Kinésithérapie respiratoire aux soins intensifs Chest physiotherapy

MISE AU POINT
Kinésithérapie respiratoire aux soins intensifs
Chest physiotherapy in intensive care
J. Roeseler
a,*
, J.-B. Michotte
b
, M. Devroey
c
, L. Vignaux
d
, G. Reychler
e
a
Service des soins intensifs, département de médecine aiguë, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate,
1200 Bruxelles, Belgique
b
Unité de physiothérapie (VII
e
HC), hôpitaux universitaires de Genève, 24, rue Micheli-du-Crest, 1211 Genève XIV, Suisse
c
Service des soins intensifs, hôpital académique Erasme, route de Lennik 808, 1070 Bruxelles, Belgique
d
Service des soins intensifs, hôpitaux universitaires de Genève, 24, rue Micheli-du-Crest, 1211 Genève XIV, Suisse
e
Service de médecine physique et de réadaptation, unité de pneumologie pédiatrique, cliniques universitaires Saint-Luc,
10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique
Disponible sur internet le 24 janvier 2007
MOTS CLÉS
Kinésithérapie ;
Soins intensifs ;
Désencombrement ;
Positionnement ;
Ventilation non invasive
Résumé Les services des soins intensifs rassemblent personnel et matériel prenant en charge
des patients atteints de défaillances multi-organiques, et dont les fonctions vitales doivent
être suppléées. Aucun quota nayant été défini à ce jour, la présence du kinésithérapeute,
même stipulée par le décret davril 2002, est très inégale au sein de ces services. Il en est de
même pour sa formation, la spécialisation respiratoire aux soins intensifs nétant en effet pas
reconnue. En conséquence, le rôle du kinésithérapeute varie dun service à lautre et est
intrinsèquement lié au kinésithérapeute lui-même. Ses pratiques concernent la ventilation et
le désencombrement du patient ventilé ou non, le positionnement, linitiation et la surveil-
lance de la VNI, loxygénothérapie, laérosolthérapie, et participe au sevrage respiratoire et
àlextubation. Il soccupe également de lappareil locomoteur et prévient les complications
articulaires, permet une meilleure récupération musculaire ainsi quune reprise dautonomie
plus précoce. Ses actions sinscrivent dans une réduction de la durée et du coût de lhospitali-
sation, ainsi que dans une limitation du surcoût ultérieur lié aux séquelles.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
KEYWORDS
Chest physiotherapy;
Intensive care;
Mucociliary clearance;
Positioning;
Respiratory weaning
Abstract Intensive care units are equiped and staffed to provide care and support to patients
with critical conditions and multiple organ dysfunctions. Patient-to-physiotherapist ratio has
not been well established despite the April 2002 law. Furthermore, the required training pro-
gram has not been defined and chest physiotherapist speciality has not been recognised yet.
Therefore, the physiotherapist role may vary from one unit to another and is mostly depen-
dent on the therapist personnal investment. The physiotherapist is involved in all ventilation
aspects, including both non-invasive and mechanical ventilation, patient positioning, aero-
soltherapy, weaning process and extubation. Care of the musculoskeletal system is also cov-
Réanimation 16 (2007) 3341
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J. Roeseler).
1624-0693/$ - see front matter © 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.12.006
available at www.sciencedirect.com
journal homepage: http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
ered, together with arthropathy prevention and muscular training to facilitate earlier auton-
omy recovery. The activities of the physiotherapist are to be viewed in the perspective of a
shorter length of stay, reduced hospital direct cost but also reduction in the cost related to
complications.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
Introduction
Les services des soins intensifs rassemblent du personnel et
du matériel destinés à assurer en permanence les soins et la
surveillance de malades en état critique.
Cette permanence des kinésithérapeutes est probléma-
tique. Une enquête menée auprès de 108 établissements
publics français de santé ou privés à but non lucratif [1]
relève que 63 % des établissements concernés assurent une
continuité des soins 365 jours par an et que seulement 2 %
des établissements interrogés disposent dun kinésithéra-
peute dans létablissement durant la nuit. La mise en
place dune garde en kinésithérapie le week-end se
retrouve dans 91,8 % des cas. La garde concerne essentiel-
lement la kinésithérapie respiratoire et est destinée à tous
les services de lhôpital.
Depuis peu, en France, le décret N
o
2002-466 Art. D.
712-110 mentionne clairement que : « Létablissement de
santé doit être en mesure de faire intervenir en perma-
nence un kinésithérapeute justifiant dune expérience
attestée en réanimation et doit disposer, en tant que
besoin, dun psychologue ou dun psychiatre et de person-
nel à compétence biomédicale ». Malheureusement, à ce
jour, aucun quota de personnel na été défini.
La complexité physiopathologique des patients séjour-
nant aux soins intensifs pour épisode aigu et leur fragilité
imposent de fixer des normes pour leur suivi en insistant
sur les moyens humains tant en nombre minimal de person-
nes quen degré de compétence. En effet, la réanimation,
lieu dévolution technologique permanente appelle à des
connaissances spécifiques très souvent non acquises à la
sortie des études.
Dans plusieurs pays (France, Belgique, Suisse,) une for-
mation adaptée aux besoins se met en place via les univer-
sités, les écoles, ou encore les sociétés savantes. Ces for-
mations sont habituellement de courte durée et variables
quant au programme.
Rôle du kinésithérapeute
Le rôle du kinésithérapeute varie dun service à lautre. Il
dépend de la qualification scientifique et technique, et de
linvestissement du kinésithérapeute. La charge de travail
et la présence des kinésithérapeutes en permanence dans
un service modifient leurs pratiques, qui vont du désencom-
brement à linstauration et à la surveillance de la Ventila-
tion non invasive (VNI) en passant par loxygénothérapie,
laérosolthérapie, la participation au sevrage respiratoire.
Lextubation et la surveillance quotidienne des paramètres
respiratoires font également partie de ses prérogatives. De
plus, lincorporation du kinésithérapeute dans les protoco-
les scientifiques est de plus en plus évidente dans certaines
équipes. Le kinésithérapeute a aussi un rôle denseigne-
ment auprès des étudiants en kinésithérapie, des médecins
et des infirmières. Outre les aspects purement respiratoires
de la fonction du kinésithérapeute, il ne faut pas négliger la
prise en charge des complications musculoarticulaires liées
àlalitement ainsi que les limitations fonctionnelles. Seule
la kinésithérapie respiratoire fait lobjet des lignes qui sui-
vent.
Examen clinique
Il pratiquera régulièrement un examen clinique et paracli-
nique du patient qui comprendra, en plus de la lecture du
dossier :
lévaluation de la dyspnée avec, si possible, une échelle
visuelle analogique ou une échelle de Borg ;
le bilan visuel afin de rechercher tout signe de détresse
respiratoire (fréquence respiratoire, type de respiration,
pause respiratoire, respiration paradoxale, tirage, bat-
tement des ailes du nez, signe de Hoover,);
lauscultation pulmonaire ;
lanalyse des gaz du sang artériel le guidant dans sa thé-
rapeutique. Il devra trouver la technique judicieuse afin
de corriger, par exemple, une hypoxémie avec ou sans
hypercapnie compensée ou non compensée ;
la lecture de la radiographie du thorax qui laidera aussi
à positionner correctement son patient lors de certaines
affections (pneumopathies, atélectasies,);
lanalyse du type dexpectoration (purulente, collante,)
afin de déceler le plus rapidement tout signe dinfection
respiratoire.
Kinésithérapie chez le patient ventilé
Un patient ventilé via canule dintubation ou par tra-
chéotomie nécessite une sédation qui, avec la présence
de la sonde dintubation et lhumidification parfois insuf-
fisante, altèrent la clairance mucociliaire. De plus, le fait
de laisser le patient dans une même position favorise la
stagnation des sécrétions bronchiques, responsable de
laltération des échanges gazeux et de lapparition
datélectasies.
Tous ces phénomènes perturbent les moyens naturels de
défense de lorganisme et sajoutent à laffaiblissement des
défenses immunitaires des patients séjournant aux soins
intensifs.
Chez le patient intubé ou trachéotomisé, le kinésithé-
rapeute participe aux aspirations endotrachéales réguliè-
rement précédées de linstillation de 5 à 10 ml de solu-
tion physiologique à 0,9 % en fonction du degré de
lencombrement et de la qualité de la sécrétion bron-
chique. Si ces instillations sont globalement controver-
J. Roeseler et al.34
sées quant à leur efficacité dans la modification de la
rhéologie du mucus [2],linstillation dune solution
mucolytique pourrait favoriser lélimination de bouchons
de sécrétions [3,4]. Les aspirations endotrachéales
entraînent régulièrement certaines complications dont
les principales sont [5] :
le dérecrutement alvéolaire immédiat chez les patients
avec un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA).
Cette complication peut être évitée en utilisant un sys-
tème daspiration clos ou encore en augmentant, après
laspiration, le niveau de pression inspiratoire si le patient
est ventilé en mode pression contrôlée ou en aide inspira-
toire tout en limitant la pression maximale à 30 cmH
2
O;
la désaturation en oxygène qui peut être évitée en limitant
la durée de laspiration (< 15 secondes), en réglant un
niveau daspiration compris entre 100 et 200 mmHg et
en préoxygénant le patient.
Dautres complications peuvent aussi survenir, telles que le
risque infectieux, le risque traumatique pour la trachée,
laugmentation de la pression intracrânienne et le danger
darythmie, et dhypertension.
Lintérêt de la manœuvre de kinésithérapie respira-
toire (pressionvibration) chez le patient ventilé durant
laspiration est discuté quant à lamélioration des gaz
du sang, de la compliance thoracopulmonaire ainsi que
du shunt pulmonaire [6].
Les effets de la kinésithérapie dépendent aussi de lexper-
tise du kinésithérapeute et de la collaboration du patient [7,
8].
Après aspiration des sécrétions au niveau du tractus respi-
ratoire du patient ventilé, des manœuvres dhyperoxygéna-
tion et dhyperinsufflation sont réalisées dans le but de recru-
ter et traiter des hypoxémies sévères transitoires. Plusieurs
études ont montré que ces manœuvres préviennent et trai-
tent les atélectasies [9,10], favorisent la « clairance » des
sécrétions bronchiques [11] et réduisent le risque de pneumo-
pathies nosocomiales [12].
Lapport doxygène sur le ballon et lutilisation dune valve
de PEP (pression expiratoire positive) limitent lhypoxémie et
évitent le dérecrutement alvéolaire lors des manœuvres
dhyperinsufflations.
Positionnement
Chez la majorité des patients de soins intensifs, aussi
bien ventilés artificiellement quen respiration sponta-
née, la position semi-assise augmente la capacité rési-
duelle fonctionnelle [13] et diminue le risque de pneumo-
pathies nosocomiales par rapport au décubitus dorsal
stricte [14]. Un patient restant en décubitus dorsal risque
de présenter des condensations dans les zones pulmonai-
res du poumon, là où la perfusion est prédominante avec
pour conséquence une hypoxémie par effet shunt ou
shunt vrai. La position semi-assise diminue le risque de
régurgitation et dinhalation du contenu gastrique res-
ponsable de surinfection. Ce risque est particulièrement
élevé chez les patients intubés et porteurs dune sonde
gastrique [15,16]. Les changements de position du
patient visent à modifier les rapports ventilation/perfu-
sion (VA/Q) et à améliorer loxygénation aussi bien chez
le patient en ventilation mécanique que chez le patient
respirant spontanément [17,18]. En plus du décubitus
dorsal, le décubitus latéral est utilisé chez la majorité
des patients. En cas de pathologie pulmonaire unilaté-
rale, les rapports VA/Q et les échanges gazeux sont géné-
ralement améliorés par le décubitus latéral du côté du
poumon sain [19]. Les changements fréquents de position
(toutes les deux heures), permettent déviter ou de
retarder les perturbations des rapports VA/Q et des
échanges gazeux, et de diminuer lincidence de pneumo-
nies, et datélectasies [20] ainsi que la morbidité posto-
pératoire [21].
Dans une enquête européenne sur lactivité des kinésithé-
rapeutes en soins intensifs, Norrenberg et al. [22] montrent
que près de 90 % dentre eux soccupent du positionnement
du patient.
Stiller [23] constate que la kinésithérapie respiratoire est
tout aussi efficace que la fibroscopie bronchique et insiste sur
le positionnement du patient pour améliorer lefficacité de la
kinésithérapie.
Ces dernières années, un intérêt croissant pour la ventila-
tion en décubitus ventral (VDV) est relevé. Il découle de
lobservation que les patients souffrant de SDRA et ventilés
en pression positive améliorent fréquemment, et parfois de
façon spectaculaire leurs échanges gazeux (oxygénation)
après passage du décubitus dorsal au décubitus ventral.
Cette amélioration a été attribuée à une modification des rap-
ports ventilation/perfusion dans les régions dorsales du pou-
mon qui, en présence dœdème pulmonaire lésionnel ou non,
tendent à satélectasier en décubitus dorsal.
Indépendamment des mécanismes impliqués, la VDV fait
partie intégrante des mesures thérapeutiques relativement
simples, souvent efficaces et peu onéreuses, susceptibles
daméliorer sensiblement loxygénation des patients souffrant
de SDRA [2428]. Habituellement, le patient reste entre qua-
tre et sept heures par 24 heures dans cette position. Dans cer-
tains cas le maintien en décubitus ventral peut dépasser
15 heures/24. La durée recommandée, la prédiction de
lamélioration, la diminution du séjour en réanimation, res-
tent un sujet de controverses [29,30].
Avant de pratiquer la manœuvre, il est toujours nécessaire
daspirer les sécrétions dans la sonde dintubation ainsi quau
niveau de la sphère ORL.
La mise en décubitus peut provoquer quelquefois des com-
plications, telles que le déplacement de cathéters, lextuba-
tion accidentelle, les escarres, les perturbations hémodynami-
ques, rarement des luxations de lépaule, des contractures
musculaires, des compressions nerveuses. Ces complications
allongent la durée de séjour à lhôpital ainsi que le coût en
kinésithérapie de rééducation [31,32].
Le kinésithérapeute veillera, lors de la mise en décubitus
ventral, à éviter ces complications par un positionnement
optimal avec un coussin sous le front, les épaules et les crêtes
iliaques, les genoux placés en légère flexion. Des tensions
excessives au niveau du plexus brachial sont à éviter et les
structures neuromusculaires à protéger. Un bras sera posi-
tionné le long du corps tandis que lautre bras sera placé en
extension avec flexion du coude, main au-dessus de la tête. La
nuque sera en légère rotation du côté du bras positionné le
long du corps en évitant une extension excessive. Le kinési-
Kinésithérapie respiratoire aux soins intensifs 35
thérapeute changera la position des bras régulièrement (tou-
tes les deux heures). Il devra vérifier tous les points de pres-
sions. De plus, il veillera à enlever les électrodes se trouvant
sur le thorax du patient et les placer sur le dos du malade. La
ligne artérielle doit être libre, les cathéters centraux ne doi-
vent pas bouger, la sonde dintubation ne doit pas être écra-
sée.
Chez les patients avec des atteintes neurologiques sévè-
res présentant une hypertension intracrânienne élevée et
un débit sanguin cérébral normal ou élevé, il est recom-
mandé de placer le patient en décubitus dorsal avec une
inclinaison du tronc ne dépassant pas 30°. Toute élévation
du tronc au-dessus de 30° provoque une augmentation de la
pression intracrânienne avec une réduction du débit san-
guin cérébral [33].
Sevrage respiratoire [34]
Le kinésithérapeute est impliqué dans le sevrage respira-
toire chez 20 % des patients hospitalisés dans une unité de
réanimation polyvalente [35]. Ce sont principalement des
patients avec des antécédents cardiorespiratoires, neuro-
musculaires. La ventilation mécanique de ces patients est
prolongée engendrant automatiquement des complications
dues à lalitement, la dénutrition, la fonte musculaire.
Dès quun patient est placé sous ventilation artificielle,
il appartient au kinésithérapeute de penser au sevrage res-
piratoire quelle que soit la pathologie sous-jacente. En
fonction des critères généraux (absence de vasopresseur,
dinotrope, de sédation majeure), de critères respiratoires
(FiO2 0,5 avec un niveau de PEP 5 cmH
2
O) et de perfor-
mance de la mécanique respiratoire (résistance, com-
pliance, commande ventilatoire), le kinésithérapeute
entame le sevrage respiratoire.
Très régulièrement, dans les unités de réanimation, un
protocole de sevrage est mis en place et suivi tous les
jours par le kinésithérapeute de lunité et par léquipe
dinfirmières. Il permet de réduire la durée du sevrage, de
la ventilation mécanique et du séjour aux soins intensifs
[36]. Ce protocole doit être simple à réaliser et prendre
en compte la réflexion de toute léquipe soignante [37].
Dans la majorité des cas, laide inspiratoire avec ou sans
niveau de PEP, la ventilation spontanée avec une PEP
(continuous positive airway pressure : CPAP) ou la respira-
tion sur pièce en « T » seront utilisées comme technique de
sevrage.
La ventilation non invasive peut être indiquée en cas
déchec de lextubation afin déviter la réintubation.
Durant la période de sevrage, le kinésithérapeute recher-
chera régulièrement les signes cliniques de fatigue respi-
ratoire et, en fonction de ces signes, modifiera le plan de
sevrage respiratoire. Le désencombrement sera pratiqué,
sil est nécessaire, avant lextubation pour profiter de la
pression positive en aide inspiratoire et de la possibilité
de la modifier pour augmenter le volume courant et aug-
menter le débit expiratoire.
Techniques manuelles de désencombrement
Les techniques manuelles de désencombrement bronchique
sont utilisées en pratique courante chez les patients souffrant
dinsuffisance respiratoire aiguë dans le but de décoller et
mobiliser les sécrétions, de prévenir les surinfections respira-
toires et daméliorer la fonction pulmonaire ainsi que les
échanges gazeux.
Actuellement, le choix du thérapeute se porte sur dif-
férentes techniques qui reposent toutes sur le principe de
la modulation du flux expiratoire. Elles sont définies
comme une application externe dune combinaison de
forces qui augmente le débit expiratoire et en consé-
quence le transport du mucus [38]. Lors de lexpiration
forcée, les muscles respiratoires produisent une augmen-
tation de la pression intrapleurale qui se répercute sur les
parois bronchiques. Cette pression motrice vise à évacuer
lair contenu dans les poumons. La pression intrabron-
chique diminue progressivement de la périphérie vers la
sphère ORL pour être nulle au niveau de la bouche.
Léquilibre entre ces deux pressions régit la compression
dynamique des voies aériennes. En aval du point dégale
pression, [39] la pression intrabronchique devient infé-
rieure à la pression pleurale et la compression dynamique
des voies aériennes se produit. Elle génère localement et
transitoirement une augmentation du flux aérien qui
favorise lexpulsion des sécrétions bronchiques vers la
trachée.
Ces techniques de flux expiratoire contrôlé (augmentation
passive ou active du flux expiratoire, drainage autogène,
techniques dexpiration forcée, expiration lente totale glotte
ouverte) sont généralement associées à un positionnement en
décubitus latéral, une toux assistée et/ou une aspiration
endotrachéale. Certains protocoles rajoutent des hyperinfla-
tions manuelles, des vibrations thoraciques mécaniques et
dautres techniques instrumentales. Cependant, en réanima-
tion, de nombreux facteurs liés entre autres à la pathologie
sous-jacente (polytraumatisme), aux conditions respiratoires
(intubation endotrachéale, ventilation mécanique,), à
létat hémodynamique (insuffisance cardiaque, choc circula-
toire,) ou neurologique (coma,) limitent le kinésithéra-
peute dans le choix du traitement à administrer aussi bien
chez le patient intubé et ventilé que le patient en respiration
spontanée.
Les effets de ces techniques sur les échanges gazeux,
la mécanique ventilatoire, la clearance des sécrétions
sont sujets à controverse. Ces résultats parfois contradic-
toires rapportés sont probablement la conséquence de
labsence dindication claire au drainage bronchique, du
manque de standardisation du traitement (technique
explicite, choix de la position,), de la diversité des cri-
tères cliniques et physiologiques, immédiats et différés,
estimant les bénéfices du traitement et de la difficulté
de suivre le patient à moyen et à long terme [40]. Les
effets du drainage bronchique sur les échanges gazeux
varient dans la littérature : certaines études montrent
leffet hypoxémiant des techniques de désencombrement
[41],dautres relèvent au contraire un effet bénéfique
sur loxygénation [42]. Fourrier et al. [43] montrent une
amélioration plus rapide du rapport PaO
2
/FiO
2
après
kinésithérapie par rapport à la fibroscopie endobron-
chique dans le traitement des atélectasies lobaires
aiguës.
Devroey [44], dans une méta-analyse, a mis en évidence
un effet bénéfique indiscutable du désencombrement bron-
J. Roeseler et al.36
chique sur la prévention et la levée des atélectasies chez
des patients atteints dinsuffisance respiratoire aiguë.
Ntoumenopoulos et al. [45] ont montré que ladministration
biquotidienne dun traitement comprenant positionnement
en décubitus latéral, vibrations et aspirations diminuaient
lincidence des pneumonies chez des patients intubés et
traités par ventilation mécanique. En revanche, ils nont
pas observé de différence dans la durée de ventilation
mécanique, la durée du séjour en réanimation ou de la mor-
talité. Les diverses techniques de désencombrement bron-
chique doivent être administrées avec prudence et discer-
nement chez les patients en réanimation. Elles peuvent
augmenter la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la
consommation doxygène et la pression intracrânienne [46].
De plus, les percussions manuelles réalisées en trendelen-
bourg chez le sujet âgé ou en choc cardiogénique peuvent
entraîner des arythmies [47]. Les différentes modalités de
drainage bronchique et particulièrement les aspirations
endotrachéales, et les hyperinflations peuvent provoquer
une augmentation transitoire de la pression intracrânienne
[48].
La kinésithérapie respiratoire facilite le désencombrement
bronchique en réanimation, pour autant quelle réponde à
une indication thérapeutique bien établie. Le kinésithéra-
peute aura soin de choisir les techniques permettant un meil-
leur recrutement alvéolaire. Le traitement sera poursuivi
jusquàcequun bénéfice clinique soit objectivé. Le choix
de la position et la durée de son maintien seront guidés par
une auscultation soigneuse et lexamen de la radiographie du
thorax. Ladministration du traitement chez des patients ins-
tables nécessite cependant, un monitorage continu des échan-
ges gazeux ainsi que des paramètres hémodynamiques afin de
détecter immédiatement tout effet indésirable.
Techniques instrumentales
Ventilation à percussions intrapulmonaires
Cette technique consiste en ladministration de volumes dair
sous-courants à haute fréquence, soit durant la phase inspira-
toire, soit tout au long du cycle ventilatoire du patient. La
pression et la fréquence sont modulables. Ladministration
simultanée de solution physiologique à 0,9 % permet une
hydratation des sécrétions mais au vu détudes récentes,
cette modalité ne peut être utilisée pour ladministration de
substances médicamenteuses [49,50]. Des propriétés aérody-
namiques défavorables et une déposition pulmonaire infé-
rieure par rapport à un nébuliseur pneumatique classique ren-
dent lutilisation de la ventilation à percussions
intrapulmonaires peu indiquée pour la nébulisation. Leffica-
cité de cette technique a été argumentée dans certaines
pathologies pulmonaires restrictives [51] et dans la levée
datélectasies [52]. En revanche, une revue de la littérature
[53] ne relève aucun effet de la technique sur le poids des
sécrétions bronchiques [54], le transport mucociliaire [55] et
sur la fonction pulmonaire [56].
Spirométrie incitative
De façon tout à fait générale, lindication de la spirométrie
incitative se réfère à la nécessité dassurer une « aération »
maximale des poumons. Nous utilisons sciemment ce terme et
non celui de « ventilation » afin de mettre laccent sur la
notion de volume gazeux occupant le poumon à un moment
donné par rapport à la notion dynamique de « ventilation »
qui allie volume et fréquence, lun pouvant compenser lautre
[57].
Cette technique consiste à demander au patient des inspi-
rations profondes à bas débit via un embout buccal relié au
spiromètre incitatif. Celui-ci est muni idéalement dun sys-
tème de feedback visuel de débit et de volume.
Avant linspiration dans le spiromètre, le kinésithérapeute
demande au patient une expiration calme.
En phase postopératoire, idéalement on demandera au
patient de réaliser une dizaine dexercices toutes les
deux heures afin de limiter le risque datélectasies et
améliorer la fonction pulmonaire du patient. Toutefois,
cette technique nécessite un minimum de compréhension
et de collaboration du patient [58,59], et est rarement
utilisée chez des patients assez âgés par manque de com-
préhension.
Lautonomie permise par la technique ne dispense en
aucune manière dun contrôle de la séance par le kinési-
thérapeute car une diminution brutale des performances
peut être utile pour détecter lapparition dune détério-
ration de la fonction pulmonaire [60].
Compressions thoraciques à haute fréquence
Cette technique consiste en lapplication à haute fré-
quence dune pression positive dair pulsé sur le thorax
du patient [61].Lappareil se compose dun compresseur
relié à une veste placée hermétiquement sur le thorax du
patient. Le compresseur déclenche des inflations et des
déflations successives à une fréquence comprise entre 5
et 25 Hz favorisant la clearance des sécrétions bronchi-
ques. À lheure actuelle il manque détudes randomisées
bien conduites pour valider la technique.
Cough assist
Ce système consiste à appliquer dans les voies aériennes
du patient une pression positive et ensuite, très rapide-
ment une pression négative favorisant le transport des
sécrétions des petites voies aériennes vers les voies
aériennes plus proximales. Cette pression négative pro-
duit un débit expiratoire élevé au niveau des voies
aériennes simulant la toux. Des expériences cliniques
récentes [62] chez ces patients souffrant de pathologies
neuromusculaires semblent indiquer un effet bénéfique
bien quencore non démontré par des études au long
cours.
Pression expiratoire positive
La technique consiste à appliquer une pression positive
dans les voies aériennes durant la phase expiratoire.
Cette technique agit sur les voies aériennes périphéri-
ques en favorisant la ventilation collatérale. Elle main-
tient ouverte les voies aériennes et facilite larrivée
dair en amont des sécrétions [63].
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