Le Syndrome chinois 2.0 - Ethenea Independent Investors SA

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N° 09 · septembre 2015
COMMENTAIRE DE MARCHÉ
Le Syndrome
chinois 2.0 >>
Dans un film de 1979, un accident nucléaire menaçait de percer la planète
jusqu’en Chine. Cette fois-ci une menace beaucoup plus réaliste pourrait
provenir de la Chine elle-même. Est-ce que les événements actuels pourraient
bousculer la fiction ?
Certains d’entre nous se souviennent peut être du film Le
Syndrome chinois sorti en 1979 dans lequel figuraient les
acteurs Jane Fonda et Michael Douglas. L’intrigue repose sur
un accident nucléaire (fictif) survenant dans une centrale
américaine. Le titre du film se base sur l’hypothèse selon
laquelle, en cas de fusion du cœur d’un réacteur nucléaire, une
partie de celui-ci traverserait la terre pour aboutir en Chine.
Ce film acquit alors une popularité d’autant plus grande que
sa sortie eut lieu seulement douze jours avant l’accident bien
réel de la centrale de Three Mile Island.
Aujourd’hui, il semble que nous soyons confrontés au Syndrome chinois 2.0. Le scénario est cependant très différent
cette fois car la menace s’est inversée : elle provient de la Chine
et met en péril la reprise économique du monde entier. Par
curiosité, l’auteur a comparé le PIB chinois de 1979 à celui
d’aujourd’hui. Il est très étonnant de constater que sur une
période de presque 40 ans, celui-ci a été multiplié par plus de
35. Pour mettre les choses en perspective, notons que ce même
facteur nous donne respectivement 6 et 4 pour les Etats-Unis
et l’Allemagne (en dollars et à prix constants).
A l’évidence, la transition de la Chine d’une économie
émergente vers une économie dite développée, une évolution
toujours en cours, peut être considérée comme une réussite
non seulement pour le pays lui-même mais aussi pour le
monde entier dans la mesure où la croissance économique
mondiale découle directement ou indirectement de la Chine.
Tout le monde est donc au fait de l’évolution du pays, ce
d’autant qu’au cours des prochaines années sa croissance
estimée va reculer de 6,3 % environ (ce qui représente en
valeur absolue un montant proche du PIB total de l’Australie) à 4 %. Si d’aucuns argueront peut être qu’une perte de
croissance de 2 % n’est pas très grave, le poids économique
du dragon chinois est tel que cette baisse équivaut à près
de la moitié du PIB des Pays-Bas. La taille a finalement de
l’importance.
Quoi qu’il en soit, l’éventualité d’une diminution du taux
de croissance a donné aux autorités chinoises l’idée que de
nombreux dirigeants du monde ont en pareille circonstance :
dévaluer la monnaie afin de stimuler la croissance intérieure.
C’est d’ailleurs ce que les chinois ont fait. Le renminbi a
effectivement été dévalué d’un peu plus de 2 % vers la miaoût (Graphique 1). En soi, cette décision ne présente pas un
problème majeur, mais elle a tout de même surpris le marché.
Sommaire >>
>> Le Syndrome chinois 2.0
>> Perspectives macroéconomiques
>> Positionnement des Ethna Funds
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N° 09 · septembre 2015
Malgré l’intervention massive des autorités chinoises, la
capitalisation boursière a été réduite de moitié entre le mois
de juin et la date de cet article.
ce type de transactions pour différentes paires de devises
entre le 1er juin et le 1er septembre. De toute évidence, les
pertes sont impressionnantes, ou plutôt elles l’auraient été si
les transactions n’avaient pas été clôturées. L’hypothèse selon
laquelle la majeure partie de ces positions ont été clôturées
à ce jour paraît justifiée. L’inversion des opérations pourrait
expliquer les excès observés au niveau des devises. Le marché
de certaines devises plus modestes comme le TRY ou le ZAR
(rand sud-africain) étant significativement moins liquide que
celui de l’euro, ces monnaies ont donc davantage fluctué.
1 June 2015 = 100
La dévaluation de la monnaie s’inscrit tout simplement dans
la logique du gouvernement chinois qui estime pouvoir
contrôler le marché. Jusqu’à présent, cette logique semble
démentie par les faits : la chute des valeurs chinoises se
poursuit et les dommages collatéraux résultant de la décision
de dévaluation sont considérables. Si le taux de change
USDCNY n’a varié que de 2,6 %, d’autres devises ont été plus
sérieusement affectées. Le ringgit malais et la livre turque ont
perdu respectivement jusqu’à 22 % et jusqu’à 18 % face à l’euro,
tandis que l’euro a lui-même progressé de 5 % vis-à-vis du
dollar américain. Nous pouvons principalement remercier
la communauté des hedge funds pour ces fluctuations. Une
opération très prisée a consisté à emprunter de l’argent en
euro (devise de financement) à un taux très bas et à investir
ces fonds dans des devises offrant un rendement plus élevé,
telles que le ringgit malais (MYR), la livre turque (TRY), etc.
Le graphique 2 indique les performances en pourcentage de
124
122
120
118
116
114
112
110
108
106
104
102
100
98
96
94
01Jun 11Jun 21Jun 01Jul
11Jul
21Jul
La dévaluation pose d’ores et déjà un problème significatif à
certains de ces pays. Qui plus est, nous y observons également
une hausse des coûts de financement dans leurs monnaies
locales. La lecture du graphique 3 nous montre que l’indice
Emerging Market Local Currency Bond s’est replié de 6 %
depuis le 1er juin. La combinaison de ces deux effets pourrait
potentiellement conduire à une crise de la dette émergente,
d’autant plus que l’endettement du secteur privé dans certains
de ces pays est significatif. Les acteurs des marchés estiment
que le niveau d’endettement du secteur privé s’établit aux alentours de 130 % du PIB, soit environ 50 % de plus qu’en 2007.
Si le fléchissement des devises et des marchés d’obligations
libellées en devise locale perdure, il se peut que la prochaine
crise se prépare.
Le graphique 3 indique également que le secteur des obligations à haut rendement libellées en USD enregistre la deuxième moins bonne performance de l’été. Si la part importante
des compagnies pétrolières au sein du haut rendement américain (environ 20 %) en est une cause principale, l’explication
ne saurait se réduire à la faiblesse du marché de l’or noir qui a
atteint au cours de l’été de nouveaux plus bas depuis plusieurs
années. Le goût pour le risque des investisseurs s’est réduit,
probablement en raison de la crainte ou plutôt de la prise en
compte d’une possible inversion de la période de neuf ans
de politique monétaire expansionniste menée par la Fed aux
États-Unis. Étant donné que tout le monde navigue dans
des eaux inconnues, le risque d’erreurs politiques existe bel
31Jul 10Aug 20Aug 30Aug
USDCNY
EURIDR
EURMYR
EURZAR
EURTRY
USDEUR
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 1 : Mouvements de change indexés
102
0
101
-2
100
-6
1Jun15 = 100
Carry Return in %
-4
-8
-10
-12
99
98
97
96
95
-14
94
-16
93
-18
92
-20
Carry Returns for Long CCY vs Short EUR from 01Jun15 to 01Sep15
Source: Bloomberg, ETHENEA
IBOXX EUR Global TR
IBOXX USD Liquid HY
IBOXX USD Liquid EM Sov
IBOXX Global EM Local CCY
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 2 : Rendements liés au portage (en pourcentage)
Graphique 3 : Evolution des indices obligataires (indexés)
2
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et bien. Un ralentissement économique en Chine, une crise
potentielle dans les marchés émergents et un resserrement de
la politique conduite par la Banque centrale la plus influente
au monde pourraient être un peu trop difficile à digérer pour
la majeure partie des investisseurs. Le graphique 4 montre
que le marché du haut rendement a indiqué la tendance pour
le marché boursier à de multiples reprises. Aussi, nous nous
montrons prudents à l’égard des marchés à risque tels que
les actions mondiales et les obligations à haut rendement
sur lesquelles nous avons allégé nos positions au cours des
dernières semaines.
Le graphique 5 nous permet d’étudier l’évolution réelle des
cours d’une sélection d’obligations dans lesquelles nous avons
investi. Afin de faciliter la comparaison, nous avons indexé
les cours. Il apparaît que jusqu’à la mi-juin, les obligations
ont évolué de concert et ont affiché des écarts de rendement
stables. Le fait d’investir dans des bons du Trésor ou de tirer
250
2100
245
2000
240
1900
235
1800
230
1700
225
1600
220
1500
215
1400
210
S&P 500, lhs
Hormis les causes évidentes, une raison bien moins connue de
cette sous-performance réside dans le manque de liquidité, ou
plus spécifiquement le manque de profondeur du marché des
obligations d’entreprises. Le graphique 6 présente l’encours
des obligations d’entreprises et le compare aux positions nettes
des négociateurs sur le marché primaire communiquées par la
Federal Reserve Bank of New York. Jusqu’au début de la crise
financière mondiale en 2007, tout était en ordre car les positions nettes augmentaient parallèlement au volume du marché.
Depuis lors, la situation a changé et continue d’évoluer et pas
au mieux. La chanson pour enfants du conte Disney Peter Pan
nous vient à l’esprit : Never smile at a crocodile1. Nous avons
déjà écrit sur ce dilemme en 2013 lorsque nous avons comparé
les marchés du crédit à l’Hotel California des Eagles. Comme
le dit la chanson : « you can check-out any time you like, but
you can never leave »2.
La situation est grave, bien plus encore que beaucoup peuvent
l’entrevoir, car l’existence des fonds indiciels accentue le
manque de profondeur du marché. Si les comptes gérés
fondent toute décision de vente sur l’analyse et la raison, les
fonds indiciels (ETF) suivent automatiquement les tendances,
par définition, et les amplifient de surcroît, ce qui peut être
à l’origine d’une contre-réaction négative. L’auteur est assez
convaincu que ceci se fait souvent au détriment de l’investisseur final, qui cherche à minimiser les frais de gestion mais le
paie en contrepartie par de moindres performances à moyen
terme.
IBOXX $ HY, rhs
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 4 : Evolution de la bourse et des obligations à haut rendement
22000
104
102
250
20000
200
18000
98
in USD bn
2.3.2015 = 100
100
96
94
02Apr
02May
T 2 02/15/25 Govt
ORCL 3.4 07/08/2024 Corp
MU 5 ¼ 08/01/23 Corp
02Jun
02Jul
10000
02Aug
AMZN 3.8 12/05/2024 Corp
WFC 3.3 09/09/2024 Corp
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
US Corps outstanding
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 6 : Volumes du marché obligataire
Traduction libre : Il ne faut pas sourire au crocodile.
Traduction libre : Vous pouvez quitter l’hôtel à tout moment, mais il es impossible de partir.
3
0
Primary dealer net positions, rhs
Source: NYC Fed, BIS, ETHENEA
Graphique 5 : Evolution des cours obligataires (indexés)
2
50
12000
90
1
100
14000
92
88
02Mar
150
16000
in USD bn
2200
parti du portage supplémentaire conféré par les titres à haut
rendement tels que Micron Technology, Inc revêtait peu
d’importance. Le changement est intervenu en juin lorsque
l’inflexion de l’attitude vis-à-vis du risque est devenue manifeste. Si les bons du Trésor américain se sont pleinement
redressés, les spreads sont restés amples sur le marché du
crédit, et bien plus encore sur le haut rendement.
ETHENEA | Commentaire de Marché
N° 09 · septembre 2015
Nonobstant, tous les acteurs du marché doivent s’employer à remédier à la difficulté d’exécution des transactions et des solutions
doivent être trouvées. Diverses tentatives ont eu lieu pour créer
des fund-to-fund plateformes court-circuitant ainsi la communauté des banques et intermédiaires. À notre connaissance, aucune
de ces initiatives n’a encore été couronnée de succès.
Auteurs >>
Pour l’instant, la prudence semble être la seule recette pour faire
face à ce dilemme – prudence et anticipation des mouvements
du marché. Pour cela, mieux vaut pouvoir s’appuyer sur un
esprit critique et une expérience éprouvée au fil du temps.
Portfolio Manager, CIO
Head of Research
ETHENEA Independent ETHENEA Independent
Investors S.A.
Investors (Schweiz) AG
Guido Barthels
4
Yves Longchamp, CFA
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