHP1A ; elle est en fait présente dès la
naissance ; il semble qu’ensuite la prise de poids soit
dramatique dès les premières années de vie et difficile
à contrôler après. Plusieurs mécanismes sont impliqués : la résistance aux catécholamines (17), le défaut
de signalisation de Gsa dans le noyau arqué (17) et
la perte de l’effet lipolytique propre de Gsa dans le
tissu adipeux (18).
Enfin, le retard mental reste un aspect totalement inexpliqué de la PHP1A, il touche environ 70 % des patients.
Extrêmement variable dans sa sévérité, aucun élément
prédictif n’a été identifié à ce jour (pas de relation génotype-phénotype ; pas de lien avec l’hypothyroïdie ou
l’hypocalcémie) [19].
Quid de la PHP1C ? (OMIM # 612462) Elle a été décrite
comme un variant clinique de la PHP1A ; l’expression
clinique et biochimique est similaire mais l’activité
biologique de la protéine Gsa, mesurée dans un
système artificiel in vitro, est normale. Aujourd’hui,
nous pouvons considérer cette entité comme un
équivalent de la PHP1A regroupant les patients qui ont
une mutation dans l’exon 13 de GNAS1 ; cette mutation
est associée à cette particularité biochimique observée
in vitro (20).
Le diagnostic de PHP1A n’est pas toujours évident ;
l’ensemble des symptômes n’est pas toujours présent,
en particulier dans la petite enfance. Les éléments
qui concourront le plus à affirmer le diagnostic sont,
d’une part, l’association de plusieurs résistances à
des hormones dont les récepteurs sont couplés aux
protéines G, et, d’autre part, la présence des ossifications
sous-cutanées, quasi pathognomoniques de ces
mutations.
Pseudo-pseudohypoparathyroïdie (PPHP)
ou OHA isolée ou hétéroplasie osseuse
progressive (HOP)
Les patients atteints de PPHP ont d’abord été identifiés
dans les familles de patients PHP1A. Leur présentation
clinique associe OHA, retard de croissance, en particulier
à la naissance (21), et ossifications sous-cutanées, qui
peuvent parfois être au premier plan (la maladie est
alors appelée HOP) [22] (OMIM #603233). En revanche,
ils n’ont aucune résistance hormonale. La PPHP est due à
une mutation hétérozygote paternelle perte de fonction
de la séquence codante de GNAS1. La mutation peut
avoir été héritée, ou être de novo (survenue sur l’allèle
paternel) [4].
PHP1B
La PHP1B (OMIM #603233) est une maladie rare due à
une perte de la méthylation, sur l’allèle maternel, du
promoteur A/B du locus GNAS, qui a pour conséquence
un défaut d’expression de Gsa uniquement dans les tissus où l’expression de Gsa est exclusivement maternelle,
comme le tubule rénal proximal et la thyroïde. L’âge
moyen au diagnostic est d’environ 13 ans (un diagnostic
à l’âge adulte n’est pas rare), principalement devant
des symptômes d’hypocalcémie.
La résistance à la PTH est le signe clinique principal,
et, comme pour la PHP1A, se développe progressivement
au cours de la vie. Longtemps considérée comme la
seule résistance hormonale, elle s’accompagne en fait
d’une résistance à la TSH modérée (la T4l est toujours
normale), les chiffres de TSH étant généralement juste
à la limite supérieure de la normale (figure 2B). Un cas
d’hypothyroïdie congénitale diagnostiquée par le
programme de dépistage néonatal qui s’est révélé être
une PHP1B a été récemment publié (23). De même,
ces patients peuvent présenter quelques-uns des signes
décrits ci-dessus, comme l’obésité, la brachydactylie, les
ossifications sous-cutanées (24). Cependant, ces signes
ne sont jamais majeurs ni présents tous ensemble.
À la naissance, ces patients présentent un excès de
croissance qui est encore inexpliqué (21) ; il semble
que cette hypercroissance se prolonge en post-natal
(données personnelles).
Le diagnostic moléculaire de la PHP1B doit être considéré
comme une stratégie à 2 étapes. Premièrement, il faut
démontrer la perte de méthylation du promoteur A/B de
GNAS. C’est l’élément qui affirme la pathologie et induit
la perte d’expression de Gsa. Selon les laboratoires, la
technique peut varier (pyroséquençage, MS-MLPA).
Chez environ 80 % des patients porteurs d’une PHP1B,
la modification de la méthylation s’étend également
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Résistance aux hormones
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à tous les promoteurs du locus GNAS (figure 1, p. 13).
Lorsque le diagnostic est difficile ou douteux avec les
techniques de “routine”, il faut avoir recours à une
méthode quantitative.
Deuxièmement, il faut identifier la cause moléculaire
de la perte d’empreinte. Ainsi, nous savons qu'environ
20 % des PHP1B qui présentent une perte d’empreinte
restreinte au promoteur A/B sont des cas familiaux
de PHP1B, dont la plupart ont une délétion récurrente
de 3kb qui emporte 3 exons du gène STX16 juste en
amont de GNAS (25). Cette délétion enlève une région
du génome cruciale pour l’établissement et/ou la
maintenance de la méthylation au promoteur A/B de
GNAS. Quelques autres délétions ont ainsi été identifiées
dans des familles de PHP1B (figure 1, p. 13) [26]. Lorsque
la perte d’empreinte touche l’ensemble du locus GNAS
(environ 80 % des PHP1B), la pathologie est sporadique.
Les erreurs cytogénétiques de type disomie uniparentale
paternelle du chromosome 20 expliquent environ 10 %
de ces cas (27). Pour les autres, aucune étiologie n’est
connue à ce jour. Nous évoquons l’hypothèse de la
dérégulation d’un facteur agissant en trans, puisqu’un
certain nombre de ces patients (environ 10 %) présentent
des défauts de méthylation sur d’autres loci soumis à
empreinte. Ils définissent une nouvelle pathologie
appelée MLID pour Multilocus Imprinting Defect (28).
Les PHP2
La définition biochimique de la PHP2 est l’absence
de réponse phosphaturique à l’injection de PTH
exogène, alors que l’AMPc s’élève normalement.
Historiquement, ce tableau a été observé chez des
patients qui avaient une résistance isolée à la PTH,
sans aucune anomalie osseuse morphologique, et qui
présentaient une carence très profonde en vitamine D.
A
Récemment, un autre groupe de patients PHP2 a été
identifié. Ils présentent le même profil biochimique
de résistance à la PTH, sans carence en vitamine D, avec
des résistances à d’autres hormones dont les récepteurs
sont des RCPG, et avec une atteinte osseuse majeure
appelée acrodysostose (forme extrême de l’OHA).
La PHP2 est une maladie autosomique dominante
due à des mutations hétérozygotes gain de fonction
de PRKAR1A codant pour la sous-unité régulatrice
de la protéine kinase A (ACRDYS1, OMIM #101800)
ou à des mutations hétérozygotes gain de fonction de la phospho diestérase PDE4D (ACRDYS2,
OMIM #614613) [29]. Le diagnostic d’acrodysostose est
généralement porté dans la petite enfance devant les
anomalies morphologiques osseuses (figure 3).
C’est la chondrodysplasie (acrodysostose voire acroscyphodysplasie) par défaut de signalisation du PTHrP
dans les chondrocytes qui est au premier plan (29). Elle
associe retards sévères de croissance pré- et post-natal
(–3DS en moyenne), hypoplasie de l’étage moyen de la
face et brachydactylie prononcée touchant le plus souvent
tous les rayons (quelques patients avec mutation de
PRKAR1A ou PDE4D ont été décrits avec une brachydactylie
moins marquée, équivalente à celle de la PHP1A).
Les résistances hormonales, et en particulier la résistance
à la PTH et à la TSH, sont présentes uniquement en cas
de mutation de PRKAR1A. Cependant, chez ces patients,
aucun épisode d’hypocalcémie n’a jamais été décrit
dans la littérature, ni observé après plus de 10 ans de
suivi pour certains patients (selon notre expérience clinique) [30, 31]. Les taux de PTH peuvent être supérieurs
à 100 pg/ml, et il convient de ne pas les aggraver par une
carence en vitamine D associée. De même, la résistance à
la TSH est généralement compensée (la T4l est normale).
La calcitonine peut être élevée (entre 50 et 100 pg/ml).
B
Figure 3. Brachymétacarpie clinique (A) et radiologique (B) chez une patiente de 9 ans atteinte d’acrodysostose avec mutation
de PRKAR1A. Notez la sévérité de l’atteinte osseuse, les épiphyses en cônes fusionnées avant la puberté.
16
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Les pseudohypoparathyroïdies, un spectre de pathologies à reconsidérer d’un œil nouveau
Chez les patients avec mutation de PDE4D, il a été décrit
une réaction parathyroïdienne un peu forte à la carence
en vitamine D mais pas de véritable résistance à la PTH.
La phosphatémie peut cependant être à la limite supérieure de la normale.
Aucune évaluation du retard mental n’a été faite dans
cette population. La lecture de la littérature semble
cependant pointer que certains patients ACRDYS2
(PDE4D) peuvent avoir des difficultés d’acquisitions,
alors que les patients ACRDYS1 (PRKAR1A) ne semblent
avoir aucun déficit intellectuel (30, 32).
Démarche étiologique d’une résistance
à la PTH, ou comment faire le diagnostic
d’une PHP ?
L’existence d’un chevauchement clinique, radiologique,
biochimique et moléculaire entre les différentes formes
de PHP nous oblige à une certaine souplesse – et humilité – dans la démarche diagnostique d’une résistance
à la PTH. Notre proposition, non exclusive, est exposée
ci-dessous.
Si le patient présente une résistance à la PTH associée
à plusieurs résistances hormonales et une OHA, il faut
rechercher une mutation de la séquence codante de
GNAS1 (PHP1A), puis une anomalie de la méthylation
des promoteurs (PHP1B) puis une mutation des autres
facteurs de la voie de signalisation (PRKAR1A). Si la
résistance à la PTH est isolée – pas ou peu de signes
cliniques associés, TSH normale ou à peine élevée –,
il faut chercher une anomalie de la méthylation des
promoteurs (PHP1B), puis une mutation de GNAS1 et
de PRKAR1A. Si le phénotype osseux est au premier
plan, parfois présent dès les premiers mois de vie,
on évoquera une acrodysostose ; le séquençage des
gènes PRKAR1A et PDE4D sera alors le plus pertinent.
Enfin, chez environ 20 % des patients ayant une
résistance à la PTH, il n’y a pas d’explication moléculaire.
Ces cas doivent être explorés et ces patients phénotypés
pour tenter de caractériser au mieux le défaut
biochimique dans la voie de signalisation des RCPG.
Transmission des PHP
Le conseil génétique d’un patient atteint de PHP
nécessite une bonne connaissance des pathologies
de la voie de signalisation RCPG/Gsa/AMPc/PKA.
Schématiquement, la PHP1A et la forme familiale
de PHP1B sont transmises par la mère ; la HOP et la
PPHP le sont par le père. Les disomies monoparentales
sont effacées dans les gamètes du probant et non
transmissibles. Il n’est pas possible de prédire la
transmission éventuelle d’une PHP1B avec anomalie
de méthylation étendue à tout le locus GNAS.
Les PHP2 (ACRDYS1 et ACRDYS2) se transmettent de
façon autosomique dominante sans notion d’empreinte.
Quel traitement pour les PHP ?
Les objectifs du traitement de la résistance à la PTH sont
de maintenir une calcémie dans les valeurs normales
basses (2,00 à 2,40 mmol/l) pour prévenir les symptômes
d’hypocalcémie, d’éviter une hypercalciurie définie
chez l’enfant par une excrétion urinaire supérieure à
6 mg/kg/j (0,1 mmol/kg/j chez l’adulte), et de limiter
l’hyper-résorption osseuse secondaire aux taux élevés
de PTH. Le traitement consiste à donner un dérivé actif
de la vitamine D, l’alfacalcidol ou le calcitriol. Les doses
doivent être augmentées lors des phases de croissance
rapide (petite enfance et puberté). Il est quasi impossible de normaliser la PTH. L’adjonction de vitamine D
peut faciliter l’homéostasie calcique. Les suppléments
calciques sont donnés pendant l’année qui suit le diagnostic si les apports en calcium alimentaire sont insuffisants. Le traitement est ajusté de façon trimestrielle
aux taux sériques de calcémie et de PTH, à la calciurie
et à l’échographie rénale annuelle. La résistance à la TSH
est traitée systématiquement chez les patients PHP1A
du fait de leur obésité, de leur retard de croissance et
de leurs difficultés d’apprentissage. Dans les autres
pathologies, le traitement est réservé aux situations
exceptionnelles, comme la grossesse, par exemple.
La prise en charge de l’obésité doit être précoce et multidisciplinaire. Elle doit s’appuyer sur une organisation en
réseau (diététicienne, psychologue, médecin).
L’hormone de croissance a été utilisée avec plus ou
moins de succès pour traiter le retard de croissance des
patients PHP1A ; il est évident que la chondrodysplasie
étant principalement responsable du retard statural,
un traitement par hormone de croissance ne doit pas
être envisagé chez ces enfants comme s’ils étaient
uniquement déficitaires en cette hormone (selon notre
expérience clinique et [15]).
À ce jour, aucun traitement n’est satisfaisant pour
les ossifications ectopiques ; un essai par application
topique de thiosulfate de sodium est en cours. La
chirurgie est proposée uniquement pour les ossifications
qui ont un retentissement fonctionnel. Elle doit être
encadrée par un traitement anti-inflammatoire non
stéroïdien (AINS). De même, les poussées évolutives des
ossifications doivent motiver l’utilisation des AINS (22).
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Résistance aux hormones
dossier
A. Linglart déclare avoir des
liens d'intérêts avec Sandoz
France et Ipsen (subventions
pour la recherche sur les
pseudohypoparathyroïdies).
P. Hanna et A. Usardi déclarent
ne pas avoir de liens d'intérêts.
Conclusion
Le terme de PHP n’est plus aujourd’hui adapté
pour décrire ce spectre de pathologies qui comportent des atteintes multi-organes. Leur point
commun est un défaut dans la voie de signalisation RCPG/Gsa/AMPc/PKA. Leurs manifestations
cliniques peuvent cependant être trompeuses et
il faut savoir élargir la recherche à tous les acteurs
de la voie.
■
Références
1. Albright F, Burnett CH, Smith PH, Parson W. Pseudohypoparathyroidism – an example of ‘Seabright-Bantam
syndrome’. Endocrinology 1942;30:922-32.
2. Weinstein LS. Albright hereditary osteodystrophy, pseudohypoparathyroidism, and Gs deficiency. In Spiegel AM, ed. G
proteins, receptors, and disease. Totowa, New Jersey: Humana
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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 1-2 - janvier-février 2016
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