boukin / P. GINIES - Centre National de Ressources de lutte contre

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10.3. Les éléments sociologiques de la prise en charge de la douleur
La société actuelle, avec les demandes de performances qu’elle impose à tous ses membres, fait qu’une
partie de cette population se sent dépassée par le niveau d’exigence de la société. Chaque individu
d’ailleurs, à un moment de son existence professionnelle, peut se voir mettre une barre d’exigence excessivement haute qui va risquer de faire décompenser sur le mode psychique, mais encore plus sur le mode
d’une perturbation médicale organique, son destin de vie.
Il est donc impératif de comprendre ces exigences sociologiques de la société et de prévenir par un regard
attentif chez les patients, la dissociation sociale. La prise en compte de cet élément immédiatement lors
de la recherche diagnostique, même d’une pathologie organique bien cernée (ulcère d’estomac, cancer
de la gorge ou infarctus du myocarde, voire intervention chirurgicale banale) est impérative pour augmenter la qualité du soin, la satisfaction du malade et de sa famille et l’économie que la société doit réaliser pour soigner les patients.
En effet, la plus grande perte d’efficacité financière des structures de soin ne réside pas dans les problèmes médicaux, mais dans les problèmes de mauvaise adaptation sociologique ou psychologique des
moyens mis en place auprès du patient douloureux.
Les formations sociologiques aux équipes médicales sont notoirement insuffisantes et le développement
de la recherche en socio algologie n’est que balbutiant.
On distingue deux grandes voies de recherche :
- les analyses par le langage des modèles sociaux : l’analyse textuelle après un entretien avec un patient
douloureux permet de comprendre cette socio dépendance expliquant en partie le contrôle de la dou
leur et son expression comportementale.
- Les confrontations de modèles socio-représentationnels avec l’organisation des réseaux neuronaux.
La nécessité d’une pédagogie au patient, pour que celui-ci devienne un partenaire de santé pour lutter
contre sa maladie douloureuse, impose de comprendre les référents sociologiques de ce patient.
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D ouleur et évaluation nationale des srtuctures
anti-douleurs : le référentiel national [46]
Afin de mieux prendre en charge la douleur, il faut évaluer les structures. Alors, de 1997 à 2001, s'est
déroulée la plus grande mobilisation des équipes douleur autour d'une évaluation prouvant compétence et utilité de ces équipes pour la prise en charge de la douleur.
110 structures douleur ont reçu le protocole d'évaluation, 90 l'ont accepté, 33 ont effectivement envoyé
des données.
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Tous les types d'établissement sont représentés, répartis dans les régions de France.
Quels sont les principes utilisés dans cette mesure nationale d'efficacité thérapeutique ?
• Une seule classification des patients douloureux : le CODE I.A.S.P.,
• La prise en compte de l'expérience des praticiens pour l'analyse somatique, psychologique et sociale
des patients,
• Une mesure préalable de la validité interne (deux praticiens, devant le même patient, sans se concerter, codent de façon sensible la souffrance physique, psychique et sociale) et de la validité externe,
( comparaison de ce que mesure notre étude et de ce que ressent le patient sur son évolution: seul 4%
des patients sont injustement considérés comme améliorés et 20% injustement considérés comme
aggravés ).
• Le suivi est de 1 à 12 mois sur au moins 2 consultations.
• 3700 patients sont inclus et 2600 retenus après contrôle qualité.
Ont été obtenus les résultats suivants :
- Une photographie à l'échelle nationale, des patients des unités douleur, avec âge, sexe, gravité du handicap, de l'intensité de la douleur, de la gravité psychique, des contraintes sociales.
- L'évolution après plusieurs mois de suivi montre que le gain en santé après passage dans les unités douleur est positif de 22,3 % en valeur absolue de gain de santé chez les patients douloureux en France.
- Le pronostic d'évolution des patients a été calculé grâce au référentiel des 2600 patients (on sait en
moyenne comment va évoluer un douloureux en France).
- L'efficacité des centres montre que: 37 % font mieux que la moyenne, 33% font pareil alors que 30%
font moins bien..
- Pour les patients : 52% ont un résultat de soin conforme au standard de qualité attendue, 37% sont
mieux soignés que prévu mais 12% moins bien soignés.
- Nous connaissons toutes les pathologies représentées dans les centres, leur gravité respective, leur évolution et la comparaison par centre : l’algodystrophie est très bien soulagée à Lyon et la lombalgie à Lille ;
enfin les meilleures stratégies thérapeutiques peuvent être comparées.
Pour le soulagement de la douleur physique, on est TRES fort. Pour la souffrance morale, on est BON
pour le diagnostic global et JUSTE pour le traitement. Pour la souffrance sociale JUSTE pour la repérer et PEUT MIEUX FAIRE pour la prise en charge.
• L'anonymat des patients des centres a été respecté.
• Les évolutions pour chaque pathologie est connue, tant sur le plan somatique, que psychologique et
social.
• L'outil permet l'optimisation des traitements mais aussi des moyens et des pratiques thérapeutiques.
• Depuis le printemps 2002, les patients ont droit à la consultation totale et directe de l'ensemble de
leur dossier médica l; il devient difficile de tout écrire dans un dossier et de transmettre ces informa
tions dans un réseau.
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Ce code alphanumérique qualitatif et quantitatif le permet en protégeant les professionnels
du risque médico-légal.
- La généralisation à tous les patients et à tous les centres peut résoudre les problèmes de l'évaluation du
travail en réseau grâce à sa grande simplicité et sa rapidité.
Ce protocole diffuse et applique au quotidien le modèle biopsychosocial en respectant confidentialité et
éthique.
C entre Anti-Douleur
et expertise médico-médicale (l’audit des patients)
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[8, 47, 48]
Les CAD, par leur vision multidisciplinaire des cas pathologiques des patients, semblent avoir un rôle
dans le monde médical, d’audit des cas complexes et des échecs médicaux ou des échecs iatrogéniques.
L’image de marque étant bonne pour le patient, il y a une grande sincérité dans l’échange, surtout que
celui-ci ne débouche pas sur des conséquences judiciaires ou juridiques comme c’est le cas dans l’expertise médico-juridique classique.
Pourtant, la prise en charge de ces patients relève des mêmes principes : détermination du message du
patient qu’il faut prendre comme vérité, analyse de celui-ci à l’orée de ses éléments psychologiques et
sociaux, détermination de l’interaction avec l’entourage proche ou professionnel et du destin de vie et des
sources de ce destin de vie depuis l’enfance. Ceci constitue un véritable audit de la personnalité d’un
patient et de son entourage, dans un temps restreint, et par un nombre faible de professionnels entraînés
à cet exercice. Bien sur, cet audit et cette expertise médico-médicale n’est centrée que pour le bien du malade et n’a pas actuellement d’autre but que celui-ci. Dans l’expertise médico-juridique classique, elle est
tournée vers une demande de la justice ou de la société à travers ces tutelles. C’est le grand avantage de
l’expertise médico-médicale en algologie et sa grande proportion à faire un audit profond dans les sources
de la maladie est étendue dans les conséquences à un moment donné. Elle intègre avec autant de « bonheur » les éléments organiques, les éléments psychologiques et les éléments sociaux. Elle fait également
une action de pédagogie sur une reformulation du problème par le patient lui-même et sa famille.
Ce travail spécifique de CAD pourrait être en lui seul, une justification de leur existence, voire de nouveaux champs de développement. En effet, des patients pourraient, à la demande du médecin, de la famille ou d’eux-mêmes, venir consulter en CAD pour essayer de faire un bilan de santé biopsychosocial généralisé sans motivation médicale stricte, mais juste pour une meilleure connaissance d’eux-mêmes et pour
essayer de prévenir des éventuels blocages qui agiraient de façon sous-jacente en perturbant sur plusieurs
mois sans apparaître les équilibres intimes du patient.
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