148
Andreas Dettwiler
v.
15,
Paul
fait explicitement référence à
une
«parole
du
Seigneur» (M-
yoç
xup(ou). L'origine
et
la reconstruction exacte
de
cette tradition
sont
disputées
par
la
recherche.
Nous
pouvons
supposer
qu'elle
comprend
l'essentiel
des
v.
16-17, c'est-à-dire la description détaillée des circons-
tances
de
la
Parousie
du
Christ,
de
la
résurrection des croyants
morts
et
de
l'enlèvement
au
ciel
des
croyants encore vivants. Cette «mini-
apocalypse»
provient
probablement
d'un
milieu
prophétique
de
type
judéo-chrétien
4.
(3)
Un
rapprochement
avec les textes juifs
de
l'époque
intertesta-
mentaire
et
néotestamentaire,
permet
de
comprendre
que
les représen-
tations
utilisées
aux
v.
16-17
sont
fortement imprégnées
par
la tradi-
tion
apocalyptique.
Pour
cette raison, j'ai qualifié ces versets
de
«mini-
apocalypse».
Une
comparaison
détaillée
au
niveau
de
l'histoire des
religion
montre
en
fait
que
la
quasi-totalité
des
images utilisées
dans
ces versets
est
empruntée
au
courant apocalyptique juifS : l'expression
«ceux
qui
sont
restés»
au
v.
15, la voix
de
l'archange, la
trompette
de
Dieu, la
descente
du
ciel
d'un
être divin,
l'idée
de
la résurrection
des
morts
à
la
fin
des
temps
et
enfin l'acte d'élévation
sur
les nuées.
La relative
particularité
de
notre texte réside (a)
dans
la configuration
spécifique
des
différentes représentations apocalyptiques, (b)
dans
la
perspective
christologique, à savoir l'identification
de
l'être céleste avec
le
Christ
et
(c), last
but
not least,
dans
l'absence totale
de
la thématique
du
jugement.
2 Le
problème
théologique :
constance
et
variabilité
de
l'eschatologie
paulinienne
Après
avoir
clarifié le contexte
de
communication
historique
et
l'ar-
gumentation
paulinienne,
l'exégète s'efforce
de
mettre le
petit
texte
de
1
Th
4
en
relation avec les autres lettres
de
Paul, afin
de
mieux corn-
4Voir
G.
HAuFE,
ap.cit., p. 79
«[
...
] ein
von
Paulus
bereits vorgefundenes Wort
aus
der
judenchristlich-prophetischen Gemeindetradition». n
ne
s'agit donc probablement
ni
d'une
parole
qui
remonterait
au
Jésus historique
ni
d'une
parole
du
Christ élevé
que
Paul
aurait
reçu
lors
d'une
révélation.
5
Pour
une
analyse
plus
détaillée des liens
entre
1Th 4,16-17
et
le courant apoca-
lyptique,
voir
les commentaires,
par
ex.
T.
HoLTZ,
Der erste Brief an die Thessalonicher
(Evangelisch-Katholischer
Kommentar
zum
Neuen
Testament
XIII),
Zürich-
Einsie-
deln-
Koln,
Benziger-
Neukirchener, 1986, p. 198-205,
ou
G.
HAuFE,
ap.cit., p. 84-86.
•-';
~
Exégèse scientifique
et
interprétation
du
langage
mythologique
149
prendre
son
statut
et
sa
pertinence théologiques
dahs
l'ensemble
de
sa
théologie. Je
me
contente
d'en
souligner trois aspects6.
(1)
Suivant
le contexte
de
communication, le langage
et
les
représen-
tations eschatologiques utilisées
varient
considérablement.
Paul
n'a
pas
présenté
un
système
de
représentations eschatologiques
absolument
ho-
mogènes. A l'observation
de
cette variabilité, voire
de
cette hétérogénéité,
s'ajoute
un
constat
sur
le caractère évolutif
de
la pensée
de
Paul : 1
Th
constitue selon
toute
vraisemblance
la
lettre la
plus
ancienne
de
Paul.
La
lettre adressée à la
communauté
de
Rome,
qui
est la
plus
tardive
et
la
plus
mûre
théologiquement,
développe
la
thématique
de
l'avenir
d'une
manière sensiblement différente (cf.
seulement
Rm
8).
Ainsi,
une
conclusion
s'impose
concernant
la
pertinence
théologique,
plus
précisé-
ment
la pertinence eschatologique,
de
1
Th
dans
l'ensemble
de
l'œuvre
paulinienne
: cette
argumentation
ne
constitue
que
la première
étape
dans
son
processus
de
réflexion
sur
les choses dernières. Elle
ne
peut
donc
pas
être considérée
comme
une
proposition
aboutie.
(2)
La conviction
que
«le Seigneur est proche» est
une
constante
de
l'eschatologie
paulinienne
(Ph 4,5; cf. aussi 1
Th
4,17; Rm 13,11-14).
Mais
force
est
de
constater que cette conviction
ne
fait
pas
partie
du
credo
christologique, credo entièrement focalisé
sur
la
mort
et
la résurrection
du
Christ, interprétés comme
événements
absolument décisifs
ou,
si
l'on
veut,
«eschatologiques».
Autrement
dit:
la parousie est
attendue,
mais elle
n'est
pas
l'objet
de
la foi
au
sens stricte7• De manière générale,
nous
pouvons
dire
que
l'espérance
n'est
pas
fondée
sur
l'attente
immi-
6
Concemant
l'eschatologie
de
Paul,
on
consultera,
par
ex., les travaux
suivants
qui
proposent
une
vue
d'ensemble
sur
la problématique (ordre chronologique): G.
KLEIN,
Art.
«Eschatologie.
IV.
Neues
Testament», Theologische Realenzyklapiidie 10, 1982,
p.
270-
299
(pour
l'eschatologie
de
Paul et
son
école:
p. 279-288);
J.
BECKER,
Paul. L'apôtre des
nations (Théologies bibliques), trad.
de
l'allemand
de
J.
Hoffmann,
Paris-
Montréal,
Cerf-
Médiaspaul, 1995, p. 509-520; J.D.G.
DuNN,
The Theology
of
Paul the Apostle,
Grand
Rapids-
Cambridge, Eerdmans, 1998, p. 294-315
[sur
la Parousie
du
Christ]
et
p.
461-
498 [sur la tension eschatologique]; G.
HAUFE,
ap.cit., p. 87-88 [ «Exkurs : Kontinuitat
und
Variabilitat
in
der
paulinischen Eschatologie»]. Je
me
suis prononcé
sur
la
question
de
façon
un
peu
plus
détaillée
dans
mon
article «La résurrection
des
croyants selon
l'Epître
aux
Colossiens»,
in:
O.
MAINVILLE
et
D.
MARcuERAT
(éd.), Résurrection. L'après-
mort dans le monde ancien et
le
Nouveau Testament [Le
Monde
de
la Bible 45],
Genève
-
Montréal, Labor
et
Fides -Médiaspaul, 2001, p. 307-320,
en
particulier les p. 309-312.
7Voir H.
CoNZELMANN,
Grundriss der Theologie des Neuen Testaments, bearb.
von
A.
Lindemann
(UiB
1446), Tübingen, Mohr, 19874 (1967), p. 348-349:
«[
...
] diese Über-
zeugung
[l'attente
de
la Parousie] ist
für
ihn
[i.e.
pour
Paul] kein Satz des Credo. Er
begründet
die
Hoffnung nicht
mit
dieser apokalyptischen Vorstellung,
sondem
mit
dem
Credo,
das
von
Tenninen
unabhangig
ist [
...
].
Eschatologie ist
von
Anfang
an
primar
nicht apokalyptische Vorstellung,
sondem
Verstehen
des
Seins
im
Glauben. »