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L’interculturalité dans les relations (de soins).
Mardi 28 avril 2015
Jean FAYA
Présentations
De l’intervenant - des participants - de l’intervention
Echanges d’expérience : se soigner dans une autre culture
La culture : universalité et diversité ....................................................................................... 2
La culture, universelle et acquise ........................................................................................................ 2
Définitions ..................................................................................................................................................... 2
Les travaux de L. MALSON (1964) sur les enfants sauvages ........................................................................ 3
Où apparaît ce qui est culturel ? ................................................................................................................... 3
La culture, diverse et variée ................................................................................................................ 4
Mais tout n’est pas culturel : attention au culturalisme. ...................................................................... 4
Deux mots de méthodologie ..................................................................................................... 6
La démarche du professionnel de la culture, l’anthropologue… ........................................................ 6
La démarche anthropologique, une démarche qualitative ............................................................................ 6
Deux postures clefs : réflexivité et comparatisme ........................................................................................ 7
La démarche de tous… mêmes limites… ........................................................................................... 7
La rencontre de deux culturés ? : L’inter-culturalité ! ......................................................... 8
Chercher à comprendre, plus que s’évertuer à expliquer. ................................................................... 8
Qu’en est-il de notre manière d’appréhender cet autre culturellement différent ? .............................. 9
La légitimité du savoir, c’est le voir. C’est se " présenter " le monde. .......................................................... 9
Mais percevoir le monde, c’est trouver du sens (C’est se "re-présenter" le monde par le sens…): la
phénoménologie. ............................................................................................................................................ 9
Et ensuite, décrire, c’est interpréter ( c’est se "re-re-présenter" le monde finalement par le langage…) :
l’herméneutique ........................................................................................................................................... 10
Conclusion - débat .................................................................................................................. 11
Pouvons-nous sortir de nos « re-re-présentations » du monde ou de nos préjugés ? ........................ 11
Bibliographie ........................................................................................................................... 13
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La culture : universalité et diversité
La culture, universelle et acquise
Définitions
Le terme de culture se réfère à la mise en valeur agricole et, par métaphore, à celle de la
nature humaine, individuelle et collective.
On peut entendre classiquement la culture comme le définit l’un des fondateurs de
l’anthropologie, le britannique Edouard-Burnet Tylor, dès 1871:
« La culture est cet ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit,
les coutumes, ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme en socié » (TYLOR, 1871).
On apprécie la proposition plus moderne de Cecil Helman, médecin et anthropologue
sud-africain :
« La culture est un ensemble de balises (explicites et implicites)
dont héritent les individus en tant que membres d’une société particulière
et qui leur disent de quelle façon (dans quel sens)
voir le monde,
l’expérimenter émotionnellement
s’y comporter en relation avec les autres, les forces surnaturelles, les dieux et l’environnement
naturel.
Elle offre aussi aux individus, une façon de transmettre ces balises à la génération suivante par le
recours à des symboles, un langage, l’art et le rituel, les traditions » (HELMAN, 1990).
Deux dimensions essentielles de la culture sont soulignées :
le fait culturel est universel et caractérise le groupe social,
la culture est acquise et sa transmission fait partie intégrante du phénomène culturel.
La spécificité de la nature humaine est donc précisément de s’inscrire dans une culture
particulière, qui ne doit rien à l’hérédité au sens génétique du terme.
Les êtres humains se caractérisent bien sûr par des constantes biologiques, mais qui ne se
révèlent que sous des formes culturelles particulières : la faim par exemple est une
manifestation physiologique. Toutefois, la manière dont on l’éprouve, dont on la satisfait et la
capacité à lui résister sont éminemment culturelles (GERAUD, LESERVOISIER, POTIER,
2000).
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Les travaux de L. MALSON (1964) sur les enfants sauvages
Après avoir défendu sa thèse de la construction de la nature humaine et de son
absence à l’état naturel, en dehors de la société humaine, Lucien Malson termine son ouvrage
par l’analyse de trois cas différents d’homo ferus (homme sauvage) :
Gaspard, l’enfant reclus, a été retrouvé habillé, portant une lettre de sa mère qui l’envoie
chercher du travail. Son corps est celui d’un homme, mais il a 3 ans d’âge mental. Il se lève et se
couche en même temps que le soleil, marche difficilement, aime le pain et l’eau (pas le vin ni la
viande : cela s’apprend !), pleure et crie souvent, a peur de tout. Il connaît 6 mots et une expression en
patois. Reclus, cet enfant a donc reçu une éducation minimaliste et n’a développé que très peu de
caractéristiques humaines qui nous semblaient pourtant innées…
Victor, l’enfant solitaire de l’Aveyron, découvert dans une forêt, se lève et se couche
également en fonction du soleil, cherche aussi à s’évader et regarde derrière le miroir (car il ne s’y
reconnaît pas). Il n’a pas d’instinct sexuel à la puberté, présente une analgésie cutané (insensible au
chaud et au froid), n’aime pas dormir dans un lit et a l’habitude de tout sentir.
Amala et Kamala, les enfants animalisés quant à elles, ont été capturées dans une tanière de
loup en Inde par le Révérend SINGH en 1920. Ces enfants-loups imitent le halètement et laissent
pendre leur langue : comportement peu humain mais étrangement proche de celui d’un loup (qui les a
recueilli et donc « éduquées » !). Elles sont photophobes et nyctalopes, hurlent à la mort et gémissent.
Elles cherchent à s’évader et dorment peu (4 heures). Elles marchent sur les coudes et les rotules et
courent très vite sur les mains et les pieds. Autant de comportement « hérités » du loup, autant de faits
contre la notion de « nature humaine » au sens inné.
Ainsi, on sous-estime toujours combien la culture nous fonde et combien le choc
culturel peut paralyser : si on sort de son système de balise, vivre devient difficile.
Exemple du TCHAD et la période d’initiation : arbres sacrés et homme-lion.
Que le fait culturel soit universel et acquis a une conséquence simple : nous aurions
tous pu être cet Albanais, ce Congolais, ce Rom que nous croisons au quotidien dans nos
actions de santé, et qui nous semble si différent Ce constat va bien sûr à l’encontre des
théories racialistes.
Où apparaît ce qui est culturel ?
La culture est donc toujours là, partout, sous nos yeux…
Manger à telle heure plutôt qu’à une autre : les Espagnols mangent très tard, les Roms
mangent vers 16 heures mais ne déjeunent pas, le goûter est très français, etc…
Se vêtir, construire et décorer (architecture), s’entourer d’objets électroniques et parler
au téléphone dans la rue en marchant, etc.
La culture apparaît aussi dans des constructions matérielles (l’Hôtel de ville) qui
peuvent être issues de pratiques culturelles (user de béton plutôt que de bois), susciter des
sentiments et des discours (formes immatérielles de l’expression de la culture).
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La culture, diverse et variée
Il est donc une infinie variété des cultures, et à tous les niveaux (échelles sociétales,
territoriales ou individuelles, etc.). Finalement, chacun n’a-t-il pas sa propre culture ? En tous
cas, il est difficile de délimiter les champs culturels.
Cette diversité amène Claude Lévi-Strauss à proposer une définition de la culture qui
va se démarquer des précédentes, peut-être trop énumératives et descriptives. Il s’agit de
mettre en avant non pas tant la culture, mais ce qui différencie les cultures entre elles. Car dit-
il, ce qui est commun à tous les hommes ne peut qu’obéir à des déterminations naturelles.
C’est donc dans la différence, nécessairement arbitraire, que se trouvent le culturel et l’objet
de lanthropologie.
« Nous appelons culture tout ensemble ethnographique qui, du point de vue de l’enquête,
présente, par rapport à d’autres, des écarts significatifs » ou encore « le terme culture est employé
pour regrouper un ensemble d’écarts significatifs dont les limites coïncident approximativement »
(LEVI-STRAUSS, 1958 : 351).
Lévi-Strauss donne comme exemple que si nous portons notre intérêt sur des écarts
significatifs entre Paris et Marseille, ces deux ensembles urbains pourront être provisoirement
constitués comme deux unités culturelles.
On ne s’aperçoit hélas des différences bien souvent que dans un rapport d’opposition
ou conflictuel d’abord (ne serait-ce que l’inconfort ou la gêne). On peut d’ailleurs à ce propos
se demander si la réaction première (qui est donc souvent une forme de rejet) n’est pas
« culturelle »… ?
Mais tout n’est pas culturel : attention au culturalisme.
Attention à la surinterprétation culturelle. Le culturalisme peut ainsi être considéré
comme un raisonnement ordinaire par lequel la différence est interprétée seulement en termes
de culture.
C’est ainsi que l’on expliquera par exemple des difficultés de mise en œuvre de
programmes d’éducation sanitaire par la compréhension d’attitudes ou de comportements peu
conformes aux normes et aux attentes des intervenants.
Et l’on suppose alors que des singularités, éventuellement exotiques permettront
d’expliquer, par « des croyances » ou des « représentations », ce que l’on ne comprend pas…
Il va falloir dépasser l’absolu de la différence pour penser l’autre comme différent de
soi et pourtant même que soi :
par une familiarité patiemment acquise avec cette étrangeté initiale
par un travail réflexif fréquemment ancré dans une analyse politique.
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Pour Didier Fassin (2000), le culturalisme est une triple violence :
1. « Il ôte la prérogative de l’universel : dans bien des cas, les spécificités présumées
relèvent en fait, pour peu qu’on cherche à les comprendre, parfois tout simplement par le
dialogue, de rationalités dans lesquelles il est facile de se reconnaître soi-même. Nombre
de comportements posés a priori comme étranges deviennent alors tellement familiers
qu’on se prend à penser qu’à la place de l’autre, on agirait sans doute comme lui. »
Plus on voit du « culturel » (c’est-à-dire de la différence), moins on s’intéresse au lien et
moins on ouvre au dialogue.
Exemple du petit enfant brulé à la jambe
2. « Il élude les explications alternatives des pratiques : en particulier, les conditions
matérielles, les statuts juridiques, les contraintes de l’existence sont gommés au profit de
la seule donnée culturelle. Être en permanence en quête de ressources financières, ne pas
avoir de titre de séjour, subir des discriminations au quotidien, sont des éléments qui
peuvent souvent rendre compte de comportements en matière de santé et de soins, bien
mieux que toute essentialisation de la différence. »
Plus on voit du « culturel », moins la différence est explicable autrement et moins on
semble appartenir au même monde.
3. « Il exonère celui qui y a recours de toute analyse de sa propre implication, ou de celle
de son institution, dans la production de la différence.
On conçoit qu’il soit souvent plus aisé d’admettre que des problèmes rencontrés résultent
d’une difficulté d’adaptation à l’autre, mais c’est alors souvent au prix d’un
redoublement de la stigmatisation, quand bien même l’explication culturelle se veut une
excuse généreuse, et d’un évitement de toute mise en cause des institutions médicales ou
sociales qui produisent ce discours. »
Nous pouvons retenir que les cultures ne sont pas nécessairement des entités stables
et bien circonscrites. Certaines cultures sont beaucoup moins identifiables et moins
homogènes que ne le laissent entendre ceux qui utilisent ces catégories.
Et le fait culturel est en grande partie inconscient aux acteurs, parce que totalement
intériorisé, incorporé. Comme le dit le proverbe africain, les poissons ne parlent pas de l’eau
dans laquelle ils baignent
La culture nous apparaît comme une évidence mais elle n’est pas paradoxalement
évidente. Elle est construite par notre regard (qui est lui-même fait de culture…).
Alors, que pouvons-nous dire de la culture de cet autre quand nous le rencontrons ?
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