B. Marchou, Module 11, 10/05/12
ITEM N°204 : GROSSE JAMBE ROUGE AIGUË
Voir aussi ITEMS
- N° 87 : infections cutanéo-muqueuses bactériennes et mycosiques
- N° 101 : pathologie d’inoculation
- N° 207 : infections aiguës des parties molles
- N° 213 : piqûres et morsures
OBJECTIFS TERMINAUX
I. - Diagnostiquer une grosse jambe rouge aiguë
II. - Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
I. DIAGNOSTIQUER UNE GROSSE JAMBE ROUGE AIGUË
Une grosse jambe rouge aiguë est le plus souvent synonyme d'une dermohypodermite bactérienne
(DHB) aiguë ou érysipèle
Les streptocoques ß-hémolytiques du groupe A (S. pyogenes), du groupe B (S. agalactiae).. C, G
représentent les causes principales
Une porte d'entrée souvent minime doit être recherchée, tandis que l'œdème chronique représente le
facteur de risque principal.
1.1. DIAGNOSTIQUER UN ERYSIPELE :
Le diagnostic est clinique ; dans les cas typiques, aucun examen paraclinique n’est requis.
1.1.1. Terrain favorisant:
- obésité,
- insuffisance veino-lymphatique : lymphoedème, antécédent de phlébite
- antécédent d’érysipèle
1.1.2. Clinique
- Début brutal : frissons, malaise général suivis après quelques heures par des douleurs au
niveau de l’aine (adénopathie satellite) et de la jambe.
- Fièvre : le plus souvent > 39°C (manque dans 15% des cas hospitalisés)
- Placard inflammatoire :
o rouge, chaud, douloureux, induré,
o relativement bien limité (le bourrelet périphérique n’est typique que dans les
érysipèles de la face),
o pouvant être le siège de vésicules, bulles, parfois purpurique.
o d’extension rapide,
- lymphangite (traînée rouge, douloureuse, remontant à la face interne de la cuisse) et
adénopathie crurale (inconstantes)
- Porte d’entrée :
o toute effraction de la barrière cutanée,
o le plus souvent intertrigo interdigital : « pied d’athlète », parfois onychomycose
o parfois : ulcère chronique
-
- Complications liées à l’infection :
o extension vers la racine du membre, voire la fesse et le flanc
o adénophlegmon crural
o bactériémie : rare
o GNA : rare
o Nécrose des plans profonds : voir plus loin
- Complications liées au contexte :
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o phlébite : en cas d’alitement prolongé sans prévention anti-thrombotique : c’est dans
ce contexte qu’il peut être utile de demander un echodoppler veineux, examen par
ailleurs inutile pour le diagnostic de DHB
o décompensation d’une tare : éthylisme (Delirium tremens), diabète
1.1.3. Para-clinique
- syndrome inflammatoire : hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile. Elévation de la
VS et de la CRP
- hémocultures : rarement positives
- prélèvement au niveau de la porte d’entrée pour rechercher :
o le streptocoque ß
o le champignon à l’origine de la porte d’entrée du streptocoque
1.2. DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS:
- Dermohypodermites autre que streptococcique : : voir maladies d’inoculation
o Erysipéloïde,
o pasteurellose
- Toute jambe rouge n’est pas une dermohypodermite : toujours se méfier d’une
suppuration :
o superficielle : abcès surtout si inoculation septique (toxicomane)
o profonde : musculaire (myosite), articulaire (arthrite), voire osseuse (ostéomyélite :
rare)
o des examens d’imagerie sont utiles dans ces cas : radiographie standard ;
échographie, mieux scanner
- Phlébite superficielle : trajet veineux ;
- Phlébite profonde : pas de placard, « phlegmatia alba =(blanche) dolens »
- Eczema : placard érythémato-vésiculeux, suintant, prurigineux, non fébrile
- NB : certaines poussées de lymphangite aiguë sur fond de lymphoedème ne sont peut être
pas toujours d’origine infectieuse, surtout en l’absence de fièvre. Dans le doute un traitement
antibiotique est le plus souvent prescrit en première intention.
II. IDENTIFIER LES SITUATIONS D’URGENCE ET PLANIFIER LEUR PRISE EN CHARGE
Les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN) sont des infections cutanées
provoquant une nécrose du derme et de l’hypoderme, voire de l’aponévrose superficielle sous-jacente
(définissant la fasciite nécrosante, FN).
Etiologie :
Streptococcus pyogenes (voire autres streptocoques ß) est le principal agent de DHBN et FN des
membres.
Mais d’autres germes doivent être envisagés selon la porte d’entrée et les modalités de
contamination :
Si contamination tellurique ou post-opératoire : anaérobies, bacilles à Gram négatif.
Si infection iatrogène, toxicomanie ou porte d’entrée à type de furoncle : staphylocoque doré
Si contamination hydrique : Vibrio vulnificus, Aeromonas hydrophila
Si morsure animale : infection plurimicrobienne (streptocoques, anaérobies, pasteurelles,…)
Terrain :
S. pyogenes peut entraîner une DHBN-FN sur tout terrain
Facteurs de risque : artériopathie (de toute cause : diabète,..) à rechercher
systématiquement surtout s’il ne s’agit pas de S. pyogenes
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Les AINS sont susceptibles de favoriser l’évolution vers une DHB/FN quand ils sont prescrits
par erreur devant une « grosse jambe douloureuse » alors que la fièvre peut ne pas être
connue et la jambe non encore rouge.
Le diagnostic est clinique.
Signes néraux : sepsis sévère souvent au premier plan (taux de mortalité de l’ordre de 30
%).
signes locaux :
o parfois évidents : lésions nécrotiques (blanches puis noires, exsangue lors de
l’incision avec une lame de bistouri) plus ou moins étendues ; leur taille sous-estime
toujours l’étendue des lésions profondes +++
o plus difficiles à reconnaître au début, es signes de gravité qui doivent inquiéter sont
les suivants : œdème majeur et extensif au fil des heures, douleur intense, anesthésie
locale, lividités cutanées, taches ou vésicules cyaniques, extension de l’érythème
(dont il faut surligner les contours+++) sous antibiotiques adaptés, crépitations à la
palpation.
Le patient doit être orienté en milieu spécialisé il relève d’une prise en charge par une équipe
médico-chirurgicale.
Examens complémentaires : ne doivent pas retarder l’heure de la chirurgie
Biologie
syndrome inflammatoire biologique,
signes de sepsis sévère : acidose métabolique.
mocultures plus souvent positives que dans l’érysipèle
dosage systématique des créatinine-phospho-kinase (CPK) dont l’élévation traduit une
nécrose musculaire et représente un signe de gravité.
Imagerie :
radiographies sans préparation de la région atteinte pour rechercher des images aériques
sous-cutanées, témoignant d’une infection à germes anaérobies.
échographie des parties molles, mieux scanner. L’ IRM permettrait de mieux évaluer la gravité
et de guider le geste mais cet examen ne doit pas retarder le geste chirurgical.
Le traitement de la DHBN-FN est une urgence médico-chirurgicale :
Réanimation : traitement symptomatique du sepsis grave voire de l’état de choc.
Antibiothérapie probabiliste, à large spectre, IV :
o Tazobactam-pipéracilline +clindamycine quand le tableau oriente vers un
streptocoque ß-hémolytique sans pouvoir exclure d’autres pathogènes notamment
BGN
o Pénicilline M (ou glycopeptide en cas de suspicion de SARM) plus aminoside quand
on s’oriente vers une suppuration à staphylocoque doré
Si porte d’entrée tellurique : prévention tétanos
Chirurgie :
o précoce : facteur pronostique déterminant
o incisions de drainage longitudinales (debridement des anglo-saxons) à un stade
précoce ;
o excision de l’ensemble des tissus nécrosés jusqu’aux tissus sains. Une
exérèse complémentaire dans un second temps est souvent nécessaire.
Anticoagulation préventive post-opératoire
Oxygénothérapie hyperbare si possible, toujours après la chirurgie
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