l’incompétence  en décidant par exemple de lui mettre une gastrostomie,  voire de l’attacher?  
S’opposer à l’autonomie, au risque de la contrainte  et au nom de la bienfaisance ? Seule une 
discussion  éthique  collégiale,  au  cas  par  cas,  peut  décider  du  moindre  mal  pour  le  patient. 
Lorsque  la  situation  devient  celle  d’une  « mort  relationnelle »,  il  faut  garder  une  présence 
vigilante qui sauvegarde la dignité du patient, vers la vie ou vers la mort. Dans tous les cas le 
défi est celui de naviguer entre deux écueils : celui de l’abandon ou de l’indifférence devant 
cet autre si « autre », et qui ne répond guère à nos efforts, mais aussi celui de l’obstination. 
2) Personne ou « légume » ? 
Un homme qui ne pense plus, dont le néo-cortex ne fonctionne plus, cesse-t-il de faire partie 
de la communauté des humains et devient-il, selon une formule triviale, un « légume » ? Oui, 
si on adopte une conception « cognitionniste » de la personne, qui définit la personne humaine 
par la conscience de soi, du monde, des autres. « Quiconque ignore qui il est, qui est autrui et 
que le  monde est,  sort de  l’humanité, même  s’il reste  vivant »  nous  dit  M.  Onfray.  Mais le 
soignant doit se référer à une conception ontologique et relationnelle de la personne humaine.  
Ontologique,  car  il  s’agit  de  dire  à  la  suite  de  Kant,  que  la  personne  est  la  mesure 
inconditionnée qui nous impose le respect, et non pas un objet conditionné par une évaluation 
préalable (au-delà donc de sa race, de sa religion…et de son état de conscience) ; la dignité est 
intrinsèque à la  personne humaine, absolue, elle  ne peut se perdre.  Les choses (les  légumes 
par  exemple)  ont  un  prix,  l’homme  a  une  dignité.  En  tant  que  soignant,  on  se  soumet  à 
l’obligation  morale  de  respecter  la  personne,  et  de  traiter  tout  être  humain  comme  une 
personne.!Le Comité Consultatif National d’Ethique avait d’ailleurs estimé dès 1986 que les 
patients  en  état  végétatif  persistant « sont  des  êtres  humains  qui  ont  d’autant  plus  droit  au 
respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité ». 
Relationnelle  car  la  dignité  d’une  personne  dépend  aussi  de  notre  regard.!Laissons  ici  la 
parole à F. Cohadon, à propos des états végétatifs : « Au bout du compte, il ne s’agit pas ici 
d’un diagnostic, il s’agit d’un regard. L’existence même de ces patients dépend directement 
de mon  regard : ces  patients sont exactement  ce que je  fais d’eux.  Si  mon regard  les fonde 
comme des personnes, ils sont des personnes et deviennent des personnes ; si mon regard les 
reconnaît  comme  sujets,  tôt  ou  tard  de  manière  infime  peut-être,  ils  s’exprimeront  comme 
sujets. Mais si je les tiens pour des choses, ils ne protesteront pas, ils seront «chosifiés ». Il 
ajoute :  la  permanence  de  la  personne  n’est  pas  seulement  une  posture  philosophique,  elle 
détermine  concrètement  nos  attitudes  et  nos  choix,  habite  le  dialogue  au  sein  des  équipes 
soignantes et avec les familles.  
3) Que nous apporte la loi d’avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie 
(loi Leonetti) ? 
La loi distingue les patients considérés comme capables d’exprimer leur volonté, et ceux qui 
sont hors d’état d’exprimer leur volonté, ce qui renvoie à la notion d’incapacité de fait, qu’on 
nomme parfois incompétence. Mais la loi ne précise pas ce que signifie un patient capable ou 
incapable  d’exprimer  sa  volonté ;  l’appréciation  de  cette  capacité  reste  de  l’ordre  de  la 
responsabilité  du  médecin.  Or,  cette  situation  recouvre  en  fait  essentiellement  le  cadre  des