VIE
DE
LA
NATURE
Les
“petits
soleils”
du
printemps
:
les
pissenlits
Nous
inaugurons
une série
d’articles
sur
l’observation
de
la
nature
au
fil
des
saisons
pour
inciter
à
percevoir
tou
jours
plus
concrètement
la
vie
de
la
nature
et
ainsi
pénétrer
pas
à
pas dans
le
monde
vivant.
Pour
ce
trimestre,
nous allons
re-découvrir
une
fleur
abon
dante
dans
les
prés
printa
niers.
J
adis
les
hommes
étaient
bercés,
baignés
par
le
cours
de
l’année
qui
rythmait
tous leurs
travaux.
Aujourd’hui
la
technique (lumière
électrique, climatisation,
isolation,
voi
tures, etc.)
nous isole
toujours
plus
de
la
nature,
il
nous
faut
faire
un
effort
de
volonté
pour
consciemment
suivre
jour
après
jour
l’évolution
de
la
vie de
la
nature...
Le
teXte
de
Rudolf
Steiner,
cité
ici,
page
3,
nous
laisse
pressentir
qu’observer
la
nature
et
le
monde
des
plantes
en
particulier
n’est
pas
un
simple
loisir,
c’est
pratiquement
une
nécessité
pour
une
bonne
hygiène
de
l’âme
tout comme
on
parle
aujourd’hui
de
la
nécessité
de
faire
de
l’exercice
physique.
du
sport
pour
une
bonne
hygiène
du
corps
physique.
Maintenant
nous vous
proposons
une
promenade
dans
les
prés
printa
niers,
promenade
au
cours
de
laquelle
nous
essaierons
d’observer
les
plantes
avec
un
regard
neuf
et
attentif. Ceci
est
plus
facile
à
dire
qu’à
faire
:
il
faut
balayer
toutes
les
idées
préconçues
et
les
préjugés
sur
ce
que
nous
voyons
sous
nos
yeux
et
observer
attentive
ment
avec
intérêt
et
enthousiasme.
La
description ci-dessous
correspond
à
des
observations
effectuées
dans
le
nord-est
de
la
France.
Le
mois
de
mars
au
caractère
assez
chaotique
avec
l’alternance
de
fortes
tempêtes,
d’averses
et
d’éclaircies
est
passé,
nous
sommes
début
avril.
À
la
lisière
du
bois,
les
prunelliers
se
sont
déjà
couverts
de
fleurs
d’un
blanc
de
neige
qui
sont
peut-être
déjà
fanées.
Après
quelques
jours
plus
doux,
diffé
rents
arbustes
plus
précoces
que
les
arbres
qui
montrent
une
certaine
iner
tie,
ouvrent
leurs
bourgeons
l’aubé
pine
se
couvre
de
petites
taches
vert
tendre,
teintées
de
grenat,
le
sureau
a
déjà
sorti
ses
feuilles,
la
viorne
lantane
ouvre
ses
“deux
mains”,
les
cor
nouillers
et
les
noisetiers ouvrent
leurs
bourgeons
si
cela n’est
déjà
fait...
LE
PRINTEMPS
ARRIVE
Dans
les
prés,
sortant
de
leurs
rosettes
qui
avaient
passé
l’hiver
pla
quées
contre
le
sol,
un
certain
nombre
de
plantes
commencent
à
élever
une
tige
du
sol
et
à
fleurir.
Dans
son
ensemble,
le
paysage
montre quelques
4
flî(I»Aj4fLÇ
-
n
I
-
PRINTEMPS
993
lâches blanches
et
jaunes
ici
et
là.
Les
prés
humides
sont
couert
d’une
légè
re
nappe
blanc-mauve
de
cardamine
des
prés.
Sur
les
pâturages
et
coteaux
secs,
on
découvrira
les
clochettes
jaunes
ornées
de
taches orange
de
la
primevère
officinale
qui
exhale
une
si
douce
odeur
miellée.
Dans
les
sous-
bois
on
trouve déjà
les
violettes,
les
primevères
et
les
anémones
sylvies
qui
étendent
leur
tapis
blancs.
Et
sur
la
pelouse
du
jardin
c’est
la
pâquerette
qui
annonce
la
fête
dont
elle porte
le
nom.
Il
est
intéressant
de
comparer
toutes
ces
premières fleurs
du
prin
temps
car
elles
ont
presque
toutes
un
point
commun,
un
“geste”
commun
elles
forment
des
fleurs sortant
directe
ment
de
la
rosette
de
feuilles
qui
reste
au
sol
sans
monter
en
spirale
autour
de
la
tige
comme
les
fleurs
qui
apparaî
tront plus
tard
dans
l’année.
On
a
donc
une
séparation entre
le
pôle
végétatif
des
feuilles
qui
reste
au
sol
et
le
pôle
floral
en
haut.
Ce
principe
est
modifié
chez
l’anémone
sylvie
qui
développe
une
couronne
de
trois
feuilles
réunies
pour former
une
sorte
de
rosette
sur
élevée
au-dessus
du
sol
forestier
sur
laquelle
apparaît
la
fleur.
LE
PRÉ
À
PISSENLI’[
C’est dans cette
ambiance
de
renou
veau
printanier
que
nous
découvrirons
les
pissenlits
qui
couvriront
progressi
vement
des
prés
entiers.
Essayons
de
nous
intéresser
d’un
peu
plus
près
à
cette plante.
Nous
chercherons
à
observer
attentivement
les
formes,
les
couleurs,
les
gestes
qu’elle
nous
montre
sans
les
interpré
ter par
des
modèles
explicatifs
mais
en
essayant toujours
de
les
replacer
dans
l’ensemble.
Nous
nous
apercevrons
qu’en
les
mettant
en
relation,
nos
dif
férentes observations
s’éclaireroit
les
unes
les
autres
et
prendront
un
sens...
Et
d’abord
trouvons-nous
surtout
le
pissenlit
?
Quel
est
son
milieu
de
prédilection
?
C’est
la
belle prairie
verte
et
grasse
bien
fumée,
éventuelle
ment
avec
de
la
fumure
fraîche
ou du
lisier,
qui
se
couvre
de
fleurs
de
pis
senlit
au
printemps.
Le
sol
est
souvent
relativement
frais, humide
et
assez,
voire
très
riche.
J’ai
pu
observer
à
plu
sieurs
reprises
la
différence
entre
deux
prés
voisins
dont
l’un
avait
reçu
un
apport
de
lisier
frais
et
l’autre
non.
Le
premier
pré
était
couvert
dc
pissenlits
alors
que
le
second
rie
montrait
que
quelques
taches
jaunes
de-ci
(le-là.
L’existence
de
ces prés
à
pissenlits
est
étroitenient
liée
à
la
présence
des
bovins,
au
moins par
leur
fumier
ou
même
leur
pâturage.
Les
botanistes
estiment d’ailleurs
que
le
pissenlit
n’était
pas
aussi
répandu
autrefois
et
que
son
extension
est
très
vraisenibla
blement
liée
à
l’homme
et
à
l’élevage.
Le
pâturage
OU
la
fauche
régulière
de
ces
prés
empêchent
le
plus
souvent
les
plantes
d’arriver
à
la
maturation
et
à
un
durcissement
et
favorisent
une
repousse régulière
des
plantes.
Ce type
de pré
est
donc
le
pILIs
souvent
couvert
de
plantes
vert
dense
aux
feuilles
assez
larges,
épaisses, charnues,
juteuses.
Pour
mieux
le
caractériser
il
faut
le
comparer
avec
un
coteau
sec,
la
roche
mère
affleure
partiellement
et
ne
poussent
que
de
petites
plantes
mix
feuilles fines
ou
découpées
aux
teintes
plutôt
vert-beige,
très
sèches,
rigides.
On
pourrait
donc
caractériser
le
rniliéu
de
prédilection
du
pissenlit
par
son
caractère
de
jeunesse
avec
une
crois
sance
constante, végétative
que
l’on
retrouve
chez
toute
la
végétation
du
débtit
dii
printemps.
On
pourrait
PRIN
I
PMI5
99.
-
n
I
-
BJODIN4M15
5
presque
dire
que
le
pissenlit
pousse
surtout
dans
des prés
dans
lesquelles
le
printemps
se
prolonge
toute
l’année.
Prenons
le
temps
d’apprécier
du
regard
le
jaune
d’or
dense
d’un
pré
couvert
de
f]eurs
de
pissenlits
écloses
et
comparons
cette
couleur
avec
un
autre
jaune
si
l’occasion
se
présente,
avec
le
jaune
du
bouton
d’or,
de
la
pri
mevère pour
bien
en
apprécier,
goûter
la
nuance
particulière.
LA
PLANTE
Maintenant je
vous
propose
un
exer
cice
pratique
qui
stimulera
les
obser
vations
suivantes
dessinez
le
contour
d’un
feuille
de
pissenlit
sans
en
avoir
préalablement
observé
une,
simple
ment
de
mémoire. Chacun
de
nous
croît
connaître
le
pissenlit
et
pourtant
l’exercice
ne
s’avère
pas
aussi
simple
que
prévu.
C’est
la
pleuve
qu’
il
y
a
mie
grande
dilTérence
entre
“voir”
et
“observer”
consciemment.
On
a
sou
vent
tendance
à
dessiner
les
dentelures
des
feuilles
à
l’envers
vers
le
haut
alors
que
cc
sont
justement
ces
dents
qui
donnent
tout
son
caractère
au
“dent-de-lion”.
Prenons
le
temps
de
nous
étonner
de
ces
dents
qui
se
recourbent
vers
le
centre
ou
vers
la
terre
à
l’inverse
de
la
plupart
(les
plantes.
Ensuite,
on
pourra
comparer
diffé—
lents
feuilles
de
pissenlit
cueillies
au
hasard
potir
apprécier
la
grande
diver
sité
et
la
plasticité
de
cette plante.
On
reconnaît
un
“style” commun
à
toutes
les
feuilles
et
pourtant
quelle
richesse,
quelle
diversité
de
formes
avec
tou
jours
une
certaine
vie
sans
jamais
tom
ber
dans
la
rigidité
de
la
symétrie
par
faite
On
peut
essayer
de
sentir
quelles
forces
sont
à
l’oeuvre
pour
créer
ces
formes.
Parfois
les
limbes
des
feuilles
sont
renflés comme
s’il
y
avait trop
de
matière
qui
débordait
de
la
forme.
On
sent
un
combat
intense
entre
les
forces
de
la
matière
qui
rem
plissent
la
feuille
et
les
forces
structu
rantes
qui
la
cisèlent
de
l’extérieur.
Pour
mieux
sentir
ces
deux
tendances,
il
faut
comparer
des
pissenlits
pous
sant dans des
milieux
différents
:
par
exemple
dans
un sol
bien
riche
et
frais
dôminent
les
influences terrestres
et
dans
tin
sol
caillouteux, squelettique,
de
montagne.
Certaines
feuilles, dans
le
premier emplacement, restent
presque entières,
sans
dentelures
alors
que
dans
le
deuxième
emplacement,
les
feuilles
seront
presque
lacérées,
réduites
aux
nervtires,
On
peut
égale
ment
observer
une
certaine
métamor
phose
des
feuilles
les
plus
jeunes
jusqu’aux
feuilles
précédant
la
florai
son.
(Notis
reviendrons
sur
la
méta
morphose
des
feuilles
dans
un
pro
chain article).
LA
FLEUR
Observons
maintenant
un
pied
de
pissenlit
en
fleur.
On
découvre
une
rosette
de
fetnlles
formées
on
le
constate
en
déterrant
le
pissenlit
—-
d’une spirale
de
feuilles
aplaties,
rete
nues
au
sol.
La
plupart
des
plantes
ont
des
fetulles implantées
en
spirale
le
long
de
la
tige
chez
le
pissenlit,
par
contre,
la
tige
est
quasi-inexistante.
totites
les
feuilles
partent
du
niveau
du
sol
et
c’est
là,
bien
enfoncés
au
coeur
des
feuilles,
que
se
sont
préparés
déjà
tôt
en
hiver
les
boutons
floraux.
Du
centre
de
cette
rosette,
c’est-à-dire
directement
de
la
racine,
jaillissent
ptiissamment
un ou
plusieLirs
puissants
pédoncules
(“tige” portant
la
fleur)
portant
chacun
un
“petit
soleil”,
tine
“fleur”
de
pissenlit.
Contrairement
à
la
6
BIO1)YNalIIS
-
n
I
-
PRINTEMPS
993
1
ère
année
novembre
avril
Biographie
du
Pissenlit
:
semis
en
octobre,
développement
végétatif
sur
1
an
I
2
e
année
novembre
avril
mai
détail
des
hou
lQ!L
floraux
farinés dans
le
sol (noi’e,nbre)
aigretie
(mai)
septembre
(d’ip;is
BOCKLwt/d
PRINTEMPS 993
-
Te
I
-
BIOl)YNAMJS
7
plupart
des
plantes,
le
pissenlit
ne
pré
pare
pas
la
floraison
en
élevant
lente
ment
une
tige
feuillée.
Non,
le
pédon
cule
floral porte
rapidement, projette
presque
l’inflorescence
vers
le
ciel.
Ces
pédoncules
creux,
sans forme
bien
différenciée,
ni
cannelures,
ni
arêtes,
ne
sont
absolument
pas
rigides
•,
ils
ne
tiennent
à
la
verticale
que
parce
qu’ils
sont
gonflés
de
latex
blanc.
Ils
font
l’effet
de
tuyaux
dressés
sous
l’effet
de
la
pression
de
l’eau
Et
ces
sortes
de
tuyaux
indifférenciés,
vert
pâle
portent
une
petite
merveille,
un
petit
soleil.
Quel
contraste
UNE
COMMUNAUTÉ
DE
FLEURS
Il
nous
faut
maintenant
faire
un
peu
de
botanique
et
éventuellement
nous
armer
d’une
loupe
pour
les
observa
tions
suivantes.
Ce que
nous
appelons
communément
la
fleur
de
pissenlit
est
en
l’ait
une
inflorescence
appelée
capi
lute
(du
latin
capiinlum
petite
tête)
composée
de
150
à
200
fleurs
ligulées,
c’est-à-dire
en
languette.
En
tirant
une
ligule
on
aura
une
vraie fleur
(nommée
fleuron)
dans
la
main.
On
pourra
constater
que
la
tigule est formée
de
5
pétales soudés formant
un
tube
à
la
base
de
ce
tube
sortent
des
étamines
portant
les
anthères
formant également
un
deuxième
tube
entourant
le
pistil
à
deux
stigmates
(voir
dessin).
Le
tube
de
pétales
est
lui-même
entouré
d’aigrettes
qui,
en
se
déployant,
don
‘ies
neront
le
“parachute”
de
la
graine.
Les
plantes
comme
le
pissenlit
dont
les
capitules
sont
composés
de
nom
breuses
fleurs sont
regroupées
au
sein
de
la
famille
des
Composées
(ce
nom
de
famille
si
facile
à
retenir
est
aujourd’
hui
remplacé
par
le
nom
de
famille
des
Asiéracées)’.
Le
plus
étonnant
est que
cette
com
munauté
de
fleurs
arrive,
si
parfaite-
nient,
à
imiter
une
fleur
unique.
de
sorte que tout
néophyte
est
loin
d’ima
giner
qu’on
lui
offre
un
gros
bouquet
de
fleurs
en
lui
donnant
une
fleur
de
pissenlit.
Cela
va
si
loin que
les
fleu
rons
situés
à
la
périphérie
du
capitule
sont
teintés
de
vert
comme
s’ils
imi
taient
des
sépales.
Cette
tendance
à
regrouper
des
fleui
s
pour
créer
une
fleur
à
un
niveau
supérieur
apparaît déjà
chez
d’autres
familles
de
plantes
comme
les
Oinbel
li/èrc’s
(carottes,
berces.
etc.),
les
Dip
.vacacée.s
(knauties.
cardères,
etc.)
mais
c’est chez
les
Composées
qu’elle
atteint
son
expression
la
plus
parfaite.
Suivons
maintenant
notre
capitule
de
pissenlit,
ou
même
tout
le
pré.
jour
après
jour.
Nous
constaterons
que
les
capitLlles
sont
tantôt
ouverts, tantôt
fer-
niés.
À
quelles
influences
répondent-
ils
?
D’une
part,
ils
montrent
une
gran—
(le
sensibilité
à
la
lumière
du
soleil
dès
que
le
soleil
est
caché,
ils se
refer
ment.
D’autre
part,
ils
ont
un
rythme
propre
d’ouverture
et
de
fermeture,
8
1?/ODtNliWIS
-
n
1
-
PRINTEMPS
1993
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