La mammoscintigraphie à l’aide d’une caméra dédiée I. THOMASSIN-NAGGARA 1 *, J. CHOPIER 1, S. BALOGOVA 2, P. CHAUCHAT 2, V. NATAF 3, J.N. TALBOT 2 (Paris) Résumé Ce texte expose les principes techniques de la mammoscintigraphie pratiquée à l’aide d’une caméra dédiée, rappelle l’indication retenue dans l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des radiopharmaceutiques sestaMIBI (99mTc) et tétrofosmin (99mTc), résume les indications actuellement recommandées par un consensus d’experts et discute des principaux résultats de la technique afin d’en préciser la place parmi les examens d’imagerie dans l’exploration de la pathologie mammaire néoplasique, afin d’obtenir le rapport bénéfice/risque optimal pour les patientes. Mots clés : mammoscintigraphie, sein, cancer Hôpitaux universitaires Paris Est - Site Tenon - Institut universitaire de cancérologie (IUC) Pierre et Marie Curie - Cancer Est - 4 rue de la Chine - 75020 Paris 1 - Service d’imagerie médicale 2 - Service de médecine nucléaire 3 - Unité de radiopharmacie * Correspondance : [email protected] 285 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. Déclaration publique d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun intérêt direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté. INTRODUCTION La mammoscintigraphie est une technique d’imagerie fonctionnelle scintigraphique basée sur la capacité d’un traceur cationique marqué au 99mTc à se concentrer dans les cellules néoplasiques dont l’augmentation du métabolisme énergétique va de pair avec un renforcement du potentiel électronégatif des mitochondries. Ce type de radiopharmaceutique a l’avantage d’être facilement disponible dans les services de médecine nucléaire pour l’étude de la perfusion myocardique ou la détection des adénomes parathyroïdiens. La technique de mammoscintigraphie a l’avantage d’être peu opérateurdépendante et peu onéreuse lorsque le radiopharmaceutique technétié a été reconstitué pour d’autres examens. I. BREF RAPPEL TECHNIQUE Historiquement, les premières études portant sur la mammoscintigraphie étaient réalisées à l’aide de gamma-caméras non dédiées qui étaient limitées par une résolution spatiale trop faible (de l’ordre de 10 mm) du fait en particulier de la taille des détecteurs, prévus pour l’imagerie du corps entier, qui ne pouvaient pas être placés au plus près 286 LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE des lésions mammaires à caractériser. Puis, plus récemment s’est développée la mammoscintigraphie pratiquée avec une caméra dédiée, appelée dans la littérature de langue anglaise « breast-specific gamma imaging » (ou BSGI), qui a permis d’améliorer nettement la résolution spatiale de cette technique, jusqu’à quelques mm (prototype décrit par Maini et al. [1]), par exemple 3,5 mm de résolution intrinsèque avec la machine que nous utilisons à l’hôpital Tenon. L’originalité de cette technique pratiquée avec une camera dédiée par rapport à la mammoscintigraphie conventionnelle est donc l’acquisition d’images à haute résolution à petit champ de vue. Dans les deux techniques, l’examen est pratiqué après injection d’un radiopharmaceutique électropositif, le sestaMIBI (99mTc) ou le tétrofosmin (99mTc), tous deux développés initialement pour la scintigraphie du myocarde. II. CONDITIONS DE RÉALISATION DE L’EXAMEN L’examen doit être réalisé entre J2 et J12 du cycle menstruel chez les patientes en période d’activité génitale. La grossesse est une contreindication à cet examen, du fait de l’irradiation du fœtus dans l’utérus, même si cette dose reste très inférieure aux doses entraînant des risques de malformations. Aussi, un test de grossesse est souhaitable si la patiente a un retard de règles. Dans le post-partum, l’interruption de l’allaitement n’est pas nécessaire, seulement une pause pendant 24 h. Cet examen doit être pratiqué avant la réalisation de biopsies mammaires, car en cas de cytoponction dans les 15 jours précédant l’examen ou de microbiopsies dans les 30 jours avant celui-ci, il est décrit des cas de faux positifs du fait de l’inflammation. En cas de biopsies, il est possible de réaliser l’examen dans les 72 h après celui-ci, période pendant laquelle les artefacts décrits sont moins importants [2]. Une activité de 750 MBq de sestaMIBI (99mTc) est administrée par voie intraveineuse suivie de 10 ml de sérum physiologique. Des activités allant jusqu’à 1 000 MBq sont possibles selon l’AMM du sestaMIBI, voire plus dans les guidelines américaines (et de fait nous augmentons l’activité injectée en cas d’obésité) ; selon l’AMM, elles sont limitées à 750 MBq pour le tétrofosmin. Il est préférable d’injecter le radiopharmaceutique du côté opposé à l’anomalie suspectée ou à caractériser, en particulier pour éviter une extravasion locale du radiopharmaceutique avec cheminement lymphatique vers la région axillaire ; en cas d’anomalies bilatérales, une injection au niveau du pied est recommandée. 287 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. III. ACQUISITION DES IMAGES À Tenon, la machine utilisée est une Dilon 6800 comportant un collimateur parallèle haute résolution, 3 069 cristaux détecteurs pixelisés d’iodure de sodium dopés au thallium de 6 mm d’épaisseur et 48 tubes photomultiplicateurs. La patiente est assise tout au long de l’examen, contrairement au procubitus qui était indiqué lorsqu’une gamma-caméra « corps entier » était utilisée. On réalise les mêmes incidences qu’en mammographie, soit une incidence de face et une incidence oblique (à 45 °). L’acquisition des images débute 5 à 10 minutes après l’injection du radiopharmaceutique et se poursuit pendant 10 minutes pour chaque incidence réalisée. Il ne faut pas attendre trop longtemps après injection en raison du phénomène de wash-out bien connu en IRM mammaire pour les tumeurs malignes qui diminuerait la sensibilité de la technique [3]. Des clichés complémentaires peuvent être réalisés, tout comme en mammographie, en fonction des anomalies à caractériser (cliché de profil franc, cliché centré sur le creux axillaire, technique d’Eklund pour refouler une prothèse mammaire en arrière et bien dégager la glande…). Les clichés centrés sur la région axillaire doivent être réalisés au moins 10 minutes après injection, la patiente gardant le bras levé, et durer 3 min ou au moins 2 minutes si la patiente ne peut pas tenir davantage la position [4]. Si l’on a un doute sur une extravasation au site d’injection entraînant une fixation non spécifique au niveau des ganglions de drainage, l’acquisition d’une image au niveau du site d’injection sur 60 secondes peut aider pour l’interprétation. IV. ANALYSE DES IMAGES Brem et al. ont publié une classification en 5 catégories de degré de suspicion sur une appréciation subjective de la fixation [5]. Une activité du radiopharmaceutique homogène de l’ensemble du sein et du creux axillaire est physiologique et classée BI-RADS 1. Une activité hétérogène de l’ensemble du sein dont la distribution correspond au parenchyme de la glande mammaire sur le cliché mammographique est classée BI-RADS 2. Lorsqu’il existe une hyperactivité d’intensité faible à modérée au niveau d’une zone dont les contours sont réguliers, il s’agit probablement d’un processus bénin et il est classé BI-RADS 3. 288 LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE Lorsqu’il existe une hyperactivité focale de faible intensité, il s’agit d’une lésion indéterminée classée BI-RADS 4. Enfin, lorsqu’il existe une hyperactivité focale d’intensité modérée à intense, l’anomalie est suspecte et classée BI-RADS 5 (Figure 1). Figure 1 - Exemple de mammoscintigraphie sur camera dédiée Patiente de 58 ans, ménopausée, sans facteurs de risque familiaux avec en mammographie une masse à l’union des quadrants inférieurs du sein droit, d’autres lésions du sein droit et plusieurs formations nodulaires du sein gauche. L’IRM est d’interprétation difficile en raison d’un défaut de saturation de la graisse. Elle confirme la présence d’une atteinte multifocale du sein droit centrée sur le quadrant inféroexterne, la présence d’un ganglion intramammaire au niveau du quadrant supéro-externe droit et de multiples masses dans le sein classées ACR4. La patiente bénéficie d’une mammoscintigraphie sur la machine dédiée Dilon qui confirme une lésion hypermétabolique multifocale à droite de fixation intense, une fixation franche par un foyer ganglionnaire intramammaire supérieur droit et une fixation bien moins intense par les lésions du sein gauche, pas en faveur d’une bilatéralité du cancer. Ces résultats sont confirmés par des prélèvements biopsiques dont l’histologie montre un adénocarcinome infiltrant de grade III à l’union des quadrants inférieurs du lobe droit et des adénofibromes dans les deux fragments biopsiques à gauche. G D V. INDICATIONS L’EMA (European Medicine Agency) a délivré il y a plus de 10 ans une AMM à diverses préparations de sestaMIBI et de tétrofosmin avec l’indication suivante : « diagnostic du cancer du sein en complément des 289 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. explorations conventionnelles lorsque celles-ci ne permettent pas de conclure ». La SNM (Society of Nuclear Medicine aux États-Unis) a publié en 2010 des guidelines incluant les principales indications de la mammoscintigraphie avec machine dédiée en pratique clinique [2]. Elles sont basées sur l’analyse d’une vingtaine d’études effectuées majoritairement avec une gamma-caméra conventionnelle, et aussi sur un consensus d’experts. Les indications proposées par la SNM sont les suivantes : 1- chez les patientes avec diagnostic récent de cancer du sein pour : a. évaluer l’extension locale initiale, b. détecter une néoplasie multifocale ou bilatérale, c. évaluer la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante ; 2- chez les patientes à haut risque de cancer du sein : a. en cas de suspicion de récidive, b. en cas de mammographie d’interprétation difficile ou d’antécédents de cancer non décelé sur la mammographie ; 3- chez les patientes avec des anomalies non caractérisées ou un doute diagnostique : a. écoulement mammaire avec une mammographie ou une échographie anormale (que la galactographie soit ou non pratiquée), b. écoulement mammaire sanglant avec mammographie ou galactographie normale, c. écoulement mammaire et galactographie non conclusive, d. anomalie ACR 3 chez des patientes que l’on ne pourra pas surveiller correctement, e. caractériser des lésions décelées sur d’autres techniques d’imagerie, f. caractériser des lésions palpables sans traduction mammographique et échographique, g. caractérisation de lésions multiples dans un sein, h. guider une biopsie, i. microcalcifications diffuses ou regroupées, j. adénopathie axillaire prouvée comme maligne sans cancer primitif retrouvé, k. évaluation d’une distorsion architecturale inexpliquée, l. évaluation d’une anomalie mammographique visible sur une seule incidence, m. améliorer la spécificité en cas de prise de contraste en IRM mammaire ; 4- chez les patientes ayant une mammographie d’interprétation difficile : 290 LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE a. en cas de seins de densité type IV, b. patientes porteuses de prothèses au silicone ou d’injection de silicone ou de paraffine dans le sein ; 5- chez les patientes ayant une indication d’IRM mammaire qui n’est pas réalisable en raison des éléments suivants : a. patientes porteuses d’un stimulateur cardiaque ou d’une pompe implantable, b. implants ferromagnétiques, c. risque de fibrose néphrogénique systémique en rapport avec l’injection de gadolinium, d. volume corporel incompatible avec l’anneau d’IRM, notamment une fois que l’antenne sein est placée, e. seins trop volumineux pour être placés dans l’antenne d’IRM, f. claustrophobie, g. autres causes de non-acceptation de l’IRM, h. alternative à l’IRM chez des patientes devant bénéficier d’un dépistage par IRM : gène de susceptibilité au cancer du sein, mère, sœur ou fille atteinte de cancer du sein, risque de cancer du sein estimé entre 20 % et 25 %, radiothérapie thoracique à un âge compris entre 10 et 30 ans ; 6- chez les patientes traitées par chimiothérapie néo-adjuvante afin d’évaluer la réponse au traitement et de planifier l’intervention chirurgicale. Ces indications sont très larges et peuvent être discutables. Elles recouvrent principalement les indications de l’IRM mammaire (et se discuteront surtout en cas de contre-indications), ainsi que plusieurs indications de la TEP au FDG, comme l’évaluation de la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante ou la recherche de récidive locorégionale. VI. RÉSULTATS De nombreuses études de la littérature ont comparé la valeur diagnostique de la mammoscintigraphie à celle de l’imagerie conventionnelle d’une part et à l’IRM mammaire ensuite. 291 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. VI.1. Détection de lésions potentiellement néoplasiques À la lecture des différentes études multicentriques réalisées sur plus de 5 000 patientes au total, la sensibilité de la mammoscintigraphie varie de 62 à 96 % avec une moyenne de 84 % et la spécificité de 69 à 100 % avec une moyenne de 86 %, en fonction des populations étudiées. Le point fort est la forte valeur prédictive négative. Ces valeurs sont dépendantes de plusieurs facteurs avec en tête la taille de la lésion à détecter ou à caractériser. La sensibilité est autour de 95 % pour les lésions supracentimétriques. La sensibilité décroît avec la taille tumorale, aucun cancer de moins de 5 mm n’a été décelé en mammoscintigraphie avec une gamma-caméra, ce qui exclut le dépistage. La sensibilité est meilleure lorsqu’une lésion est palpable ; elle diminue en moyenne à 72 % en l’absence de lésion palpable. Mais contrairement aux techniques radiologiques (mammographie, échographie, IRM), des faux négatifs sont également observés en cas de tumeurs malignes de taille > 30 mm [6]. Cette sensibilité varie également en fonction de l’activité métabolique du cancer reflétée par son statut ganglionnaire, le score de Scarff et Bloom, la présence des récepteurs hormonaux, et l’expression des protéines responsables de la résistance multidrogue, PGP en particulier, pouvant être une hypothèse en cause dans les résultats faux négatifs des tumeurs volumineuses. L’avantage de la mammoscintigraphie par rapport à la mammographie est que sa performance diagnostique n’est pas altérée par la densité mammaire, d’où son indication en cas de sein dense, d’antécédent de chirurgie mammaire ou en présence d’une prothèse mammaire. En ce qui concerne la spécificité, l’hyperfixation des cas de faux positifs est expliquée par une intense densité et activité mitochondriale, plus fréquemment retrouvée dans les tumeurs malignes mais également observée dans certaines pathologies bénignes, en particulier la maladie fibrokystique proliférative où les foyers de fixation sont généralement diffus, de contours flous et d’intensité modérée, la mastite aiguë, le papillome ou le fibroadénome juvénile. La fixation du radiopharmaceutique en mammoscintigraphie varie également en fonction de la perfusion tissulaire rejoignant par ce facteur les caractéristiques de l’IRM mammaire avec ses avantages et ses limites. Dans une des premières études sur la mammoscintigraphie utilisant une caméra dédiée [7] qui portait sur le dépistage des patientes à haut risque de cancer du sein et de l’ovaire (n = 94) avec bilan conventionnel normal (examen clinique, mammographie et échographie), la mammoscintigraphie permettait de détecter 2 cancers occultes dont les tailles mesuraient 6 et 8 mm (2 %). Il existait 14 faux positifs (15 %) liés 292 LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE à des remaniements physiologiques avec un suivi négatif à 6 mois (n = 5), de la mastopathie fibrokystique (n = 7), un fibroadénome (n = 1), une cytostéatonécrose (n = 1) biopsiés guidés par échographie. Ainsi, la mammoscintigraphie présentait dans cette étude prospective une sensibilité de 100 %, une spécificité de 85 %, une valeur prédictive positive de 12,5 %, une valeur prédictive négative de 100 % et une exactitude diagnostique de 85 %. Cependant, ces très bonnes valeurs de spécificité n’ont pas été confirmées par la suite par la même équipe en 2008 [5] où étaient rapportées des valeurs de spécificité autour de 60 %, principalement en raison d’une sélection de population différente. Dans cette étude, il s’agissait de patientes présentant une anomalie palpable sans explication sur le bilan conventionnel. Cette étude révélait par contre une amélioration de la sensibilité avec une sensibilité de 93,8 % pour les CCIS et de 97 % pour les lésions invasives avec ainsi des valeurs supérieures à l’IRM mammaire, notamment pour les lésions in situ. VI.2. Stadification d’un cancer du sein La mammoscintigraphie avec caméra dédiée a également été évaluée pour le bilan d’extension locorégional du cancer du sein [8] dans une étude rétrospective ayant porté sur 138 patients (69 CCI, 20 CLI, 32 DCIS et 17 cancers invasifs mixtes canalaires et lobulaires). La technique découvrait 10,9 % de cancers occultes au bilan conventionnel avec seulement 7,2 % de bilan complémentaire inadéquat (lésions bénignes). Ce dernier pourcentage est bien moins important que celui décrit en IRM mammaire pour la même indication, et fait de la mammoscintigraphie un concurrent sérieux à l’IRM mammaire dans l’évaluation préopératoire de l’extension du tissu néoplasique dans les seins. Sur 82 patientes adressées dans ce contexte, la BSGI a entraîné un changement de procédure chirurgicale dans 22 % des cas et décelé un autre cancer dans 9 % des cas [9]. Cette technique pourrait améliorer l’appréciation de l’extension ganglionnaire en préopératoire, qui reste mal évaluée en IRM mammaire tout comme en imagerie conventionnelle [4] et en TEP du corps entier au FDG qui n’est indiquée qu’en cas de cancer localement avancé. Les résultats en mammoscintigraphie conventionnelle ont été décevants (sensibilité de 29 % selon Massardo et al. [10]), mais l’amélioration de résolution obtenue avec la machine dédiée mérite de réévaluer les performances. Sur une série rétrospective de 26 patientes, l’analyse de la cinétique de la fixation du radiopharmaceutique dans le ganglion serait 293 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. significativement plus importante dans les ganglions envahis par rapport aux ganglions bénins [11]. Si l’on peut écarter l’hypothèse d’une migration du radiopharmaceutique par voie lymphatique, la valeur prédictive positive de sa fixation par les ganglions pour prédire la malignité est forte, mais c’est la valeur prédictive négative qui pose problème et conduit à conseiller la pratique de la détection du ganglion sentinelle. Des études prospectives complémentaires sont souhaitables pour préciser la VPN, avec pour étalon de vérité l’histologie du ganglion sentinelle, méthode de référence pour détecter les métastases de petite taille, et/ou du curage ganglionnaire. VI.3. Mammoscintigraphie et chimiothérapie Le sestaMIBI et le tétrofosmin sont des substrats pour les protéines responsables de la chimiorésistance, en particulier la PGP. Une faible fixation par une lésion néoplasique connue laisse donc prévoir l’inefficacité de la chimiothérapie par un agent cytotoxique. Les quelques études proposant l’utilisation de la mammoscintigraphie pour évaluer la réponse tumorale durant la chimiothérapie sont anciennes. La plus récente date de 2009 [12] et cette indication est assurée par la TEP au FDG qui est bien mieux quantifiable. VI.4. Mammoscintigraphie et IRM Ainsi, les avantages de la mammoscintigraphie par rapport à l’IRM mammaire sont, pour des performances équivalentes : le meilleur confort de la patiente, le nombre d’images beaucoup moins important à interpréter et le coût (3 fois moins cher). Le principal inconvénient est l’irradiation occasionnée. Si l’IRM mammaire n’occasionne aucune irradiation du sein, la mammoscintigraphie engendre une faible irradiation sur le sein (de 2 à 3 mGy selon l’activité injectée, environ 1,5 mGy avec le tétrofosmin). Par contre, la dose efficace est supérieure à celle de la mammographie numérique chez une patiente âgée de 40 ans [13]. Ceci est dû au fait qu’en mammographie seul le tissu fibroglandulaire mammaire est exposé au rayonnement alors qu’une mammoscintigraphie engendre une irradiation de l’ensemble des organes. Les tissus qui reçoivent la plus forte dose sont la vésicule biliaire, le côlon, les reins et la vessie. Le risque lié à cette faible irradiation est à considérer dans le cadre du dépistage chez des patientes asymptomatiques, mais ce n’est pas une 294 LA MAMMOSCINTIGRAPHIE À L’AIDE D’UNE CAMÉRA DÉDIÉE indication de la mammoscintigraphie, il doit être cependant relativisé dans le cas de patientes à risque ou atteintes d’un cancer chez qui l’utilisation de ces techniques peut modifier la thérapeutique et être bénéfique pour améliorer le traitement. Aussi, l’information des patientes est importante, confirmant que l’équilibre bénéfice/risque a été évalué et considéré comme favorable dans leurs cas avant de demander cet examen. VII. SYNTHÈSE ET CONCLUSION La mammoscintigraphie pratiquée avec une machine dédiée est actuellement une technique à envisager comme une alternative ou un complément à l’IRM mammaire ; elle est tout particulièrement intéressante chez des femmes jeunes porteuses de seins denses afin de détecter des lésions de petite taille. Cette technique est particulièrement intéressante chez ces patientes car il existe le plus souvent chez les femmes jeunes un rehaussement matriciel de fond important gênant l’interprétation de l’IRM mammaire. Considérant le rapport bénéfice/risque, elle est indiquée en priorité chez les patientes porteuses de cancers du sein avec suspicion de multifocalité. Aussi voit-on aujourd’hui se développer des améliorations techniques : — une amélioration du rendement du détecteur de la gammacaméra dédiée et de sa résolution en énergie, en remplaçant les cristaux d’iodure de sodium par un détecteur CZT, ce qui permet de raccourcir la durée de l’examen tout en injectant une activité plus faible de radiopharmaceutique qui occasionne une irradiation plus faible et une meilleure acceptabilité de l’examen avec moins de risque de mouvements ; — l’introduction de la mammoTEP, en anglais PEM (positron emission mammography) offrant une résolution encore améliorée et une quantification reproductible, avec des résultats extrêmement prometteurs en utilisant le FDG et une ouverture sur de nombreux autres radiopharmaceutiques. L’avenir comprendra sûrement les techniques de médecine nucléaire dans le bilan des cancers du sein, en raison de leur excellente sensibilité et de leur bonne spécificité. 295 THOMASSIN-NAGARRA & COLL. 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