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Préface
Ce livre est la publication des actes du colloque Pour une scène actuelle, qui a eu lieu à l’Université de Paris 8 le 12 et 13 novembre 2008. Il
s’agit du quatrième volet du projet de recherche « Dramaturgie Musicale
Contemporaine en Europe » (D.M.C.E.), né au sein de l’équipe d’accueil
« Esthétique, musicologie et créations musicales » du Département de
Musique de l’Université de Paris 8 et réalisé grâce à un financement de
l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).
Etape conclusive d’un cycle de réflexions, Pour une scène actuelle revient d’une part sur le débat du « présent » des œuvres scéniques, qui a
traversé l’ensemble des volumes, mais aborde également – comme une
sorte d’appendice indispensable à la compréhension de l’ouvrage – les
questions liées à la production.
La problématique de cerner et d’analyser le « présent » de la dramaturgie musicale est ici posée en détournant ce qui a été le point de départ du premier volume du DMCE : l’éclatement de la forme opératique
comme signe de modernité dans les années post 1968 (L’opéra éclaté. La
dramaturgie musicale entre 1969 et 1984 (L’Harmattan, « arts 8 », DMCE 1,
2006). L’opéra, avec ses conventions, ses lieux et ses formes, avait connu
une longue histoire de « déchirement » tout au long du xxe siècle, et les
productions des années 1970 attestaient de la richesse et des potentialités
de cet « éclatement ». Il ne s’agit pas dans ce dernier volume d’affirmer le
contraire ni de constater une renaissance de l’opéra traditionnel ou, encore, d’ouvrir à nouveau le débat sur la mort de l’opéra bien consommé
dans les années 1980, mais de s’intéresser aux aspects de la production
la plus récente à travers le rapport que les compositeurs d’aujourd’hui
entretiennent avec les « restes » ou les simulacres de cette forme extrêmement chargée d’histoire. Enfin, si au départ nous avons voulu entrer
dans le présent en identifiant les traits nouveaux, innovants et en rupture avec le passé, nous terminons en analysant les traces d’une culture
musicale et théâtrale liée à l’histoire de notre société.
Pour une scène actuelle
D’emblée avait été rappelé aux intervenants comment, au tournant
des années 1980, la « rupture » avec l’opéra semble s’être définitivement
accomplie et, par ce fait, avoir été dépassée. Le fait de toucher (ou pas)
aux traits expressifs de l’opéra commence à devenir tout à fait secondaire : la méfiance à l’égard de ce genre est désormais finie, peut-être
parce qu’il ne possède plus la charge idéologique dont il était porteur
trente ou quarante ans auparavant et en même temps parce que, peu à
peu, s’est imposée la conscience, plus ou moins avouée, que, dans tout
le cas de figure, l’opéra ne pourra plus s’affirmer dans les termes de la
tradition romantique. Ces nouvelles productions qui prennent des traits
de l’ « ancien » opéra sont-elles donc des simulacres, des détournements
ou des nouvelles formes d’expression ?
La première réflexion qui ouvre le volume, celle de Susanne Kogler,
montre, grâce à des œuvres qui ont toutes marqué l’histoire de la dramaturgie musicale des dernières décennies (notamment les œuvres de
Hans Werner Henze, Wolfgang Rihm, Luigi Nono, Helmut Lachenmann
et Olga Neuwirth), comment la tension entre tradition et innovation – implicite dans l’opéra – travaille toutes les dimensions du genre (sa macroforme, sa fonction sociale, ainsi que les rapports structurels entre ses
différents éléments constitutifs), mais surtout que « c’est dans la capacité de l’artiste à les refaire émerger dans chaque nouvelle œuvre que
réside l’actualité artistique du genre, bien au-delà de sa remise à la mode
et des prédilections stylistiques ». Les deux essais qui suivent, ceux de
Marie Laviéville et François Polloli, approfondissent le « cas » d’un auteur
contemporain très prolifique (Peter Eötvos) et celui d’une œuvre particulière d’un auteur lié aux avant-gardes des année 1960-1970 : Le grand
Macabre de György Ligeti. Pour Polloli, « la narrativité et le langage sont
des catégories qui ont guidé le travail de Ligeti tout au long de sa vie »
et Le Grand Macabre est « le produit de ce travail ». Un parcours qui
amène le Ligeti des Aventures, œuvre composée dans les années 1960
où, selon les termes mêmes du compositeur « il se passe le contraire
de ce que nous éprouvions jusqu’ici à la représentation d’un opéra : la
scène et les héros de la scène sont seulement évoqués par la musique ;
ce n’est pas la musique d’un opéra qui est jouée, mais un opéra qui se
déroule à l’intérieur de la musique », à adhérer, l’espace d’une œuvre, à
l’intrigue « réelle », bien que particulière, du Grand Macabre : Polloli rappelle que le terme « simulacre » (que nous avions associé à la forme de
l’opéra en introduisant le colloque) présente un aspect positif : « qu’estce qu’un moment de théâtre sinon un simulacre ? ». Illustrant la capacité du compositeur à interpréter le genre, comme l’avait bien formulé
Susanne Kogler, Le Grand Macabre serait-il une véritable actualisation de
Préface
l’opéra grâce à sa dimension sous-entendue de « jeu » avec cette forme
dramatique ? Enfin, à sa nature explicite de simulacre ? Cette idée de
jouer avec le genre semble manifeste si l’on s’intéresse à la production
très riche en ce début de millénaire du compositeur et chef d’orchestre
Peter Eötvös. Marie Laviéville montre comment Eötvös, qui juge l’opéra
ne peut restituer « pleinement la complexité de ses réalisations scéniques », arrive à détourner ses conventions pour en faire encore un lieu
privilégié de synthèse et, surtout, « un théâtre centré sur l’être et non sur
ses actions ». Si ces deux compositeurs d’origine hongroise jouent encore
avec l’essence dramatique de l’opéra, les deux compositeurs allemands
Karlhaienz Stockhausen et Heiner Goebbels vont au-delà de cette dimension. Comme l’explique Ivanka Stoianova, Stockhausen choisit de rompre
avec la « suppression de la stratégie narrative téléologique de l’opéra »,
car, comme il l’explique lui-même, dans ses œuvres « ce qui se produit
visuellement est une partie de la musique. Le visuel sert à l’intelligibilité de ce qui est composé dans la musique ». Stéphanie Schwarz éclaire
l’œuvre du plus jeune Heiner Goebbels qui – après s’être initié à la dramaturgie par la composition d’œuvres pour la radio et sa collaboration
avec le dramaturge Heiner Müller – entame une production de théâtre
musical en travaillant sur le « gap » (vide, distance) entre l’opéra et le
théâtre. Stéphanie Schwarz entre au cœur de cette production hétéroclite en choisissant d’étudier deux œuvres : la « performative installation »
Stifter Dinge (créée à Lausanne en 2007) et le « stage concert » I went to
the house but did not enter (créée en 2008 à Edinburgh).
La deuxième partie du colloque – et donc de ce volume – développe
la question des processus de production, de la « mise en œuvre » d’une
représentation avec ses contraintes et ses défis. Un « appendice » incontournable à notre débat sur le présent de la scène musicale car une
œuvre destinée aux maisons d’opéra est amenée à suivre des formats
de production (lieu, orchestre, casting de chanteurs), et de méthode de
travail (maquettes des décors, programmation, numéro et organisation
des répétitions), contraintes qui ne sont pas sans poser des questions
multiples : la « machine » de production de l’opéra peut-elle influencer
les œuvres mêmes ? A quel niveau ? Jusqu’à quel point peut-elle s’adapter aux exigences des auteurs ? Est-elle en train d’évoluer ? Pour y répondre nous avons articulé la deuxième partie du colloque en deux temps.
Premièrement un débat avec la participation d’un anthropologue, qui
a rendu compte du suivi d’une production de Steve Reich (voir l’article de Denis Laborde) ; du programmateur de l’auditorium du Louvre
(Stéphane Malfettes), qui as réfléchi sur les productions hors les murs
d’opéra ; enfin du directeur artistique du Teatro La Fenice de Venise
8
Pour une scène actuelle
(Fortunato Ortombina), qui est intervenu sur les problèmes de gestion
d’une production contemporaine à l’intérieur des maisons d’opéra selon
son expérience en Italie. Le deuxième moment à été consacré à la mise
en place d’un atelier de création d’une œuvre, l’idée étant d’associer dans
un même lieu la réflexion théorique et esthétique sur une œuvre et les
problèmes liés à sa réalisation. Nous nous sommes donc adressés à deux
metteurs en scène (Antoine Gindt et Nicholas Till) et à leurs deux groupes
de travail (T&M de Paris et The Centre for Research in Opera and Music
Theatre de l’Université de Sussex en collaboration avec l’Electric Voice
dirigé par Frances Lynch) en leur proposant de travailler sur l’œuvre Pas
si de Stefano Gervasoni sur un texte de Samuel Beckett. Cette création
mondiale a été introduite par les interventions de deux musicologues :
Grazia Giacco et Haydée Charbagi. Les versions respectives des deux
metteurs en scène ont été données, suivies d’un débat entre le compositeur, les metteurs en scène, les interprètes et les musicologues. L’Atelier
a été très enrichissant, d’autant que les deux versions proposaient des
lectures diverses d’un point de vue conceptuel et visuel. Si le débat n’as
pas pu être transcrit dans les actes dans son intégralité, nous avons pu
cependant publier les textes de Grazia Giacco et de Haydée Charbagi,
ainsi que des notes du compositeur et des deux metteurs en scène, accompagnées par des photos des deux réalisations.
Le colloque s’est déroulé en français et en anglais. Les actes ont
conservé ce caractère bilingue afin de respecter la précision du choix
terminologique de chaque intervenant et d’affirmer le caractère européen
et international du projet. A ce sujet, je voudrais remercier Evan Rothstein
pour la relecture des articles publiés en langue anglaise.
Haydée Charbagi nous a quittés soudainement avant le colloque (son
texte a été lu par une tierce personne) : cette publication est dédiée à la
mémoire de cette jeune et brillante chercheuse.
Giordano Ferrari
Juin 2008
Retour à l’opéra,
détournement de l’opéra,
simulacre ou nouvelle forme
d’expression ?
L’opéra remis en question : un genre « mort » de
nouveau actuel ?
Susanne Kogler
Bien que l’avant-garde musicale des années 50 et 60 ait considéré l’opéra
comme l’emblème de l’art bourgeois et donc comme un genre dépassé,
la création d’œuvres musico-théâtrales se poursuivit au sein même de la
nouvelle musique, et ce jusqu’à notre époque « postmoderne », dont l’intérêt se porte à nouveau vers la production musicale pour la scène, même
sous la forme de l’opéra traditionnel, comme le montrent de nombreuses
productions récentes, souvent commandées par des festivals internationaux et de grandes maisons d’opéra. Or, malgré ce nouvel intérêt, l’idée
de la « mort de l’opéra » est largement répandue dans les esprits1, mort
qui ne s’associe pas seulement aux démarches les plus traditionnelles,
mais également à la production avant-gardiste elle-même, qui semble
de plus en plus perdre son ancienne force provocatrice.
Afin d’analyser et d’évaluer cette situation complexe, je vous propose
de prendre comme point de départ la critique de Richard Schechner,
doyen du théâtre expérimental aux Etats-Unis dont les écrits ont été publiés récemment en français. Schechner a consacré plusieurs articles à
la crise actuelle du théâtre avant-gardiste et expérimental, crise dont il a
expliqué les symptômes en s’appuyant sur l’exemple Satyagraha, l’opéra
en sanskrit de Philipp Glass. Dans cette œuvre, chaque acte est consacré à un grand personnage historique : Tolstoï, Tagore et Martin Luther
King. L’action se déroule derrière un voile. Par sa lente progression, la
1. De la « mort de l’opéra » parla par exemple François Regnault, dramaturge et librettiste, dans son intervention « Entre Lorenzo da Ponte et Hugo von Hofmannsthal ? »
dans le cadre de la journée d’études « Opéra et dramaturgies contemporaines », organisée par l’Equipe Musique du CRAL (EHESS/CNRS), le 23 mai 2008 à Paris.
12
Pour une scène actuelle
pièce prend une dimension ritualiste. Citant le critique Carol Martin,
Schechner remarque :
[…] il manque à Satyagraha un contrat avec le présent : un vrai coup de feu,
la rupture du voile, une accélération soudaine du mouvement. Mais non, King
est abattu derrière la toile esthétiquement, dans un passé qui fait déjà partie de
l’Histoire. […] Satyagraha, malgré sa beauté indéniable, où peut-être à cause
d’elle, m’a fait éprouver un revirement étrange, et d’autant plus rageant que
d’un point de vue artistique, il est impossible de reprocher quelque chose à la
musique hypnotique de l’opéra, aux tableaux qui enchantent l’œil, aux passages à tabac et aux incendies si plaisants à regarder et à écouter2.
Selon Schechner, l’attitude esthétique de l’artiste va de pair avec l’élitisme
affiché des responsables et du public qui se désintéressent volontiers des
problèmes sociaux de leur temps3. Ce recul de l’engagement s’observe
également chez les metteurs en scène, comme Schechner l’explique à
propos du travail de Robert Wilson :
Lorsque Wilson ralentit le mouvement, il ne dit pas que la stase est essentielle
au théâtre, il ne dit rien du tout, il fait. Il joue avec le rapport entre durée et
mouvement […]. Le sens exprimé par l’étirement du temps et le ralentissement du mouvement dans le travail de Wilson résulte en fait de la lecture que
fait le spectateur des actions ; ou, plus précisément, de ce que le spectateur
projette sur les actions.
Selon Schechner, c’est donc la concentration exclusive et excessive de
l’artiste sur lui-même qui prive ses semblables de la possibilité de trouver un écho dans ses œuvres, travers qui affecte nécessairement la force
expressive de l’art5. La passivité qui affleure des œuvres expérimentales
2. Richard SCHECHNER, Performance. Expérimentation et théorie du théâtre aux USA,
trad. Marie Pecorari et Marc Boucher, Christian Biet dir., Montreuil sous Bois, Editions
théâtrales, 2008, p. 311-312.
3. Cf. Idem, p. 311-312 : « J’ai vu Satyagraha en 1981 à la Brooklyn Academy of Music,
dont la direction avait mis des navettes à la disposition des spectateurs habitant
Manhattan : les amateurs d’opéra n’étaient donc pas obligés de mettre les pieds à
Brooklyn, dans ses rues dangereuses, peuplées de Noirs. Gandhi en aurait peut-être
été affecté, mais pas le Gandhi de l’opéra. »
. Ibid., p. 281-282
5. Cf. Ibid., p. 38 : « On a beau vouloir éviter les questions sociales, la politique, la vie
que nous menons et ses manifestations collectives, la cité – tragédie, satire, fête ou
farce – n’est pas seulement le sujet du théâtre mais son plus grand mérite. »
L’opéra remis en question
13
est, selon Schechner, d’autant plus inquiétante qu’elle révèle chez les artistes leur méconnaissance des changements qui s’opèrent dans la cité :
ceux-ci ne s’attachent plus à les humaniser et risquent donc de devenir
soit « des victimes, soit, comme Wilson, la coqueluche des riches »6.
Cette critique de l’homme de théâtre soucieux de rapprocher l’art de
la vie, se nourrit nettement de l’esprit avant-gardiste des premiers jours.
Mais n’est-elle pas une énième répétition du vieux reproche de l’art pour
l’art, déjà dirigé, dans les années 70, contre l’avant-garde que les critiques
considéraient trop éloignée du public ? Et cette critique, est-elle aussi
pertinente d’un point de vue musicologique ?
Pour porter un éclairage différent sur la situation artistique actuelle
marquée par un regain d’intérêt pour l’opéra dans ses formes traditionnelles et le discours critique qui l’accompagne il n’est pas inutile, nous
semble-t-il, de rappeler que cette situation résulte d’une contradiction
de base : celle de la tension entre tradition et innovation, au cœur même
de l’opéra. Car, tout en appartenant à la musique occidentale traditionnelle, et en ceci indissociable des institutions conservatrices, ce genre
multidisciplinaire mêle de manière expérimentale différentes disciplines artistiques7. La tension entre tradition et innovation marque toutes
les dimensions de l’œuvre en question : sa macro-forme, sa fonction
sociale, ainsi que les rapports structurels entre ses différents éléments
constitutifs. Nous vous proposons donc d’étudier cette tension sous l’angle de la production actuelle, et ce en privilégiant trois perspectives :
on examinera tout d’abord ses tensions formelles en opposant l’idée de
Gesamtkunstwerk à celle du fragment, puis, afin d’étudier la fonction sociale du genre, on explorera la subjectivité du chant qui s’oppose à l’idée
d’une collectivité festive également constitutive de l’opéra : enfin, on exposera les rapports – souvent discordants – entre les différents éléments
constitutifs de cette forme artistique : texte, musique et scène.
À partir d’œuvres de compositeurs qui ont marqué l’histoire de l’opéra
pendant la deuxième moitié du xxe siècle tels que Hans Werner Henze,
Wolfgang Rihm, Luigi Nono, Helmut Lachenmann et Olga Neuwirth, on
s’attachera à montrer l’importance de ces tensions dans la composition
scénique d’aujourd’hui car comme on vise aussi à le montrer, c’est sur la
6. Ibid., p. 39.
7. Dans le domaine de la musicologie, ce paradoxe principal se manifeste déjà dans le
débat sur la définition des termes de « théâtre musical » et d’ « opéra », opposés tous
les deux au théâtre instrumental, forme avant-gardiste où la participation théâtrale
des instrumentalistes à l’exécution d’un morceau de musique est centrale. Voir entre
autres Mauricio KAGEL, « Qu’est-ce que le théâtre instrumental », dans Cahiers RenaudBarrault 1/1963, p. 285-299, p. 105
14
Pour une scène actuelle
capacité de l’artiste à les refaire de nouveau émerger dans chaque nouvelle œuvre que réside l’actualité artistique du genre, bien au-delà de sa
remise au goût du jour.
Gesamtkunstwerk ou forme fragmentée ?
Jetons d’abord un bref regard sur l’histoire de l’opéra, qui nous révèle
l’importance de la tension entre unification – la volonté d’unir tous les
éléments artistiques – et fragmentation – la tendance de l’œuvre à se
disperser en fragments – dans le développement du genre. Bien que
sa genèse soit marquée par l’intention de retrouver l’unité perdue de
la musique grecque8 en réunissant les différents éléments artistiques,
l’opéra s’est très vite dispersé en pièces virtuoses plus ou moins autonomes créées pour les stars de la scène, ce qui suscita plusieurs réformes
de l’opéra à partir du xviiie siècle. Quant à son pendant inverse, l’aspiration à l’unité de l’œuvre musico-théâtrale, c’est sans doute avec Wagner
qu’elle arriva à son comble. Comme Wagner l’expliqua dans Opéra et
drame 9, puisque le compositeur cherche à créer une entité organique,
la forme unie doit remplacer des pièces singulières qui se suivent sans
aucune nécessité quant au contenu du drame. Dans l’ère post-wagnérienne, c’était précisément cette ambition unificatrice qui est devenue
la cible de la critique comme l’attestent les écrits de Nietzsche, Brecht
et Adorno, pour ne nommer que les plus connus10. Ultérieurement cette
critique visait à dévoiler la dangereuse liaison entre le culte de l’art auto8. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le mythe d’Orphée qui décrit la force légendaire d’expression de la musique fût le mythe préféré des premiers compositeurs de
l’opéra. Voir à ce sujet Béatrice DIDIER, « Orphée : mythe originaire de l’opéra », dans
Musiques d’Orphée, Danièle Piston et Pierre Brunel dir., Paris, Presses Universitaires
de France, 1999, pp. 27-38.
9. Voir Richard WAGNER, Oper und Drama, Leipzig, Weber, 1869, pp. 321-32.
10. Lorsque Nietzsche et Brecht critiquaient l’œuvre de Wagner quant à son impact
sur l’auditeur – Nietzsche parlait de la fatigue suscitée de l’œuvre pleine de reprises,
Brecht de l’ivresse de la musique – Adorno analysait la technique de la composition
pour prouver la fantasmagorie et donc la fausseté du contenu de l’œuvre wagnérienne.
Voir à ce sujet Friedrich NIETzSCHE, « Der Fall Wagner » et « Nietzsche contra Wagner »,
dans Friedrich Nietzsche. Sämtliche Werke vol 6, Giorgio Colli et Mazzimo Montinari
dir., München: dtv, 2005 : Albrecht DüMLING, Laßt euch nicht verführen: Brecht und
die Musik, München, Kindler, 1985 : Theodor W. ADORNO, « Versuch über Wagner »,
Theodor W. Adorno. Gesammelte Schriften vol. 13, Rolf Tiedemann dir., Frankfurt
a.M., Suhrkamp, 1971.
L’opéra remis en question
15
nome, voire la métaphysique de l’art, et une esthétisation de la politique
dont nous connaissons trop bien les terribles résultats11. Pourtant, dans
les années 1980, de nouvelles perspectives se sont dégagées, comme l’a
montré l’interprétation exemplaire du Ring par Patrice Chéreau et Pierre
Boulez à Bayreuth en 1976, qui a souligné les contradictions inhérentes
à l’œuvre wagnérienne même12.
La tension entre fragmentation et totalisation se manifeste dans des œuvres récentes. Les pièces pour la scène de Wolfgang Rihm par exemple
témoignent de l’intention d’abandonner la conception de l’œuvre totale
au profit d’une forme fragmentaire ; cependant la conception totalisante
demeure à l’arrière-plan en tant qu’anti-modèle13.
De 1983 à 1986, Rihm transforme Hamletmaschine de Heiner Müller,
créé en 1977, en images musicales. Au lieu d’unir tous les éléments du
mieux qu’il puisse, d’aspirer à une unité cohérente, Rihm conçoit la re11. Voir à ce sujet Carl DAHLHAUS, « Die Oper nach Wagner », dans Die Musik des 19.
Jahrhunderts (Neues Handbuch der Musikwissenschaft vol. 6), Carl Dahlhaus dir.,
Laaber, Laaber 2 1998, pp. 285-286.
12. Cf. Pierre BOULEz, « A partir du présent, le passé », dans Pierre Boulez, Patrice
Chérau, Richard Peduzzi, Jacques Schmidt, Histoire d’un « Ring », Paris, Laffont, 1980,
pp. 17-18 : « Nous avons parlé de la relation entre le mythe « intemporel » et l’idéologie relevant du xix e siècle, l’intéressant étant, à mes yeux, ce va-et-vient instable
de Wagner entre l’époque à laquelle il appartient […] et le passé mythologique au
moyen duquel il tente de s’en éloigner. […] La première question était donc : faut-il
tâcher de camoufler ou non ces antinomies ? Nous avons très vite choisi de laisser en
évidence les contradictions d’un théâtre tiraillé entre ‘mythologisation’ et utopisme
socialiste, entre l’irréalité fantasmagorique du conte de fées et le réalisme du drame
bourgeois contemporain. »
13. Selon Rihm c’est Wozzeck, le chef-d’œuvre de Berg, qui en raison de sa dramaturgie fragmentaire sert de modèle: « A l’exemple du Wozzeck on peut apprendre
que la dramaturgie qui reste non-résolue, c’est-à-dire avec des vestiges et mêlée à
des incompréhensibilités mises au centre, ne cesse pas de poser des questions et
d’exiger des réponses – au-delà de l’exécution. », a expliqué le compositeur pour qui
déjà le texte fragmentaire du Woyzeck de Büchner contient des dimensions musicales
très prononcées. Dans ses propres œuvres Rihm préfère également employer des
fragments de textes ou des textes au caractère fragmentaire. Cf. Wolfgang RIHM,
« Berg-Bemerkungen », dans Wolfgang Rihm, ausgesprochen. Schriften und Gespräche
vol. 1, Ulrich Mosch dir., Winterthur, Amadeus, 1997, pp. 280-290, p. 28 : « Daß aber
Dramaturgie, die ungelöst, also mit Rest und aufgeworfener Rätselhaftigkeit durchmischt bleibt, weiterfragt und somit weiter Antwort fordert – über den Vortrag hinaus,
das kann man am Wozzeck lernen. » (Sauf indication contraire les citations sont
traduites par Susannne Kogler).
1
Pour une scène actuelle
lation entre le texte, le son et l’image de manière expérimentale : « Les
différentes dimensions naissent indépendamment et c’est aux points de
leurs rencontres que se forme le drame », dit-il1. Déjà le texte de Müller se
caractérise par une ambiguïté qui le lie à la fois à la pièce de Shakespeare
et à l’époque moderne. La situation absurde, la crise d’identité du héros
impuissant de donner du sens à l’existence correspond à la fin des grandes histoires, à la condition postmoderne du monde. Le personnage principal, Hamlet, se montre profondément pessimiste face à son époque
qu’il considère comme la fin du temps. Nombre de citations interrompent
le monologue et laissent émerger des voix étranges de sorte que la perspective se brise et s’élargit simultanément. La musique de Rihm est à la
fois interprétation et clarification du texte de Müller. Les commentaires,
que le compositeur a ajoutés dans la partition aux titres des cinq parties
de l’œuvre, nous éclairent sur sa conception de la musique :
I. FAMILIENALBUM
Dies ist ein Akt, wie Oper
Hamlet ist
I. ein alter Schauspieler
II. ein Schauspieler, wie Hamlet
III. ein Sänger (Bariton)
II. DAS EUROPA DER FRAU
Dies ist ein Monodrama, eine Folge von Ophelia-Schlaglichtern,
Hell-Dunkel-Gitter
III. SCHERzO
Dies ist kein Scherzo
Ophelia, die Hamlets, Chöre (Doubles)
IV. PEST IN BUDA SCHLACHT UM GRÖNLAND
Dies ist ein Schauspiel, Revue, Fundus, Innerei, Schlacht und Anfall
V. WILDHARREND/IN DER FURCHTBAREN
RüSTUNG/JAHRTAUSENDE
(eine Dämmerung)
Deux aspects nous semblent être particulièrement intéressants dans le
cadre de notre sujet : en premier lieu, la déconstruction du personnage
1. Wolfgang RIHM, « Musiktheater », dans Wolfgang Rihm, ausgesprochen. Schriften
und Gespräche vol. 2, op. cit., p. 31 : « Dichter und Dramaturgen formulieren den
Textblock, an den sich Musik anlagert, aus dem Musik das herausbricht, was sie in
sich hineinzieht. »
L’opéra remis en question
1
de Hamlet en trois figures : un jeune comédien, un comédien âgé et
un baryton : cette conception brise l’identité du personnage d’une manière plus radicale que le texte : les différentes couches du langage de
Müller gagnent en indépendance, mouvement renforcé par des « doubles » muets ou chantants et des chœurs ajoutés. En second lieu, l’usage
des termes utilisés par Rihm pour caractériser les différentes sections
de l’œuvre : les termes techniques du début, dominants, cèdent la place
progressivement à un vocabulaire s’attachant à décrire des atmosphères, des d’états particuliers : « Oper », « Monodrama », « kein Scherzo »,
« Schauspiel », « Revue », « Fundus », « Innerei », « Schlacht », « Anfall » et à
la fin « Dämmerung ». Le processus qui est esquissé par cette description
est celui d’une libération dont le résultat final semble ambivalent : le mot
« Dämmerung » désigne en allemand – contrairement au terme français
« crépuscule » – à la fois la fin et le début d’une journée.
Parallèlement à la structure pluridimensionnelle et brisée du texte,
Rihm donne à voir et à entendre des voix et des états musicaux divergents, qui se distinguent par leur caractère stylistique et historique, ce qui
transforme le texte en une action musicale aux perspectives multiples.
Marcia funebre, pomphaft : Andante religioso e marziale : Largo händelhaft : Arioso et Pesante sont les titres des morceaux du premier acte15. La
musique, ou plutôt le processus musical, se mue de plus en plus en sonorités brutes, comme le montrent en particulier les passages violents
pour percussion et les clusters des instruments à vents16. En outre, Rihm
radicalise le jeu d’identité de Müller : dans son œuvre, Ophélie et Hamlet
apparaissent comme des doubles : « Ich bin Ophelia » (Je suis Ophélie)
dit Hamlet au début du deuxième acte, à quoi Ophélie répond : « Ich
war Hamlet » (J’étais Hamlet). Alors que le poète oppose simplement
les personnages, chez le compositeur, ils échangent leur rôle. Chacun
représente ce que l’autre refoule et ils forment ensemble un personnage
unique et paradoxal17.
15. Voir Wolfgang RIHM, Die Hamletmaschine (1983-1986). Musiktheater in fünf Teilen,
Wien, Universal Edition, 1987, p. 3, 5, 17, 39, 8.
16. Idem, pp. 55-57 ou p. 69.
17. Ce jeu d’identité s’explique par l’influence des écrits d’Antonin Artaud sur Rihm.
Voir à ce sujet Susanne KOGLER, « Something is rotten in this age of hope – Die
Hamletmaschine von Heiner Müller/Wolfgang Rihm oder Identität und Politik im
zeitgenössischen (Musik-) Theater », dans Politische Mythen und nationale Identitäten
im (Musik-)Theater. Vorträge und Gespräche des Salzburger Symposions 2001, Peter
Csobaldi, Gernot Gruber, Jürgen Kühnel, Ulrich Müller, Oswald Panagl et Franz Viktor
Spechtler dir., Salzburg, Verlag Müller-Speiser, 2003, pp. 707-721.
18
Pour une scène actuelle
Pourtant le compositeur va au-delà de cette fragmentation radicale. Sa
recherche d’une nouvelle notion d’identité dont témoigne Hamletmaschine,
se poursuivit dans Œdipus, créé en 1986 et 1987, où, selon l’interprétation de Rihm, la mort de la mère annonce en même temps la naissance
d’Œdipe, de l’artiste exemplaire. La prédominance de la musique, déjà
évidente dans Hamletmaschine, est patente dans la facture de la pièce :
« Il n’y a plus rien à raconter. Toute distinction se trouve dans la manière
dont la musique bouge » explique Rihm18.
Malgré son goût prononcé pour le fragmentaire, la tendance de Rihm
à transformer l’opéra en théâtre musical absolu rappelle la conception
wagnérienne. Elle aboutit à la création de Séraphin, projet des années
1990 dont le but est d’offrir un théâtre musical sans action19. En tant que
point de départ d’un nouveau cycle20, la pièce propose une conception
renouvelée de l’œuvre musicale : au lieu d’être l’aboutissement du travail
artistique, elle se présente comme un fragment qui appartient à la fois au
passé et à l’avenir, comme l’a expliqué le compositeur : « Le théâtre d’ombre Séraphin favorise donc la genèse d’une série d’œuvres (création par
soi-même, génération plasmatique …), série qui préserve le précédent
comme ombre, constitue le présent comme impression et trace, et fait deviner ce qui arrivera en tant que projection. »21 Sous la forme d’un cycle,
la forme fragmentaire préserve également l’idée d’une unité temporelle
à laquelle elle appartient.
Chant subjectif ou rituel collectif ?
L’histoire de l’opéra jusqu’à nos jours est également marquée par une
deuxième tension de fond, liée à la question du rôle du sujet. Dès son
18. Cf. Wolfgang RIHM, « Œdipus-Fetzen, nur weil ich gefragt bin… (Selbstgespräch).
zu : Ödipus, Musiktheater (1986-1987) », dans Wolfgang Rihm, ausgesprochen. Schriften
und Gespräche Vol. 2, op. cit., 1997, p. 359.
19. Voir à ce sujet entre autres Wolfgang RIHM, « Vorspiel auf dem Theaterzettel », dans
Wolfgang Rihm, ausgesprochen. Schriften und Gespräche Vol. 2, op. cit., pp. 01-02.
20. Ce cycle comprend les œuvres suivantes : Séraphin. Versuch eines Theaters (erster
Zustand), 199 : Séraphin. Versuch eines Theaters (zweiter Zustand), 1993-96 : Etude
pour Séraphin, 1991-92.
21. Wolfgang RIHM, « Musik als Ge-Schichte ihrer zukünftigen Spur », dans Wolfgang
Rihm, ausgesprochen. Schriften und Gespräche vol. 2, op. cit., p. 07 : « Das SéraphinSchattentheater setzt also eine Werkreihe in Bewegung (Eigenzeugung, plasmatische
Generation…), die das Vorige als Abschein bewahrt, das Gegenwärtige als Eindruck
und Spur setzt sowie das Kommende als Projektion ahnbar werden lässt. »
L’opéra remis en question
19
origine, le théâtre musical oscillait entre la valorisation de la subjectivité
associée au chant, et celle de son pôle opposé, la dimension objective,
voire collective, ancrée dans le développement historique de l’opéra
par l’identification au modèle que représentait pour lui la tragédie antique. Tandis que, au xixe siècle le pathos wagnérien ainsi que le culte de
la voix ont exalté la dimension subjective, Igor Stravinsky a souligné de
manière radicale, au début du xxe siècle, le caractère objectif de l’œuvre scénique : avec Le sacre du printemps, il a créé un véritable rituel
collectif. L’individu n’a plus de voix, et c’est la danse qui la remplace.À
ce cas extrême – critiqué par Adorno dans la Philosophie de la nouvelle
musique, précisément pour l’abandon de la subjectivité – s’ajoutent des
œuvres diverses qui combinent les deux aspects discordants.
De même que dans Wozzeck d’Alban Berg, chef d’œuvre incontesté
de la production pour la scène du xxe siècle, la tension entre individu et
société en tant que pouvoir collectif se trouve au cœur de la production
de Hans Werner Henze. C’est dans Les Bassarides créé en 1966 que cette
tension émerge le plus nettement, et même avec violence. L’histoire de
la création est liée à l’écoute de Götterdämmerung de Richard Wagner
à l’opéra de Vienne. Comme Rihm22, Henze prend ses distances avec le
maître de Bayreuth. « Tout résonnait d’une manière très souple et héroïque, profonde et avide, très bien composée, mon Dieu – mais je ne peux
cependant pas m’habituer à ce pathos fou qui se met en avant d’une manière trop importante », écrivit Henze dans son autobiographie, « c’est
par lui que s’articulent toujours la mentalité et l’idéologie néo-allemande,
un bruit impérialiste »23. Or, malgré cette mise à distance publique, la
rencontre avec l’œuvre de Wagner reste un point décisif dans le développement artistique de Henze. Car bien que son modèle de l’œuvre
fût plutôt celui de l’opéra séria, comme cela est suggéré par les auteurs
du livret, Henze ne suivait cependant pas un chemin proprement antiwagnérien2. Bien au contraire, il cherchait à créer une grande œuvre.
Ecoutons sa description de la forme :
22. Cf. Wolfgang RIHM, « über Musiktheater », dans Wolfgang Rihm, ausgesprochen.
Schriften und Gespräche vol. 2, op. cit., p. 29.
23. Hans Werner HENzE, Reiselieder mit böhmischen Quinten. Autobiographische
Mitteilungen, 1926-1995, Frankfurt a.M., Fischer, 1996, p. 255 : « Es klang ja auch ganz
wunderbar seidig und heldisch, brusttönig und brünstig, äußerst gut komponiert, mein
Gott – aber ich kann mich halt doch nicht mit diesem wichtigtuerischen, närrischen
Pathos befreunden, durch das sich andauernd neudeutsche Ideologie und Mentalität
bemerkbar machen, ein imperialistisches Dräuen […]. »
2. Idem, p. 255.
20
Pour une scène actuelle
Une structure symphonique à quatre parts constitue la base de l’opéra.
Superposée aux éléments singuliers rassemblés par montage – arias, chœurs
et ensembles – elle réunit musicalement et d’une manière formelle le grand
conflit de notre drame de l’humanité. J’ai essayé de représenter dans ma partition comment le matériau tonal du Dieu Dionysos détruit lentement, d’une manière séductrice et rusée et finalement aussi très violemment, le monde sonore
ascétique du roi Pentheus : d’abord en l’imprégnant, puis en l’évidant, finalement en le faisant exploser littéralement. Je voulais écrire un grand opéra25.
Dans le recueil Musique et politique, Henze a expliqué que, pour lui,
l’opéra permettait de prendre position puisqu’il favorise l’union expressive de la musique et du langage ; il permet en effet à l’artiste d’exprimer
sa relation à l’histoire et à la situation politique actuelle et d’évoquertous ses problèmes, questions et discussions dans une œuvre entière26.
Loin d’être coupé du monde, l’opéra est donc pour Henze, qui s’inspire
à cet égard de l’esthétique de Brecht, un genre politique. En tant que
Gesamtkunstwerk, il s’oppose à un monde désenchanté, particularisé et
fragmenté ; c’est pourquoi, dans un certain sens, son unité évoque l’unité
d’un paradis perdu. Or, cette unité artificielle se caractérise toujours par
des fractures et des blessures : elle souffre de l’imperfection qui reflète
les conflits de la réalité.
Comme pour Wagner, Henze est également critique vis-à-vis du pathos
post-romantique de Richard Strauss. Suivant plutôt la tradition mahlérienne, il tente de remettre en question les anciennes valeurs27. Quand
il emploie le grand orchestre avec des fanfares héroïques et des motifs
martiaux, ces derniers prennent une dimension critique, de sorte que la
violence inhérente à cette musique émerge brusquement. C’est le chant
qui, chez Henze, s’oppose à la force brute de l’orchestre, dans un rapport
25. Ibid., p. 255 : « Hineinoperierten Einzelteilen wie Arien, Chören, Ensembles übergeordnet liegt der ganzen Oper eine vierteilige sinfonische Struktur zugrunde, die den
großen Konflikt unseres Menschheitsdramas musikalisch und formal zusammenhält.
Ich habe versucht, in meiner Partitur darzustellen, wie das Tonmaterial des Gottes
Dionysos langsam, lockend, listig und am Ende dann auch äußerst gewalttätig die
mönchisch keusche Klangwelt des Pentheus zernichtet: sie zunächst unterhöhlt, dann
unterminiert, schließlich buchstäblich in die Luft jagt. Große Oper wollte ich machen. »
26. Cf. Hans Werner HENzE, Musik und Politik, Schriften und Gespräche 1955-1984,
Jens Brockmeier dir., München, dtv, 198.
27. Cf. Hans Werner HENzE, Reiselieder, op. cit., p. 256 : « Le langage musical des
Bassarides – d’où vient-il ? Sur quelle tradition s’appuie-t-il ? Ce n’est cependant pas
la méthode wagnérienne qui se poursuit, puisque ma pièce est trop proche de l’ancien opéra en morceaux séparés. Mais la comparer à Strauss, ce n’est pas possible
non plus […] étant donné que par exemple le pathos du romantisme tardif qui se
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