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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.2-n°3-juillet-août-septembre 2002
Rééduquer
Selon les localisations et les interventions, la
rééducation portera sur la voix ou sur la déglutition,
quelquefois sur les deux.
Pour le laryngectomisé, totalement privé de voix,
la priorité sera de lui permettre dans un premier
temps d’abolir l’écriture et l’ardoise magique en amé-
liorant son articulation et sa voix chuchotée afin de
communiquer plus facilement et de façon plus natu-
relle. La réhabilitation vocale, qui est un travail de
longue haleine et qui requiert beaucoup de persé-
vérance et de motivation de la part du patient, se
poursuivra après l’hospitalisation et pendant plusieurs
mois.
Dans la laryngectomie partielle, la réhabilitation
de la déglutition est prioritaire. En effet, dans ce type
d’intervention, le problème de la voix reste, en géné-
ral, très secondaire pour le patient ; ce qu’il veut, c’est
manger sans fausses routes et normalement le plus
rapidement possible. Aussi, dès J7, la reprise de la
déglutition va se préparer par des exercices de mobi-
lisation de son larynx restant tout en lui apprenant à
positionner sa tête après lui avoir expliqué et mon-
tré les différents mouvements nécessaires à une
déglutition normale. Les essais débuteront entre J10
et J15, seront faits si possible bi-quotidiennement
avec de petites quantités d’aliments, épais dans un
premier temps, puis liquides.
Après la sortie du patient, le travail avec l’ortho-
phoniste va se poursuivre pendant quelque temps
pour continuer à améliorer la déglutition et entre-
prendre la rééducation vocale.
Dans les chirurgies buccofaciales, l’orthophoniste
va prendre en charge les patients au niveau de la
déglutition bien sûr, mais aussi au niveau de la parole
(articulation). Il va falloir dans un premier temps
remobiliser, remuscler les structures restantes afin de
compenser ce qui a été lésé et en même temps
apprendre au patient à retrouver de nouveaux repères
pour articuler et déglutir, d’abord en liquide ou semi-
liquide, puis de plus en plus épais. Cette prise en
charge se fait durant le temps de l’hospitalisation, en
règle générale entre J10 et J15, le but étant l’ablation
de la sonde nasogastrique avant la sortie. La réédu-
cation se poursuivra bien sûr après afin d’obtenir une
réhabilitation la meilleure possible et la plus proche
de la normalité des deux fonctions atteintes.
Ecouter, soutenir
Mais le rôle de l’orthophoniste ne s’arrête pas à des exer-
cices et des conseils prodigués pour la réhabilitation de telle
ou telle fonction. La prise en charge des patients atteints d’un
cancer ORL va souvent au-delà de la technique pure, non
seulement pendant l’hospitalisation mais surtout après. En
effet, en dehors du «cocon rassurant» que représentent l’hô-
pital et l’équipe soignante, le patient se retrouve seul face à
sa réalité (mutilation, difficulté à se faire comprendre, à
s’alimenter), à ses angoisses (peur de la récidive, peur de
la mort), à ses inquiétudes devant les effets secondaires
des traitements complémentaires. L’orthophoniste, par sa
présence bi-(voire tri-)hebdomadaire près du patient va
devenir un interlocuteur privilégié et doit être capable de :
- l’écouter et entendre ses inquiétudes et ses angoisses ;
-le rassurer et dédramatiser en expliquant, chaque
fois que cela est nécessaire, pourquoi telle difficulté
existe et en quoi elle est « normale », comment telle dou-
leur ou tel gonflement est logique et simple conséquence
de l’intervention ou du traitement ;
-l’encourager tout au long de la rééducation, lorsque
les progrès ne sont pas à la mesure de ce qu’il attendait
ni aussi rapides qu’il le voudrait (en particulier pour les
laryngectomisés), l’aider à restaurer son image en l’ame-
nant petit à petit à se retrouver, l’encourager à reprendre
ses activités de loisir, à sortir, à recevoir, à aller vers les
autres afin de ne pas s’isoler plus encore ;
-faire le lien entre le chirurgien, l’équipe soignante
et le patient (et sa famille) lorsqu’un problème se pose ;
-écouter, aider, conseiller aussi la famille proche, et
plus particulièrement le conjoint qui, confronté à sa
propre angoisse et à son impuissance face au malade,
tend soit à le surprotéger, soit à le rejeter.
Conclusion
L’orthophoniste, par sa formation, est avant tout un
rééducateur mais, auprès des patients atteints d’un can-
cer, sa fonction ne s’arrête pas à la technique et aux exer-
cices qu’il connaît. Pour le patient qu’il va suivre pen-
dant son hospitalisation puis plusieurs fois par semaine
(sur de longs mois parfois), il est celle ou celui qui peut
l’aider à surmonter ses difficultés, à retrouver de
meilleures conditions de vie malgré l’intervention subie,
à reparler. Celui aussi qui va l’aider à s’adapter à sa nou-
velle image, accepter ce qu’il est devenu et qui va essayer
de l’accompagner tout au long de son deuil. ■
Témoignage