Daniel Saada juillet 2013
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34 - FONCTIONS DE PREMIÈRE CLASSE DE BAIRE
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Une fonction numérique
f
, définie sur un espace métrique (,)Ed , est dite de première classe (de
Baire) quand l’image réciproque par
f
de tout ouvert de
R
est un F
σ
, une réunion dénombrable de
fermés ; l’image réciproque par
f
de tout fermé de
R
est alors un G
δ
, une intersection dénom-
brable d’ouverts. Toute fonction continue est de première classe car dans un espace métrique tout
ouvert est un F
σ
et tout fermé est un G
δ
1. La réciproque est fausse car la classe des F
σ
est stricte-
ment plus vaste que les ouverts : [0,1[ n’est pas ouvert et est l’union des fermés [0,1 1 / ]n ; de
même, l’ensemble des irrationnels R est un G
δ
qui n’est pas ouvert.
Parmi les fonctions de première classe de
R
dans
R
qui ne sont pas (toujours) continues, citons
les fonctions monotones,
les fonctions dérivées,
dont l’importance n’est pas à souligner.
Le but essentiel de cet article est de prouver l’équivalence entre les deux propositions suivantes :
f
est de première classe
f
est limite simple d’une suite de fonctions continues
Nous terminerons par un troisième exemple important de fonctions de première classe.
Avant cela, établissons que toute fonction monotone de
R
dans
R
est de première classe.
On sait que tout ouvert de
R
est union dénombrable disjointe d’intervalles (ouverts), or l’image
réciproque d’un intervalle par une fonction monotone est un intervalle : comme tout intervalle est
un F
σ
, l’image réciproque de tout ouvert est un F
σ
.
1) Une fonction limite simple de fonctions continues est de première classe.
Soit n
f
une suite de fonctions continues qui convergent vers une fonction
f
.
Donnons-nous un fermé Fde
R
: alors 11
() ( )
pn
npn
f
FfO
−−
= [2, § 11.6.3, page 178] ,
égalité ensembliste qui s’établit par double inclusion.
Comme chaque 1()
pn
f
O
est un ouvert, il en est de même de la réunion sur
p
et donc 1()
f
F
est un
G
δ
.
f
est donc bien de première classe.
Exemples.
a) La dérivée d’une fonction dérivable
f
est la limite de la suite des fonctions continues
(1/) ()
1/
f
xnfx
xn
+−
: toute dérivée est donc de première classe.
1 Un fermé F est l’intersection dénombrable des ouverts n
O définis par
}
:(,) 1/
x
EdxF n∈<
.
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b) Si une fonction
f
de 2
R dans
R
est continue en chacune de ses deux variables,
f
est de pre-
mière classe de Baire sur 2
R : en effet,
f
est la limite simple d’une suite ()
n
f
de fonctions conti-
nues sur 2
R, à savoir 1/
1/
(, ) 2 (, )
xn
nxn
f
xy n fuydu
+
=.
(Clément de Seguins Pazzis, RMS 123-4, 2012-2013, exercice d’Oral 233.)
2) L’ensemble 1
des fonctions limites simples de fonctions continues est fermé pour la conver-
gence uniforme
Soit
f
adhérente à 1
pour la norme de la convergence uniforme que nous noterons || || .
Pour tout 1n, il existe 1n
g telle que 1
|| || 1 / 2n
n
fg +
−≤ : la suite ()
n
g convergeant vers
f
, on
peut écrire 11
1
()
nn
f
ggg
+
=+ −
. En posant 11
f
g=, 11nnn
f
gg
++
=−, on a 1
2
n
f
ff
=+
, avec
n
f
dans 1
et || || 2 n
n
f
pour 2n.
Chaque n
f
est limite simple d’une suite ,
()
np p
ϕ
de fonctions continues sur E : ,
() lim ()
nnp
p
f
xx
ϕ
=.
Introduisons pour 2n la fonction continue ,np
φ
2 définie par
,,
,,
,
() si () [2 ,2 ]
() 2 si () 2
2 si () 2
nn
np np
nn
np np
nn
np
xx
xx
x
ϕϕ
φϕ
ϕ
−−
−−
−−
∈−
=≥
−≤
.
Comme || || 2 n
n
f
, ()
n
f
x est encore la limite de ,()
np
x
φ
quand p tend vers l’infini.
Comme ,
|| || 2 n
np
φ
, on peut envisager ,
1
() ()
pnp
n
x
x
φφ
=
=, chaque
p
φ
étant continue.
Fixons maintenant
x
dans E : 1
2
() () ()
n
f
xfx fx
=+
s’écrit pour tout
p
() ()
1,,1,
222
() () () () () () () () ()
nnp np nnp p
nnn
f
xfxfxx xfxfxxx
φφ φφ
∞∞
===
=+ −+ =+ −+
.
Il vient alors 1,
21
| () () ()| () () 2/2
N
n
pnnp
nnN
fx f x x f x x
φφ
==+
−− ≤ +

; on fixe N pour que
1
2/2
n
nN
ε
=+
; une fois N fixé, il existe un rang 0
p
au delà duquel ,
2
() ()
N
nnp
n
fx x
φ
ε
=
−≤
.
On en déduit que
()
1
() lim () ()
p
p
f
xfxx
φ
=+
et donc que
f
est la limite simple, sur
p
, des fonc-
tions continues 1,
p
p
ϕφ
+ :
f
est bien dans 1
.
2
()
,,
min 2 , max( 2 , )
nn
np np
φϕ
−−
=−.
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3) Toute fonctions de première classe est limite simple d’une suite de fonctions continues
D’après 2), pour démontrer que 1
f, il suffit donc de prouver que
f
est limite uniforme d’une
suite de 1
, ou encore que pour tout 0
ε
>, il existe 1
f
ε
telle que|| ||ff
εε
−≤.
a) Les ambigus (de classe 1)
Une partie est dite ambiguë (sous-entendu de classe 1) si c’est à la fois un G
δ
et un F
σ
.
Dans un espace métrique, les ouverts et les fermés sont ambigus.
R est un G
δ
mais n’est pas un F
σ
en vertu du théorème de Baire,
R
étant complet [2, p. 44].
Règles de calcul sur l’ensemble 1
des ambigus.
1
est stable par intersection, complémentaire, différence : soit
A
et
B
dans 1
:
A
B est évidemment un G
δ
, c’est aussi un F
σ
car
()
()( )
''
nmnm
FF FF=∩
 ;
• le complémentaire
A
de
A
est aussi ambigu ;
1
AB∪∈ car
A
BAB∪=∩.
Il en résulte que 1
est stable par différence puisque
A
BAB−=.
b) Un théorème de séparation pour deux G
δ
disjoints
Rappelons que dans un espace métrique, on peut toujours séparer deux fermés disjoints Fet G par
deux ouverts disjoints. Pour ce faire, on utilise la fonctions continue (, )
() (, ) (, )
dxF
ux dxF dxG
=+ qui
vaut 0 sur F et 1 sur G : les ouverts
}
:() 1/2UxEux=∈ < et
}
:() 1/2VxEux=∈ > con-
viennent. On sait que U et V sont ambigus. De façon similaire :
Si
A
et
B
sont deux G
δ
d’intersection vide, on peut les séparer par deux ambigus disjoints '
A
et 'B,
'
A
contenant
A
et 'B contenant
B
.
Posons CA= et
D
B= : Cet D sont deux F
σ
et
E
CD=∪.
Écrivons 1n
CC
=, 1n
DD
= , n
C et n
D fermés, et définissons par récurrence ()
n
U et ()
n
V
par
11
UC= ; 111
VDC=− ; 1
1
n
nn k
UC V
=−
; 1
n
nn n
VD U=−
.
Soit 1n
UU
= et 1n
VV
= : il est clair que UC et VD.
Par construction, n
U ne rencontre pas 11
,..., n
VV
et n
V ne rencontre pas 1,..., n
UU : il en résulte
que pq
UV∩=
pour tous
p
et q et donc que UV∩=
.
Montrons maintenant que EUV=+. Pour cela, il suffit d’établir que C et D sont dans UV+.
Soit
x
C : si
x
U, il n’y a rien à démontrer. Sinon,
x
est dans un des n
C et comme
x
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n’appartient pas à n
U,
x
appartient à 1
1
n
k
V
, donc à V. On montre de même que Dest inclus
dans UV+. Ainsi, U et V forment une partition de E.
Montrons ensuite que U et Vsont ambigus en montrant d’abord que les n
U et les n
V sont
ambigus.
C’est vrai au rang 1 car 1
U est fermé donc ambigu et 1
V est la différence de deux ambigus. Suppo-
sons 1111
,..., , ,...,
nn
UUVV
−−
ambigus. D’après les règles de calcul sur les ambigus, n
U et n
V sont
ambigus. Donc les réunions dénombrables U et Vsont deux F
σ
; comme elles sont complémen-
taires, U et V sont ambigus.
Enfin, posons '
A
U= et '
B
V= : '
A
et 'B sont ambigus, disjoints, '
A
A et 'BB.
c) Construction de
f
ε
Soit ()
n
y
une graduation de
R
, indicée par *
, telle que pour tout réel t il existe n tel que
||/2
n
ty
ε
−≤ . Par exemple, 10y=,2n
y
n
ε
=,21n
y
n
ε
+=− ,1n.
Définissons
}
:| ( ) | / 2
nn
AxEfxy
ε
=∈ − ≤ et
}
:| ( ) |
nn
BxEfxy
ε
=∈ − ≥.
Comme
f
est de première classe, n
A et n
B
sont des G
δ
, disjoints. Les n
A recouvrent E.
On sait qu’il existe n
C ambigu contenant n
A et ne rencontrant pas n
B
; les n
C recouvrent donc
Eégalement.
En posant 11
PC=, 1
1
n
nn k
PC P
=−
, on construit une partition de E avec n
P ambigu.
C’est vrai au rang 1 ; supposons l’hypothèse vraie aux rangs1,2,..., 1n : alors n
P est ambigu.
On définit
f
ε
sur n
P par n
f
y
ε
= : || ||ff
εε
−≤ car n
x
P signifie n
x
C et donc
x
n’est pas
dans n
B
.
d) 1
f
ε
C’est la conséquence du lemme suivant :
E est un espace métrique, ()
n
P une partition de E par des ensembles F
σ
: toute fonction
numérique g dont les restrictions aux n
P sont continues appartient à 1
.
Pour tout n, on écrit n
P comme une réunion croissante de fermée : ,nnp
p
PF=.
On pose ,
1
n
nin
i
KF
=
= : ()
n
K est une suite croissante de fermés de réunion E.
La restriction de g à chaque n
K est encore continue, car n
Kest une réunion finie.
Soit n
g un prolongement continu de cette restriction à E tout entier (Th d’Urysohn).
Il est immédiat que pour tout
x
de E, () lim ()
n
gx g x= puisque () ()
n
gx g x= à partir d’un cer-
tain rang.
Notre fonction
f
ε
est constante donc continue sur chaque n
P, le lemme s’applique et 1
f
ε
.
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Conséquence. Si l’espace métrique de départ E est complet, une fonction de première classe a des
points de continuités, l’ensemble des points de continuité est même dense dans E [2, page 239].
Il en résulte qu’une fonction partout discontinue n’est pas de première classe, comme 1.
4) Une fonction dont l’ensemble des discontinuités est dénombrable est de première classe
Soit D l'ensemble au plus dénombrable des discontinuités de
f
sur E et Uun ouvert de
R
.
Soit
x
VV
°
∈−, où V
°
est l’intérieur de V : ()ufxU=∈
; comme U est ouvert, il existe un ouvert
W tel que uW U∈⊂. On a 1()
x
fW V
∈⊂
: il en résulte que 1()
f
W
n’est pas ouvert, sinon
x
serait dans V
°
, et donc que
f
n’est pas continue en
x
.
Vest donc la réunion de son intérieur, qui est un ouvert, et de points de discontinuités :
VVV D
°
=+, c’est donc un F
σ
.
Aussi
f
est de première classe de Baire ; de ce fait,
f
est limite simple d’une suite de fonctions
continues.
La réciproque est vraie :
Si pour tout ouvert U, 1()
f
U
est la réunion de son intérieur et d’un dénombrable, alors
l’ensemble des points de discontinuités de
f
est au plus dénombrable.
En effet, l’ensemble des points de discontinuité de
f
est
0
11
() () ()
U
f
fU fU
−−

=−


est une base d’ouverts de
R
et
0
1()
f
U
désigne l’intérieur de 1()
f
U
.
La raison est la suivante :
f
est discontinue en
x
si et seulement si il existe un voisinage Vde
()
f
xtel que 1()
f
V
ne soit pas un voisinage de
x
. Comme on peut choisir dénombrable, par
exemple l’ensemble des intervalles à extrémités rationnelles, ()
f
est dénombrable.
Parmi les fonctions de
R
dans
R
dont l’ensemble des discontinuités est dénombrable, citons3:
• les fonctions monotones,
• les fonctions réglées,
• les fonctions continues à droite, ou à gauche.
Toutes ces fonctions sont donc limites simples de fonctions continues. Pour une fonction monotone
ou réglée, ce résultat est remarquable et on serait bien en peine d’expliciter la suite de fonctions
continues dont elles sont la limite. Il va autrement pour les fonctions continues à droite ou à gauche,
c’est l’objet du paragraphe suivant.
5) Une suite explicite ()
n
f
de fonctions continues dont la limite est une fonction
f
de
R
dans
R
continue à droite ou à gauche en tout point.
3 http://www.daniel-saada.eu/fichiers/33-Fonctions-continues-presque-partout.pdf , § 4.
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