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Oubits et le calcul quantique... <
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Les Qubits et le calcul
quantique : le silicium
d'après demain ?
Mots clés
Qubits,
Ordinateurs quantiques,
États quantiques,
Superposition,
Décohérence,
Intrication,
Cryptographie
Par Dr. Yury MUKHARSKY cryptograpi-11je
CEA-SaclaylSpec
L'article décrit les principes généraux du fonctionnement des ordinateurs quantiques, l'état
de leur développement et les perspectives qu'ils offrent.
1. Introduction
Dans son roman " Prisonniers tlti teiiips (Tiiiieliiie)',
publié en 1998, un auteur américain de science-fiction
Michael Crichton utilise des ordinateurs quantiques pour
calculer la manipulation spatio-temporelle nécessaire
pour voyager en arrière dans le temps. Pourquoi une telle
idée ? On pourrait supposer que la référence aux ordina-
teurs quantiques était déjà un effet de mode. Effectivement,
dans les dix dernières années, il y a eu un nombre incalculable
de publications scientifiques et de vulgarisation sur ce
sujet. Les chercheurs ont établi des principes théoriques
de fonctionnement de ces machines futuristes, inventé de
nouveaux algorithmes qui leur sont dédiés, réfléchi à leur
architecture et même fait de premiers essais de proto-
types de " hardware " réel. Mais ces ordinateurs sont-ils
réalisables ? Quels principes les gouverneraient ? A quoi
ressemblei-aient-ils " Leur coeur serait-il gelé à des tem-
pératures inférieures au Kelvin ou serait-il percé par des
rayons laser innombrables ? Personne aujourd'hui ne
peut répondre à la question. Cependant, dans cet article,
nous tenterons de fournir aux lecteurs quelques éléments
leur permettant de se forger une opinion.
c
2. Les principes de base
Commençons par la question : " Qu'est-ce qui est si
spécial dans les ordinateurs quantiques » ? La réponse est
très courte, « ils peuvent résoudre des problèmes qu'aucun
ordinateur classique ne peut résoudre », au moins en
théorie. Mais comment pouvons-nous être sûrs que les
progrès rapides des ordinateurs classiques ne permettront
pas de résoudre ces problèmes, actuellement considérés
comme non solubles' ? Les informaticiens ont répondu à
cette question depuis longtemps. Ceux-ci classifient les
problèmes selon leur « complexité ». Cette dernière tra-
duit la façon dont le nombre de pas de calcul nécessaires
à un ordinateur varie, dans un scénario le moins favorable,
en fonction de la dimension ou de la taille d'un problème.
Si nous devons, par exemple, multiplier deux nombres
entiers, la taille du problème sera le nombre de chiffres
dans le nombre le plus grand que nous voulons être
capables de multiplier. Les ordinateurs modernes, évi-
demment, peuvent faire la multiplication dans un seul
cycle d'horloge. Pourtant, à l'intérieur du processeur, il
faut recourir à un très grand nombre de pas de calcul élé-
mentaires. Il a été conjecturé en 1936 par les pionniers de
l'informatique. A. Turing et A. Church, que n'importe
quel ordinateur requiert pour une même tâche un nombre
de pas qui ne varie pas plus qu'un polynôme de la taille
du problème. On peut donc raisonnablement se poser la
question : quels sont les problèmes réellement difficiles à
résoudre et quels sont ceux qui ne le sont pas, en faisant
quasi-abstraction du matériel qui sera utilisé pour les traiter.
Le fait de négliger un facteur polynomial peut sembler
excessif, mais la différence entre les problèmes « durs »
et les problèmes « faciles » est d'un autre ordre de grandeur.
Zn
1
Nous commencerons par une brève introduction à la mécanique
quantique, indispensable pour comprendre les principes de
fonctionnement des ordinateurs quantiques, leurs points forts et
leurs points faibles Nous illustrerons alors ce fonctionnement en
décrivant l'algorithme le plus connu développé pour les ordina-
teurs quantiques. Finalement nous résumerons certaines des
approches développées pour les réaliser.
SYNOPSIS
We shall start with a brief introduction to quantum mechanics,
which IS indispensable in understanding the functioning principles
of quantum computers, along with their strong and vveak points.
We shall then illustrate thls by descrlblng the best-known algo-
nthm developed for quantum computers. Finally, we shall sum-
marise certain approaches developed in order to achieve them.
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No 10
Novembre 2004
Les problèmes « durs » sont ceux qui ne peuvent être
résolus qu'après un nombre exponentiel de pas, par
exemple en 2'pas, pour un problème de taille V. Les pro-
blèmes « faciles » peuvent être résolus dans un temps
polynomial. Quand nous examinons un problème « facile »
de taille 100 (trouver le carré de nombres de 100 bits), si
nous doublons sa taille, le nombre de pas pour résoudre
ce problème « facile » peut doubler ou augmenter d'un
facteur 4, ou 8, ou même 1024. Pourtant, on peut toujours
espérer le résoudre, en attendant plus longtemps ou en
utilisant un ordinateur plus rapide. Mais a contrario, le
nombre de pas exigés pour un problème « dur » augmen-
tera d'un facteur de 21 () () = 1,3 x 1011 ! Si 1 nanoseconde
est nécessaire pour résoudre le problème de 100 bits, la
résolution du problème de 200 bits prendra 40 000 mil-
liards d'années et tout espoir est perdu. Un exemple
important de problème « dur » consiste à trouver les fac-
teurs premiers des grands nombres. La difficulté de
décomposer en facteurs premiers les grands nombres est
utilisée dans beaucoup d'algorithmes cryptographiques.
Si les progrès dans les ordinateurs classiques ont permis
de casser les clés de 40 bits, les clés cryptographiques de
512 bits resteront a priori sûres pour toujours. A moins
que l'ordinateur quantique n'apporte une solution !
Nous décrivons à présent les idées fondamentales qui
sous-tendent les ordinateurs quantiques (ou QC en abrégé).
Comme le nom le suggère, la mécanique quantique
est au coeur des QC. Le créateur d'ordinateurs classiques
doit certes de plus en plus tenir compte de la mécanique
quantique, car leurs éléments fondamentaux deviennent
toujours plus petits, en diminuant de moitié toutes les
5 années environ. Si la tendance continue, ils s'approche-
ront des dimensions atomiques dans environ 30 ans.
Jusque-là pourtant, la mécanique quantique ne joue qu'un
rôle auxiliaire, comme c'est le cas, par exemple, dans le
fonctionnement d'une diode tunnel. L' « effet tunnel » est
un phénomène quantique, et la mécanique quantique est
indispensable pour déterminer les caractéristiques de ce
dispositif. Mais dès que ces caractéristiques sont identi-
fiées, nous pouvons faire entièrement abstraction de la
mécanique quantique et considérer le fonctionnement de
la diode en utilisant la théorie électromagnétique clas-
sique. Cette façon de faire n'est pas admissible avec les
éléments d'un ordinateur quantique. Son fonctionnement
est essentiellement quantique et nous devons utiliser la
mécanique quantique à tous les niveaux : à partir du
moment où les données partent de façon tout à fait clas-
sique de notre clavier, arrivent au port d'entrée du pro-
cesseur, jusqu'au moment les résultats des calculs res-
sortent par le port de sortie, en se dirigeant vers l'écran
de visualisation.
Il est nécessaire en conséquence de commencer par
un bref rappel des principes généraux de la mécanique
quantique.
La mécanique quantique est tout sauf intuitive. On
peut donc soit se contenter d'apprendre les principes avec
les formules correspondantes et tout bonnement les utiliser
(le physicien américain D. Memiin a succinctement résumé
cette approche par la formule « Tais-toi et calcule »), ou
utiliser les formules et essayer de s'habituer au monde
telles qu'elles le décrivent. Il n'y a rien de nouveau dans
cette approche. L'idée que les corps peuvent se déplacer
indéfiniment sans qu'aucune force ne les actionne est
certainement apparue tout à fait contre-intuitive à
Aristote. Aujourd'hui nous entendons parler, avant même
d'entrer à l'école primaire, des planètes et des satellites
volant éternellement autour de leurs hôtes célestes, et
nous prenons cela en compte comme une donnée de base
de la façon dont le système est fait.
Les principes essentiels de la mécanique quantique
peuvent être résumés comme suit. Chaque objet ou système
d'objets isolés est décrit par sa « fonction d'onde »,
d'habitude notée comme IV/) Les physiciens disent qu'un
objet (ou un système d'objets) est dans l'état quantique Iv/).
On peut normalement choisir l'espace de coordonnées
dans lequel la fonction est définie. Par exemple, pour une
particule libre, on peut écrire Ivi) comme une fonction de
la position de la particule ou de son impulsion. Les for-
mules pour lv/) seront certainement différentes dans ces
deux cas. La fonction d'onde a le sens physique suivant :
le carré de sa valeur absolue !' )} est proportionnel
à la probabilité de trouver l'objet à la position x (nous avons
choisi la position comme l'argument de lv) i. La fonction
d'onde varie dans le temps selon l'équation de
Schrôdinger, if, " 1 i) 1 ; 1), qui dépend à son tour de
dt
l'hamiltonien fl du système (fi est la constante de Plank).
L'hamiltonien est un opérateur (c'est-à-dire une opération
qui agit sur une fonction, en la transformant en une autre
fonction, comme une fonction elle-même transforme un
nombre, son argument, en un autre nombre) qui est étroite-
ment corrélé à l'énergie classique du système qu'il décrit.
1
À partir de l'équation de Schrôdinger, on peut com-
prendre comment faire évoluer l'état d'un système : on doit
appliquer l'hamiltonien pendant un certain temps pour
laisser l'état évoluer dans la direction souhaitée. Puisque
l'hamiltonien est lié à l'énergie classique du système, cela
implique, la plupart du temps, l'application d'une « force »
au système. Par exemple, on peut appliquer un champ
électrique à un électron et son impulsion évoluera avec
l'accélération de l'électron ; on peut appliquer une impul-
sion radiofréquence résonante à un électron et infléchir
son moment magnétique. Pour les hamiltoniens indé-
pendants de temps, il est facile d'écrire comment
l'état se change avec le temps 1 1/f o) = u tlé (o),/ "
U est le nouvel opérateur qui décrit l'évolution du sys-
tème du temps zéro à t. Pour les hamiltoniens qui évo-
luent au cours du temps, la situation est plus compliquée,
mais souvent la formule ci-dessus suffit. L'évolution
selon l'axe du temps décrite par les équations ci-dessus a
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une propriété importante : elle est toujours réversible tant
que le système est isolé. Le concept d' « isolé » est un peu
délicat à définir. Nous pouvons toujours agir sur le systè-
me, en appliquant sur lui par exemple différents champs.
Ce que nous ne permettons pas est une réaction du système
sur le reste de l'Univers, changeant son état. Une autre
façon, plus moderne et plus élégante d'exprimer la même
chose, est de dire qu'il n'y a aucun échange d'informa-
tions entre le système et le reste de l'Univers. Tant qu'au-
cune observation, aussi subtile et précise qu'elle soit, ne
peut nous dire dans quel état est le système, il est isolé.
Puisque l'évolution est réversible, elle est non-dissipative :
la thermodynamique nous dit en effet que les processus
dissipatifs sont toujours irréversibles.
Ensuite vient l'un des postulats les moins intuitifs : le
postulat de mesure. Il dit que si nous mesurons un des
« observables » caractérisant la particule, tels que sa
position, son impulsion ou impulsion orbitale, nous
« effondrons » la fonction d'onde dans l'un des états spé-
cifiques à cet observable, appelés états propres. Les
mesures ultérieures du même observable (si elles sont
faites soigneusement) ne changeront pas l'état de système
et donneront par conséquent toujours et toujours la même
réponse. Les mesures, bien sûr, ne sont pas réversibles,
puisque l'idée sous-jacente est de fournir un transfert d'in-
formations depuis le système vers l'observateur.
Pour un système et un observable donnés, il peut y
avoir un nombre infini d'états propres. Par exemple, les
mesures d'énergie d'une particule libre peuvent avoir
pour résultat un continuum de valeurs, alors que les
mesures de la même particule, confinée dans une boîte,
ont un nombre infini de résultats possibles mais discrets
et donc séparés les uns des autres. Les mesures de la
projection du moment cinétique d'une particule de spin
1/2, tel qu'un électron, auront seulement deux résultats
possibles : le spin en haut et le spin en bas, puisqu'il y a
seulement deux états propres.
Il est habituel et commode d'assimiler les états quantiques
à des vecteurs complexes. Alors, les vecteurs propres d'un
observable forment une base 1 -Il,), 1 --orthonormée.
(1 1) - 0) ) -ci t, (Iqf, (1 o) ) + (IV/-, (/- 0 »)
) i 1
observable forment une base 1 " i, 1 1 ! 1.... orthonormée.
N'importe quel autre état peut être exprimé comme une combi-
1 1 1
= C, \J,) + a-- 1 1-1,
+...
naison de ces états de base
CI,C2... sont des nombres complexes. Ainsi, si nous
avons N des états de base, tous les états possibles du sys-
tème remplissent un espace de nombres complexes N
dimensionnel, appelé espace de Hilbert. Il est important
de noter pour la suite que l'équation de Schrodinger est
linéaire, parce que si au commencement le système était
dans un état lf (l
de combinaison des états propres, aux temps subsé-
quents, il sera dans la même combinaison des états de
base évolués :
-CI (-,
() " ' ()) " -
Une autre façon de dire la même chose, est que l'évolutionUne autre façon de dire la même chose, est que l'évolution
de l'état, gouvernée par l'équation de Schrôdinger, est une
rotation dans l'espace de Hilbert (nous pouvons choisir
l'axe et l'angle de la rotation en changeant les forces appli-
quées au système et en changeant ainsi son hamiltonien).
Généralement, on peut choisir différents ensembles
d'états de base pour un système, en choisissant l'ob-
servable à mesurer. Assez souvent, il est commode de
choisir les états propres d'énergie.
Une propriété importante, et l'une des plus contre-
intuitives des systèmes quantiques, est l'intrication.
Supposons que nous avons deux objets A et B, chacun
d'entre eux ayant, pour la simplicité, deux états de base
que nous désignonsl 0) et t . Alors le système composé de
ces deux objets aura 4 états de base : 1 00, 101), 110) et 111).
Le premier nombre entre les parenthèses s'applique à A et
le deuxième concerne B. Dans le premier état, les deux objets
sont dans leur état 10) dans le deuxième état, A est dans
o) et B est dans Il), etc.
Avec quelques exceptions, les états de superposition
du système sont intriqués. Leur fonction d'onde ne peut
pas être divisée en une partie représentant A et une autre
partie représentant B. Par conséquent, le comportement
d'A dépend de ce qui arrive à B. De tels états ont des pro-
priétés remarquables. Supposons que nous avons préparé
la superposition 10 o - 11) 1 et avons ensuite mesuré l'état
d'A. Le résultat sera 0) ou 11) avec des chances égales.
Pourtant, comme il y avait seulement 2 des 4 états
possibles du système de deux objets dans la superposition,
si le résultat de la mesure est 1 C alors le système est dans
l'état 1 après la mesure, et nous pouvons maintenant être
sûrs que B est dans l'état 1 ïans même avoir à le mesurer.
C'est vrai même si A et B sont séparés par des millions de
kilomètres, d'où l'application à une « téléportation »
quantique. Une façon de faire intuitivement comprendre
ce mécanisme, qui peut-être perçu comme un cocktail de
magie et de sens commun, est de penser à une paire de
dés dont chaque atterrirait au hasard mais l'autre sui-
vant toujours le premier.
Pour illustrer les principes décrits ci-dessus, considé-
rons un électron tournant autour d'un proton ou atome
hydrogène. En principe, ce système a un nombre infini
d'états. Pourtant, tant que l'atome demeure entier, le
spectre de résultats possibles d'une mesure d'énergie est
discret et les états propres correspondants sont bien séparés.
Si nous voulons écrire la fonction d'onde comme une
fonction de position (par opposition à, disons, l'impulsion),
pour les deux niveaux d'énergie les plus bas, on parvient
Ici et dans la suite nous omettons un multiplicateur constant nécessaire pour normaliser la fonction d'onde.
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; ;.-/. ; - i-r.'J- !''j !'/./' ! -----' (.' !'----/- t <-
(o'l la dis-
tance entre 1 electi-on et le proton est exprimée en unités
du rayon de Bohr). Nous pouvons faire commuter l'ato-
me d'un état à l'autre par une illumination appropriée. La
lumière monochromatique ayant la longueur d'onde exac-
tement égale au décalage énergétique entre ces deux
états déplacera l'atome le long d'un cercle dans l'espace
de Hilbert, en transférant l'atome alternativement entre
1 1-1 (r » et 1 ,,, (i- », sans affecter les autres états. Nous
pouvons dire que cette opération fait tourner l'état de
l'atome dans l'espace défini par les deux états de base ci-
dessus, et oublier les autres états. En appliquant la lumiè-
re pendant un temps approprié, nous pouvons préparer le
système dans un état de superposition, par exemple dans
une situation de combinaison à parts égales des états avec
une phase relative de 90 degrés :
'fl -/- ;
1 i/1 il ''
\'
r i
r
2R, i
Si nous avons deux atomes, A et B, l'état décrit par la
fonction d'onde suivante est intriqué, car la fonction ne
peut pas être séparée en produit d'une fonction d'onde
décrivant A et d'une autre décrivant B. On a :
4,, ! +\ il
V . \.. /'1
2R r,'
-R
A contrario, la fonction suivante :
I (J y"
1
,) = ( il,, 'i -i ,ï- :') n'est pas intriquée puisque
1
c'est le produit de deux fonctions, décrivant respectivement
A etë.
Il est facile de voir que les états intriqués représentent
la majorité des états possibles d'un système, puisque la
plupart des états ne peuvent pas être factorisés.
3. L'algorithme de Shor
Maintenant que nous avons rafraîchi nos connais-
sances de base en mécanique quantique, nous pouvons
passer à la question de savoir comment bâtir des ordina-
teurs à partir de ces principes. L'idée selon laquelle un
ordinateur basé sur les principes de mécanique quantique
pourrait dépasser en performances n'importe quel ordina-
teur classique imaginable, a été avancée par Feynman en
1982 et a, par la suite, été développée par un certain
nombre de chercheurs. Remémorons-nous d'abord com-
ment marche un ordinateur classique. Les nombres sont
représentés dans la notation binaire comme une série de
zéros et de uns. Chaque chiffre dans cette notation est
conservé dans un commutateur et contient un bit d'infor-
mation. Le commutateur peut correspondre physique-
ment à un certain nombre de choses : un interrupteur
mécanique, un relais électrique ou une bascule électro-
nique. Mais logiquement, il est presque toujours construit
pour être dans l'une des deux positions marquées 0 ou 1.
Le « zéro » peut être représenté par la position gauche
d'un interrupteur mécanique ou d'un voltage bas d'une
bascule, pendant que le « un » sera la position droite ou
le voltage haut. Les positions intermédiaires sont prohibées
par construction. Même si nous poussons légèrement un
interrupteur, il tombera dans l'état « zéro » ou « un ». Il peut
le faire parce qu'il dissipe de l'énergie dans le processus,
sinon il rebondirait indéfiniment entre ses deux positions.
Nous pouvons commencer à construire notre ordina-
teur quantique d'une façon analogue. Nous prenons un
système, nous choisissons deux états quantiques de ce
système et les appelons état 10) et état Il) Nous savons que
les états quantiques du système peuvent être manipulés
en changeant les champs électriques ou magnétiques qui
y sont appliqués, en l'éclairant par exemple par des
impulsions, autrement dit, en changeant son hamiltonien.
Si nous calculons et exécutons les manipulations correc-
tement, nous pouvons faire en sorte que le système
n'entre jamais dans aucun autre état, même s'il en existe.
C'est évidemment plus facile si les deux états choisis
sont radicalement différents, sous certains aspects, du
reste des états, de telle sorte qu'ils ne se mélangent pas faci-
lement avec eux. Par exemple, les deux états de spin pos-
sibles des électrons sont généralement découplés de l'état
de leur mouvement (les physiciens disent « zéro coupla-
ge spin-orbitale ») ou, autrement dit, le mouvement d'un
électron n'affecte pas la façon dont son spin interagit avec
les champs électromagnétiques. Les changements de spin
ZD
et de mouvement ne s'affectent pas mutuellement.
La présence de deux états bien définis est la première
de la liste de 5 critères incontournables pour construire
un ordinateur quantique, formulée par David diVincenco
(il a ajouté plus tard d'autres critères, exigés par la
construction pratique d'un ordinateur quantique). Ayant
choisi les deux états nous pouvons dire que le système
dans 1 1état o) -eprésente le zéro, et le système dans l'état
représente (i) e un. On appelle cet élément « le bit quan-
tique » ou le « qubit » en abrégé. La différence fonda-
mentale entre le qubit et le bit classique est que le qubit
peut exister dans un continuum d'états : n'importe quelle
superposition de deux états de base est valide. Le qubit
devient l'unité élémentaire de structures d'un ordinateur
quantique, de la même façon qu'un commutateur à deux
positions, qui peut stocker un bit d'informations, est
l'unité élémentaire d'un ordinateur classique. En utilisant
davantage de qubits, nous pouvons représenter n'importe quel
nombre. Par exemple, si nous prenons 3 qubits et mettons l'un à
gauche dans l'état) i), pendant que les deux autres sont
dans l'état 10), nous représentons le nombre 4 en notation
binaire. L'état d'un tel registre quantique est écrit 110 o.
Nous pouvons de plus implémenter des portes logiques
On appelle cc phénomène les oscillations Rabi.
REE
Nn 10
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simples, agissant sur un qubit simple ou sur des paires
d'entre eux, et construire ensuite des opérations arithmétiques
plus compliquées, comme un architecte d'ordinateur
classique construit une unité centrale à partir de circuits
semi-conducteurs simples, effectuant des opérations élé-
mentaires logiques comme « NON », « ET » et « OU »
sur les bits seuls ou sur des paires de bits. Il a été prouvé
que n'importe quelle opération arithmétique sur les
registres quantiques peut être réalisée en utilisant seule-
ment deux portes : une qui agit sur un qubit simple,
capable de le porter dans n'importe quel état souhaité, et
une autre qui agit sur des paires de qubits. Un exemple de
porte de deux qubits est ce qu'on appelle le « NON
contrôlé » (ou cNOT en abrégé), c'est-à-dire une porte
semblable à la porte XOR de la logique classique. Un tel
opérateur doit faire basculer l'état d'un qubit, « la cible »,
si et seulement si, un autre, le qubit " contrôle " est dans
l'état Il). La capacité de construire correctement deux
types fondamentaux des portes constitue le deuxième
article de la liste de contrôle de diVincenco.
<=
1
q l ()
<-- -, () -1- () 1'l ;
<4/ '\'
-,
Figbire 1. La représentation de nombres par les qtibits, ici par
les spins magnétiques. Le spin en haut signifie le « un », le
spin en bas, le « zéro », Le registre de 4 qubits est utilisé pour
représenter le iit (iiiéro 5. Si le qbibit le moins significatif est
dans l'état de superposition, son spin est horizontal et le
registre représente la superposition de 4 et 5. La plupart des
autres états de superposition exigent l'intrication de plusieurs
qubits, qui ne peuvent pas être visualisés simplement.
Une fois que nous avons appris comment faire des
opérations arbitraires avec les qubits, nous pouvons com-
mencer à faire des calculs réels. Par exemple nous pouvons
effectuer la transformation qui modifie un nombre x,
représenté par l'état 1 ) d'un registre, dans un état repré-
, 1oral à la valeur
sentant correspondant à un autre nombre, égal à la valeur
d'une fonction quelconque que nous voulons calculer :
u 1 x If x ». Cependant, nous ne pouvons pas tout-à-
fait le faire, parce que la fonction inverse n'est pas néces-
sairement à valeur unique, donc la transformation
contraire est impossible, sachant que toutes les transfor-
mations quantiques, sauf la mesure, doivent être réver-
sibles. Au lieu de cela, nous pouvons prendre deux
registres, x et y et faire la transformation tout-à-fait
réversible suivante : u 1 x oxf7 lx », c'est-à-dire
que nous avons mis le nombre x dans le registre X, le zéro
dans le registre Y, et ensuite avons laissé X intact, mais
avons changé l'état d'Y -a 1 f lx »,. L'opération est réver-
sible, parce que nous pouvons restaurer les registres à
l'état initial sans aucune ambiguïté.
Un registre avec les N Qubits aura 2'états de base :
() ()... 0 () " Ioo... oi...
2'
Comme nous savons déjà, n'importe quelle combinaison
linéaire de ces états est aussi un état de superposition
valide. Ainsi que se passe-t-il si nous préparons l'état qui
contient la superposition de tous les états possibles et si
nous appliquons ensuite une transformation quelconque à
cet état ? Puisque comme nous savons maintenant, toutes
les transformations sont linéaires, le résultat est facile à
calculer :
-i li-', -i 1, : P. oo, -
i,)')... ) o - 1,
... 1 1 1 1 1, i', i 1
i
1 11 ft
C'est une longue formule, mais nous voyons à la fin
que nous avons calculé la fonctionfpour toute 2 " valeurs
possibles de son argument dans un pas simple !
Ainsi nous avons fait ce qu'un ordinateur classique
mettrait infiniment plus longtemps à réaliser. C'est un
exemple « de parallélisme quantique », le concept crucial
d'informatique quantique, présentée par D. Deutsch en 1985.
Nous avons calculé 2'valeurs de la fonctionf (x) en paral-
lèle et les avons stockées toutes dans le registre Y.
Y est maintenant dans la superposition de toutes les
valeurs possibles de la fonction que nous voulons calculer,
mais si nous mesurons sa valeur, nous récupérerons seu-
lement une possibilité au hasard. Il serait beaucoup plus
intéressant de « concentrer » quelques renseignements
utiles sur notre fonction dans un nombre unique, mettre
ce nombre dans l'un des registres et le mesurer ensuite.
En 1994 P. Shor a suggéré une façon d'y parvenir. Les
registres X et Y sont intriqués. Quand nous faisons la
mesure sur Yet arrivons au résultat, disons, 9 = f (3), cela
« effondrera » X dans la superposition de l'état 13), et de
tous les autres états, oùf (x) = 3. Si la fonction est pério-
dique avec la période T, ces états seront répétés :
: ; Il se trouve que c'est une caractéristique des problèmes mathématiques pour lesquels les algorithmes quantiques donnent une accélération des performances excellente :
les problèmes « durs » à résoudre mais « faciles » à vérifier.
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