Protection de la vie privée et la confidentialité

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Recommandations du CTSH sur la protection de
la vie privée et la confidentialité
Préparé par le
Comité de travail spécial de l'éthique
de la recherche en sciences humaines (CTSH) :
un comité de travail du
Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche (GER)
Membres
Mary Blackstone, Ph.D.
Lisa Given, Ph.D.
Joseph Lévy , Ph.D.
Michelle McGinn, Ph.D.
Patrick O’Neill, Ph.D., (président)
Ted Palys, Ph.D.
Will van den Hoonaard, Ph.D.
Membres d’office
Glenn Griener, Ph.D., (CNERH)
Bernard Keating, Ph.D., (IRSC)
Maureen Muldoon, Ph.D., (FCSH)
Keren Rice, Ph.D., (CRSH)
Secrétariat en éthique de la recherche
Thérèse De Groote
[
Février 2008
[
Groupe consultatif interagences et
Secrétariat en éthique de la recherche
350, rue Albert
Ottawa Canada K1A 1H5
Tél. : 613-996-0072
Téléc. : 613-996-7117
Courriel : [email protected]
www.ger.ethique.gc.ca
This document is also available in English on the Panel’s website.
Le contenu de ce document et les opinions qui y sont exprimées
sont ceux des membres du comité et ne reflètent pas
nécessairement ceux du Groupe consultatif interagences ou du
Secrétariat en éthique de la recherche.
Le Groupe et le Secrétariat apprécieraient recevoir vos commentaires à
l’adresse suivante : [email protected]
TABLE DES MATIÈRES
1.
RÉSUMÉ ..................................................................................................1
2.
FORGER UN CONSENSUS : LE PROCESSUS DE
CONSULTATION DU CTSH ...............................................................2
3.
PORTÉE DES RECOMMANDATIONS .............................................5
4.
RECOMMANDATIONS ........................................................................5
4.1
Élucidation des questions relatives à la protection de la vie privée et à la
confidentialité............................................................................................5
4.2 Éthique et droit ..........................................................................................9
5.
TRANSPARENCE, OUVERTURE ET REDDITION
DE COMPTES.......................................................................................14
Vie privée et la confidentialité — CTSH
février 2008
1.
Résumé
Le Comité de travail spécial de l’éthique de la recherche en sciences humaines (CTSH) a été créé
en 2003 et a amorcé ses travaux par une consultation nationale auprès des milieux de la recherche
en sciences humaines et en pratique créative. Le Comité a constaté que les questions relatives à la
protection de la vie privée et à la confidentialité étaient prioritaires et devaient retenir son
attention. Au cours des années suivantes, le CTSH a entrepris un processus itératif de rédaction et
de révision de recommandations, dans le cadre d’un dialogue continu avec le GER et la
communauté de la recherche au Canada. C’est ainsi qu’il a mené d’autres consultations
nationales, produit des rapports et des notes d’information et diffusé, lors de conférences et sur
son site Internet, les résultats de ses travaux et les recommandations qu’il propose.
Le CTSH est arrivé à la conclusion que les problèmes inhérents à l’EPTC proviennent de deux
grandes sources : 1) le libellé et la portée du document; 2) la façon dont la politique énoncée est
mise en œuvre par les CÉR. Les recommandations sur la protection de la vie privée et la
confidentialité exposées dans le présent document traitent principalement de la première source :
les modifications éventuelles au libellé de l’EPTC. Celles-ci ont évidemment des conséquences
pour le processus d’évaluation et de mise en œuvre, mais l’accent est mis ici sur les changements
de fond et de formulation. Les recommandations du CTSH en ce qui a trait à l’évaluation éthique
et à la mise en œuvre sont abordées plus directement dans les projets de chapitres sur les
Méthodes de recherche qualitative et la Pratique créative.
Cela dit, le CTSH présente au GER les recommandations qui suivent sur les questions relatives à
la protection de la vie privée et à la confidentialité, aux fins de la seconde édition de l’EPTC.
1) Droit à la confidentialité c. droit à la reconnaissance. L’importance de préserver la
confidentialité de la recherche en sciences sociales est depuis longtemps reconnue, et nous la
réaffirmons ici. Toutefois, compte tenu de la diversité de la recherche en sciences humaines et
dans les arts de création, la nécessité de préserver la confidentialité dans le cadre d’un projet
de recherche varie : tantôt absolument essentielle, elle peut parfois l’être moins ou même se
révéler inappropriée. En fait, dans certaines traditions et dans certains contextes de recherche,
le principe de la « reconnaissance de la contribution », ou le droit à celle-ci, est jugé
primordial. Afin de mieux traduire la diversité de l’entreprise de la recherche, le CTSH
recommande que la seconde édition de l’EPTC établisse une distinction entre le « droit au
respect de la vie privée par l’anonymat ou la confidentialité » et, à l’opposé, le « droit d’être
identifié et de voir sa contribution reconnue ». La difficulté pour les chercheurs et les CÉR
consiste à déterminer quel droit prime dans le contexte d’un projet de recherche donné et à
agir en conséquence. [Nous nous penchons sur ces recommandations à la section 4.1.1, cidessous.]
2) Distinction entre « divulgation de l’information » et « accès à l’information ». Si le
chapitre 3 de la version actuelle de l’EPTC affirme à juste titre le devoir de protéger la
confidentialité et la vie privée des participants, il précise aussi que ce principe n’est pas
absolu. La fusion de deux questions vient cependant obscurcir le débat, alors que, de l’avis du
CTSH, il faudrait traiter séparément : 1) des situations où des valeurs éthiques opposées
pourraient justifier la divulgation de renseignements identifiables recueillis de bonne foi sous
la promesse d’en préserver la confidentialité; 2) des circonstances dans lesquelles des
chercheurs pourraient obtenir l’accès à des renseignements qui ne sont pas publiquement
disponibles et qui ont été recueillis à d’autres fins. [À la section 4.1.2, ci-dessous, nous
Vie privée et la confidentialité — CTSH
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février 2008
départageons et analysons ces deux questions et proposons une formulation qui préciserait les
circonstances dans lesquelles chacune serait pertinente, ainsi que les options qui s’offrent.]
3) Éthique et droit. La version actuelle de l’EPTC reconnaît que l’éthique et le droit « mènent
parfois à des conclusions différentes ». Elle offre cependant peu d’indications au-delà de cette
généralité. Deux opinions ont cours au sein du CTSH quant à la façon d’aborder la question «
de l’éthique et du droit » dans la seconde édition de l’EPTC, et les deux points de vue sont
donc soumis à l’examen du GER.
a) Accent mis sur l’éthique. Une façon d’envisager la question « de l’éthique et du droit »
consiste à affirmer que l’EPTC est un document traitant d’éthique, que les chercheurs
conscients de l’éthique subissent les pressions concurrentes de nombreux autres systèmes
de valeurs — idéologies politiques, contraintes et défis d’ordre juridique, croyances
religieuses, politiques de l’université, codes de déontologie professionnelle, etc. — et que
faire de la recherche signifie être constamment sensible à ces pressions, reconnaître les
fois où elles sont en conflit et résoudre ces conflits d’une manière éthique. Dans cette
optique, le fait d’inclure une section sur l’éthique et le droit revient à privilégier le droit
au détriment d’autres systèmes de principes et à détourner le débat de ce qui devrait être
l’objet premier d’une politique de l’éthique : le traitement éthique des participants à la
recherche. [Sur ces questions, voir ci-dessous à la section 4.2.1.]
b) Questions de conscience et responsabilité. Dans la mesure où le droit est présent dans
l’énoncé de politique fédéral sur l’éthique, le CTSH est d’avis qu’il faudrait aborder deux
questions liées à la protection de la vie privée et à la confidentialité : a) la reconnaissance
explicite du fait que si les chercheurs doivent s’efforcer de respecter les principes
éthiques exposés dans les politiques de leur discipline et dans l’EPTC, lorsque
l’application de ces principes peut avoir de graves conséquences personnelles
(l’emprisonnement, un préjudice physique, la perte de des moyens d’existence, par
exemple), toute décision finale quant à la ligne de conduite à suivre en définitive devrait
être considérée comme une question de conscience personnelle; b) les chercheurs, les
CÉR et les établissements qu’ils représentent ont la responsabilité de protéger les
participants à la recherche et la confidentialité de la recherche (et, partant, l’intégrité de
l’activité de recherche), ce qui devrait être affirmé dans la nouvelle version de l’EPTC.
[La formulation proposée par le CTSH est présentée ci-dessous à la section 4.2.3.]
4) Transparence, ouverture et reddition de comptes. Toujours fidèle à ces trois principes,
initialement énoncés par le GER, le CTSH demande au GER d’afficher le présent document
sur son site Web afin qu’il puisse y être consulté et commenté par l’ensemble du milieu de la
recherche.
2.
Forger un consensus : le processus de consultation du
CTSH
Peu de temps après la publication, en 1998, de la version initiale de l’EPTC, les présidents des
conseils subventionnaires reconnaissaient « que l’EPTC devait mieux prendre en compte les
problèmes et les contextes de l’éthique de la recherche dans le domaine des sciences humaines 1 ».
Le Comité de travail spécial de l’éthique de la recherche en sciences humaines (CTSH) a été créé
et a reçu le mandat de « fournir des avis et des recommandations au sujet des priorités relatives
aux sciences humaines pour l’EPTC 2 ».
1
2
Comité de travail spécial de l’éthique de la recherche en sciences humaines (CTSH), Contexte et termes
de référence. Accessible en ligne au
http://pre.ethics.gc.ca/français/workgroups/sshwc/Termsofreference.cfm.
Ibid.
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février 2008
Le CTSH a amorcé ses travaux par une consultation nationale visant à préciser les domaines dans
lesquels l’EPTC et les processus d’évaluation qu’il a créés causent des difficultés et à établir des
priorités en vue de l’élaboration de recommandations. Les questions relatives à la protection de la
vie privée et à la confidentialité figurent parmi les premières à avoir retenu l’attention du CTSH.
Comme on peut le lire dans Pour que tous puissent s’exprimer (CTSH, 2004) 3 :
Les commentaires et les suggestions apportés dans les séances de consultation et les commentaires
écrits ont amené le CTSH à conclure que la partie de l’EPTC portant sur la vie privée et la
confidentialité doit être revue en entier afin de refléter les normes et les règles éthiques ayant cours
dans les divers contextes où œuvrent les chercheurs canadiens et les diverses démarches
épistémologiques qu’ils adoptent à cette fin (p. 32).
Voici les questions retenues pour examen :
1) Veiller à ce que les dispositions de l’EPTC portant sur la protection de la vie privée et la
confidentialité donnent une indication plus claire aux CÉR et aux chercheurs engagés dans
des recherches sur le terrain en ce qui a trait aux diverses façons dont les questions de
confidentialité peuvent se poser dans divers domaines de recherche.
2) Mieux guider le milieu de la recherche en ce concerne les divergences éventuelles entre
l’éthique et le droit, notamment la possibilité que :
a) des tiers recourent à des mécanismes juridiques tels que des citations à comparaître pour
tenter d’obliger des chercheurs ou des établissements à renier l’obligation éthique de
protéger le droit à la vie privée et à la confidentialité des données des participants à la
recherche;
b) les chercheurs sont confrontés à une situation inattendue où ils se sentent obligés, du
point de vue éthique, de rompre l’engagement pris de bonne foi de protéger la
confidentialité des données (après avoir découvert que le participant avait l’intention de
causer un préjudice à un tiers, par exemple).
La réponse du Groupe consultatif interagences (GER) 4 au document Pour que tous puissent
s’exprimer invitait le CTSH à suivre la voie tracée dans son mandat — élaborer des
recommandations qui aideraient à faire en sorte que l’EPTC traduise de façon appropriée la
diversité des méthodes de recherche employées en sciences humaines :
[L]e Groupe invite le Comité et l’ensemble des chercheurs à approfondir les dimensions éthiques à
la fois exclusives et partagées de la recherche par rapport aux paradigmes de la recherche
qualitative, inductive, non positiviste et non expérimentale. Le Groupe exhorte le Comité à
procéder à des analyses qui pourraient aboutir à la réorganisation de l’EPTC ou à la rédaction de
nouveaux chapitres consacrés aux questions d’éthique propres aux diverses méthodes,
méthodologies et pratiques de recherche des sciences humaines. Ce travail pourrait aboutir à un
EPTC plus inclusif et mieux intégré qui pourrait être plus utile aux CÉR, au public, et aux
chercheurs des diverses collectivités qui ont recours à ces méthodologies.
Partageant l’attachement du GER à « l’ouverture, à la transparence et à la reddition de comptes »,
le CTSH a amorcé un dialogue avec le milieu de la recherche. Voici d’ailleurs la liste des
initiatives qui ont été prises en ce qui a trait aux enjeux liés à la protection de la vie privée et à la
confidentialité :
•
3
4
Production d’un rapport à des fins de discussion interne et à l’intention du GER. Celui-ci
résume les questions relatives à la protection de la vie privée et à la confidentialité qui
Pour que tous puissent s’exprimer est le rapport issu de cette première consultation. Accessible en ligne
au http://pre.ethics.gc.ca/francais/workgroups/sshwc/SSHWCVoiceReportJune2004.pdf.
Les commentaires du GER se trouvent au
http://pre.ethics.gc.ca/francais/workgroups/sshwc/SSHWCRptMay2004.cfm.
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février 2008
sont ressorties de la consultation ayant abouti au document intitulé Pour que tous puissent
s’exprimer 5 .
•
Présentation d’un document à l’atelier organisé par le GER avant la tenue de la
conférence annuelle de 2005 du Conseil national d’éthique en recherche chez l’humain
(CNERH). Celui-ci expose les questions relatives à la protection de la vie privée et à la
confidentialité qui ont été retenues pour examen au terme de la consultation de 2004 et
invite le milieu de la recherche à participer au processus 6 .
•
Présentation d’un document au Congrès annuel de 2005 de la Fédération canadienne des
sciences humaines. Celui-ci traite des questions retenues pour examen au terme de la
consultation de 2004 et invite le milieu de la recherche à participer au processus 7 .
•
Production d’une note d’information destinée au GER. Celle-ci décrit l’état des mesures
de protection fondées en loi qui s’appliquent aux participants à la recherche et demande
au GER d’inviter les présidents des conseils subventionnaires à envisager l’élaboration de
telles mesures pour les participants à des recherches, en dehors de ceux qui participent
aux recherches de Statistique Canada 8 .
•
Production d’un document de discussion devant servir de référence à une seconde série
de consultations nationales en 2006. Celui-ci présente des options pertinentes aux
questions retenues pour examen par le CTSH et sollicite les commentaires du milieu de la
recherche 9 .
•
Présentation d’un document à la rencontre de 2006 de l’ACFAS. Celui-ci traite de
l’approche du CTSH préconisé à l’égard de la protection de la vie privée et de la
confidentialité, afin d’illustrer comment des normes éthiques peuvent offrir des lignes
directrices claires tout en respectant la diversité des disciplines 10 .
•
Production d’un rapport pour le GER et le milieu de la recherche. Celui-ci porte sur les
résultats de la consultation de 2006 et énonce les recommandations du CTSH quant à la
façon de procéder 11 .
5
CTSH (2004), SSHWC Analysis and Recommendations Regarding Section 3: Privacy and
Confidentiality. Document de discussion produit pour le GER aux fins de distribution interne.
6
CTSH (2005), Privacy and Confidentiality Issues from a Social Sciences and Humanities Perspective: A
Work in Progress. Document présenté à la 3e Conférence annuelle du Groupe consultatif interagences en
éthique de la recherche (GER) : À l’écoute des voix diverses : réflexions et débats pour l’évolution de
l’Énoncé de politique des trois Conseils, 4 mars.
7
CTSH (2005), Social Sciences and Humanities Research Ethics: Privacy and Confidentiality. Document
présenté au Congrès annuel de la Fédération canadienne des sciences humaines (FCSH), London,
Ontario, 1er juin.
8
CTSH (2005), A Briefing Note to PRE Regarding Statute-Based Protections for Research Participant
Privacy and Confidentiality. Rapport produit pour le Groupe consultatif interagences en éthique de la
recherche, du gouvernement fédéral.
9
CTSH (2005), Reconsidérer la protection de la vie privée et la confidentialité des données dans l’EPTC.
Document de discussion produit pour le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche
(GER), du gouvernement fédéral, en vue d’une consultation nationale. [Accessible en ligne au
http://pre.ethics.gc.ca/francais/pdf/sshwc_consultation_fre.pdf].
10
J. Lévy, et T. Palys (2006), Le maintien et le développement de la diversité de la recherche : enjeux et
défis éthiques. Communication présentée au 75e Congrès annuel de l’Association canadienne-française
pour l’avancement des sciences (ACFAS), Université McGill, Montréal, Québec, 15-19 mai.
11
CTSH (2006), Poursuivre le dialogue sur la protection de la vie privée et la confidentialité des données :
Commentaires et recommandations découlant de la récente consultation du CTSH. Document de
discussion produit pour le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche (GER) aux fins de
distribution par Internet aux communautés de la recherche en sciences humaines du Canada.
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février 2008
3.
•
Présentation d’un document à l’atelier organisé par le GER avant la tenue de la
conférence annuelle de 2007 du CNERH. Celui-ci résume les travaux accomplis par le
CTSH jusqu’alors sur les questions relatives à la protection de la vie privée et à la
confidentialité; il décrit les recommandations proposées pour l’EPTC et réitère le souhait
du Comité d’obtenir la contribution et la participation du milieu 12 .
•
Élaboration d’un ensemble préliminaire de recommandations à des fins de discussion
interne entre les membres du CTSH, le nouveau président du GER et la directrice
exécutive du SER à la réunion du CTSH d’octobre 2007, à Montréal 13 .
Portée des recommandations
Les diverses consultations et autres communications du CTSH avec le milieu de la recherche ont
fait ressortir deux séries de questions qu’il importe de résoudre afin d’améliorer la façon dont la
recherche en sciences humaines est évaluée par les CÉR en vertu du mandat que leur attribue
l’EPTC.
La première a trait au contenu même de l’EPTC. Au fil de ses rapports, documents de discussion
et consultations, le CTSH a précisé les points sur lesquels les renseignements et les principes
énoncés dans l’EPTC pourraient être clarifiés, complétés, supprimés sans conséquence négative
ou améliorés. Le second domaine où des changements s’imposent a trait à la mise en œuvre des
principes énoncés dans l’EPTC.
Les recommandations que renferme le présent document visent principalement la première série
de questions — les modifications de fond qui permettraient à l’EPTC de mieux traduire la
diversité de la recherche menée en sciences humaines et dans les arts de création. Le CTSH
reconnaît que la seconde version de l’EPTC pourrait être restructurée de manière plus importante,
mais il présente des suggestions en fonction du libellé actuel du document parce que cela permet
de mieux illustrer les lacunes de l’EPTC et les pistes de solution qui s’offrent. Le Comité de
travail soumet ses recommandations en espérant que les éclaircissements et les ajouts apportés au
contenu de l’EPTC aideront les CÉR à s’acquitter des tâches qui leur incombent. Cependant, le
CTSH est convaincu qu’il ne peut y avoir d’amélioration à défaut de changements dans le mode
de constitution des CÉR et dans l’exercice de leur mandat; les recommandations du CTSH à cet
égard figurent dans les chapitres proposés sur les Méthodes de recherche qualitative et la
Pratique créative, ainsi que dans la liste récapitulative des recommandations.
4.
Recommandations
4.1 Élucidation des questions relatives à la protection de la vie privée
et à la confidentialité
Le chapitre 3 de l’EPTC, intitulé « Vie privée et confidentialité des données », débute en
affirmant le droit à la vie privée des participants à la recherche et l’importance, pour l’activité de
recherche, de protéger la confidentialité des données.
12
CTSH (2007), Do You Want to Know a Secret? Do You Promise Not to Tell? Community Views on
Privacy and Confidentiality. Document présenté lors d’un atelier préalable à la Conférence du
GER/CNERH, Ottawa, Ontario, 16 février.
13
CTSH (2007), Toward TCPS 2.0: SSHWC Recommendations Regarding Privacy and Confidentiality.
Document de travail à des fins de distribution interne.
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4.1.1 Envisager simultanément les traditions de confidentialité et de
reconnaissanc e
L’importance de préserver la confidentialité de la recherche en sciences sociales est depuis
longtemps reconnue, et nous la réaffirmons ici. Toutefois, le CTSH sait aussi que, compte tenu de
la diversité de la recherche en sciences humaines et dans les arts de création, la nécessité de
préserver la confidentialité dans le cadre d’un projet de recherche varie : tantôt absolument
essentielle, elle peut parfois l’être moins ou même se révéler inappropriée. En fait, dans certaines
traditions et dans certains contextes de recherche, le principe de la « reconnaissance de la
contribution », ou le droit à celle-ci, est jugé primordial.
Dans un projet où intervient l’histoire orale, par exemple, il est souvent inapproprié et
irrespectueux de ne pas identifier le participant à la recherche. À l’opposé, les chercheurs qui
souhaitent recueillir des renseignements délicats au sujet du comportement criminel ou des
antécédents sexuels d’un participant — ou tout autre renseignement qui risque d’être très
stigmatisant, très embarrassant ou d’entraîner une censure sociale sinon l’incarcération — doivent
prendre des mesures exceptionnelles pour que le droit du participant à la vie privée soit protégé
de façon adéquate. Troisième exemple : dans une vidéo réalisée dans la tradition du
documentaire, on peut veiller à rendre anonymes des images montrant un dénonciateur ou une
personne engagée dans une activité fortement stigmatisée par la société et, dans un autre cas, faire
apparaître le nom de la personne à l’écran afin de reconnaître sa contribution; il se peut même que
les deux cas se présentent dans le même documentaire.
En conséquence, le CTSH recommande que la seconde version de l’EPTC reconnaisse et
distingue le « droit d’être identifié et de voir sa contribution reconnue » et le « droit à la
préservation de la vie privée par l’anonymat ou la confidentialité ». La difficulté pour les
chercheurs et les CÉR consiste à déterminer le droit qui prévaut dans un contexte de recherche
donné et à agir ensuite de façon appropriée. S’il est contraire à l’éthique de ne pas identifier les
participants parce que cela constitue un manque de respect et que des participants éclairés
expriment leur désir d’être nommés, les chercheurs devraient alors envisager de le faire selon les
principes et les pratiques de leur discipline. Si l’on préfère la confidentialité ou s’il n’y a pas de
raison impérieuse d’agir autrement, la confidentialité serait préservée, en fonction des besoins des
participants à la recherche et du projet. Si la source des renseignements est identifiable et que ces
derniers sont de nature hautement délicate (de sorte que l’effet de toute divulgation serait négatif
et important pour le participant) et si la préservation de la confidentialité se révèle essentielle pour
protéger le participant à la recherche des conséquences négatives d’une divulgation, les
chercheurs devraient se conformer aux pratiques exemplaires de leur discipline et recourir à toute
mesure de protection offerte par la common law ou un texte de loi afin de maximiser la protection
des participants.
4.1.2 Faire une distinction entre « divulgation de l’information » et
« accès à l’information »
La version actuelle de l’EPTC poursuit son traitement de la question de la protection de la vie
privée et de la confidentialité en ces termes :
Toutefois, les valeurs qui sous-tendent le respect et la protection de la vie privée et des
renseignements personnels ne sont pas absolues. Des intérêts publics incontestables et
précisément cernés — protection de la santé, de la vie, de la sécurité, etc. — justifient
parfois des bris de confidentialité et des ingérences dans la vie privée. Ainsi, les lois
obligeant à rapporter les cas de mauvais traitements infligés à des enfants, les maladies
sexuellement transmissibles ou les intentions d’homicide se fondent sur ce raisonnement,
comme le sont les lois et les règlements protégeant les dénonciateurs. Cependant, dans
certaines disciplines (épidémiologie, histoire, génétique, politique, etc.), la recherche a
permis d’enrichir considérablement le savoir et d’améliorer la qualité de vie et il serait
difficile, voire impossible, de mener à bien d’importants projets de recherche sociétaux
Vie privée et la confidentialité — CTSH
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février 2008
sans avoir accès à des renseignements personnels. En conséquence, l’intérêt public
justifie parfois que l’on autorise les chercheurs à avoir accès à des renseignements
personnels afin d’approfondir les connaissances et d’atteindre divers objectifs sociaux,
telle la création de programmes de santé publique adéquats (p. 3-1).
Nous retrouvons ici deux thèmes majeurs :
1. la définition des circonstances où l’engagement de protéger la confidentialité de la
recherche, pris de bonne foi, pourrait être rompu;
2. la prise en compte des circonstances où des renseignements relatifs à des personnes,
recueillis en toute confiance dans un contexte donné — dossier de santé, dossier
carcéral, dossier scolaire, par exemple —, pourraient, sans solliciter le consentement
explicite éclairé de ces personnes, servir à des fins de recherche qui n’ont peut-être
pas été prévues lors de la création de ces dossiers.
Si la juxtaposition des deux thèmes est logique jusqu’à un certain point, parce qu’ils représentent
des exemples de situations où la protection de la vie privée n’est pas absolue, le CTSH est d’avis
qu’il faudrait établir une distinction plus nette entre la notion de « divulgation de l’information »
et celle d’« accès à l’information ». Celles-ci ont en effet des conséquences différentes et
soulèvent des questions différentes pour les chercheurs et les CÉR. Cependant, les difficultés
inhérentes à ce paragraphe ne s’arrêtent pas là. Une analyse attentive aidera à cerner les sources
de difficulté et les solutions éventuelles.
Toutefois, les valeurs qui sous-tendent le respect et la protection de la vie privée et des
renseignements personnels ne sont pas absolues.
Cela semble assez évident; certes, aucune valeur n’est absolue. Ayant reconnu cet état de fait, la
question est de savoir comment procéder.
4.1.2 (a) Examen au cas par cas des circonstances qui
pourraient justifier la divulgation
Une préoccupation exprimée lors des consultations du CTSH est que si l’on insiste sur les
situations où la confidentialité peut être violée, le principe général de la confidentialité de la
recherche s’en trouve affaibli. Le CTSH reconnaît le bien-fondé de cette préoccupation et fait
valoir que toute mention de divulgation permissible qui violerait la confidentialité de la recherche
devrait aussi insister sur la rareté de ces situations, en précisant les circonstances dans lesquelles
une telle approche serait justifiée.
Des intérêts publics incontestables et précisément cernés — protection de la santé, de la
vie, de la sécurité, etc. — justifient parfois des bris de confidentialité et des ingérences
dans la vie privée.
Le CTSH estime que cette formulation des exceptions est trop générale. Selon le Comité, au lieu
d’énumérer des catégories générales où la divulgation serait justifiée, il serait préférable de
suggérer un examen au cas par cas, en soulignant les obligations auxquelles les chercheurs sont
tenus sur le plan de l’éthique.
Ainsi, les lois obligeant à rapporter les cas de mauvais traitements infligés à des enfants,
les maladies sexuellement transmissibles ou les intentions d’homicide se fondent sur ce
raisonnement, comme le sont les lois et les règlements protégeant les dénonciateurs.
Ce passage porte à confusion en partie parce qu’il donne une représentation inexacte de la loi. Il
fait référence à l’obligation de « rapporter les cas de mauvais traitements infligés à des enfants »,
comme s’il s’agissait d’une prescription universelle, alors que ce n’est pas le cas. Ainsi, en
Colombie-Britannique, la loi applicable fait mention de la divulgation obligatoire des cas où « des
enfants ont besoin d’être protégés » [traduction], ce qui est une préoccupation passablement
différente. Nous savons, par exemple, que des CÉR ont bloqué des projets de recherche
rétrospective auprès de femmes adultes pour le motif que toute mention de mauvais traitements
Vie privée et la confidentialité — CTSH
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subis pendant l’enfance devait être déclarée; or cette fausse perception (du moins, dans le cas de
la Colombie-Britannique) est exacerbée par l’EPTC. La même remarque vaut pour les «
intentions d’homicide ». S’il est possible qu’un chercheur se trouve dans une situation où il
ressent l’obligation, sur le plan éthique, de divulguer une telle intention, il n’existe à notre
connaissance aucune loi qui le force à le faire. La phrase suppose aussi un consensus social — qui
n’existe pas — sur le bien-fondé des lois imposant la déclaration obligatoire. Si certains en
louangent les vertus, d’autres affirment qu’elles ne font que refouler davantage ces
comportements dans la clandestinité et rendent impossible toute recherche sur ce que l’on pourrait
considérer comme certains des problèmes sociaux les plus sérieux.
Le Comité a aussi de la difficulté à saisir le sens de la mention de « dénonciateurs ». L’EPTC
incite-t-il à penser que les chercheurs devraient être des dénonciateurs? Cela semble aller à
l’encontre de l’avertissement qui se trouve à la règle 2.2 de l’EPTC : « Les chercheurs devraient
éviter de devenir des informateurs pour le compte d’autorités ou de décideurs. » Ou encore, veuton dire que les chercheurs devraient être protégés s’ils deviennent dénonciateurs et violent la
confidentialité d’une recherche? Si tel est le cas, nous faisons valoir qu’une affirmation de ce
genre n’a pas sa place dans l’EPTC; le document doit continuer de mettre l’accent sur la
protection des participants à la recherche, non sur la protection des chercheurs contre les
participants à la recherche.
4.1.2 (b) Accès secondaire à des renseignements confidentiels à
des fins de recherche
Cependant, dans certaines disciplines (épidémiologie, histoire, génétique, politique, etc.),
la recherche a permis d’enrichir considérablement le savoir et d’améliorer la qualité de
vie et il serait difficile, voire impossible, de mener à bien d’importants projets de
recherche sociétaux sans avoir accès à des renseignements personnels. En conséquence,
l’intérêt public justifie parfois que l’on autorise les chercheurs à avoir accès à des
renseignements personnels afin d’approfondir les connaissances et d’atteindre divers
objectifs sociaux, telle la création de programmes de santé publique adéquats.
Bien que le CTSH partage l’opinion exprimée dans ce passage au sujet de la valeur de la
recherche, celui-ci « diffère » du texte qui précède dans l’optique des questions éthiques qui se
posent. On fait plutôt allusion ici à une question distincte : celle des circonstances dans lesquelles
les chercheurs pourraient, de façon éthique, faire une utilisation secondaire, à des fins de
recherche, de renseignements « personnels » recueillis à une autre fin.
4.1.3 Modifications proposées à la structure ou à la formulation
En reformulant les passages de l’EPTC examinés ci-dessus avec des modifications tenant compte
de la restructuration proposée et en nous inspirant des principes énoncés dans Poursuivre le
dialogue, nous recommandons la formulation suivante :
Les valeurs qui sous-tendent le respect et la protection de la vie privée et des
renseignements personnels ne sont cependant pas absolues. Dans certains cas, on se
heurte aussi au droit d’une personne de voir sa contribution reconnue, de sorte que les
chercheurs et les CÉR devront tenir compte des normes de la discipline et du point de vue
des participants pour établir si ce droit, ou le droit à la protection de la vie privée et à la
confidentialité, primera dans le contexte de la recherche.
Même quand le droit à la confidentialité prime, des intérêts publics impérieux et
précisément définis — comme la protection de la santé, de la vie et de la sécurité —
peuvent, dans des circonstances très exceptionnelles, justifier un bris de confidentialité ou
une ingérence dans la vie privée. Dans ces circonstances, le chercheur peut (et non pas
« doit ») violer la confidentialité, mais uniquement dans la mesure nécessaire pour
prévenir un préjudice, tout en préservant les droits du participant et les responsabilités du
chercheur à son égard, lesquels demeurent inchangés. Si le temps le permet, les
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chercheurs qui envisagent une divulgation possible devraient consulter des collègues de
confiance quant à la voie qu’il convient de suivre. Les universités devraient pour leur part
veiller à ce que le chercheur ait accès au CÉR et à l’aide juridique appropriée, au besoin.
Les chercheurs devraient aussi être sensibilisés aux lois prévoyant la déclaration
obligatoire, comme celles qui existent dans quelques provinces ou territoires pour le
signalement obligatoire des cas de mauvais traitements infligés à des enfants, des
situations où des enfants ont besoin de protection, ou des cas de maladies sexuellement
transmissibles. Cependant, comme il est indiqué à la section 2.2, les chercheurs qui
entreprennent une recherche sur un sujet de ce genre doivent « éviter de devenir des
informateurs pour le compte d’autorités ou de décideurs ». Ainsi, ils devraient éviter de
poser des questions sur un sujet s’ils savent qu’il leur faudra déclarer les personnes qui
répondent d’une certaine façon.
Il n’y a pas lieu d’interdire complètement l’empiètement sur la vie privée aux chercheurs
qui souhaitent avoir accès à des données recueillies de manière confidentielle à une autre
fin (aux dossiers médical, scolaire ou carcéral, par exemple). Dans certaines disciplines,
en effet — l’épidémiologie, l’histoire, la génétique, la politique, etc. —, la recherche a
permis d’enrichir considérablement le savoir et d’améliorer la qualité de vie, et il serait
difficile, voire impossible, de mener à bien d’importants projets de recherche pour la
société sans avoir accès à des renseignements de ce genre. Il se peut que l’intérêt public
justifie que l’on autorise les chercheurs à avoir accès à des renseignements personnels
afin d’approfondir les connaissances et d’atteindre divers objectifs sociaux, tels que la
création de programmes de santé publique adéquats, notamment s’il y a moyen de
compiler les données sans identifiants. L’évaluation éthique est un processus important
pour régler le conflit de valeurs sociétales qui se pose dans cette situation. Le CÉR
devrait veiller à ce que le chercheur démontre qu’il a tenu compte de l’équilibre entre la
nécessité de la recherche et l’empiètement sur la vie privée, et qu’il a réduit au minimum
toute intrusion nécessaire dans la vie privée. Les participants devraient être protégés
contre les préjudices causés par une utilisation non autorisée de renseignements
identifiables à l’égard desquels ils croyaient pouvoir profiter du droit à la vie privée et à
la confidentialité.
4.2 Éthique et droit
Les consultations et les rapports antérieurs du CTSH sur la protection de la vie privée et la
confidentialité ont fait ressortir plusieurs questions dignes d’attention au confluent de l’éthique et
du droit. Tout récemment, le rapport du CTSH intitulé Poursuivre le dialogue, qui renferme des
commentaires à l’intention du GER et du milieu de la recherche faisant suite à la consultation de
l’hiver 2006 sur la protection de la vie privée et la confidentialité et qui décrit en termes généraux
les recommandations étudiées par le CTSH, énumérait trois domaines dans lesquels des
modifications devraient être apportées à la formulation de l’EPTC : a) la détermination des
options qui s’offrent aux chercheurs dans les rares cas où l’éthique et le droit « mènent à des
conclusions différentes »; b) la définition et l’affirmation des rôles et des responsabilités des
chercheurs, des CÉR et des universités ou établissements en cas de contestation par des tiers de la
confidentialité de la recherche; c) l’inclusion d’un renvoi aux mécanismes prévus par la loi ou la
common law que l’on pourrait intégrer au processus de conception de la recherche afin de
maximiser les mesures de protection juridique des participants à la recherche et des chercheurs.
4.2.1 Lorsque l’éthique et le droit « mènent à des conclusions
différentes »
Poursuivre le dialogue renfermait la recommandation suivante :
L’EPTC reconnaît déjà que « l’éthique et le droit peuvent mener à des conclusions différentes » et
les organismes subventionnaires ont reconnu aux chercheurs le droit de choisir selon leur
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conscience quant à ce qu’ils doivent faire si, en définitive, une telle divergence se présentait. Bien
que le CTSH ne recommande pas de contester des ordonnances juridiques, il n’écarte pas pour
autant le droit des chercheurs de le faire pour des raisons d’éthique lorsque tous les autres moyens
ont été épuisés. Le CTSH propose que l’on élabore un libellé pour l’EPTC inspiré du Code
d’éthique de la Société canadienne de psychologie (2000) [...] principes IV.17 et IV.18 […].
Les difficultés évoquées précédemment trouvent leur origine dans la section de l’EPTC intitulée
« Contexte du cadre éthique », et dans la section F, intitulée « Éthique et droit »; en effet, le droit
a un statut spécial dans l’EPTC, au-delà de celui accordé à tout autre système de normes ou de
valeurs susceptible d’entrer en conflit avec les principes éthiques. À l’instar du devoir de se
conformer aux principes éthiques tels que la confidentialité, le devoir de se conformer à la loi
n’est pas absolu; il n’est pas non plus le seul ensemble de normes ou de valeurs qui sera en
interaction avec les principes éthiques énoncés dans l’EPTC.
Les déclarations sur les objectifs et les principes figurant au début de l’EPTC rappellent aux
lecteurs que le but de l’Énoncé de politique est d’encourager les chercheurs à adopter les normes
éthiques les plus rigoureuses et à s’y conformer. Le CTSH est d’avis que l’objet premier de cette
politique doit demeurer l’adoption d’un « comportement éthique ». Mais il reconnaît aussi que
d’autres éléments — la politique, les règles de l’établissement, les responsabilités familiales, la
loi — entrent en interaction avec nos obligations éthiques de diverses façons, parfois favorables,
parfois défavorables. Mettre l’accent sur le droit, à l’exclusion des autres systèmes de normes et
de valeurs, ouvre un débat qu’il est raisonnable d’engager, mais ce débat ne touche qu’une partie
de la problématique et éloigne le propos de ce qui est éthique. C’est avec cette idée en tête que
nous procédons à une analyse détaillée de la section de l’EPTC intitulée « Éthique et droit ».
Le droit influence et réglemente divers aspects des normes et de la réalisation des projets
de recherche avec des sujets humains : protection de la vie privée et des renseignements
personnels, propriété intellectuelle et aptitude. Les lois sur les droits de la personne
interdisent la discrimination, et ce, sous plusieurs motifs. La majorité des documents
consacrés à l’éthique de la recherche avec des êtres humains interdisent également toute
discrimination et reconnaissent qu’il est fondamental de traiter chacun de façon
équitable. Par ailleurs, les CÉR devraient respecter l’esprit de la Charte canadienne des
droits et libertés, notamment les articles traitant de la vie, de la liberté et de la sécurité
de la personne et ceux ayant trait à l’égalité et à la discrimination.
Le CTSH ne voit pas clairement ce que ce passage vient ajouter à l’EPTC. Il donne l’impression
d’un recueil de truismes et de déclarations pieuses qui ont peu à voir avec la pratique quotidienne
des CÉR et des chercheurs. Nulle part au pays nous n’avons entendu d’allégations selon
lesquelles un chercheur ou un établissement aurait, par exemple, suggéré d’enfreindre la Charte
canadienne des droits et libertés. Au-delà de l’énoncé préambulaire, tout le reste du paragraphe
pourrait être supprimé — et l’on pourrait même améliorer l’énoncé initial — sans affaiblir
l’Énoncé de politique.
Le contexte juridique de la recherche avec des sujets humains est en constante évolution
et varie selon les compétences. Les chercheurs, les établissements et les CÉR devraient
donc avoir recours aux experts appropriés pour cerner les questions de droit propres au
processus d’évaluation éthique.
Le CTSH convient de l’utilité d’obtenir un avis juridique dans certaines circonstances; il
reconnaît aussi l’utilité pour les chercheurs et les CÉR d’inclure cette phrase, qui pourrait être
citée en référence dans les cas où l’on solliciterait un avis de ce genre.
Toutefois, les approches juridiques et éthiques mènent parfois à des conclusions
différentes. Le respect de la loi signifie souvent l’obligation de se conformer à des
normes de comportement. Le but de l’éthique est de promouvoir des normes de conduite
rigoureuses nécessitant l’acquisition par la pratique d’un sens des valeurs et permettant
de faire des choix et d’assumer ses erreurs. Par ailleurs, l’éthique ne peut remplacer
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l’application de la loi, mais elle peut influencer son élaboration ou résoudre des
situations dépassant le strict cadre juridique.
Le CTSH est d’avis que cet énoncé est important en soi, puisqu’il reconnaît que l’éthique et le
droit peuvent mener à des conclusions différentes; il considère d’ailleurs comme une affaire de
conscience le choix que doit faire le chercheur dans les rares cas où les deux entrent en conflit.
Cependant, le Comité de travail croit que l’énoncé pourrait être plus explicite dans la façon dont il
expose les diverses options, notamment pour faire ressortir clairement la résolution adoptée par
les présidents des organismes subventionnaires au moment où ces questions étaient activement
débattues il y a quelques années 14 .
4.2.2 Rôles et responsabilités dans les cas où la confidentialité est
contestée
Dans Poursuivre le dialogue, le CTSH a entrepris de trouver une formulation qui préciserait les
rôles et responsabilités des chercheurs, des comités d’éthique de la recherche et des
établissements lorsque la confidentialité de la recherche est remise en cause par un tiers. Certes,
ces cas sont très rares — particulièrement au Canada — et qu’il importe de signaler qu’à notre
connaissance, aucun chercheur canadien n’a jamais reçu l’ordre d’un tribunal de divulguer de
l’information de recherche identifiable et confidentielle. Mais un jugement favorable à une
requête de cette nature pourrait infliger de graves préjudices à des participants à la recherche et,
par conséquent, compromettre sérieusement l’intégrité réelle de l’activité de recherche comme la
perception de son intégrité. Cela menacerait aussi la liberté universitaire de mener des recherches
sur des questions sociales controversées et des populations vulnérables, lesquelles se retrouvent
souvent au cœur de ces poursuites judiciaires. En conséquence, le CTSH est d’avis que l’on
devrait résister farouchement à des requêtes de ce genre 15 .
Dans la version actuelle de l’EPTC, ces questions sont traitées dans le préambule du chapitre 3.
Nous débutons par une analyse détaillée des passages pertinents :
Il peut arriver qu’un tiers tente d’avoir accès à des dossiers de recherche — ce qui aurait
pour résultat de rompre la promesse de confidentialité à laquelle s’est engagé le
chercheur lorsque son projet a été approuvé par le CÉR. À ce stade, le dossier ne relève
plus du CÉR 16 .
Certes, la question ne relève plus du CÉR, du fait que la situation ne peut survenir que si le
chercheur a reçu l’approbation de ce dernier et a entrepris son projet de recherche. Mais il serait
faux de croire que le CÉR n’a aucun rôle à jouer subséquemment pour défendre la confidentialité
de la recherche.
Le chercheur est tenu par l’honneur de protéger la confidentialité promise lors du
processus de consentement libre et éclairé, tout en restant dans les limites de la loi.
D’une façon générale, l’établissement, qui doit entre autres protéger l’intégrité de son
CÉR, devrait appuyer son chercheur.
14
Voir la lettre du 27 avril 2000 rédigée pour les trois conseils subventionnaires par Anne-Marie Monteith,
agente responsable de l’éthique au CRSNG, au sujet de l’éthique et du droit. On peut consulter cette
lettre en ligne au http://www.sfu.ca/~palys/TCPSFAQ.pdf.
15
Le CTSH a déjà recommandé que le GER/SRE conseille aux présidents des conseils subventionnaires
d’inviter le Parlement à élaborer des mesures de protection fondées en loi pour les participants à la
recherche. La common law offre une autre façon de reconnaître le privilège des participants à la
recherche. Résister vigoureusement à toute menace à la confidentialité, c’est démontrer aux participants à
la recherche que nous nous soucions de leur bien-être et que nous protégerons leurs droits; c’est aussi
montrer aux tribunaux l’importance que le milieu de la recherche attache à ce principe.
16
Note du Secrétariat: Nous avons corrigé le texte comme indiqué ici afin qu’il soit identique à la version
anglaise de l’EPTC.
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Le CTSH estime que cela constitue la norme minimale, mais constate que l’énoncé a une portée
purement réactive. La documentation indique qu’il serait plus utile pour les participants à la
recherche et les chercheurs que ces derniers et les universités tentent de concevoir des façons
proactives de protéger les participants contre le risque de contestation judiciaire et mettent en
place des politiques qui leur permettront de réagir efficacement et rapidement dans l’éventualité
d’une contestation 17 .
Les chercheurs et les établissements qui reçoivent une demande de comparution en vue
de remettre des données de recherche peuvent à bon droit vouloir plaider la cause devant
les tribunaux. En pareil cas, les dossiers des CÉR et les documents relatifs au
consentement peuvent s’avérer utiles pour contrer l’argumentation des parties cherchant
à avoir accès aux données. Toutefois, en cas d’assignation, le chercheur n’aura
vraisemblablement comme seul recours légal que d’interjeter appel pour protéger la
confidentialité des données.
Le CTSH partage ce point de vue mais préférerait qu’il y ait plus de précisions quant au genre de
dossiers que le chercheur et le CÉR devraient créer et s’assurer d’avoir à portée de la main pour
offrir la meilleure défense possible contre une éventuelle contestation de la confidentialité d’une
recherche. À l’heure actuelle, cela signifierait probablement de prévoir, cas par cas, une
confirmation du privilège de confidentialité des participants à la recherche en invoquant les
critères de Wigmore 18 . Nommés d’après John Henry Wigmore, ancien doyen de l’École de droit
de l’Université Northwestern, ces critères, fondés sur une étude des traditions de common law au
Canada, aux États-Unis et en Angleterre 19 , imposent les exigences suivantes : « 1) la
communication doit reposer au départ sur la confiance qu’elle ne sera pas divulguée; 2) cet
élément de confidentialité doit être essentiel au maintien intégral et satisfaisant de la relation
entre les parties; 3) la relation doit en être une qui selon l’avis de la communauté devrait être
assidûment encouragée; 4) le préjudice qui serait causé à la relation par suite de la divulgation de
la communication doit être plus grand que l’avantage résultant de la divulgation, pour que l’on
règle le litige correctement 20 . » [Traduction.]
Les chercheurs devraient préciser, dans le processus du consentement libre et éclairé,
l’étendue de la protection pouvant être assurée aux sujets pressentis qui fournissent des
renseignements personnels et, en conséquence, connaître les lois applicables.
Bien entendu, les chercheurs doivent indiquer honnêtement aux participants à la recherche ce
qu’eux-mêmes et leur établissement feront dans l’éventualité d’une contestation de la
confidentialité de la recherche. Cependant, l’allusion aux lois dans ce contexte porte à confusion
dans la mesure où cela pourrait être interprété comme une indication du fait que l’Énoncé de
politique donnera préséance au droit plutôt qu’à l’éthique dans l’éventualité où les deux « mènent
à des conclusions différentes ». En fait, la référence aux lois semble gratuite, puisque de
nombreux facteurs pourraient aussi influer sur la mesure dans laquelle « il y a moyen » de
promettre la confidentialité; ainsi, dans un groupe de discussion, les chercheurs s’efforceront sans
doute de préserver la confidentialité, mais la préservation de la confidentialité dépend en partie de
facteurs indépendants de la volonté du chercheur (par exemple, les autres participants).
17
Voir, par exemple, M. Traynor (1996), « Countering the excessive subpoena for scholarly research »,
Law and Contemporary Problems, 59(3), p. 119-148.
18
M. Jackson, c.r., et M. MacCrimmon (1999), Research Confidentiality and Academic Privilege: A Legal
Opinion. Commandité par le Research Ethics Policy Revision Task Force, de l’Université Simon Fraser;
accessible en ligne au http://www.sfu.ca/~palys/JackMacOpinion.pdf (consulté le 19 janvier 2008).
19
J.H. Wigmore (1961), Evidence in Trials at Common Law, vol. 8 (rév. de McNaughton), Boston, Little,
Brown. (Édition originale publiée en 1905).
20
Un article revu par les pairs qui présente les grandes stratégies dont disposent les chercheurs pour inclure
ces critères dans leur recherche est celui de T. Palys et J. Lowman (2000), Ethical and Legal Strategies
for Protecting Confidential Research Information, La Revue canadienne Droit et Société, 15(1), 39-80.
Pour obtenir des conseils plus précis sur un projet en particulier, on peut consulter un avocat.
Vie privée et la confidentialité — CTSH
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4.2.3 Formulation proposée pour l’éthique, le droit et la protection de
la confidentialité de la recherche
Le CTSH recommande que la formulation de la section intitulée « Éthique et droit » de l’EPTC
soit modifiée de la manière suivante :
Le droit influence et réglemente divers aspects des normes et de la réalisation des projets
de recherche avec des sujets humains : protection de la vie privée, confidentialité,
propriété intellectuelle, aptitude, etc. Les chercheurs doivent se familiariser avec les lois
et les règlements des sociétés où ils travaillent et qui ont un lien avec leurs activités de
recherche. Toutefois, l’application des approches juridique et éthique aux questions qui se
posent mène parfois à des conclusions différentes. Le droit a tendance à entraîner
l’obligation de se conformer à des normes de comportement, tandis que l’éthique vise à
promouvoir des normes de conduite rigoureuses nécessitant l’acquisition d’un sens des
valeurs. Si les lois ou les règlements qui s’appliquent à une recherche entrent
sérieusement en conflit avec les règles d’éthique que renferme le présent énoncé de
politique, les chercheurs feront tout en leur possible pour se conformer aux règles
d’éthique. L’éthique ne peut court-circuiter l’application de la loi, mais elle a de fortes
chances d’influer sur son évolution future ou de se préoccuper de situations qui ne sont
pas encadrées par la loi. Néanmoins, si l’application des règles d’éthique risque d’avoir
de lourdes conséquences personnelles (l’emprisonnement ou un dommage corporel, par
exemple), la décision finale quant à la ligne de conduite à adopter en définitive sera
perçue comme une affaire de conscience. À moins qu’il ne s’agisse d’une urgence, les
chercheurs doivent consulter des collègues en cas de conflit apparent entre une loi ou un
règlement et un principe d’éthique, et chercher à parvenir à un consensus sur la ligne de
conduite la plus éthique et la façon la plus responsable, la plus éclairée, la plus efficace et
la plus respectueuse de la mettre en pratique 21 .
Le CTSH recommande la formulation suivante pour la section de l’EPTC qui traite des
responsabilités à l’égard de la protection de la confidentialité de la recherche :
Protéger la confidentialité de la recherche
Lorsque des chercheurs recueillent des renseignements personnels identifiables auprès de
participants à la recherche en prenant l’engagement éthique d’en protéger la
confidentialité, la protection de la confidentialité de ces renseignements devient un
élément essentiel de la protection des participants à la recherche comme de l’intégrité de
l’activité de recherche. Les cas où des tiers ont contesté la confidentialité de la recherche
sont certes extrêmement rares au Canada, ce qui fait des engagements de « stricte
confidentialité » une promesse raisonnable qu’il n’est pas nécessaire de baliser
davantage. Néanmoins, une mesure de protection proactive facile à intégrer ainsi qu’un
vigoureux effort réactif contribueront à préserver cet élément de l’intégrité de la
recherche. Chercheurs, CÉR, instituts de recherche et établissements : tous auront un rôle
à jouer à cet égard.
Les chercheurs doivent :
a) se conformer aux normes et pratiques de leur discipline pour la collecte et la
protection des renseignements confidentiels;
b) se comporter d’une manière qui convienne au degré de sensibilité de toute
information identifiable qu’ils détiennent (par exemple, dans le cas de données
hautement délicates, en les rendant anonymes le plus tôt possible, et en conservant
les données brutes dans un classeur verrouillé ou à un endroit tenu secret à
l’extérieur de leur bureau);
21
Le texte ajouté par ce projet de modification provient ou a été adapté des Principes IV.17 et IV.18 du
Code d’éthique de la Société canadienne de psychologie (2000).
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c) intégrer toute mesure de protection offerte par un texte de loi ou la common law
(par exemple, les critères de Wigmore) dont ils disposent au moment de concevoir
leur recherche.
Les comités d’éthique de la recherche doivent :
a) s’assurer dans les cas où la confidentialité est essentielle et où toute divulgation
causerait un préjudice aux participants, s’il existe une pièce d’archives (par
exemple, dans la proposition évaluée) indiquant que la confidentialité est jugée
essentielle à la collecte de renseignements valides;
b) veiller à ce que l’on ne crée pas de pièces d’archives injustifiées (par exemple, des
déclarations de consentement signées par les participants ou permettant de les
identifier) qui risqueraient de compromettre le bien-fondé de la confidentialité des
données;
c) être prêts à contester toute requête présentée au CÉR en vue d’avoir accès à des
renseignements identifiables, lorsque ces renseignements ont été recueillis sous la
promesse d’en protéger la confidentialité.
Les administrations universitaires et les instituts de recherche doivent :
a) élaborer des politiques qui permettent aux chercheurs et aux CÉR d’avoir
facilement accès à une aide juridique compétente, indépendante des services
juridiques de l’établissement.
Malgré ces mesures de précaution, il peut arriver qu’un tiers tente d’avoir accès à des
dossiers de recherche, ce qui aurait pour effet de briser la promesse de confidentialité à
laquelle s’est engagé le chercheur lorsque son projet a été approuvé par le CÉR. Dans ce
cas, le chercheur est tenu par l’honneur de protéger la confidentialité promise lors du
processus de consentement libre et éclairé, tout en restant dans les limites de la loi. De
façon générale, l’établissement doit appuyer son chercheur, entre autres parce qu’il lui
faut protéger l’intégrité de son CÉR. Si le tiers tente d’avoir accès aux données de
recherche par voie de citation à comparaître, le chercheur et l’établissement peuvent à
bon droit vouloir plaider la cause devant les tribunaux. En pareil cas, les dossiers des
CÉR et les documents relatifs au consentement peuvent s’avérer utiles pour contrer
l’argumentation des parties cherchant à avoir accès aux données. Toutefois, en cas
d’assignation, le chercheur n’aura vraisemblablement comme seul recours légal que
d’interjeter appel pour protéger la confidentialité des données.
5.
Transparence, ouverture et reddition de comptes
Au cours de l’établissement de ses priorités et dans l’élaboration de ses recommandations en
matière de protection de la vie privée et de confidentialité, comme dans toutes ses autres
initiatives, le CTSH a suivi un processus à la fois « transparent, ouvert et responsable ».
Conformément à ces principes, le CTSH recommande donc que le présent document, qui
constitue le point culminant de ses travaux dans le domaine de la protection de la vie privée et de
la confidentialité, soit rendu public sur le site Internet du GER/CTSH.
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