4 JOËL BELLAÏCHE
l’ordre |Gν|tend vers l’infini, et avec une famille de sous-ensembles Dνde Gνinvariants par conjugaison,
et il importe d’obtenir une majoration de λ(Dν)qui soit asymptotiquement meilleure que la majoration
λ(Dν)≤ |Dν|1/2, par exemple une majoration de la forme λ(Dν)≤ |Dν|αavec α < 1/2. Afin d’aider
à l’obtention de telles majorations, nous développons une "boîte à outils" permettant de manipuler cet
invariant λ(D)(et plus généralement λ(f)). Certains de ces outils sont des transpositions de techniques
utilisées par Serre dans serre
[23] ou par Murty-Murty-Saradha dans effective
[19] pour obtenir de meilleurs résultats
que ce qu’ils obtiendraient par une application directe de leurs versions respectives du théorème de
Chebotarev. Cependant, alors que pour Serre et Murty-Murty-Saradha ces techniques supposaient de
changer, souvent plusieurs fois, l’extension de corps de nombres considérée et de traduire, de manière
parfois un peu délicate, les résultats pour une extension en termes d’une autre, elles deviennent dans
le langage de la complexité de Littlewood des lemmes élémentaires sur les représentations des groupes
finis. Ainsi, la complexité de Littlewood permet non seulement d’obtenir de meilleurs résultats que ceux
de serre
[23] et effective
[19] par exemple, mais aussi de retrouver plus simplement les leurs.
Quand la table des caractères d’un groupe fini Gest connue, on peut en théorie calculer la complexité
de Littlewood λG(D)de n’importe quel ensemble invariant par conjugaison D, et la comparer avec la
majoration de Cauchy-Schwarz p|D|. La table des caractères est connue dans plusieurs cas particuliè-
rement importants dans les applications : celui où Gest abélien, celui où Gest le groupe symétrique Sn,
pour lequel on dispose d’une description combinatoire de la table des caractères, ou encore celui où G
est un groupe fini de type de Lie, où la théorie de Deligne-Lusztig et les travaux subséquents de Lusztig
donnent une description complète des caractères. "En théorie" seulement, car le calcul se révèle souvent
extrêmement difficile, même dans le cas abélien. Nous donnons dans cet article un certain nombre de
tels calculs : dérangements dans Sn, matrices de traces fixées dans GLn(F`)ou dans GSP4(F`). Comme
cette liste le suggère, il reste beaucoup à faire, en particulier une étude systématique en utilisant la
théorie de Deligne-Lusztig de la complexité de Littlewood de l’ensemble des matrices de trace donnée
dans un sous-groupe de type de Lie de GLn(F`).
Notons par ailleurs qu’il n’est pas difficile de voir (cf. §egaliteNA
2.1) que λ(f)est égale à la norme d’algèbre
||f||A(G)de f, une notion introduite par Pierre Eymard en 1964 pour une fonction fsur un groupe
localement compact (eymard
[8]), et bien plus ancienne dans le cas d’un groupe abélien localement compact G,
puisque dans ce cas ||f||A(G)est la norme L1de la transformée de Fourier ˆ
fde G. Que cette notion,
fondamentale en analyse harmonique, soit importante an arithmétique est évident depuis les travaux
de Hardy et Littlewood. Rappelons à ce sujet la conjecture de Littlewood (d’où les noms "norme de
Littlewood", et "complexité de Littlewood") selon laquelle, pour Dun sous-ensemble fini de G=Z,
on a ||1D||A(G)log |D|. La conjecture de Littlewood (maintenant un théorème) a fait l’objet de
nombreuses recherches et généralisations, notamment aux cas des groupes abéliens localement compacts.
Tout récemment, sa généralisation au cas d’un groupe fini non nécessairement abélien (c’est-à-dire au
cas que nous considérons ici) a fait l’objet d’un article de Tom Sanders sanders
[21]. Puisque pour la conjecture
de Littlewood et ses variantes, on cherche à minorer ||1D||A(G), tandis que nous cherchons au contraire
ici à le majorer, nos résultats sont essentiellement disjoints, et en fait, complémentaires, de ceux de
sanders
[21]. Notons qu’il ne semble pas que les applications au théorème de Chebotarev fassent partie des
motivations de Tom Sanders.