Proceedings Chapter
Reference
Exégèse scientifique et interprétation du langage mythologique du
Nouveau Testament, à l'exemple de l'eschatologie paulinienne
DETTWILER, Andréas
Abstract
L'article tente de montrer, à l'exemple des représentations eschatologiques "étranges" du
christianisme naissant (1 Thessaloniciens 4,13-18) et à l'aide de l'herméneutique de Rudolf
Bultmann (démythologisation et interprétation existentiale), combien de telles représentations
peuvent être interprétées en situation de modernité qui reste profondément influencée par le
paradigme scientifique.
DETTWILER, Andréas. Exégèse scientifique et interprétation du langage mythologique du
Nouveau Testament, à l'exemple de l'eschatologie paulinienne. In: Dettwiler, A. & Karakash, C.
Mythe et sciences. Actes du colloque "Mythe et sciences" du 14 au 16 mars 2002
Neuchâtel, Suisse. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003. p.
145-155
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:39615
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1 / 1
Exégèse scientifique et
interprétation
du
langage
mythologique
du
Nouveau
Testament, à l'exemple
de
l'eschatologie
paulinienne
ANDREAS
DETIWILER
LE
BUT
MODESTE
de
la
présente
contribution
est
de
montrer
à
un
pu-
blic
non
théologique
les
problèmes
d'interprétations
auxquels
je
suis
régulièrement
confronté
en
tant
qu'exégète
des
textes
du
Nouveau
Tes-
tament.
Afin
d'être
le
plus
concret
possible, je
propose
de
jeter
un
coup
d'œil
sur
un
texte
de
l'apôtre
Paul,
dans
lequel
il
développe
sa
vision
des
événements
à
venir
(son eschatologie). Le
but
ne
sera
pas
de
fourniJ::
une
interprétation
complète
du
passage,
ni
de
proposer
une
solution
complète
au
problème
de
l'interprétation
du
langage
mythologique
qui
apparaît
dans
les textes bibliques.
La
référence
au
texte
paulinien
nous
aidera
pourtant
à clarifier le
problème
herméneutique.
Comment
un
exégète
du
XXIe
siècle,
qui
est
à
la
fois
marqué
par
le
paradigme
scien-
tifique
de
la
modernité
et
par
une
longue
tradition
d'interprétation
des
textes
bibliques,
traite-t-il
des
textes qui,
par
l'étrangeté
des
représenta•
·
tions utilisées,
résistent
à
toute
tentative
d'appropriation
hâtive?
Le
texte
de
Paul
qui
constituera
le
point
de
référence
de
notre
ré;.
flexion
est
1
Th
4,13-18 :
13
Nous
ne
voulons
pas,
frères,
vous
laisser
dans
l'ignorance
au·
sujet
des
morts
(m:pl
~:wv
xoqlwt-tÉvwv),
afin
que
vous
ne
soyez
pas
dans
la
tristesse
comme
les
autres,
qui
n'ont
pas
d'espérance.
14Si ·
en
effet
nous
croyons
que
Jésus
est
mort
et
qu'il
est
ressuscité,
de
même
aussi,
ceux
qui
sont
morts,
Dieu
les
ramènera
par
Jésus .
et
avec
lui.
15
Voici ce
que
nous
disons,
d'après
une
parole
du
·,.
146
Andreas
Dettwiler
Seigneur
(è:v
ÀÔy<p
xup(ou) :
nous,
les vivants,
qui
serons
restés
jusqu'à
la
venue
du
Seigneur,
nous
ne
devancerons
pas
du
tout
ceux
qui
sont
morts.
16
Car
lui-même, le Seigneur,
au
signal
donné,
à
la
voix
de
l'archange
et
au
son
de
la
trompette
de
Dieu,
descendra
du
ciel:
alors
les
morts
en
Christ
ressusciteront
d'abord;
17
ensuite
nous
les
vivants,
qui
serons
restés,
nous
serons
enlevés avec
eux
sur
les
nuées,
à
la
rencontre
du
Seigneur,
dans
les airs,
et
ainsi
nous
serons
toujours
avec le Seigneur. 18Réconfortez-vous
donc
(wa-ce:
mxpcxxcxÀe:î'-re:)
les
uns
les
autres
par
ces paroles.»1
1
Le
problème
historique
: le
premier
contexte
de
communication
La
première
démarche
consiste à clarifier
le
contexte
de
communi-
cation
originaire
du
texte. Cette
perspective
historique
s'impose
natu-
rellement,
puisque
ce texte fait
partie
d'une
lettre
de
circonstance
dans
laquelle
apparaît
une
situation
de
communication
spécifique.
Quel
est
le
problème
qui
semble
avoir
perturbé
la
communauté
destinataire?
TI
peut
être
reconstruit
de
la
manière
suivante.
Pour
la
jeune
communauté
chrétienne
de
Thessalonique,
au
début
des
années
50
de
notre
ère, le
décès
de
quelques
membres
de
ladite
communauté
créait
un
problème
de
fond.
Pourquoi?
Parce
que
les chrétiens
de
Thessalonique
vivaient
dans
l'horizon
de
l'attente
imminente
du
retour
du
Christ
céleste
sur
terre
à
la
fin
des
temps
(ce
que
les exégètes
appellent
l'attente
de
la
pa-
rousie
[du
grec
ncxpouo(cx]
du
Christ).
lls
sont
apparemment
convaincus
que
la
Parousie
du
Christ
se
déroulera
de
leur
vivant. Le
principal
pro-
blème
n'est
donc
pas
l'expérience
générale
de
la
finitude
de
l'existence
humaine,
rti
la
résurrection
2,
mais
le décès
de
chrétiens avant
la
Parousie
du
Christ
céleste.
L'argumentation
de
Paul
est construite
de
la
manière
suivante.
Le
v.
13
expose
la
thématique
(«Nous
ne
voulons
pas
vous
laisser
dans
1
Traduction,
légèrement
modifiée,
de
la
Traduction
œcuménique
de
la
Bible
(TOB),
1985.
Dans
la
suite,
nous
abrégeons
les livres bibliques
selon
les directives
de
la TOB.
2Voir,
par
ex., G.
lliuFE,
Der
erste
Brief
des
Paulus
an
die
Thessalonicher
(Theologischer
Handkommentar
zum
Neuen
Testament 12/1), Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt,
1999, p. 80 :
«Deutlich
ist
[ ... ),
dass
nicht
das
Problem
des
Todes als solches
zur
Diskussion
steht,
auch
nicht
das
Problem
der
Auferstehung,
sondem
die
spezielle
Frage
nach
der
Teilnahme
bereits Gestorbener
an
dem
für
bald
erwarteten
Parusie-
Geschehen.
»
·_,.
Exégèse scientifique et
interprétation
du
langage
mythologique
147
l'ignorance
au
sujet
des
morts
[littéralement:
'des
endormis']»
et
sou-
ligne,
une
première
fois,
l'intention
générale
de
son
discours :
permettre
à la
communauté
destinataire
de
surmonter
son
ignorance
et
sa
tris-
tesse.
Au
v.
14,
Paul
donne
un
premier
argument,
se
fondant
sur
un
credo christologique,
connu
et
familier
de
la
communauté
destinataire
:
la
résurrection
du
Christ
fonde
l'espérance
en
l'accomplissement
de
l'existence
chrétienne
dans
l'avenir
(«Si
nous
croyons
que
Jésus
est
mort
et
qu'il
est ressuscité,
de
même
aussi,
ceux
qui
sont
morts,
Dieu
les
ramènera
par
Jésus
et
avec lui»).
Aux
v.
15-17,
Paul
fournit
un
deuxième
.argument,
en
se
référent
à
une
«parole
du
Seigneur»,
comme
ill'
affirme.
Ces
versets
contiennent
une
sorte
de
«mini-apocalypse»,
entièrement
focalisée
sur
la
Parousie
du
Christ.
Leur
fonction
est
de
montrer
que
les
chrétiens
récemment
décédés
ne
sont
pas
défavorisés
par
rapport
aux
chrétiens
vivants;
en
effet,
tous
seront
-les
morts
et
les
vivants
-«avec
le Seigneur»,
comme
le
dit
la
fin
du
v.
17.
Partant
de
ce constat, le
v.
18
en
tire les
conséquences
pratiques,
en
exhortant
les
destinataires
à
se
réconforte~
mutuellement
par
«ses paroles».
En
analysant
de
plus
près
la
stratégie
argumentative
adoptée
par
Paul
dans
cette
séquence
textuelle,
nous
observons
les
éléments
sui-
vants:
(1)
La
mort
de
membres
de
la
communauté
avant
la
Parousie
du
Christ
est
considérée
comme
problématique.
Paul
traite cette
question
en
se
référant
d'abord
au
credo
christologique
de
la
mort
et
de
la
résurrec-
tion
du
Christ.
Autrement
dit:
l'espérance
chrétienne
est
fondée
dans·
l'acte
de
la
foi.
Paul
mentionne
explicitement cette
dimension
de
la
foi
au
début
du
v.
14
(e:i
yètp
mcne:6op.e:v
o-ct
'11JOOUÇ
&né'Ôcxve:v
xcxl
&véo-r1J
x-cÀ.
-
«Si
en
effet
nous
croyons
que
... »
).
Notons
encore
que
Paul
partage
entièrement
l'attente
de
l'imminence
du
retour
du
Christ.
(2)
Paul
se
sert,
pour
une
bonne
partie,
du
matériau
traditionnel
pour
développer
son
argumentation.
Nous
pouvons
en
effet
distinguer
deux
différents
types
de
matériaux
pré-pauliniens.
D'une
part,
Paul
reprend
au
début
du
v.
14
une
formule
de
foi axée
sur
les
deux
événements
clefs
du
message
du
christianisme primitif, à
savoir
la
mort
et
la
résurrec-
tion
de
Jésus
(«nous
croyons
que
Jésus
est
mort
et
qu'il
a
été
ressuscité
[par Dieu]»).
Cette
tradition
est
évidemment
familière à
la
communauté"
destinataire.
Paul
se
contente
donc
d'actualiser
le
système
de
conviction
religieuse
qu'il
partage
avec
ses
destinataires.
D'autre
part,
au
début
dU.
3Le
terme
ltotpaxaÀe:i:v
peut
signifier soit «exhorter, avertir», soit «consoler, récon•·
fortern.
148
Andreas Dettwiler
v.
15,
Paul
fait explicitement référence à
une
«parole
du
Seigneur» (M-
yoç
xup(ou). L'origine
et
la reconstruction exacte
de
cette tradition
sont
disputées
par
la
recherche.
Nous
pouvons
supposer
qu'elle
comprend
l'essentiel
des
v.
16-17, c'est-à-dire la description détaillée des circons-
tances
de
la
Parousie
du
Christ,
de
la
résurrection des croyants
morts
et
de
l'enlèvement
au
ciel
des
croyants encore vivants. Cette «mini-
apocalypse»
provient
probablement
d'un
milieu
prophétique
de
type
judéo-chrétien
4.
(3)
Un
rapprochement
avec les textes juifs
de
l'époque
intertesta-
mentaire
et
néotestamentaire,
permet
de
comprendre
que
les représen-
tations
utilisées
aux
v.
16-17
sont
fortement imprégnées
par
la tradi-
tion
apocalyptique.
Pour
cette raison, j'ai qualifié ces versets
de
«mini-
apocalypse».
Une
comparaison
détaillée
au
niveau
de
l'histoire des
religion
montre
en
fait
que
la
quasi-totalité
des
images utilisées
dans
ces versets
est
empruntée
au
courant apocalyptique juifS : l'expression
«ceux
qui
sont
restés»
au
v.
15, la voix
de
l'archange, la
trompette
de
Dieu, la
descente
du
ciel
d'un
être divin,
l'idée
de
la résurrection
des
morts
à
la
fin
des
temps
et
enfin l'acte d'élévation
sur
les nuées.
La relative
particularité
de
notre texte réside (a)
dans
la configuration
spécifique
des
différentes représentations apocalyptiques, (b)
dans
la
perspective
christologique, à savoir l'identification
de
l'être céleste avec
le
Christ
et
(c), last
but
not least,
dans
l'absence totale
de
la thématique
du
jugement.
2 Le
problème
théologique :
constance
et
variabilité
de
l'eschatologie
paulinienne
Après
avoir
clarifié le contexte
de
communication
historique
et
l'ar-
gumentation
paulinienne,
l'exégète s'efforce
de
mettre le
petit
texte
de
1
Th
4
en
relation avec les autres lettres
de
Paul, afin
de
mieux corn-
4Voir
G.
HAuFE,
ap.cit., p. 79
«[
...
] ein
von
Paulus
bereits vorgefundenes Wort
aus
der
judenchristlich-prophetischen Gemeindetradition». n
ne
s'agit donc probablement
ni
d'une
parole
qui
remonterait
au
Jésus historique
ni
d'une
parole
du
Christ élevé
que
Paul
aurait
reçu
lors
d'une
révélation.
5
Pour
une
analyse
plus
détaillée des liens
entre
1Th 4,16-17
et
le courant apoca-
lyptique,
voir
les commentaires,
par
ex.
T.
HoLTZ,
Der erste Brief an die Thessalonicher
(Evangelisch-Katholischer
Kommentar
zum
Neuen
Testament
XIII),
Zürich-
Einsie-
deln-
Koln,
Benziger-
Neukirchener, 1986, p. 198-205,
ou
G.
HAuFE,
ap.cit., p. 84-86.
•-';
~
Exégèse scientifique
et
interprétation
du
langage
mythologique
149
prendre
son
statut
et
sa
pertinence théologiques
dahs
l'ensemble
de
sa
théologie. Je
me
contente
d'en
souligner trois aspects6.
(1)
Suivant
le contexte
de
communication, le langage
et
les
représen-
tations eschatologiques utilisées
varient
considérablement.
Paul
n'a
pas
présenté
un
système
de
représentations eschatologiques
absolument
ho-
mogènes. A l'observation
de
cette variabilité, voire
de
cette hétérogénéité,
s'ajoute
un
constat
sur
le caractère évolutif
de
la pensée
de
Paul : 1
Th
constitue selon
toute
vraisemblance
la
lettre la
plus
ancienne
de
Paul.
La
lettre adressée à la
communauté
de
Rome,
qui
est la
plus
tardive
et
la
plus
mûre
théologiquement,
développe
la
thématique
de
l'avenir
d'une
manière sensiblement différente (cf.
seulement
Rm
8).
Ainsi,
une
conclusion
s'impose
concernant
la
pertinence
théologique,
plus
précisé-
ment
la pertinence eschatologique,
de
1
Th
dans
l'ensemble
de
l'œuvre
paulinienne
: cette
argumentation
ne
constitue
que
la première
étape
dans
son
processus
de
réflexion
sur
les choses dernières. Elle
ne
peut
donc
pas
être considérée
comme
une
proposition
aboutie.
(2)
La conviction
que
«le Seigneur est proche» est
une
constante
de
l'eschatologie
paulinienne
(Ph 4,5; cf. aussi 1
Th
4,17; Rm 13,11-14).
Mais
force
est
de
constater que cette conviction
ne
fait
pas
partie
du
credo
christologique, credo entièrement focalisé
sur
la
mort
et
la résurrection
du
Christ, interprétés comme
événements
absolument décisifs
ou,
si
l'on
veut,
«eschatologiques».
Autrement
dit:
la parousie est
attendue,
mais elle
n'est
pas
l'objet
de
la foi
au
sens stricte7De manière générale,
nous
pouvons
dire
que
l'espérance
n'est
pas
fondée
sur
l'attente
immi-
6
Concemant
l'eschatologie
de
Paul,
on
consultera,
par
ex., les travaux
suivants
qui
proposent
une
vue
d'ensemble
sur
la problématique (ordre chronologique): G.
KLEIN,
Art.
«Eschatologie.
IV.
Neues
Testament», Theologische Realenzyklapiidie 10, 1982,
p.
270-
299
(pour
l'eschatologie
de
Paul et
son
école:
p. 279-288);
J.
BECKER,
Paul. L'apôtre des
nations (Théologies bibliques), trad.
de
l'allemand
de
J.
Hoffmann,
Paris-
Montréal,
Cerf-
Médiaspaul, 1995, p. 509-520; J.D.G.
DuNN,
The Theology
of
Paul the Apostle,
Grand
Rapids-
Cambridge, Eerdmans, 1998, p. 294-315
[sur
la Parousie
du
Christ]
et
p.
461-
498 [sur la tension eschatologique]; G.
HAUFE,
ap.cit., p. 87-88 [ «Exkurs : Kontinuitat
und
Variabilitat
in
der
paulinischen Eschatologie»]. Je
me
suis prononcé
sur
la
question
de
façon
un
peu
plus
détaillée
dans
mon
article «La résurrection
des
croyants selon
l'Epître
aux
Colossiens»,
in:
O.
MAINVILLE
et
D.
MARcuERAT
(éd.), Résurrection. L'après-
mort dans le monde ancien et
le
Nouveau Testament [Le
Monde
de
la Bible 45],
Genève
-
Montréal, Labor
et
Fides -Médiaspaul, 2001, p. 307-320,
en
particulier les p. 309-312.
7Voir H.
CoNZELMANN,
Grundriss der Theologie des Neuen Testaments, bearb.
von
A.
Lindemann
(UiB
1446), Tübingen, Mohr, 19874 (1967), p. 348-349:
«[
...
] diese Über-
zeugung
[l'attente
de
la Parousie] ist
für
ihn
[i.e.
pour
Paul] kein Satz des Credo. Er
begründet
die
Hoffnung nicht
mit
dieser apokalyptischen Vorstellung,
sondem
mit
dem
Credo,
das
von
Tenninen
unabhangig
ist [
...
].
Eschatologie ist
von
Anfang
an
primar
nicht apokalyptische Vorstellung,
sondem
Verstehen
des
Seins
im
Glauben. »
150
Andreas
Dettwiler
nente
de
la
parousie
du
Christ
céleste,
mais
sur
la christologie,
c.-à.-d.la
mort
et
la
résurrection
du
Christ.
Ou
pour
le
dire
dans
une
perspective
plutôt
anthropologique
:
l'espérance
en
l'accomplissement
de
l'exis-
tence
humaine
dans
le
futur
est
enracinée
dans
l'expérience
présente
d'une
transformation
radicale
de
l'existence croyante,
transformation
qui,
selon
la
conviction
de
Paul,
s'opère
par
l'Esprit
de
Dieu.
(3)
Pour
mieux
saisir
la
structure
fondamentale
de
la
pensée
de
Paul
et,
en
particulier
l'importance
éminente
de
l'acte
de
la
foi,
nous
pou-
vons
nous
orienter
selon
la
triade
spécifiquement
paulinienne
«foi -
amour-
espérance»
(1
Th
1,3;
5,8;
1Co
13,13; cf. 1
Th
3,6).
Cette
triade
ne
convient
pas
uniquement
pour
saisir
la
compréhension
de
l'
exis-
tence
croyante,
mais
reflète,
en
même
temps,
une
structure
temporelle
significative.
D'abord
lafoi
(Jtfcr·nç),
qui,
dans
les différentes
formula-
tions
de
Paul,
apparaît
toujours
en
première
position.
Dans
l'acte
de
la
foi,
l'être
humain
s'abandonne
pour
mettre
sa
confiance
entièrement
dans
le
Dieu
du
Jésus
crucifié.
Dans
l'acte
de
la
foi,
l'homme
reconnaît
que
Dieu
fait
revivre
ce
qui
est
apparemment
voué
à l'échec,
que
Dieu
attribue
une
valeur
infinie
à ce
qui
n'en
a
apparemment
aucune.
Dans
l'acte
de
la
foi,
l'être
humain
commence
à
comprendre
que
sa
dignité
ne
réside
pas
dans
ses
propres
activités,
mais
à
l'extérieur
de
lui-même,
en
Dieu.
L'acte
de
la
foi
est
donc
tout
d'abord
orienté
vers
un
événement
du
passé.
L'amour
(&y&Jt1]),
par
contre,
est
entièrement
enraciné
dans
le
présent
de
la
foi.
Selon
Paul,
l'amour
est
comme
«l'extériorisation»
de
la
foi.
Quant
à
L'espérance
(è:Àlt(ç),
elle
est
l'expression
de
l'avenir
de
la
foi.
La
certitude
de
l'espérance
s'enracine
dans
l'acte
de
la
foi,
comme
je
l'ai
déjà
dit.
Au
niveau
anthropologique,
l'accentuation
paulinienne
de
l'avenir
de
la
foi
souligne
le
caractère inaccompli
de
l'existence
humaine
et,
en
même
temps,
le
caractère
non-possessif
de
la
foi.
3 Le problème herméneutique : l'interprétation adéquate
du langage apocalyptique
A
ce
stade
de
la
réflexion exégétique,
un
soupçon
herméneutique
pourrait
s'installer.
Mes
considérations
n'ont-elles
pas
l'intention
d'af-
faiblir,
voire
de
dissiper
les
spécificités
du
texte
eschatologique
de
1 Th,
c'est-à-dire
de
marginaliser
le
langage
apocalyptique
afin
de
'sauver'
la
théologie
paulinienne
dans
le contexte
de
la
modernité?
Face à cette
interrogation,
je
propose
encore
de
se
distancer
du
texte
et
de
ses
pré-
supposés
implicites.
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Exégèse scientifique
et
interprétation
du
langage
mythologique
151
il
est
tout
d'abord
clair
que
Paul,
dans
1 Th,
attend
le
retour
imminent
du
Christ
céleste.
il
partage
donc
l'opinion
des
destinataires.
En
effet,
l'épître
ne
contient
aucun
indice
qui
puisse
contredire
cette affirmation.
Ainsi,
Paul
et
de
nombreux
chrétiens
de
la
première
génération
se
sont
trompés.
Certes, il
est
juste
d'insister
sur
le fait
que
le
fameux
retard
de
la
Parousie
n'a
pas
déclenché
la
grande
crise
au
sein
du
christianisme
primitif, crise
que
des
exégètes
modernes
voulaient
souvent
percevoir
dans
les textes
néotestamentaires-
prétendue
crise
seulement
qui
relève
plutôt
d'un
mythe
de
l'exégèse
moderne
que
de
la
réalité
historique!
n
reste
néanmoins
le
fait
que
Paul
s'est
trompé
à ce sujet.
il
est
ensuite
à
mon
avis
évident
que
Paul
prenait
pour
vrai
ce
qu'il
dit.
Même
si
la
«mini-apocalypse»
de
1
Th
4,16-17
constitue
une
tradi-
tion
antérieure
à
Paul,
la
reprise
de
cette
tradition
et
son
intégration
dans
la lettre
démontre
que
Paul
adhère
à cette
tradition
apocalyptique.
Aucun
élément
textuel
ne
permet
d'affirmer
que
les
événements
es-
chatologiques
décrits
dans
1
Th
4
doivent
être
interprétés
de
manière
figurative
ou
symbolique.
Autrement
dit
:
si
nous
respectons
la
pensée
de
Paul,
nous
sommes
contraints
de
constater
que
sa
vision
du
monde
n'est
plus
la
nôtre.
Suite
à ce constat, l'exégèse a
souvent
proposé
deux
possibilités : Soit
on
force le
lecteur
de
reprendre
tel
quel
la
vision
du
monde
à laquelle
Paul
appartenait,
on
invite
le
lecteur
à «croire»
(au
sens
de
:
tenir
pour
vrai)
aux
représentations
apocalyptiques
que
Paul
utilisait. Toutefois,
un
tel
procédé
n'est
pas
seulement
de
facto
impos-
sible, il
est
aussi
théologiquement
problématique.
Rudolf
Bultmann
a
dit
le nécessaire à ce sujetll. Soit le lecteur
recourt
abusivement
à
des
interprétations
symboliques
ou
allégoriques afin
de
nier
le
problème
herméneutique.
Seule
la
distinction
herméneutique
entre
message
et
représentations
mythologiques
me
semble
être
la
voie
à suivre. Ainsi,
je
me
rallie,
pour
les
grandes
lignes, à
Rudolf
Bultmann
et
à
son
pro-
gramme
de
démythologisation
9.
8Voir,
par
ex., R.
BULTMANN,
Neues Testament
und
Mythologie. Das Problem
der
Ent-
mythologisierung der neutestamentlichen Verkündigung.
Nachdruck
der
1941
erschienenen
Fassung, hg.
von
E.
Jüngel (Beitrage
zur
evangelischen Theologie 96),
München,
Kaiser
Verlag, 1985, p. 13-20.
9
Pour
un
premier
survol
sur
l'herméneutique
de
Bultmann,
voir
les
remarques
introductives
de
Clairette
l<ARAKASH,
«Décision en
situation
d'incertitude:
démytholo-
gisation
et
formalisation»,
p.
169-171,
dans
ce volume.
Concernant
la distinction
entre
message
et
représentation mythologique,
voir
r.u.
DALFERTH,
«Von
der
Mythenkritik
zur
Entmythologisierung. Eine
Erinnerung
an
unverzichtbare Aufgaben
der
Theolo-
gie»,
in
:
V.
HôRNER
et
M.
LEINER
(éd.), Die Wirklichkeit des Mythos. Eine theologische
Spurensuche,
München-
Gütersloh,
Kaiser-
Gütersloher, 1998,
p.
79:
«Son
but
n'est
pas
l'adaptation
[Anpassung]
du
message néotestamentaire à la vision
moderne
du
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