Têtes de bassin versant Milieux, usages, enjeux et politiques publiques Stéphane GRIVEL -MEDDEPierre CAESSTEKER -OnemaCrédit photo : Agence de l’Eau Rhin-­Meuse Paris : 4 mars 2015 Cours d’eau Zones humides Mares Rigoles Bois Bosquets Cultures Haies Prairies Ripisylves Friches Talus Bandes enherbées UN COURS D’EAU, UNE ZONE HUMIDE C’EST QUOI ? Qu’est-ce qu’un cours d’eau ? Définition d’un cours d’eau ü ü Critères naturels d’un cours d’eau Pas de définition réglementaire générale Basée sur la jurisprudence (reprise par circulaire du 02/03/05) alimentation par une source présence d’un lit marqué présence d’un débit suffisant présence d’invertébrés, source de nourriture de la faune piscicole Origine de l’eau eaux pluviales et eaux d’assainissement ne définissent pas un cours d’eau Artificialisation un cours d'eau naturel à l'origine mais rendu artificiel constitue un cours d’eau Arrêt du Conseil d’Etat du 28/11/2011 sur la définition d’un cours d’eau ü L’absence d’une vie piscicole ne fait pas, par elle-même, obstacle à la qualification de cours d’eau ü Si l’écoulement n’est pas permanent, cette caractéristique ne prive pas le ruisseau de son caractère de cours d’eau c Qu’est-ce qu’un cours d’eau en tête de bassin ? Cours d’eau de rang de Strahler 1 et 2 à l’échelle 1:25 000 Classification du réseau hydrographique selon l’ordre de Strahler (Environmental Protection Agency, 2009*) Jusqu’aux zones de source avec leurs zones humides associées Cours d’eau généralement de largeur inférieure à 2 mètres L’ensemble des cours d’eau permanents représente un linéaire de 270 000 km en France métropolitaine. Si on prend en compte l’ensemble du chevelu des têtes de bassin, on atteint plus de 500 000 km de cours d’eau en France métropolitaine (Centre d’information sur l’eau, 2013. Les ressources en eau en France) Les cours d’eau en tête de bassin représentent au moins 75% de la longueur totale du réseau de cours d’eau (Schumm, 1956 ; Shreve, 1969 ; Meyer & Wallace, 2001 ; Benda et al., 2005* ; Le Bihan, 2009* ; Malavoi, 2009) Qu’est-ce qu’une zone humide ? Carte 1/100 000ème des milieux potentiellement humides (INRA-Agrocampus 2014) ne tient compte ni des aménagements réalisés, ni de l’occupation du sol, ni des processus pédologiques et hydrologiques locaux qui limiteraient le caractère effectivement humide de ces zones. 12 987 000 ha de milieux potentiellement humides soit environ 23,2 % du territoire métropolitain DIVERSITE DES MILIEUX HUMIDES France métropolitaine Combe de neige Tourbières Lac naturel Retenues et plans d’eau Sources et suintements Mare naturelle Prairie humide Lande humide Carrière en eau et affaiss. min. Retenues et plans d’eau Etang d’arrière dunes Ripisylve et bras mort Dunes Lagunage Sansouïre Zone estuarienne Mare anthrophique Forêt humide Marais salé Vasières Salins et marais salants Conchylic. Pisciculture Lagunes, étangs saumâtres Herbiers marins Marais desséchés et mouillés + LES COURS D’EAU FONCTIONS ET SERVICES DES TETES DE BASSIN INTERETS DES TETES DE BASSIN Fonctions et services rendus FONCTIONS Les cours d’eau peuvent eux être comparés à notre réseau sanguin FONCTIONS HYDROLOGIQUES Echanges atmosphérique § Microclimat Echanges avec le réseau hydrographique de surface § Régulation des débits d’étiages Echanges avec le sous sol § Expansion des crues § Recharge de nappe ENJEUX HYDROLOGIQUES § forte capacité de rétention d’eau (tourbe et autres sols hydromorphes) § réserve d’eau indispensable au soutien d’étiage § zone d’expansion des crues, ralentissement du ruissellement et des temps de transfert, écrêtement des crues § Alimentation : eaux météoriques uniquement (pluie, brouillard, neige) milieu perché § Alimentation : écoulements lents et continus, de surface ou souterrains milieu de transit de nappe § Alimentation : nappe affleurante stagnante dans dépression topographique § Alimentation : crues périodiques provenant d’une nappe alluviale ou d’un cours d’eau milieu de dépression milieu riverain de cours d’eau FONCTIONS PHYSIQUE & BIOGEOCHIMIQUE Enjeux physique et biogéochimique Protection physique contre l’érosion Épuration des eaux § stabilité des berges et apport de sédiments et matières organiques au cours d’eau aval § au niveau des écoulements de surface (zone tampon) : rétention des sédiments et des intrans (nitrate, phosphate) § au niveau des écoulements souterrains : rétention des intrans lors du battement de la nappe Apport et dépôts Reprise de matériaux Transformation Rétention et élimination des nutriments Rétention des toxiques § Piège dans lesquels les matières minérales ou organiques (de sédiments dans les vallées et accumulation de tourbe …) § Les sédiments et alluvions issus de l’érosion du Bassin versant, se déposent en aval, alimentant les cours d’eau et les plaines lors de crues débordantes. § Les composés qui alimentent un milieu humide sont transformés par de nombreux processus. (actions des végétaux et des bactéries, oxydo-­réduction …) § azote, phosphore … § Leur efficacité sur les formes dissoutes ou celles qui sont associés aux particules dépend de la nature des produits introduits, de l’importance des flux, de la nature des écoulements dominants (de surface et souterrains), ainsi que de la nature des sédiments, de leurs conditions d’oxydoréduction, de leur teneur en matière organique et de la composition de celle-­ci. Attention !!! Reste le problème de l’accumulation des substances qui peut créer une ambiance toxique défavorable à l’équilibre écologique du milieux -­> besoin de traiter le problème à la source. Les acteurs de la décomposition de la matière organique Transformation de la MO par une faune et une flore spécialisées dans les processus de dégradation (Baudoin, 2007*) üHypomycètes aquatiques (jusqu’à 50% de la perte de la masse foliaire) ü Invertébrés benthiques (essentiellement les invertébrés déchiqueteurs) ü Bactéries Les embâcles de bois sont importants pour le stockage et la stabilisation du substrat (Murphy et al., 1986 ; Chamberlain et al.,1991) et forment d’importants habitats piscicoles (Bechie & Sibley, 1997) « Laisser le bois dans les cours d’eau » © LE BIHAN, 2009 FONCTIONS ECOLOGIQUES Enjeux écologiques et patrimoniaux Écotone Foyer de la biodiversité § interface milieu terrestre / milieu aquatique § faune / flore inféodée aux ZH, généralement riche, rare et protégée ü plantes hygrophiles, oiseaux, mammifères, amphibiens, poissons & écrevisses … § habitats d’intérêt communautaire (Dir. Habitat) § habitats patrimoniaux (ZNIEFF) Photos : Internet Présence d’espèces endémiques à ces milieux (Meyer et al., a & b 2007* ) ü L’écrevisse à pied blanc (Austropotamobius pallipes) ü Le chabot (Cottus gobio) ü La moule perlière (Margaritifera margaritifera) ü La lamproie de planer (Lampetra planeri) © BURGUN, 2009 © BERGLUND © FAURON,1999 © EMILIEN, 2010 Importance biologique des cours d’eau avec poissons Chez la truite de rivière, il existe une interaction forte entre les populations du cours principal et les affluents essentiellement par le biais de leurs descendances (Baglinière et al., 1989) Reproduction importante en tête de bassin versant Augmentation de la densité de truite vers l’amont (Nihouarn, 1983) Diminution des classes d’âge vers l’amont (Nihouarn, 1983) Exemple sur le ruisseau de Kernec (Baglinière et al., 1989) Importance biologique des cours d’eau sans poissons Influence des cours d’eau sans poissons ü Les cours d’eau en tête de bassin « sans poissons » favorisent les amphibiens et les reptiles (Johnson et al., 2009*) ü Indice de diversité de Simpson et Shannon de 10% à 20% plus élevé dans les cours d’eau sans poissons, par rapport à ceux à truites (Herbst et al., 2009*) ü Densité en invertébrés plus élevée, présence de taxons rares ü Susceptible d’alimenter 100-2000 salmonidés de l’année (Wipfli & Gregovich, 2002*) •Les bénéfices tirés des écosystèmes se composent de services de prélèvement, de régulation et les services d'ordre culturel qui affectent directement les populations et les services d'auto-­entretien nécessaires à la délivrance des autres services. Les changements dans la capacité de délivrer ces bénéfices affectent le bien être de l'Homme sous forme d'impacts sur la sécurité, les éléments essentiels pour une vie agréable, la santé, et les relations sociales et culturelles. Ces éléments constitutifs du bien-­être sont à leur tour influencés par, et affectent les libertés et la possibilité de choisir des individus. SERVICES RENDUS Approvisionnement •Fourniture d’eau Comme de nombreuses villes, une partie de l’alimentation en eau des habitants de Besançon et de Clermont-­Ferrand provient de captage en têtes de bassin. •Matières premières – source de développement des territoires Les têtes de bassin restituent de l’eau à la saison sèche, soutenant ainsi les débits des cours d’eau en période de basses eaux (étiage). Elles peuvent ainsi préserver certaines activités agricoles -­ alimentation fourragère, élevage… -­ des effets des sécheresses. C’est ainsi par exemple que certains éleveurs-­bovin du Tarn, ayant sur leurs exploitations ayant sur leurs exploitations des sagnes (tourbières), ont limité l’impact de la sécheresse estivale de 2003. En effet, les animaux ont pu trouver eau et fourrage dans ces milieux [voir la vidéo «Le Réseau Sagne, comment chacun fait sa part»]. Régulation •Pouvoir épurateur et Régulation des débits Influence sur le climat Les milieux humides jouent un rôle dans la régulation des microclimats. Les zones humides connaissent en effet une évaporation intense des sols et de la végétation (évapotranspiration), qui leur vaut d’être représentées, dans l’imaginaire collectif, comme des lieux de mystères habités de brumes permanentes. Ce phénomène d’évaporation influence, localement, les précipitations et la température atmosphérique. Culturels « Nous ne devons pas oublier que la biodiversité est au centre de bien des cultures du monde, la source de légendes et de mythes, l’inspiration en art et en musique » Déclaration sur les Objectifs du Millénaire pour le développement par les Dirigeants de CBD, CITES, CMS, Ramsar et du Centre du Patrimoine Mondial (WHC) en septembre 2005 Paysages culturels, patrimoine archéologique et monuments historiques, exploitation traditionnelle des ressources et perspectives d’avenir, aspects culturels et spirituels •-­ Manifestations religieuses et spirituelles : les fontaines miraculeuses du Limousin. •-­ Evénements profanes : Mythes et littératures (Désir, plaisir et dérèglements, L’harmonie avec la nature, Ruptures et secrets, Laideurs, peurs et bassesses, mort) Pourquoi travailler sur les têtes de bassin versant ? Connaissance limitée sur leurs fonctionnements / importances § Références bibliographiques (articles scientifiques, rapports…) 16 14 12 10 8 6 4 2 20 08 20 06 20 04 20 02 20 00 19 98 19 96 19 94 19 92 19 90 19 88 19 86 19 84 19 82 19 80 0 Evolution du nombre de publications scientifiques parues par an sur les têtes de bassin versant (étude réalisée sur 103 articles) M. Le Bihan, 2012 (ONEMA) Les têtes de BV des territoires à enjeux Une amélioration des connaissances récentes (PNRZH 1997-­2001;; LIFE, 2009;; études Onema etc.) : à poursuivre F Les implications certaines dans des schémas conceptuels bien connus : système fluvial (Schumm, 1977), continuum fluvial (Vannote et al., 1980), hydrosystème fluvial (Amoros et al., 1993)… Les têtes de bassin versant des territoires à enjeux Des infrastructures naturelles Des territoires de l’eau : F Qualité de l’eau F Quantité des ressources en eau F Lutte contre les inondations F Protection des milieux et de la biodiversité F Conciliation des usages Stéphane Les têtes de bassin versant dans les périmètres des politiques publiques F Quelle place dans les sphères réglementaires F Quelles implications F Quels objectifs de gestion ? Directive Habitats-­Faune-­Flore Têtes de bassin versant : nombreux habitats figurant à l’annexe I de la directive HFF et susceptibles de conduire à la désignation de Zones Spéciales de Conservation (tourbières, sources, ruisseaux, prairies humides, landes humides, pelouses hygrophyles…) F Maintien ou restauration des habitats naturels et espèces faunistiques et floristiques d’intérêt communautaire F Réseau Natura 2000 (60 % des sites N2000 : zones humides) F Mesures de conservation : 1/évaluation d’incidence N2000, 2/contrats N2000, 3/charte N2000 (exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties ) Crédits photos : Fédération des réserves naturelles Directive Cadre sur l’Eau Obj. : Atteinte du bon état écologique et chimique des eaux en 2015 ou nd 2021 (2 cycle de gestion DCE) ou 2027 sous réserves de reports de délais justifiés F Inscription dans la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA -­ 2006) F Mise en œuvre dans les bassins de gestion : SDAGEs et Programmes de Mesures F Révision en cours (2016-­2021) F Autre échelle de gestion : SAGE Liens zones humides -­Directive Cadre sur l’Eau Prise en compte indirecte : F Zones humides : indispensables à l’atteinte de l’objectif de bon état ( fonction épuratoire, interception des MES, soutien du débit d’étiage…) F HER et rang de Strahler 1 & 2 : typologie des cours d’eau F Réseau de Référence Pérenne F Réseau de Contrôle de Surveillance F Eléments de qualité Hydromorphologie : connaissance en développement, prise en compte progressive Directive Inondation F Inscription dans la Loi d'Engagement National pour l'Environnement (LENE -­ 2010) F Mise en œuvre dans les bassins de gestion : PGRIs // SDAGEs F Programme d’Actions et de Préventions des Inondations (PAPI) : rédaction en cours d’un guide piloté par le bureau des milieux aquatiques (DEB) F Implications des têtes de bassin versant : rôles et services en faveur de l’atténuation des crues par étalement et stockage, contributions hydrologiques au reste du bassin versant… Schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) : Trame Verte et Bleue F Outil d’aménagement du territoire F Réseau F Réservoirs de biodiversité et corridors F Implications des têtes de bassin versant Plan national d’Action en faveur de la Restauration de la Continuité Ecologique F Amélioration des connaissances des milieux et de leur place dans le continuum F Priorités des actions F Evaluation des bénéfices environnementaux Crédit photo : Fonds Rivières sauvages Convention RAMSAR F Reconnaissance internationale des zones humides F Visibilité politique F Engagement international de la France… mais faible portée juridique Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) F Identifier et décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. ZNIEFF de type I : secteurs de grand intérêt biologique ou écologique ;; ZNIEFF de type II : grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes F Zones humides inventoriées dès lors qu’il y existe des espèces ou habitats remarquables F Prise en compte obligatoire (cf. jurisprudence) dans les documents d’aménagement du territoire (SCOT, PLU) De nombreux outils mobilisables F Parcs naturels régionaux F Sites inscrits et sites classés F Arrêtés de protection de biotope F Réserves naturelles nationales F Parcs nationaux Loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux F Des enjeux de territoire F Conciliation des services écosystémiques et des usages F Approche intégrée et systémique de ces territoires ruraux de l’eau Crédits photos : Agence de l’Eau Artois-Picardie CONCLUSION • Des milieux humides dynamiques et intégrés au cycle hydrologique, aux bassins versants et aux hydrosystèmes fluviaux • Des milieux inscrits dans des territoires de l’eau fournissant des services écosystèmiques aux sociétés humaines • Des milieux diversifiés d’autant plus fragiles que les connaissances sont à améliorer quel état actuel des connaissances ? • Des territoires à multiples enjeux humains, économiques, environnementaux : comment les concilier ? • Une prise en compte dans les politiques publiques • Pour un renforcement des actions scientifiques, opérationnelles : quels sont les projets de territoires ? Crédit photo : Agence de l’Eau Rhin-Meuse conservatoires et