Journée FIVATE FIVATE : le transfert impossible Bernard Broussin Aquitaine Santé Médecine de la Reproduction, Ifreares Bordeaux, Polyclinique Jean Villar, 33520 Bruges Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Mots clés : FIVATE, transfert d’embryon L a situation clinique de transfert impossible est une situation peu fréquente. Dans un travail publié en 1998 sur notre expérience de huit ans [1] nous avions dénombré pour 3 667 transferts 1 % d’échecs. Beaucoup de travaux ont été publiés en vue de l’amélioration de la qualité du transfert mais il est très difficile de connaître dans la littérature le taux exact d’échec total de transfert rencontré. Il faut peut-être rattacher à l’échec complet le transfert difficile qui s’accompagne d’un taux significativement moindre de grossesses [1,2]. Les causes Trois situations peuvent correspondre à un transfert impossible : soit il n’y a pas d’embryon, soit les embryons ne sont pas transférables, soit le geste est impossible pour des raisons techniques. – Il n’y a pas d’embryon si la tentative a été abandonnée avant la ponction (2,3 % en 2002 dans FIVNAT) en raison de la mauvaise qualité de la réponse à la stimulation ou de l’absence de spermatozoïde, si la ponction était blanche (2,6 % de 1998 à 2002 dans FIVNAT) ou enfin si aucun embryon n’a été obtenu après fécondation. – Les embryons ne sont pas transférables soit en raison de leur qualité insuffisante soit en raison de l’état phy- 30 sique de la patiente (en particulier en cas d’hyperstimulation). – Le geste est impossible ou très difficile pour des raisons techniques. Ce sont les anomalies anatomiques de l’appareil génital féminin qui sont responsables de cette situation. Certaines anomalies malformatives qui sont audelà de toute possibilité de grossesse auront été écartées par le bilan préalable. D’autres qui auront été considérées comme accessibles à la possibilité d’une grossesse peuvent poser des difficultés sérieuses : c’est le cas par exemple de certains « utérus DES ». Il existe aussi des difficultés en rapport avec un état acquis en raison par exemple d’une chirurgie du col ou d’une synéchie cervicale secondaire à une infection ou à une intervention chirurgicale endo-utérine. Un certain nombre d’échecs peuvent aussi être en rapport avec une angulation excessive de l’axe cervico-utérin. Enfin il semble nécessaire de considérer le rôle de l’opérateur. Si le degré de difficulté du transfert paraît être un facteur indépendant dans la prédiction des chances de grossesse [2], celle-ci est certainement dépendante de l’opérateur [3, 4]. La composante opérateur dépendance sous-tend les résultats de nombreuses publications même si cela n’est pas toujours exprimé clairement. Il suffit de regarder les discordances exprimées dans l’utilisation des ultrasons pour guider le transfert. Certaines équipes considèrent cette mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 Tableau 1. Comparaison de la qualité du transfert et du résultat de grossesses selon l’opérateur en 2005 Opérateur 1 Opérateur 2 Opérateur 3 Opérateur 4 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Transferts Assez facile 9,9 % 12,2 % 11,1 % 11,5 % Facile 87,2 % 82,7 % 77,8 % 77,0 % utilisation très bénéfique et d’autres pas. L’analyse de leurs résultats montre que ceux qui considèrent le guidage peu utile ont sans le guidage un taux de grossesse par transfert bien supérieur aux autres. Par exemple, entre les transferts échoguidés ou non pour Kojima [5], les résultats sont 15,2 % contre 7 % de grossesses cliniques, pour Coruleu [6] 25,3 % contre 18,1 % alors que pour Garcia-Velasco [7], la différence est jugée non significative (30,6 % contre 26,3 %). Pourtant, cela n’est pas si clair que ça. En 2005, dans notre équipe (Ifreares Bordeaux), 710 transferts ont été pratiqués jusqu’au 10 décembre par dix praticiens différents. Quatre opérateurs ont réalisé, à peu près à part égale, 88 % des gestes. La qualité du geste a été appréciée et notée (de façon indépendante) par le biologiste présent selon les critères de FIVNAT (facile, assez facile, difficile ou échec). Il existe des différences significatives entre les résultats. Pourtant, quand on regarde le taux de grossesses, ce n’est pas l’opérateur qui a le plus de facilité dans le geste qui a les meilleurs résultats de grossesse par transfert (tableau 1). Les solutions Le bilan pré-FIV comporte une exploration complète de l’appareil génital féminin. Cette exploration est capitale car c’est elle qui permet de suspecter les difficultés éven- Grossesses/transferts Difficile 2,9 % 5,1 % 11,1 % 11,5 % 22,7 % 35,9 % 28,2 % 31,9 % tuelles qui risquent être rencontrées lors du transfert. La simulation du transfert lors d’un cycle précédent est indispensable, bien que, dans notre expérience, elle ne rende pas toujours compte des conditions qui sont rencontrées lors du geste réel. La dilatation cervicale, en cas d’impossibilité de passage du col par le cathéter, a été longtemps utilisée. Nous continuons de penser, bien qu’un travail récent [8] semble montrer le contraire, qu’un tel geste est délétère et inefficace, qu’il soit pratiqué avant ou au moment du transfert (tableaux 2A et 2B). L’utilisation de cathéters rigides préformés est préférable à toute instrumentation cervicale [9]. Cette pratique peut se faire d’emblée si la difficulté est attendue (difficulté lors d’une précédente tentative ou lors de la simulation préalable) ou dès qu’un transfert facile n’est pas réalisable. Enfin, en cas d’impossibilité physique totale de transfert par voie transcervicale, il reste le transfert d’embryon par voie transmyométriale. Il s’agit d’une situation très rare, en rapport soit avec l’absence d’orifice cervical (malformatif ou post-chirurgical), soit avec une difficulté anatomique insoluble. Notre expérience montre que dans cette dernière situation le transfert au bloc chirurgical sous neuroleptanalgésie est presque toujours possible (et le plus souvent facile ou assez facile), ce qui fait que nous n’avons plus utilisé le transfert transmyométrial depuis Tableau 2A. Différences de répartition des difficultés des transferts embryonnaires avec ou sans dilatation cervicale de 1989 à 1996 (p < 0,001) Transfert normal Parfait Moyen Difficile Échec 3 497 381 183 14 85,8 % 9,35 % 4,5 % 0,34 % Transfert après dilatation 170 60,5 % 57 20,4 % 43 15,4 % 11 3,9 % Tableau 2B. Nombre d’embryons nécessaires pour obtenir une grossesse en fonction de la difficulté et du mode (classique ou dilatation) du geste de 1989 à 1996 Parfait Moyen Difficile Échec Ensemble transferts Transf. normal 10,4 emb./gross. 11,9 emb./gross. 14,9 emb./gross. 10,7 emb./gross. Transf. après dilatation 14 emb./gross. 20 emb./gross. 21 emb./gross. 16,5 emb./gross. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006 p <0,01 31 Journée FIVATE Tableau 3. Résultats des transferts transmyométriaux par guidage échographique transvaginal (1992-1997) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total 32 nb. transferts 11 10 6 9 11 3 50 nb. embryons 28 30 19 24 33 10 144 l’année 2001. Malgré tout, il s’agit d’une technique qu’il faut savoir garder dans son arsenal thérapeutique et qui nous a permis d’obtenir des grossesses dans des situations désespérées (tableau 3). grossesses 1 3 2 2 1 0 9 % G./transf. 9% 30% 33% 22% 9% 0 18 % nb.Embr./G 28 10 9,5 12 33 16 4. Rhonda MH, Bradley TM, Lynette S, David C, Prabir KC, James HS. Pregnancy rates after embryo transfer depend on the provider at embryo transfer. Fertil Steril 2000 ; 74 : 80-6. 5. Kojima K, Nomiyama M, Kumamoto T, Matsumoto Y, Iwasaka T. Transvaginal ultrasound-guided embryo transfer improves pregnancy and implantation rates after IVF. Hum Reprod 2001 ; 16 : 2578-82. 6. Coroleu B, Carreras O, Veiga A, et al. Embryo transfer under ultrasound guidance improves pregnancy rates after in-vitro fertilization. Hum Reprod 2000 ; 15 : 616-20. Références 1. Broussin B, Jayot S, Subtil D, et al. Difficult embryo transfers : contribution of echography. Contracep Fertil Sex 1998 ; 26 : 492-7. 2. Toma´s C, Tikkinen K, Tuomivaara L, Tapanainen J-S, Martikainen H. The degree of difficulty of embryo transfer is an independent factor for predicting pregnancy. Hum Reprod 2002 ; 10 : 2632-5. 3. Karande VC, Morris R, Chapman C, Rinehart J, Gleicher N. Impact of the « physician factor » on pregnancy rates in a large assisted reproductive technology program : do too many cooks spoil the broth? Fertil Steril 1999 ; 71 : 1001-9. 7. Garcia-Velasco JA, Isaza V, Martinez-Salazar J, et al. Transabdominal ultrasound-guided embryo transfer does not increase pregnancy rates in oocyte recipients. Fertil Steril 2002 ; 78 : 534-9. 8. Prapas N, Prapas Y, Panagiotidis Y, Prapa S, Vanderzwalmen P, Makedos G. Cervical dilatation has a positive impact on the outcome of IVF in randomly assigned cases having two previous difficult embryo transfers. Hum Reprod 2004 ; 8 : 1791-5. 9. Mansour RT, Aboulghar MA. Optimizing the embryo transfert technique. Hum Reprod 2002 ; 5 : 1149-53. mt médecine de la reproduction, vol. 8, n° 1, janvier-février 2006