4.3 La structure du cerveau humain 40 4.4 Anatomie cérébrale fonctionnelle Le cortex cérébral comporte six couches de neurones richement interconnectés. Les deux tiers de sa surface sont enfoncés dans des replis. Dès le XIXe siècle, il est apparu que les diverses fonctions du cerveau sont liées à des aires particulières. En 1861, le neurologue français Paul BROCA remarqua qu’un de ses patients était incapable de parler, tout en étant parfaitement capable de comprendre le langage. Lorsque BROCA pratiqua l’autopsie de cet homme, il trouva une lésion dans le lobe frontal gauche. Il en conclut que la région atteinte était responsable de la production de la parole. Des examens similaires, par exemple chez des soldats ayant subi des lésions cérébrales, permirent de produire une première carte fonctionnelle du cortex cérébral. Aujourd’hui, l’imagerie médicale permet d’analyser les structures et les fonctions du cerveau, et de visualiser des lésions avec précision. Du point de vue anatomique (figure 35), on divise chaque hémisphère en quatre lobes : frontal, pariétal, temporal et occipital. Figure 35 : Structure du cerveau humain Du point de vue fonctionnel (figure 36), on reconnaît trois types d’aires : les aires primaires, secondaires et associatives. Les aires primaires réceptionnent les informations sensorielles et réalisent une sorte de projection du corps ou du champ sensoriel. Les aires secondaires sont situées au voisinage immédiat des aires primaires. Elles effectuent un traitement de l’information sensorielle ou motrice. Les aires associatives occupent la majeure partie des lobes frontaux et pariétaux ; elles sont responsables de la pensée sous toutes ses formes et de la mémoire, sans que ces fonctions soient localisables avec précision. Figure 36 : Cartes fonctionnelles du cortex cérébral. A Hémisphère gauche B Aire motrice primaire C Aire somesthésique primaire 41 L’aire auditive primaire se situe dans le lobe temporal. Elle reçoit les influx en provenance de la cochlée par le nerf auditif. L’aire auditive secondaire est située autour de l’aire primaire ; elle est responsable de l’identification des sons. Si une lésion de l’aire auditive primaire rend partiellement sourd à certains sons, une lésion de l’aire secondaire entraîne une surdité verbale : le patient entend les sons, mais est incapable de les identifier. L’aire visuelle primaire est située dans le lobe occipital. Du fait du croisement partiel des voies visuelles, les influx en provenance de la partie gauche de la rétine de chaque œil aboutissent dans l’aire visuelle gauche. L’hémisphère gauche « voit » donc le champ visuel droit, et vice versa. Une lésion de l’aire visuelle produit une cécité neurologique : une partie du champ de vision n’est plus perceptible. L’aire visuelle secondaire, où l’information visuelle est traitée, est située juste devant. C’est là que s’effectue la reconnaissance des objets ou de l’écriture. Une lésion de l’aire secondaire produit une agnosie visuelle : le patient voit les objets autour de lui, mais ne les reconnaît pas. Il voit une page imprimée sans pouvoir la lire, car les lettres n’ont plus de sens pour lui (cécité verbale). Figure 37 : Le système visuel humain L’aire motrice primaire qui pilote les motoneurones, est située à l’arrière du lobe frontal. Parallèle à celle-ci, l’aire motrice secondaire permet l’organisation et la coordination des mouvements. Une lésion dans l’aire motrice primaire entraîne une paralysie, alors qu’une lésion dans l’aire secondaire entraîne une apraxie : le patient est incapable d’effectuer un mouvement complexe. Les axones des neurones sensoriels provenant des diverses régions corporelles aboutissent à l’aire somesthésique primaire, adjacente à l’aire motrice, à l’avant du lobe pariétal. Le corps entier se projette sur ces deux aires primaires, mais proportionnellement à l’importance neurologique de chaque partie du corps, et non pas en fonction de sa surface. Les formes de la projection du corps sur les aires du cortex s’appellent l’homunculus moteur et l’homunculus sensoriel, respectivement. La face et la main y occupent une place prépondérante. L’aire somesthésique secondaire, parallèle à l’aire primaire, joue un rôle essentiel pour la perception du schéma corporel et des relations spatiales entre les objets touchés. Des lésions dans cette aire peuvent entraîner l’incapacité de reconnaître un objet pris dans la main, alors qu’on le reconnaît lorsqu’on le voit. De grandes parties du cortex cérébral n’ont pas de fonction motrice ou sensorielle immédiate. Ce sont les aires associatives, qui combinent les informations sensorielles avec celles provenant d’autres parties du cerveau et les comparent avec les informations mémorisées. Cette intégration permet la prise de décision. La pensée logique ou analytique, la conceptualisation, la capacité de conférer un sens aux choses ou aux actions, les capacités artistiques, toutes les fonctions supérieures du cerveau humain seraient inopérantes sans la référence incessante aux informations mémorisées. Plusieurs fonctions sont latéralisées. Le centre de la parole se trouve dans le cortex frontal gauche, tandis que la perception de l’intonation est effectuée dans l’hémisphère droit. En règle générale, l’hémisphère gauche est responsable de la pensée logique et analytique, et l’hémisphère droit de la musicalité, de la créativité et de la représentation spatiale. Les deux hémisphères sont complémentaires, car ils communiquent par le corps calleux. Pour soulager des individus atteints d’épilepsie sévère, on a dû procéder à la section du corps calleux. Dans la vie courant, ces patients au cerveau divisé (angl. split brain) ne présentent étonnamment pas de symptômes. Mais l’absence de connexion entre les hémisphères a pu être mise en évidence par des tests : lorsqu’on projette 42 rapidement un mot sur la gauche d’un écran auquel ils font face, ils ne peuvent pas écrire ce mot de leur main droite, mais uniquement de la gauche, et ils sont incapables de dire ce qu’ils ont vu ou écrit. Le système limbique est situé sur le bord intérieur du télencéphale. Il contrôle l’affectivité, les émotions, ainsi que les phénomènes d’apprentissage et de mémorisation. Les deux hippocampes sont essentiels pour le transfert des informations de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. C’est là que se forment les souvenirs, stockés ensuite dans d’autres régions du cortex. Les amygdales servent de « système d’alerte » ; elles sont impliquées dans l’appréciation de la valeur émotionnelle des stimuli sensoriels et associées à la génération des sentiments de peur. Elles sont aussi sollicitées pour les processus de mémorisation, mais là où interviennent les émotions, par exemple dans le système d’apprentissage par punition/récompense. 4.5 Les méthodes d’imagerie médicale 43 4.6 Du stimulus à la perception L’illusion d’optique de la figure 38 permet de percevoir à la fois une jeune et une vieille femme. On entend par perception l’identification des objets observés et l’attribution d’une signification. Les perceptions sont toujours subjectives et dépendent des expériences individuelles. Par exemple, lorsqu’on regarde des nuages dans un ciel d’été (figure 39), le champ visuel est projeté par le système dioptrique de l’œil sur la rétine. Ce stimulus provoque l’activation de certaines cellules photoréceptrices. Ces stimuli sont partiellement traités dans la rétine et sont ensuite transférés au cerveau par les axones des cellules ganglionnaires qui transitent par le nerf optique. Ils rejoignent le thalamus et ensuite le cortex visuel primaire dans le lobe occipital. A cet endroit, le traitement de l’information visuelle engendre la sensation « une surface bleue avec des régions blanches de formes et de tailles irrégulières ». Figure 38 : Illusion d’optique Figure 39 : Stimulus – sensation – perception L’information visuelle est ensuite traitée dans les aires visuelles secondaires et les aires associatives, et les structures reconnues sont comparées avec les images stockées. Cela conduit à une interprétation de l’image observée, fortement influencée par l’expérience. La perception consciente « je vois un ciel d’été avec des nuages » naît de la sensation et du traitement subséquent de l’information. 44 On ne sait toujours par où et comment sont connectés les neurones des aires associatives, éloignés les uns des autres et stimulés en même temps. Cet aspect de la biologie du cerveau, comme tant d’autres, n’a pas encore été exploré. La subjectivité de la perception est particulièrement évidente dans la figure 38. Le même stimulus sensoriel conduit à différentes perceptions, soit celle d’une jeune femme, soit celle d’une vieille femme. La perception peut basculer chez l’observateur, spontanément ou avec l’aide d’un tiers, même si l’information optique réelle – et donc la sensation – reste inchangée, ce qui montre bien que la perception dépend de l’expérience. En général, cependant, la première femme reconnue continuera d’apparaître en premier. 4.7 Biologie appliquée : la maladie de Parkinson La maladie de PARKINSON est la maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’ALZHEIMER. Elle affecte 1% des personnes de plus de 60 ans, et jusqu’à 4% des personnes de 80 ans et plus. Les patients souffrent de troubles moteurs sévères : ralentissement des mouvements volontaires, tremblement des mains en phase de repos, tension musculaire constante qui cause un durcissement croissant de la musculature. La maladie touche principalement les muscles fléchisseurs, c’est pourquoi les malades ont une posture qui penche en avant avec des bras repliés. Les troubles de la posture compliquent l’équilibre du corps. La maladie de PARKINSON est causée par une dégénérescence progressive de certaines cellules dans le mésencéphale, dont les axones se projettent dans les ganglions de la base (figure 40) et sécrètent à cet endroit de la dopamine, un neurotransmetteur. Les ganglions de la base sont situés à l’intérieur du cerveau ; leur fonction est de contrôler les mouvements volontaires et de réprimer les mouvements involontaires. Les neurones des ganglions de la base sont reliés entre eux et avec d’autres aires cérébrales par un système de synapses excitatrices et inhibitrices. La dopamine agit sur les cellules postsynaptiques de manière inhibitrice ou excitatrice selon le type de récepteurs. Ainsi, les mouvements volontaires peuvent être favorisés et les mouvements involontaires inhibés. La dégénérescence des neurones dopaminergiques peut causer un déficit de dopamine qui altère l’équilibre entre l’inhibition et l’excitation, et conduit finalement aux symptômes de la maladie de PARKINSON. L’analyse des ganglions de la base par l’imagerie médicale fonctionnelle (TEP) permet de mesurer l’activité des neurones dopaminergiques et d’établir un diagnostic fiable. Figure 40 : Les ganglions de la base (TEP). A Personne saine B Patient parkinsonien. Les images indiquent l’activité des neurones dopaminergiques. Le niveau d’activité le plus élevé est indiqué en rouge 45 Si la maladie de PARKINSON n’est pas guérissable pour le moment, ses symptômes peuvent être atténués par différentes formes de thérapies. Le but des thérapies est d’augmenter la quantité de dopamine dans les ganglions de la base (figure 41). Le L-Dopa est l’un des médicaments les plus utilisés. C’est un précurseur de la dopamine qui est transformé en dopamine dans le cerveau par les neurones dopaminergiques fonctionnels et qui permet ainsi d’augmenter la sécrétion de dopamine. Les agonistes de la dopamine constituent un traitement alternatif. Ce sont des substances qui ressemblent à la dopamine et qui peuvent se lier aux récepteurs dopaminergiques et agir comme la dopamine. Par ailleurs, des inhibiteurs des enzymes dégradant la dopamine permettent de rallonger la durée d’action de la quantité de dopamine disponible. Figure 41 : Les synapses avec la dopamine comme neurotransmetteur Les flèches indiquent les sites d’action des médicaments contre la maladie de PARKINSON 46 Exercices – Mise en relation : La sclérose en plaques et la maladie d’ALZHEIMER 47 4.8 Les mécanismes cellulaires de l’apprentissage D’après un modèle généralement admis, les cellules nerveuses activées en même temps lors de l’apprentissage forment des réseaux neuronaux spécifiques dans le SNC. Les neurones impliqués dans le processus d’apprentissage activent des synapses dites silencieuses qui étaient peu utilisées auparavant, ou forment de nouvelles synapses avec leur cellule voisine. Parallèlement, les synapses des neurones inutilisés sont mises hors service ou même éliminées. Figure 42 : Connexions neuronales. A Formation et B activation d’une trace mnésique En plus de l’élaboration et du démantèlement des connexions cellulaires, l’apprentissage modifie aussi l’efficacité de la transmission synaptique. Si une synapse n’est pas utilisée pendant une longue période, une faible dépolarisation de son neurone présynaptique déclenche un PPSE si petit dans le neurone postsynaptique qu’aucun potentiel d’action n’est généré. Ce n’est que lorsque les potentiels d’action apparaissent à une fréquence élevée à la suite d’une forte dépolarisation dans le neurone 48 présynaptique qu’un PPSE élevé est généré dans le neurone postsynaptique et que la stimulation est transmise sous forme de potentiels d’action. Par la suite, une faible stimulation du neurone présynaptique suffit à déclencher un PPSE assez fort pour former des potentiels d’action. L’efficacité de la transmission synaptique est renforcée lorsqu’une synapse participe avec succès à l’activation du neurone postsynaptique. Ce phénomène s’appelle la potentialisation à long terme. La potentialisation à long terme s’effectue principalement dans les synapses excitatrices qui sécrètent le neurotransmetteur glutamate. Peu de récepteurs au glutamate sont présents initialement dans la membrane postsynaptique, rendant ainsi l’efficacité de la transmission synaptique très faible. Lorsque la sécrétion du neurotransmetteur a suffi pour déclencher un PPSE élevé et, par conséquent, un potentiel d’action postsynaptique, c’est que la synapse a été impliquée avec succès dans l’activation du neurone postsynaptique. Une cascade de signalisation est déclenchée dans le neurone activé, provoquant la formation de récepteurs au glutamate supplémentaires dans la membrane postsynaptique. En outre, d’autres synapses se forment entre les deux neurones. Ce phénomène nécessite une activation spécifique de la biosynthèse protéique. Le neurone postsynaptique produit des médiateurs chimiques qui renforcent la synthèse et la sécrétion des neurotransmetteurs dans le neurone présynaptique. Figure 43 : Modifications synaptiques causées par le processus d’apprentissage A Nombre de récepteurs B Quantité de neurotransmetteurs C Nombre de synapses Ces divers changements lors de l’apprentissage aboutissent à chaque fois à des réseaux neuronaux spécifiques dans le système nerveux central. Les neurones concernés sont connectés entre eux par des synapses excitatrices. 49 Des potentialisations à long terme peuvent être aussi déclenchées lorsque des synapses excitatrices sont actives en même temps sur un neurone et parviennent ensemble é l’activer. C’est le cas, par exemple, dans les neurones de l’hippocampe, qui jouent un rôle important lors de l’apprentissage et de la formation de la mémoire. La potentialisation à long terme des synapses qui transmettent simultanément des neurotransmetteurs à un neurone permet d’interconnecter tous les neurones impliqués dans un réseau neuronal. Ce modèle permet d’expliquer la formation des associations. Si un groupe de synapses transmet l’information de l’image d’un merle et un autre groupe transmet les informations du chant du merle à un neurone – dans l’hippocampe par exemple -, l’activation simultanée de ces synapses augmente l’efficacité de la transmission synaptique et les synapses se connectent entre elles, formant ainsi un réseau neuronal avec les neurones correspondants. A partir de ce moment, non seulement l’image, mais aussi le chant – même s’il est perçu seul – aboutissent à la perception du merle. L’apprentissage associatif (figure 44) a permis de combiner les deux stimuli sensoriels. Les informations de l’image d’une mésange et le chant d’un merle ne conduisent pas à une telle association, car elles n’arrivent en même temps qu’occasionnellement. Figure 44 : L’apprentissage associatif Plusieurs processus d’apprentissage consistent à élargir les réseaux neuronaux dans le cerveau par la formation d’associations. Ce qui vient d’être appris est d’autant plus facilement ancré dans le cerveau que le nombre d’associations avec ce qui est déjà connu est important, et que le nombre de synapses activées durant l’apprentissage est grand. Cela signifie qu’on apprend plus facilement lorsqu’on sait déjà quelque chose. L’apprentissage est donc un processus d’autoconsolidation. L’exercice, c’est-à-dire l’utilisation des synapses et des neurones récemment connectés, renforce l’efficacité de la transmission de l’excitation dans ces circuits nerveux. Par conséquent, l’accès aux connaissances est facilité et accéléré. A l’inverse, le renforcement d’une synapse est annulé lorsque les 50 circuits nerveux correspondants ne sont pas utilisés pendant une longue période et qu’on n’a pas utilisé ce qui a été appris. Ces synapses peuvent disparaître et devront être reformées. 4.9 La mémoire Au sens où nous l’entendrons ici, la mémoire est la capacité de stocker et de rappeler les informations enregistrées, les souvenirs. Ces informations sont le résultat de processus d’apprentissage conscients ou inconscients. Toutes les informations reçues continuellement par les organes sensoriels, transformées en impulsions nerveuses et transmises au cerveau par les neurones, ne sont pas stockées dans la mémoire. La plupart des informations ne sont conservées que brièvement. Par exemple, un numéro de téléphone cité n’est gardé en mémoire que le temps de le composer. Par contre, d’autres informations, comme sa propre date de naissance, sont disponibles durant des dizaines d’années. Le modèle modal de la mémoire distingue différents types de mémoires. Figure 45 : Modèle modal de la mémoire La mémoire sensorielle permet d’obtenir une très grande quantité d’informations par les organes sensoriels, mais ne peut les stocker que pendant quelques fractions de seconde. La plupart des informations sont très rapidement perdues. Seules celles qui attirent notre attention sont transférées dans la mémoire de travail. Là, ces informations sont retenues pendant quelques secondes ou quelques minutes. La répétition de l’information renforce la durée de stockage. La capacité de la mémoire de travail est cependant très faible. C’est pourquoi le cerveau exécute un important travail de traitement pour centraliser les informations dans des unités plus grandes. Ainsi, la quantité globale d’information à stocker est compactée et davantage d’informations peuvent être emmagasinées. Par exemple, le stockage des quatre lettres V, E, N et T nécessite quatre places de 51 stockage. Par contre, si les lettres sont réunies pour former le mot « VENT », une seule place est nécessaire. Quelques informations sont gardées en mémoire durant toute la vie : les mots de la langue maternelle, les souvenirs d’enfance. Ces informations sont conservées dans la mémoire à long terme. Des répétitions multiples, ainsi que de l’exercice, sont nécessaires pour transférer les nouvelles informations dans la mémoire à long terme et les conserver. Le degré d’ancrage dans la mémoire augmente avec la signification des informations et la possibilité de les relier aux autres informations déjà sauvegardées. Le type de stockage est modifié lors du transfert à la mémoire à long terme. Alors que les informations de la mémoire de travail consistent en influx nerveux, ou activité cérébral, les informations de la mémoire à long terme sont stockées sous forme de connexions nerveuses, ou de structures cérébrales. Le transfert entre ces formes de stockage nécessite du temps et du repos. Il a lieu de préférence lors du sommeil. Le stress rend plus difficile le stockage des informations dans la mémoire à long terme. Il existe différents types de mémoire à long terme en fonction des différents contenus : la mémoire déclarative, aussi appelée la mémoire explicite, contient des informations qui peuvent être rappelées consciemment et être exprimées avec des mots. On la divise en mémoire épisodique, qui stocke des souvenirs individuels, et en mémoire sémantique, qui contient des connaissances théoriques ou factuelles. La mémoire non déclarative, ou mémoire implicite, est largement utilisée de manière inconsciente. On distingue la mémoire procédurale, qui concerne principalement des séquences de gestes, par exemple faire du vélo, et la mémoire émotionnelle, qui peut exercer une influence inconsciente considérable sur le comportement de l’individu concerné, comme la peur « apprise » au cours d’expériences désagréables. Depuis longtemps, on s’est aperçu qu’il n’y avait par une aire bien délimitée du cerveau responsable de la mémoire. Les analyses des personnes ayant des lésions cérébrales en ont fourni les premières preuves. Elles ont montré qu’une perte de mémoire était toujours partielle et dépendait de la région cérébrale atteinte. Les hippocampes sont des structures essentielles pour le stockage des connaissances. Un patient qui souffrait de crises d’épilepsie sévères a été traité par l’ablation d’une partie du cerveau, dont les deux hippocampes. Après l’opération, plus aucune crise d’épilepsie n’apparut chez ce patient et il ne présentait aucun déficit dans les tests intellectuels. Cependant, il n’était plus en mesure de stocker des informations déclaratives. Il ne pouvait par exemple retenir un nombre à trois chiffres quand le récitant constamment. S’il était dérangé, il oubliait non seulement le nombre, mais aussi l’exercice. En revanche, il était resté capable d’améliorer sa dextérité manuelle par l’exercice. Sa mémoire procédurale n’était pas atteinte. Les hippocampes sont reliés avec les diverses aires associatives sensorielles dans les deux directions par des circuits nerveux, indiquant leur importance pour la mémoire déclarative. On assume aujourd’hui que les informations déclaratives sont stockées dans les hippocampes durant la journée à l’état éveillé et qu’ensuite, durant le sommeil, elles sont stockées définitivement dans les différentes aires associatives. Le cervelet et les ganglions de la base jouent un rôle important pour la mémoire procédurale, et les amygdales pour la mémoire émotionnelle. 52 Figure 46 : Les connexions neuronales réciproques entre l’hippocampe et les aires associatives du cortex cérébral 4.10 Modifications du cerveau produites par une addiction En Europe, des millions de personnes – dont beaucoup de jeunes – souffrent d’une forme d’addiction (ou dépendance). Leur comportement est dicté par un besoin irrésistible d’accéder à un état psychique particulier, qu’ils atteignent par la consommation de substances (alcool, nicotine, cannabis, cocaïne, héroïne, drogues de synthèse) ou par un comportement (jeux de hasard, conduite à risque, pornographie). Les individus dépendants finissent par perdre le contrôle de leur consommation de drogue, ou ne parviennent plus à maîtriser leur comportement avec la raison. Leur vie tourne de plus en plus autour de leur dépendance. Ils ne tiennent pas compte de signes d’atteintes corporelles et psychiques et négligent leurs relations sociales. Les causes d’une addiction sont multiples. La personnalité, l’environnement social et le type de substance jouent un rôle. Toute consommation de drogue peut, après une phase d’adaptation, entraîner une addiction. On distingue une dépendance corporelle, physique et une dépendance mentale, psychique. Dans le cas d’une dépendance physique, le corps de la personne dépendante, en général un toxicomane, réagit à l’apport continu de drogue par une adaptation métabolique. En cas de consommation croissante d’alcool, par exemple, les cellules du foie produisent davantage d’enzymes pour la dégradation de l’alcool. Au cours du temps, une quantité de plus en plus importante de drogue 53 est tolérée. Cela signifie que le corps la supporte sans montrer de signes aigus d’empoisonnement. Cette tolérance est un signe indiquant une forte dépendance physique. Si la consommation de la drogue est stoppée, le corps d’un individu dépendant réagit par des symptômes de manque (ou sevrage) : tremblements, sensation de froid, nausées ou vomissement. Toutes les drogues n’amènent pas forcément à une dépendance physique, mais toutes conduisent à une dépendance psychique. La dépendance psychique reflète les changements irréversibles produits par une drogue ou par un comportement addictif au niveau du cerveau. Actuellement, ces changements peuvent être détectés de façon saisissante grâce aux technologies d’imagerie. La dépendance psychique s’explique par le fait que le cerveau développe une accoutumance. Le système de récompense du cerveau joue un rôle décisif dans ce processus. Le système de récompense consiste en un réseau de neurones provenant de multiples structures cérébrales qui sécrètent le neurotransmetteur dopamine. Le centre de ce réseau neuronal est une structure du cerveau, le noyau accumbens, qui sert de centre de motivation pour des activités vitales. Par exemple, c’est du noyau accumbens que part la motivation à s’alimenter si la concentration sanguine en glucose est basse. Lorsqu’on mange, de la dopamine est sécrétée dans le noyau accumbens. Cela amène des sensations agréables, une forme de récompense. Ces sensations sont associées avec le comportement qui les a induites, comme le fait de s’alimenter dans notre exemple. L’association correspond à un processus d’apprentissage par lequel la motivation à adopter un comportement est renforcée. Les drogues influencent le système de récompense en augmentant, de façon directe ou indirecte, la quantité de dopamine libre entre les neurones du noyau accumbens. Par exemple, la cocaïne et les amphétamines diminuent la réabsorption de dopamine au niveau de la membrane présynaptique, de sorte que la dopamine sécrétée agit plus longtemps dans la fente synaptique. La nicotine, quant à elle, induit directement la libération de dopamine dans la fente synaptique. L’héroïne et d’autres opiacés se lient à des récepteurs sur des neurones qui normalement agissent comme inhibiteur des neurones sécrétant la dopamine dans le noyau accumbens. Ils empêchent cette inhibition, amenant ainsi à une libération accrue de dopamine par les neurones du noyau accumbens. Figure 47 : Effet de la cocaïne sur les synapses du système de récompense 54 L’augmentation de la concentration de dopamine dans le noyau accumbens et la sensation de récompense qui en résulte est associée avec la prise de drogue. C’est ainsi qu’apparait un besoin irrésistible, assouvi par la prise de drogue. L’accoutumance intègre aussi les circonstances concomitantes comme le lieu ou la situation de la prise de drogue. Une attention accrue pour tous les stimuli en rapport avec la drogue se développe. Une telle reprogrammation du système de récompense induit l’individu concerné à réagir à tous les stimuli qui évoquent la drogue de près ou de loin, et à négliger les autres stimuli naturels comme la faim, la soif ou les besoins sexuels. Même des années après une cure de désintoxication couronnée de succès, des stimuli associés à sa dépendance antérieure peuvent réveiller un désir irrépressible chez l’ancien toxicomane. Le simple séjour dans un lieu qui avait servi à la consommation de drogue ou le seul bruit d’une machine à sous peuvent constituer de tels stimuli et provoquer une rechute. Certains aspects de la dépendance s’expliquent par l’adaptation des neurones à la présence de la drogue. Si la concentration en dopamine dans la fente synaptique est augmentée pour une longue durée à cause de la consommation de drogue, les neurones postsynaptiques réagissent à ce changement par une réduction du nombre de récepteurs dopaminergiques. De plus, il y a une diminution de la concentration des messagers qui contrôlent les canaux ioniques ou qui activent la transcription de certains gènes, par exemple les gènes codant pour des récepteurs. Ces mécanismes de compensation permettent à la fois d’atténuer l’effet de la drogue et de développer une tolérance. Même si de tels changements peuvent être réversibles par un sevrage, l’accoutumance est souvent pour la vie. Les modifications irréversibles du cerveau dues à une addiction correspondent à une maladie inguérissable, aujourd’hui encore. Cependant, un individu dépendant peut apprendre, grâce à des thérapies adéquates, à vivre avec son addiction. 55 5. Les protections du système nerveux Le tissu nerveux est fragile : une pression légère peut endommager les neurones. L’encéphale et la moelle épinière sont protégés par des os (crâne et colonne vertébrale), des membranes (méninges) et un coussin aqueux (liquide céphalo-rachidien). Il est également protégé des substances nuisibles présentes dans le sang par ce que l’on appelle la barrière hémato-encéphalique. La barrière hématoencéphaliqu e est une membrane qui sépare la circulation sanguine et le liquide céphalorachidien, le fluide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière. Cette membrane permet d'éviter le passage d'un certain nombre de toxines Figure 48 : La barrière hématoencéphalique au niveau du système nerveux central (bactéries, toxines, etc.) mais elle bloque aussi les médicaments car ils sont considérés comme des toxines… !!! C’est donc un gros problème pour traiter et soigner les tumeurs cérébrales. Cette barrière isole ainsi la substance grise du reste de l'organisme et lui permet d'avoir un milieu spécifique, différent du milieu intérieur du reste de l'organisme. Il y a donc un passage sélectif de certaines substances comme l’eau, le CO2, l’O2, le glucose ou de quelques acides aminés indispensables pour la synthèse de protéines. Ce passage peut s’effectuer grâce à des transporteurs spécifiques. C’est aussi un obstacle à la fuite des neurotransmetteurs vers le cerveau. On peut donc comparer la barrière hémato-encéphalique à un filtre très sélectif qui participe à la protection et à l’isolement du cerveau. Cette barrière est principalement assurée par les cellules de la névroglie, notamment les astrocytes. Ces cellules possèdent des expansions, encore appelées pieds, qui entourent les différents vaisseaux sanguins, les isolant ainsi au sein même de la substance grise. 5.1 Les méninges Les méninges sont trois membranes constituées de tissu conjonctif situé entre le système nerveux central et l'enveloppe osseuse (crâne et vertèbre). On rencontre, de l’extérieur vers l’intérieur, la duremère, l’arachnoïde et la pie-mère. Elles recouvrent et protègent le SNC (encéphale et moelle épinière), protègent les vaisseaux sanguins, et contiennent une partie du liquide céphalo-rachidien. 56 5.1.1 La dure-mère La dure-mère est une membrane résistante, épaisse et fibreuse formée de deux feuillets au niveau de l’encéphale et d’un feuillet au niveau de la moelle épinière. Elle forme l’enveloppe externe du SNC et est constituée de tissu conjonctif rigide. Son rôle est donc de protéger le SNC. 5.1.2 L’arachnoïde L’arachnoïde est un feuillet simple intermédiaire souple. Elle se rattache à la pie-mère par des prolongements filamenteux (qui évoque une toile d’araignée d’où son nom) qui forment une cavité. Cette cavité (espace sous-arachnoïdien) est remplie de liquide céphalo-rachidien et contient les plus gros vaisseaux sanguins qui desservent l’encéphale et la moelle épinière. 5.1.3 La pie-mère Cette membrane délicate, parcourue de minuscules vaisseaux sanguins, est la seule qui adhère à l’encéphale (elle le suit jusqu’au fond de ses replis) et à la moelle épinière. Figure 49 : Les méninges de l’encéphale 57 Figure 50 : Les méninges de la moelle épinière Une méningite est une inflammation des méninges, le plus souvent d'origine infectieuse. Une méningite se manifeste par un ensemble de signes appelé syndrome méningé : céphalée (maux de tête), vomissements souvent "en jet", photophobie (le malade ne supporte pas la lumière), raideur de la nuque (la flexion de la tête en avant est douloureuse voire impossible). En cas de purpura associé, c'est un purpura fulminans ou méningite foudroyante (purpura = « boutons » se présentant comme une petite goutte de sang sous la peau). C'est une des rares urgences antibiotiques en médecine (une heure de perdue peut être fatale). La méningite est un processus inflammatoire touchant les méninges dont l'origine est : virale dans 70 à 80% des cas bactérienne dans 20 à 25% des cas. Il existe donc deux formes très différentes de méningites : Les méningites virales sont les plus fréquentes et sont bénignes chez les patients ne souffrant pas d’un déficit immunitaire. Le rétablissement est le plus souvent spontané et le malade guérit sans séquelles au bout de quelques jours. Les virus : Entérovirus (80% des cas), virus des oreillons, virus du groupe herpès, virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Les méningites virales guérissent le plus souvent spontanément. Il n'y a d’ailleurs pas de traitement spécifique (aspirine et repos suffisent) 58 Les méningites bactériennes, plus rares, sont graves et doivent être prises en charge en urgence. Les espèces responsables de méningites aiguës sont variables selon l’âge. Les méningites bactériennes sont dues à différents germes comme Pneumocoque, Ménin- gocoque A, B ou C, Hemophilus…. Face aux symptômes de la méningite le corps médical pratique en urgence les examens permettant de déterminer de quel type de méningite il s'agit. Age Bactérie pathogène 0-4 semaines Streptocoque B, Entérobactérie, Pneumocoque, Listéria, 4-12 semaines Streptocoque B, Pneumocoque, Méningocoque, Enfants < 18 ans Méningocoque, Pneumocoque, Hémophilus Influenzae B Adultes Méningocoque, Pneumocoque Sujets âgés Pneumocoque, Méningocoque Les méningites bactériennes se traitent par voie intraveineuse grâce à des antibiotiques adaptés au germe en cause. Ce traitement est poursuivi habituellement pendant 10 jours. La précocité du diagnostic est un élément capital. En cas de méningite bactérienne, un traitement de l'entourage du malade avec un antibiotique approprié s'impose d'urgence. 5.2 Le liquide céphalo-rachidien Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est un liquide clair, incolore qui remplit les cavités (ventricules) du cerveau, l’espace sous arachnoïdien et les cavités de la moelle épinière. Il constitue un coussin aqueux à l’intérieur et autour du SNC (encéphale et moelle épinière). En flottant dans ce liquide, le SNC perd 97% de son poids et évite ainsi de s’effondrer sous son propre poids. Il protège le SNC contre les coups et autres traumatismes. Il remplit des fonctions importantes au niveau des échanges de substances entre le sang et le tissu nerveux. Il prend des nutriments dans le sang avec lesquels il alimente le cerveau et évacue les produits du métabolisme du tissu nerveux. Son volume total est d'environ 150ml, renouvelé environ toutes les quatre heures. Il est sécrété par les ventricules du cerveau, cavités formées d’un tissu richement vascularisées. Le LCR est ensuite absorbé par le système veineux cérébral à la base du cerveau. Il circule donc vers le bas en évacuant les déchets toxiques et en transportant des hormones entre des régions éloignées du cerveau. De nombreuses maladies du SNC et/ou de ses cavités entraînent des modifications de la composition du LCR, si bien que les analyses biochimiques du LCR peuvent apporter des indications diagnostiques importantes (ex : méningites….). Pour prélever du LCR afin d’effectuer des analyses, on ponctionne l’espace sous rachidien entre la troisième et la quatrième vertèbre lombaire (ponction lombaire). A ce niveau, la ponction lombaire est sans danger car la moelle épinière se termine au niveau du corps de la deuxième vertèbre lombaire. La ponction lombaire est un geste simple, normalement non douloureux. Une petite anesthésie locale est faite avant l’introduction du trocart (aiguille). 59 En cas de méningite bactérienne le liquide céphalo-rachidien est trouble, voire purulent, avec une cellularité importante à prédominance de polynucléaires. L'examen au microscope d'un échantillon de LCR permet le plus souvent d'observer la présence de bactéries, sans toutefois permettre de les identifier avec précision. Pour identifier la bactérie en cause, il faut réaliser une culture sur milieux appropriés, qui nécessite 18 à 24 heures d'incubation à 37°C. La bactérie peut alors être reconnue et un traitement antibiotique approprié peut débuter. Si le liquide est clair avec une cellularité classiquement à prédominance lymphocytaire il est possible que cette méningite soit d’origine virale, alors bénigne sur laquelle un traitement antibiotique n’aurait aucun effet. 60