Les travaux de L. MALSON (1964) sur les enfants sauvages
Après avoir défendu sa thèse de la construction de la nature humaine et de son
absence à l’état naturel, en dehors de la société humaine, Lucien Malson termine son ouvrage
par l’analyse de trois cas différents d’homo ferus (homme sauvage) :
Gaspard, l’enfant reclus, a été retrouvé habillé, portant une lettre de sa mère qui l’envoie
chercher du travail. Son corps est celui d’un homme, mais il a 3 ans d’âge mental. Il se lève et se
couche en même temps que le soleil, marche difficilement, aime le pain et l’eau (pas le vin ni la
viande : cela s’apprend !), pleure et crie souvent, a peur de tout. Il connaît 6 mots et une expression en
patois. Reclus, cet enfant a donc reçu une éducation minimaliste et n’a développé que très peu de
caractéristiques humaines qui nous semblaient pourtant innées…
Victor, l’enfant solitaire de l’Aveyron, découvert dans une forêt, se lève et se couche
également en fonction du soleil, cherche aussi à s’évader et regarde derrière le miroir (car il ne s’y
reconnaît pas). Il n’a pas d’instinct sexuel à la puberté, présente une analgésie cutané (insensible au
chaud et au froid), n’aime pas dormir dans un lit et a l’habitude de tout sentir.
Amala et Kamala, les enfants animalisés quant à elles, ont été capturées dans une tanière de
loup en Inde par le Révérend SINGH en 1920. Ces enfants-loups imitent le halètement et laissent
pendre leur langue : comportement peu humain mais étrangement proche de celui d’un loup (qui les a
recueilli et donc « éduquées » !). Elles sont photophobes et nyctalopes, hurlent à la mort et gémissent.
Elles cherchent à s’évader et dorment peu (4 heures). Elles marchent sur les coudes et les rotules et
courent très vite sur les mains et les pieds. Autant de comportement « hérités » du loup, autant de faits
contre la notion de « nature humaine » au sens inné.
Ainsi, on sous-estime toujours combien la culture nous fonde et combien le choc
culturel peut paralyser : si on sort de son système de balise, vivre devient difficile.
Exemple du TCHAD et la période d’initiation : arbres sacrés et homme-lion.
Que le fait culturel soit universel et acquis a une conséquence simple : nous aurions
tous pu être cet Albanais, ce Congolais, ce Rom que nous croisons au quotidien dans nos
actions de santé, et qui nous semble si différent… Ce constat va bien sûr à l’encontre des
théories racialistes.
Où apparaît ce qui est culturel ?
La culture est donc toujours là, partout, sous nos yeux…
Manger à telle heure plutôt qu’à une autre : les Espagnols mangent très tard, les Roms
mangent vers 16 heures mais ne déjeunent pas, le goûter est très français, etc…
Se vêtir, construire et décorer (architecture), s’entourer d’objets électroniques et parler
au téléphone dans la rue en marchant, etc.
La culture apparaît aussi dans des constructions matérielles (l’Hôtel de ville) qui
peuvent être issues de pratiques culturelles (user de béton plutôt que de bois), susciter des
sentiments et des discours (formes immatérielles de l’expression de la culture).