DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du poumon Évolution épidémiologique du cancer broncho-pulmonaire en France Epidemiologic trends of lung cancer in France J. Trédaniel*, L. Staudacher**, C. Durand**, C. Beuzelin**, J.L. Jagot**, L. Teixeira***, S. Salmeron** L e cancer du poumon est bien installé à la première place des causes de mortalité par cancer en France (1), en Europe et, plus généralement, à la surface de la planète (2), du moins chez l’homme, puisque chez la femme en 2008, il ne représentait “que” le quatrième cancer le plus souvent découvert et la deuxième cause de mortalité après le cancer du sein (3). En dépit de cette apparente stabilité, les paramètres qui gouvernent sa présentation anatomoclinique − tels que l’âge, le sexe et la distribution des sous-types histologiques − se sont récemment modifiés et expliquent les variations qu’observent les cliniciens (4). C’est avant tout l’évolution des modalités du tabagisme – et surtout celle de la composition des cigarettes – qui explique les changements observés (5, 6). D’autre part, les expositions professionnelles aux substances cancérigènes ainsi que les déterminants socio-économiques sont désormais reconnus et plus largement pris en compte. En dépit de l’introduction de nouveaux médicaments et de nouvelles stratégies thérapeutiques, la survie globale des patients s’est relativement peu améliorée au cours des dernières années. L’objectif de cette revue est de faire le point sur ces différents éléments en centrant, autant que faire se peut, les données présentées sur la situation française. * Service de pneumologie, hôpital Saint-Joseph, Paris ; université ParisDescartes. ** Service de pneumologie, hôpital Saint-Joseph, Paris. *** Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. Données récentes d’incidence et de mortalité par cancer du poumon en France Le dispositif de surveillance épidémiologique des cancers repose sur un partenariat établi entre le 370 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 6 - juin 2011 réseau français des registres du cancer (Francim), le service de biostatistique des hospices civils de Lyon (HCL), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national du cancer (INCa), et s’appuie sur les données des registres et les taux de mortalité. Le Francim, qui regroupe 9 registres spécialisés (dont aucun ne couvre le champ du cancer bronchique) et 14 registres généraux, fournit des données d’inci­dence ; il couvre environ 18 % de la population française. Ce dispositif complexe fournit également des projections pour l’année en cours, issues d’une modélisation statistique des données d’incidence et de mortalité recueillies les années précédentes (www.invs.sante.fr) ; ainsi, pour l’année 2010, ont été prises en compte les données d’incidence observées par les registres jusqu’en 2005 et les données de mortalité observées sur la France entière jusqu’en 2007 (www.cepidc.vesinet.inserm.fr). Cet exercice présente donc un certain niveau d’incertitude, puisqu’il oblige à émettre des hypothèses sur ce qui s’est passé entre 2005 et 2010. En termes d’incidence, ce sont 37 000 nouveaux cas de cancer du poumon qui étaient attendus en 2010 (27 000 chez l’homme et 10 000 chez la femme), représentant 10 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancer (13 % des nouveaux cancers chez l’homme et 6 % chez la femme). Ces chiffres placent le cancer bronchique au quatrième rang des cancers incidents, après ceux de la prostate, du sein et du côlon-rectum. Parallèlement, ce sont 28 700 décès qui étaient attendus (21 000 chez l’homme et 7 700 chez la femme), représentant 20 % de l’ensemble des décès par cancer (soit 25 % des décès par cancer chez l’homme et 12 % chez la femme) et confirmant le cancer du poumon comme première cause de mortalité par cancer en France. Alors qu’il a été Résumé Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France : 37 000 nouveaux cas étaient attendus en 2010 (27 000 chez l’homme et 10 000 chez la femme), représentant 10 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancer ; 28 700 décès étaient attendus (21 000 chez l’homme et 7 700 chez la femme), représentant 20 % de l’ensemble des décès par cancer. Sa présentation (âge, sexe, type histologique) s’est récemment modifiée, essentiellement en raison de changements dans les pratiques tabagiques ; les expositions aux cancérigènes en milieu professionnel sont aussi plus largement prises en compte. En dépit de l’introduction de nouveaux médicaments et de nouvelles stratégies thérapeutiques, la survie globale des patients s’est relativement peu améliorée au cours des dernières années. En effet, comme cela s’observe pour toutes les autres localisations tumorales, ces taux évoluent avec le temps, reflétant avec un décalage de 20 à 30 ans l’évolution des pratiques tabagiques, marquée par une diminution du tabagisme masculin et une entrée plus récente des femmes dans le tabagisme. De ce fait, il est possible de dire que les cancers observés en 2010 sont le reflet du tabagisme des années 1980, mais aussi, a contrario, que le tabagisme des 30 000 Incidence et mortalité 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Années Incidence homme Mortalité homme Incidence femme Mortalité femme Figure 1. Nombre de cas et de décès en France selon le sexe et l’année. 60 Cancer bronchique Tabagisme Épidémiologie Pronostic Summary Lung cancer is the leading cause of cancer death in France : 37,000 new cases of lung cancer were expected in 2010 (27,000 among men and 10,000 among women), representing 10% of all new cancer cases; 28,700 deaths were expected, including 21,000 in men and 7,700 in women, representing 20% of all cancer deaths. Its presentation (age, sex, histological type) was recently amended, mainly due to changes in smoking practices; exposure to carcinogens in the workplace are also more widely considered. Despite the introduction of new drugs and new therapeutic strategies, overall survival of patients was relatively poorly improved in recent years. Keywords Lung neoplasm Tobacco smoking Epidemiology Prognostic 50 Incidence et mortalité longtemps proclamé que, pour le cancer du poumon, l’incidence et la mortalité étaient identiques, il est notable de souligner le différentiel de 8 300 cas qui sépare désormais l’incidence de la mortalité, ce qui traduit – même grossièrement – l’amélioration de la prise en charge des malades (7). En 2002, la prévalence à 5 ans (qui est un moyen d’évaluer la population de malades susceptibles de consommer des soins) a été estimée à 39 940 cas, représentant la cohorte des personnes toujours en vie en 2002 et ayant eu un diagnostic de cancer bronchique porté entre 1998 et 2002. Les projections pour 2012 estiment à cette date une prévalence de 46 070 cas (37 030 hommes et 9 040 femmes) [8, 9]. Afin de permettre les comparaisons d’une période de temps à une autre ou d’une région à une autre, c’est en taux standardisé – ici, sur la structure d’âge de la population mondiale pour 100 000 personnesannées − qu’il faut s’exprimer (taux standardisé monde ou TSM) [10]. Par exemple, le taux brut d’incidence chez l’homme en 2005 était calculé à 80,9 alors que le TSM était égal à 50,5. Cette discordance apparente est liée à l’augmentation de la population, à la structure d’âge actuellement vieillissante de la population française lorsqu’on la compare à la population mondiale, ainsi qu’à la diminution régulière des autres causes de mortalité comme, par exemple, la mortalité cardiovasculaire ou par maladies infectieuses ; si l’on se réfère à la population européenne, plus proche de la population française, l’écart observé entre le taux brut (par exemple, 80,9 pour l’incidence chez l’homme) et le taux standardisé “Europe” (qui est de 72,1) est moins net. Seuls les taux standardisés doivent être pris en compte, car ils reflètent ce qui serait observé dans une population fictive et de structure stable, permettant ainsi des comparaisons internationales et dans le temps, et c’est le TSM qui est le plus volontiers usité. Le médecin a donc l’impression, à juste titre, de se trouver confronté à un nombre croissant de patients (figure 1), alors même que l’expression des données en taux standardisés se révèle tendre, en tout cas chez l’homme, vers une diminution des paramètres épidémiologiques (figure 2). En 2010, ce taux standardisé était, pour l’incidence, de 51,9 chez l’homme et de 17,8 chez la femme ; pour la mortalité, il était respectivement de 38,6 et de 12,1. Mots-clés 40 30 20 10 0 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Années Incidence homme Mortalité homme Incidence femme Mortalité femme Figure 2. Taux d’incidence et de mortalité (standar­disés sur la population mondiale pour 100 000 personnesannées) en France selon le sexe et l’année. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 6 - juin 2011 | 371 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du poumon Évolution épidémiologique du cancer broncho-pulmonaire en France années 2010 fait le lit des cancers bronchiques qui seront diagnostiqués dans la décennie 2030. Reflet de la différence entre les genres, alors que l’incidence et la mortalité diminuent chez l’homme, elles augmentent chez la femme, chez qui l’incidence a triplé ces 20 dernières années. En effet, l’augmentation d’incidence observée chez l’homme jusqu’à la fin des années 1990 s’est stabilisée, voire inversée, entre 2000 et 2005, avec une décroissance moyenne annuelle de 0,5 % ; toutefois, l’incidence projetée pour 2010 a regagné son niveau de 2000, à 51,9 pour 100 000 personnes-années en TSM. En revanche, chez la femme, l’augmentation de l’incidence est franche et continue, celle-ci passant de 3,6 en 1980 à 12,6 en 2005, avec une estimation à 17,8 pour 2010 ; cela correspond, entre 2000 et 2005, à une augmentation annuelle de 5,8 % (11). Comme pour l’incidence, la mortalité par cancer du poumon est en net recul chez l’homme, avec un taux de décroissance moyenne annuelle de 1,7 % entre 2000 et 2005, alors qu’elle continue à augmenter chez la femme : + 3,5 % entre 1980 et 2005 et, même, + 4,2 % entre 2000 et 2005. Il existe une franche disparité entre les régions, avec schématiquement un gradient Nord-Est/Sud-Ouest, qui est sans doute le reflet de situations socio-économiques et socioculturelles différentes. Ainsi, le taux d’incidence le plus élevé chez l’homme est observé dans le Nord-Pas-de-Calais (+ 40 % par rapport à la moyenne française) et le plus faible en Limousin et en 80 70 Incidence et mortalité (%) 60 50 40 30 20 10 0 Hongrie France Union européenne Incidence États-Unis Suède Mortalité Figure 3. Taux d’incidence et de mortalité standardisés à la population mondiale. 372 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 6 - juin 2011 Midi-Pyrénées (− 19 % par rapport à la moyenne française). Chez la femme, la situation, après une période où la maladie était concentrée dans les grandes villes, se rapproche de celle observée chez l’homme ; les taux les plus élevés sont observés en Lorraine (+ 33 % par rapport à la moyenne française), en Îlede-France (+ 29 %) et en Corse (+ 27 %) ; les taux les plus faibles se retrouvent en Basse-Normandie (− 24 %), dans les Pays de la Loire (− 23 %) et dans le Nord-Pas-de-Calais (− 22 %). Alors qu’une diminution de l’incidence est observée dans la majorité des régions chez l’homme entre 2000 et 2005, celle-ci a augmenté chez la femme dans toutes les régions entre 1980 et 2005, avec une accentuation encore plus marquée entre 2000 et 2005. De façon prévisible, ces disparités régionales pour l’incidence se retrouvent à peu près à l’identique lorsqu’on analyse les taux de mortalité (11). Comparaison avec l’Europe et le reste du monde Le cancer du poumon représente 11,7 % des nouveaux cas de cancer à l’échelle européenne, et il est également, avec 252 000 cas estimés en 2008 (soit 20,5 % des décès par cancer dans l’Union européenne), à l’origine du plus grand nombre de décès. Les taux d’incidence et de mortalité observés en France chez l’homme sont proches de la moyenne de l’Union européenne et du taux estimé des États-Unis (figure 3). Chez la femme, la France se situe légèrement en dessous des autres pays de l’Union européenne, aussi bien pour l’incidence que pour la mortalité, et bien en dessous des États-Unis ou du Canada. Les tendances évolutives observées en France le sont également dans les pays au mode de vie similaire, comme les États-Unis, dont l’exemple est particulièrement intéressant, puisque l’épidémie tabagique y évolue avec un décalage d’au moins 20 ans d’“avance” par rapport à la France (12). Ainsi, chez l’homme français, la mortalité décroît depuis 1995 au rythme de 1 % par an, alors que la décroissance se poursuit depuis 1991 aux États-Unis à la vitesse de 1,9 % par an. Au contraire, la mortalité s’est stabilisée en plateau depuis 2002 chez la femme américaine, alors qu’elle continue à augmenter chez la femme française (13). En Europe, les taux de mortalité diminuent chez l’homme, particulièrement en Europe de l’Ouest et du Nord, tandis que, chez la femme, ils continuent à augmenter dans un grand nombre de pays mais se stabilisent dans d’autres, notamment en Europe de l’Est et du Nord (14). DOSSIER THÉMATIQUE Âge et sexe : situation en 2010 Dans tous les cas, il s’agit encore d’une maladie essentiellement masculine, que ce soit pour l’incidence (73 %) ou la mortalité (73 %). En raison de l’introduction récente du tabagisme dans les générations féminines les plus jeunes, le risque de survenue d’un cancer du poumon augmente au fil des générations chez la femme, et est passé, par exemple, de 0,8 % pour la cohorte née en 1930 à 2,5 % pour la cohorte née en 1950. L’âge moyen au diagnostic était estimé, en 2005, à 65 ans chez l’homme et à 64 ans chez la femme. Environ 50 % des nouveaux cas de cancer du poumon se déclarent avant 65 ans. L’incidence est voisine dans les deux sexes jusqu’à 50 ans. Au-delà, l’inci­ dence est plus élevée chez l’homme que chez la femme, reflet, là encore, de l’apparition plus tardive du tabagisme chez la femme. À partir de la tranche d’âge 65-74 ans, l’incidence est environ quatre fois plus élevée chez l’homme que chez la femme. Les taux de survie relative à 1 et 5 ans des patients dont le diagnostic a été porté entre 1989 et 1997 étaient respectivement de 43 % et 14 %. La survie relative à 5 ans chez la femme est légèrement supérieure (18 %) à ce qu’elle est chez l’homme (13 %). Plus de 40 % des décès par cancer du poumon surviennent avant l’âge de 65 ans. Avant 50 ans, les taux de mortalité sont faibles et proches dans les deux sexes. Ils augmentent ensuite avec l’âge, plus rapidement chez l’homme que chez la femme, et, comme pour l’incidence, le taux de mortalité masculin est quatre fois plus élevé que le taux féminin après 65 ans. Chez l’homme, le risque de décéder avant 75 ans d’un cancer du poumon est relativement stable, quelle que soit la cohorte de naissance ; au contraire, ce risque augmente au fil des générations chez la femme (0,5 % pour la cohorte née en 1920 mais 1,6 % pour celle née en 1950). Sur la période 2003-2007, l’âge médian au moment du décès était de 68 ans chez l’homme et de 69 ans chez la femme (11). Tabagisme et autres causes de cancer bronchique En France, la consommation de tabac est le principal facteur de risque de cancer du poumon. La consommation de cigarettes a atteint un maximum de 9 par adulte et par jour chez les hommes en 1980 et de 3,5 chez les femmes en 1991. La baisse a donc commencé chez les hommes 11 ans plus tôt que chez les femmes et a été beaucoup plus marquée. Ces diminutions peuvent être portées au crédit des politiques publiques de prévention du tabagisme, qui ont cheminé en trois étapes : loi Veil du 9 juillet 1976, loi Évin du 10 janvier 1991 et, plus récemment, premier Plan cancer 2003-2007, qui, sur 70 mesures, en consacrait neuf à la lutte contre le tabagisme, avec notamment l’augmentation significative et régulière du prix de vente du tabac, l’interdiction de la vente aux mineurs de moins de 16 ans et l’application stricte de l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs. Ainsi, entre 2002 et 2008, une diminution de 31 % des ventes de tous types de produits du tabac a été observée. Parallèlement, le nombre de fumeurs réguliers a diminué de 12 % entre 2000 et 2005, passant de 29,5 à 26,1 %. Enfin, l’usage quotidien du tabac concernait 41,1 % des adolescents de 17 ans en 2000, mais seulement 28,9 % en 2008, révélant une diminution de 27 % ; il en est de même pour les adolescents de 15 et 16 ans, avec une prévalence du tabagisme qui est passée de 31 % en 1999 à 17 % en 2007, soit une diminution de 45 % (15). La mortalité par cancer bronchique est le reflet du tabagisme des 20 à 30 années précédentes. Entre 35 et 44 ans, elle est donc un excellent reflet de la responsabilité du tabagisme dans l’épidémie, puisque l’entrée dans le tabagisme se fait majoritairement entre 15 et 20 ans. Or, les différences observées dans cette tranche d’âge sont très marquées selon le genre, puisque le risque de décès a diminué de moitié en 10 ans chez l’homme, tandis qu’il a été multiplié par quatre dans le même temps chez la femme, ce qui reflète parfaitement la diminution de la consommation de cigarettes entre 15 et 44 ans chez les hommes au cours des 10 dernières années et, au contraire, son augmentation chez la femme. Il est très probable que l’épidémie va continuer chez les femmes au fur et à mesure que vieilliront les générations de femmes fumeuses. Malheureusement, les ventes de cigarettes étant restées à peu près stables depuis 2004, on peut également craindre un ralentissement de la diminution de la mortalité notée chez les hommes (16). À côté du tabagisme, les causes professionnelles sont encore largement méconnues, puisque plus de 60 % des cancers d’origine professionnelle ne sont pas reconnus comme tels (17). Ainsi, un rapport de l’Institut de veille sanitaire datant de 1999 relevait que seuls 458 cancers avaient été reconnus comme étant d’origine professionnelle au sens de la législation du travail, alors que le nombre des tumeurs liées à une exposition au travail était évalué comme allant de 2 433 à 5 427. C’est, bien évidemment, l’amiante qui est majoritairement incriminé dans la survenue de ce cancer, quel que soit par ailleurs le tabagisme La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 6 - juin 2011 | 373 DOSSIER THÉMATIQUE Cancers du poumon Évolution épidémiologique du cancer broncho-pulmonaire en France du patient. Il a été estimé que 25 % des hommes retraités ont été exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle. Aussi tout patient nouvellement diagnostiqué devrait-il faire l’objet d’une évaluation de son “cursus laboris” à la recherche d’une exposition à un cancérogène, cette dernière pouvant justifier ensuite une déclaration en maladie professionnelle (au titre du tableau 30bis, s’il s’agit d’une expo­sition à l’amiante, pour les cancers bronchiques). À cet effet, un questionnaire, élaboré conjointement par la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et la Société française de médecine du travail, a été élaboré et publié (18) ; il est également accessible sur le site de la SPLF (www.splf.org, rubrique “Documents”). Prise en charge thérapeutique Les cancers pulmonaires sont la source de 11,8 % des chimiothérapies administrées en France en 2009, soit un total de 263 816 séances. Le bévacizumab, désormais largement utilisé dans le traitement des cancers du poumon, est, en France et dans le monde, à la première place (19,3 %) des dépenses en médicaments anticancéreux, toutes indications thérapeutiques confondues. Le pémétrexed représente à lui seul 8,1 % des dépenses en molécules anticancéreuses et continue sa croissance. L’extension des indications de l’erlotinib et l’introduction du géfitinib, médicaments pris par voie orale et distribués dans les officines, contribuent à l’augmentation des dépenses sur le marché “de ville”. Parallèlement, le nombre des recherches de mutation du récepteur de l’EGF effectuées par les 28 plates-formes hospitalières de génétique moléculaire labellisées par l’INCa est passé de 1 269 en 2008 à 2 667 en 2009, pour atteindre 7 554 au premier semestre 2010 (19). Des recommandations récentes guident le traitement des cancers bronchiques primitifs (20). Si l’on en croit un sondage effectué en 2002 par la Caisse nationale d’assurance maladie, il est à souhaiter que ces recommandations soient effectivement suivies. En effet, l’échantillon sondé incluait 6 557 patients représentatifs, dont près des deux tiers étaient traités pour une maladie métastatique. Il s’est avéré que près de la moitié des patients atteints d’une tumeur de stade III ne recevait pas de radiothérapie ; plus de la moitié recevait un protocole non cohérent avec les Standards, Options et Recommandations validés à cette date ; seuls 3 % des malades étaient inclus dans un essai thérapeutique, et ce ne sont pas moins de 71 protocoles différents qui étaient appliqués dans le cadre d’une première ligne de chimiothérapie pour un cancer métastatique ! Conclusion Le cancer du poumon ne devrait pas exister ou devrait être rare, puisque le facteur de risque majeur qu’est le tabagisme est connu de longue date. Il est indispensable qu’une politique de prévention soutenue soit appliquée, sans faille, par les pouvoirs publics. Le cancer du poumon reste en effet classé par l’INCa, avec les tumeurs du foie, du pancréas, de l’œsophage et du système nerveux central, parmi les cancers de mauvais pronostic, pour lesquels la survie à 5 ans est inférieure ou égale à 20 %. Dans le cas spécifique du cancer du poumon, la survie à 5 ans est estimée à 14 % (11). Il importe toutefois de souligner que ces analyses sont basées sur le suivi de patients traités pour cancer avant 2000 et n’ayant donc bénéficié ni des stratégies thérapeutiques modernes, ni des médicaments les plus récents. ■ Références bibliographiques 1. Launois G. Épidémiologie des cancers bronchopulmonaires en France. Facteurs sociologiques et professionnels. Rev Mal Respir Actual 2010;2(3):145-9. 2. Youlden DR, Cramb S, Baade PD. The international epidemiology of lung cancer: geographical distribution and secular trends. 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