
La mortalitéhospitalière du patient polytraumatisésur-
vient essentiellement au cours des premières heures [1],
d’oùl’importance d’une prise en charge rapide préhos-
pitalière et aux Urgences. Elle est essentiellement liéeà
une atteinte cérébrale et/ou une hémorragie. Elle néces-
site un plateau technique complet disponible 24 h/
24 h, capable de dépister et de faire face àla nécessité
d’une hémostase chirurgicale et/ou radiologique inter-
ventionnelle en urgence. Une équipe rodée, bien coor-
donnée, multidisciplinaire est indispensable et permet
d’améliorer le pronostic [2]. Le facteur temps est central
dans la prise en charge tant au plan du monitorage
initial que dans le choix raisonnédes investigations
complémentaires. Ce bilan doit s’effectuer sans inter-
rompre la continuitéde la réanimation.
ORIENTATION ET ACCUEIL
La définition classique du polytraumatiséest un blessé
porteur de deux lésions traumatiques ou plus dont une
au moins met en jeu le pronostic vital. Le diagnostic
étant rétrospectif, toute victime d’une situation trau-
matique susceptible de mettre en jeu le pronostic vital
est un polytraumatiséjusqu’à preuve du contraire. D’où
l’importance de ne pas s’arrêter aux seules conséquences
physiologiques immédiates visibles du traumatisme
mais aussi de connaître le mécanisme lésionnel et la
violence du traumatisme [3] pour décider d’orienter en
salle de déchocage ces blessés dont la symptomatologie
initiale peut être parfois frustre.
Une concertation avec le Samu qui a engagéune
équipe de réanimation préhospitalière est très impor-
tante pour préparer l’accueil en salle de déchocage et
mettre en alerte opérationnelle les différents interve-
nants (réanimateur, urgentiste, radiologue, chirurgien,
centre de transfusion…). Àl’arrivée du blessé, deux
situations sont possibles : il existe une insuffisance cir-
culatoire aiguërebelle àla réanimation préhospitalière
dans le cadre d’un traumatisme ouvert avec identifica-
tion de l’origine de l’hémorragie (cas rare), cela justifie
une hémostase chirurgicale immédiate afin de lever
l’hypothèque vitale ; dans tous les autres cas, une éva-
luation préalable en salle de déchocage est requise.
MONITORAGE INITIAL
Il nécessite des techniques non opérateur dépendantes,
les moins invasives possibles et dont la mesure puisse
être obtenue facilement et rapidement (tableau I).C’est
le monitorage hémodynamique précoce qui passe par
une surveillance de la fréquence cardiaque (FC), de la
pression artérielle moyenne (PAM) non invasive et de
l’oxymétrie de pouls. La mise en place d’un cathéter
artériel (radial ou fémoral) pour mesure continue de la
pression artérielle doit rapidement être envisagée. C’est
un élément central du monitorage qui permet une
surveillance continue de la pression artérielle et facilite
les prélèvements biologiques. Par ailleurs, l’analyse des
variations de la pression artérielle liées àla ventilation
mécanique permet une estimation fiable des besoins
volémiques chez le patient en rythme sinusal, intubéet
ventilé[4]. Cet indice dynamique tenant compte non
seulement du volume circulant mais aussi des contrain-
tes liées àla ventilation mécanique a montréson intérêt
pour estimer le remplissage dans des situations d’hypo-
volémie vraie [5].
Le monitorage continu de la pression télé-expiratoire
en CO
2
par capnographie est indispensable àla phase
initiale chez le patient polytraumatiséen ventilation
mécanique. Sous réserve de l’absence de modifications
de l’état respiratoire, c’est aussi une méthode non inva-
sive de monitorage indirect des modifications aiguësdu
débit cardiaque [6]. Son intérêtaétédémontréau cours
de l’arrêt cardiorespiratoire chez l’homme [6] et dans
des modèles animaux de choc hémorragique [7].Sa
facilitéde mise en œuvre en fait un outil complémen-
Tableau I. Conduite à tenir devant un patient polytraumatisé aux
Urgences.
Les 30 premières minutes : premiers soins et bilan en salle de
déchoquage :
- maintien du collier cervical rigide
- monitorage scopique (FC, PAM non invasive, SpO
2
, PetCO
2
)et
de la température
- contrôle des voies aériennes (intubation, ventilation), optimisa-
tion des voies veineuses
- cathétérisme de l’artère radiale ou fémorale →surveillance conti-
nue de la pression artérielle
- biologie en urgence
- bilan radiologique initial systématique (sur brancard) :
- radiographie du thorax de face (→nécessitéde drainage ? thora-
cotomie ?)
-échographie abdominale (→épanchement
péritonéal ? →laparotomie ?)
- radiographie du bassin de face (→fracture
grave ? →angiographie ? embolisation ?)
- radiographie du rachis cervical de profil incluant C7/D1
±échographie cardiaque (traumatisme thoracique avec instabilité
hémodynamique)
±Doppler transcrânien
- TDM encéphalique sans injection si traumatisme crânien avec
signe de localisation clinique.
Malade stabilisé: bilan lésionnel :
- Bilan TDM : (selon signes d’appel)
encéphalique sans injection
thorax, abdomen, pelvis, après injection : en un temps : TDM
spiralée
rachis ±topogramme osseux
- Bilan radiographique osseux : rachis complet systématique (poly-
traumatiséinconscient) + bilan radiographique orientéselon la cli-
nique
-ECG
Polytraumatisme àla phase initiale 487