Le Syndrome chinois 2.0 - Ethenea Independent Investors SA

Certains dentre nous se souviennent peut être du lm Le
Syndrome chinois sorti en 1979 dans lequel guraient les
acteurs Jane Fonda et Michael Douglas. Lintrigue repose sur
un accident nucléaire (ctif) survenant dans une centrale
américaine. Le titre du lm se base sur l’hypothèse selon
laquelle, en cas de fusion du cœur d’un réacteur nucléaire, une
partie de celui-ci traverserait la terre pour aboutir en Chine.
Ce lm acquit alors une popularité d’autant plus grande que
sa sortie eut lieu seulement douze jours avant l’accident bien
réel de la centrale de ree Mile Island.
Aujourd’hui, il semble que nous soyons confrontés au Syn-
drome chinois 2.0. Le scénario est cependant très diérent
cette fois car la menace sest inversée : elle provient de la Chine
et met en péril la reprise économique du monde entier. Par
curiosité, lauteur a comparé le PIB chinois de 1979 à celui
daujourd’hui. Il est très étonnant de constater que sur une
période de presque 40 ans, celui-ci a été multiplié par plus de
35. Pour mettre les choses en perspective, notons que ce même
facteur nous donne respectivement 6 et 4 pour les Etats-Unis
et lAllemagne (en dollars et à prix constants).
A lévidence, la transition de la Chine d’une économie
émergente vers une économie dite développée, une évolution
toujours en cours, peut être considérée comme une réussite
non seulement pour le pays lui-même mais aussi pour le
monde entier dans la mesure où la croissance économique
mondiale découle directement ou indirectement de la Chine.
Tout le monde est donc au fait de l’évolution du pays, ce
dautant qu’au cours des prochaines années sa croissance
estimée va reculer de 6,3 % environ (ce qui représente en
valeur absolue un montant proche du PIB total de l’Austra-
lie) à 4 %. Si d’aucuns argueront peut être quune perte de
croissance de 2 % nest pas très grave, le poids économique
du dragon chinois est tel que cette baisse équivaut à près
de la moitié du PIB des Pays-Bas. La taille a nalement de
l’importance.
Quoi qu’il en soit, léventualité d’une diminution du taux
de croissance a donné aux autorités chinoises l’idée que de
nombreux dirigeants du monde ont en pareille circonstance :
dévaluer la monnaie an de stimuler la croissance intérieure.
C’est dailleurs ce que les chinois ont fait. Le renminbi a
eectivement été dévalué d’un peu plus de 2 % vers la mi-
août (Graphique 1). En soi, cette décision ne présente pas un
problème majeur, mais elle a tout de même surpris le marché.
Dans un lm de 1979, un accident nucléaire menaçait de percer la planète
jusqu’en Chine. Cette fois-ci une menace beaucoup plus réaliste pourrait
provenir de la Chine elle-même. Est-ce que les événements actuels pourraient
bousculer la ction ?
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COMMENTAIRE DE MARCHÉ
N° 09 · septembre 2015
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ETHENEA | Commentaire de Marché N° 09 · septembre 2015
ce type de transactions pour diérentes paires de devises
entre le 1er juin et le 1er septembre. De toute évidence, les
pertes sont impressionnantes, ou plutôt elles lauraient été si
les transactions navaient pas été clôturées. Lhypothèse selon
laquelle la majeure partie de ces positions ont été clôturées
à ce jour paraît justiée. L’inversion des opérations pourrait
expliquer les excès observés au niveau des devises. Le marché
de certaines devises plus modestes comme le TRY ou le ZAR
(rand sud-africain) étant signicativement moins liquide que
celui de leuro, ces monnaies ont donc davantage uctué.
La dévaluation pose d’ores et déjà un problème signicatif à
certains de ces pays. Qui plus est, nous y observons également
une hausse des coûts de nancement dans leurs monnaies
locales. La lecture du graphique 3 nous montre que l’indice
Emerging Market Local Currency Bond sest replié de 6 %
depuis le 1er juin. La combinaison de ces deux eets pourrait
potentiellement conduire à une crise de la dette émergente,
dautant plus que l’endettement du secteur privé dans certains
de ces pays est signicatif. Les acteurs des marchés estiment
que le niveau d’endettement du secteur privé sétablit aux alen-
tours de 130 % du PIB, soit environ 50 % de plus qu’en 2007.
Si le échissement des devises et des marchés d’obligations
libellées en devise locale perdure, il se peut que la prochaine
crise se prépare.
Le graphique 3 indique également que le secteur des obliga-
tions à haut rendement libellées en USD enregistre la deu-
xième moins bonne performance de l’été. Si la part importante
des compagnies pétrolières au sein du haut rendement améri-
cain (environ 20 %) en est une cause principale, l’explication
ne saurait se réduire à la faiblesse du marché de l’or noir qui a
atteint au cours de l’été de nouveaux plus bas depuis plusieurs
années. Le goût pour le risque des investisseurs sest réduit,
probablement en raison de la crainte ou plutôt de la prise en
compte d’une possible inversion de la période de neuf ans
de politique monétaire expansionniste menée par la Fed aux
États-Unis. Étant donné que tout le monde navigue dans
des eaux inconnues, le risque derreurs politiques existe bel
Graphique 2 : Rendements liés au portage (en pourcentage)
-20
-18
-16
-14
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
Carry Return in %
Carry Returns for Long CCY vs Short EUR from 01Jun15 to 01Sep15
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 3 : Evolution des indices obligataires (indexés)
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
1Jun15 = 100
IBOXX EUR Global TR IBOXX USD Liquid HY
IBOXX USD Liquid EM Sov IBOXX Global EM Local CCY
Source: Bloomberg, ETHENEA
Malgré l’intervention massive des autorités chinoises, la
capitalisation boursière a été réduite de moitié entre le mois
de juin et la date de cet article.
La dévaluation de la monnaie s’inscrit tout simplement dans
la logique du gouvernement chinois qui estime pouvoir
contrôler le marché. Jusqu’à présent, cette logique semble
démentie par les faits : la chute des valeurs chinoises se
poursuit et les dommages collatéraux résultant de la décision
de dévaluation sont considérables. Si le taux de change
USDCNY n’a varié que de 2,6 %, dautres devises ont été plus
sérieusement aectées. Le ringgit malais et la livre turque ont
perdu respectivement jusquà 22 % et jusqu’à 18 % face à l’euro,
tandis que leuro a lui-même progressé de 5 % vis-à-vis du
dollar américain. Nous pouvons principalement remercier
la communauté des hedge funds pour ces uctuations. Une
opération très prisée a consisté à emprunter de l’argent en
euro (devise de nancement) à un taux très bas et à investir
ces fonds dans des devises orant un rendement plus élevé,
telles que le ringgit malais (MYR), la livre turque (TRY), etc.
Le graphique 2 indique les performances en pourcentage de
Graphique 1 : Mouvements de change indexés
94
96
98
100
102
104
106
108
110
112
114
116
118
120
122
124
01Jun 11Jun 21Jun 01Jul 11Jul 21Jul 31Jul 10Aug 20Aug 30Aug
1 June 2015 = 100
EURIDR EURMYR
EURTRY USDEUR
USDCNY
EURZAR
Source: Bloomberg, ETHENEA
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et bien. Un ralentissement économique en Chine, une crise
potentielle dans les marchés émergents et un resserrement de
la politique conduite par la Banque centrale la plus inuente
au monde pourraient être un peu trop dicile à digérer pour
la majeure partie des investisseurs. Le graphique 4 montre
que le marché du haut rendement a indiqué la tendance pour
le marché boursier à de multiples reprises. Aussi, nous nous
montrons prudents à l’égard des marchés à risque tels que
les actions mondiales et les obligations à haut rendement
sur lesquelles nous avons allégé nos positions au cours des
dernières semaines.
Le graphique 5 nous permet d’étudier lévolution réelle des
cours dune sélection dobligations dans lesquelles nous avons
investi. An de faciliter la comparaison, nous avons indexé
les cours. Il apparaît que jusquà la mi-juin, les obligations
ont évolué de concert et ont aché des écarts de rendement
stables. Le fait d’investir dans des bons du Trésor ou de tirer
parti du portage supplémentaire conféré par les titres à haut
rendement tels que Micron Technology, Inc revêtait peu
d’importance. Le changement est intervenu en juin lorsque
l’inexion de lattitude vis-à-vis du risque est devenue ma-
nifeste. Si les bons du Trésor américain se sont pleinement
redressés, les spreads sont restés amples sur le marché du
crédit, et bien plus encore sur le haut rendement.
Hormis les causes évidentes, une raison bien moins connue de
cette sous-performance réside dans le manque de liquidité, ou
plus sciquement le manque de profondeur du marché des
obligations dentreprises. Le graphique 6 présente l’encours
des obligations dentreprises et le compare aux positions nettes
des négociateurs sur le marché primaire communiquées par la
Federal Reserve Bank of New York. Jusquau début de la crise
nancière mondiale en 2007, tout était en ordre car les posi
-
tions nettes augmentaient parallèlement au volume du marché.
Depuis lors, la situation a changé et continue dévoluer et pas
au mieux. La chanson pour enfants du conte Disney Peter Pan
nous vient à l’esprit : Never smile at a crocodile1. Nous avons
déjà écrit sur ce dilemme en 2013 lorsque nous avons comparé
les marchés du crédit à lHotel California des Eagles. Comme
le dit la chanson : « you can check-out any time you like, but
you can never leave »2.
La situation est grave, bien plus encore que beaucoup peuvent
lentrevoir, car lexistence des fonds indiciels accentue le
manque de profondeur du marché. Si les comptes gérés
fondent toute décision de vente sur l’analyse et la raison, les
fonds indiciels (ETF) suivent automatiquement les tendances,
par dénition, et les amplient de surcroît, ce qui peut être
à lorigine d’une contre-réaction négative. Lauteur est assez
convaincu que ceci se fait souvent au détriment de l’investis-
seur nal, qui cherche à minimiser les frais de gestion mais le
paie en contrepartie par de moindres performances à moyen
terme.
Graphique 5 : Evolution des cours obligataires (indexés)
88
90
92
94
96
98
100
102
104
02Mar 02Apr 02May 02Jun 02Jul 02Aug
2.3.2015 = 100
T 2 02/15/25 Govt AMZN 3.8 12/05/2024 Corp
ORCL 3.4 07/08/2024 Corp WFC 3.3 09/09/2024 Corp
MU 5 ¼ 08/01/23 Corp
Source: Bloomberg, ETHENEA
Graphique 6 : Volumes du marché obligataire
0
50
100
150
200
250
10000
12000
14000
16000
18000
20000
22000
02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
in USD bn
in USD bn
Primary dealer net positions, rhs
US Corps outstanding
Source: NYC Fed, BIS, ETHENEA
Graphique 4 : Evolution de la bourse et des obligations à haut rendement
Source: Bloomberg, ETHENEA
1 Traduction libre : Il ne faut pas sourire au crocodile.
2 Traduction libre : Vous pouvez quitter lhôtel à tout moment, mais il es impossible de partir.
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ETHENEA | Commentaire de Marché N° 09 · septembre 2015
Auteurs >>
Guido Barthels Yves Longchamp, CFA
Portfolio Manager, CIO Head of Research
ETHENEA Independent ETHENEA Independent
Investors S.A. Investors (Schweiz) AG
Nonobstant, tous les acteurs du marché doivent semployer à re-
médier à la diculté dexécution des transactions et des solutions
doivent être trouvées. Diverses tentatives ont eu lieu pour créer
des fund-to-fund plateformes court-circuitant ainsi la communau-
té des banques et intermédiaires. À notre connaissance, aucune
de ces initiatives na encore été couronnée de succès.
Pour l’instant, la prudence semble être la seule recette pour faire
face à ce dilemme – prudence et anticipation des mouvements
du marché. Pour cela, mieux vaut pouvoir sappuyer sur un
esprit critique et une expérience éprouvée au l du temps.
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