À SAVOIR Comment rompre une capsule postérieure ? Phacoémulsification : roulette russe ou déterminisme ? Dr Alain Hagège* La capsule postérieure participe avec la zonule cristallinienne à la barrière vitréo-aqueuse maintenue lors de l’extraction extracapsulaire du cristallin, réalisée maintenant toujours par phacoémulsification. Une rupture capsulaire postérieure en cours d’intervention avec les risques de chute du noyau est toujours une complication grave grevant le pronostic. Ce titre très provocateur permet d’attirer l’attention sur le fait que la question du caractère aléatoire d’une rupture capsulaire peut se discuter. En effet les mécanismes, ainsi que les causes possibles, d’une rupture capsulaire postérieure en cours de phacoémulsification méritent que l’on étudie en détail leur possibilité de survenue, sans que nous étudiions ici la gestion des complications. Peut-être que seul le “mot de Cambronne” devrait suivre la constatation immédiate – ou non – d’une rupture capsulaire ! Les milliers d’études montrant la supériorité de l’extraction extracapsulaire (EEC) sur l’extraction intracapsulaire (EIC) concernent en fait les deux barrières que sont la capsule postérieure et le rideau zonulaire complet rompu par EIC (1). *Centre laser Victor Hugo, Paris FIGURE 1 - Ligament de Wieger (1) et espace de Berger (2). FIGURE 2 - Fibres cilio-équatoriales de la zonule, photographie extraite de (1). A natomiquement, rappelons que la capsule postérieure est séparée de la hyaloïde antérieure du vitré par le ligament circulaire de Wieger délimitant l’espace de Berger (Fig. 1). La zonule constitue un maillage très serré et très hermétique constitué des fibres Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 86 zonulaires reliant l’équateur cristallinien aux procès ciliaires, avec des fibres dont l’élongation peut être physiologiquement de 100 % (Fig. 2). Ce rideau zonulaire relie le corps ciliaire à l’équateur du cristallin 11 À SAVOIR qui est situé à environ 0,2-0,3 mm des procès ciliaires (Fig. 3). Les fibres zonulaires qui partent des extrémités des procès ciliaires atteignent l’équateur cristallinien et la couronne de capsule postérieure sur quelques millimètres en arrière, ainsi que l’extrémité de la capsule antérieure en avant. Cela laisse un diamètre de capsule antérieure de 6,5 mm libre de fibrilles zonulaires (Fig. 4). Cela explique pourquoi les capsulorhexis dits “trop grands” ont tendance à filer dès que la découpe est guidée vers l’extérieur par le “rail” de fibres zonulaires périphériques, surtout en présence de fibres zonulaires ectopiques se rapprochant du centre capsulaire. En définitive, la rupture des composants du sac capsulaire peut concerner la capsule antérieure, la capsule postérieure ou les deux, mais on peut aussi y inclure une rupture de l’appareil zonulaire. RUPTURES ZONULAIRES Les ruptures zonulaires peuvent concerner tout ou partie du disque zonulaire. Une rupture zonulaire pouvant aller de quelques degrés (parfois difficilement décelable en préopératoire) à plusieurs dizaines de degrés, prenant alors l’appellation de désinsertion zonulaire. Une désinsertion zonulaire peropératoire sur 360° correspondra alors à une extraction intracapsulaire avec ou sans issue de vitré (non systématique si la hyaloïde n’est pas rompue). Ces ruptures, à la différence des ruptures capsulaires, peuvent être préexistantes et, dans ce cas, le plus souvent traumatiques (subluxation cris- FIGURE 3 - Distance entre l’équateur FIGURE 4 - Zone de capsule antérieure cristallinien et la tête des procès libre de fibres zonulaires. ciliaires. FIGURE 5 - Dépôts de matériel exfolia- FIGURE 6 - Hydrodissection. tif sur la capsule antérieure. tallinienne, traumatisme zonulaire localisé). En l’absence de traumatisme, les facteurs fragilisant la zonule sont multiples, par exemple l’âge élevé, le diabète, la myopie forte, les yeux vitrectomisés avec présence de silicone intravitréen ou encore la pseudoexfoliation capsulaire (Fig. 5). Le syndrome exfoliatif est classiquement toujours cité comme risque majeur de rupture zonulaire en raison de la fragilité des fibres zonulaires et des dépôts de matériel exfoliatif sur les fibrilles, mais aussi sur la capsule antérieure (typiquement “en cocarde”). La pseudo-exfoliation capsulaire (PEC), qui était typiquement une contre-indication formelle à la phacoémulsification à ses débuts, en est devenue une indication sur le tard ! En effet, les tractions zonulaires exercées par la chirurgie des pionniers de la phacoémulsification ont été responsables de beaucoup de ruptures zonulaires avec issues de vitré peropératoires, voire de chute du cristallin dans la cavité vitréenne, jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’une chirurgie intrasacculaire de type cracking rendait les tractions zonulaires moins prononcées, transformant finalement de nos jours la PEC en indication de phacoémulsification. L’extraction de la cataracte dans ces cas semble réduire les risques de glaucome. Faudra-t-il donc, en peropératoire, invoquer la fragilité des structures oculaires concernées pour expliquer ce qui est peut-être iatrogène ? En effet, les manipulations de rotation du noyau cristallinien peuvent parfois être responsables de ruptures zonulaires localisées lorsque l’hydrodissection (Fig. 6) n’est pas complète. De plus, il est 2 Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 863 Comment rompre une capsule postérieure ? difficile de croire qu’une capsule postérieure puisse “exploser” par la trop grande pression d’une hydrodissection, quand une ouverture antérieure (nommée capsulorhexis) peut laisser échapper le trop-plein par le haut ! Un trait de refend méconnu pourrait simplement expliquer la “continuation” de ce refend capsulaire antérieur vers la capsule postérieure, à la faveur du déséquilibre du sac créé par la pression d’eau d’une hydrodissection. Il suffit de comparer la pression de cette injection (à la seringue) avec la pression d’eau exercée par la hauteur de la bouteille de perfusion durant la phacoémulsification, et qui n’entraîne jamais de rupture capsulaire postérieure (en l’absence de trait de refend). Après hydrodissection, le fait de “faire tourner le noyau” permet de décoller au maximum le noyau et le cortex de la capsule postérieure, mais une rotation exagérée peut entraîner la rotation du sac lui-même et générer des ruptures zonulaires, même dans les cas où la zonule est en bon état. Une douleur à la rotation (si l’anesthésie est topique) peut renseigner sur la traction ciliaire. En effet, en anesthésie topique, les structures irienne et ciliaire restent sensibles et permettent de renseigner sur la qualité des manœuvres endoculaires. L’hydrodélinéation permet de séparer le noyau du cortex, et il faudra toujours veiller à ne pas prendre une hydrodélinéation superficielle pour une hydrodissection. En cas de cataracte blanche, l’utilisation du bleu trypan facilite la réalisation du capsulorhexis, et une hydrodissection “au bleu” pourra permettre de ne pas creuser trop profondément lors de la FIGURE 7 - Phaco bimanuelle – particules en arrière de la capsule postérieure intacte. FIGURE 8 - Passage de particules par un “hiatus zonulaire” sans et avec trait de refend capsulaire. sculpture des sillons. En mode phacoémulsification, il est rare qu’une rupture zonulaire engendrée par la sonde ultrasonore (US) n’entraîne pas une rupture capsulaire équatoriale associée avec issue de vitré. En mode irrigation/ aspiration (I/A), en fin de lavage du cortex, il arrive souvent d’observer des débris sous la capsule postérieure (Fig. 7). Ces débris correspondent en fait au passage, par une microrupture de la zonule (de quelques degrés), de BSS et/ou de particules de taille plus ou moins importante en arrière de la capsule postérieure, mais en avant de la hyaloïde antérieure du vitré par rupture du ligament de Wieger et ouverture de l’espace virtuel de Berger. Ce passage de fluide et/ou de particules (cortex ou morceaux de noyau cristallinien) en arrière de la capsule postérieure entraîne souvent un collapsus du sac capsulaire que l’augmentation de la pression de perfusion n’arrange pas (Fig. 8). Cette hyperpression est Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 86 souvent prise pour une poussée du vitré, mais là aussi comment penser que le vitré puisse “pousser” ?! Seule une pression externe pourrait provoquer ce qui est souvent confondu avec une poussée vitréenne. En cas de “syndrome du hiatus zonulaire”, le réflexe en présence de collapsus du sac est d’augmenter la hauteur de la bouteille de perfusion, mais ceci n’est pas recommandé dans ce cas, où la profondeur de chambre antérieure est maintenue : c’est inversement la diminution de la hauteur de la bouteille de perfusion qui peut permettre d’arranger les choses. Il faut savoir reconnaître ce syndrome afin de ne pas perforer sans le savoir la capsule postérieure à la recherche de fragments. Seul le produit viscoélastique permet de remplir le sac capsulaire, pouvant parfois faire repasser les particules en sens inverse. Un mouvement latéral de ces fragments permet de 31 À SAVOIR FIGURE 9 - Lavage capsulaire antérieur et équatorial (vue de Miyake) et traction zonulaire. les différencier de corps flottants vitréens (mouvement vers le bas). Les causes de ces microruptures zonulaires sont multiples, car, en dehors de la fragilité intrinsèque de la zonule, des tractions exercées sur la zonule par la canule d’I/A lors de l’extraction du cortex ou lors du polissage de la capsule antérieure peuvent être responsables de tractions zonulaires avec ruptures localisées au-delà de la faculté d’élongation intrinsèque de cette structure (Fig. 9) (2). Enfin, on peut rapprocher de ceci la discussion sur l’existence réelle des masses adhérentes, et il nous semble qu’il s’agisse plutôt d’une traction capsulaire simultanée ou d’une mauvaise hydrodissection. L’injection dans le sac capsulaire, avant la réalisation de la phacoémulsification du noyau et après la réalisation du capsulorhexis et de l’hydrodissection, d’un anneau de contention zonulaire est possible et peut permettre à l’intervention de se dérouler normalement en cas de rupture zonulaire bien visible. De même, l’injection de cet anneau de tension capsulaire dit de “Morscher” dans un sac vide avant l’implantation peut permettre de pérenniser le centrage de l’implant. Enfin, on peut se questionner sur l’utilité du polissage capsulaire postérieur (hormis celui du cortex) quand FIGURE 10 - Cellules épithéliales FIGURE 11 - Faculté d’élongation antérieures et équatoriales. de la zonule en postopératoire lors d’une reposition d’implant. on sait qu’il n’y a pas de cellules sur la capsule postérieure (3, 4) (Fig. 10) et que l’opacification capsulaire postérieure correspond à une migration cellulaire (perles d’Elschnig) et une métaplasie cellulaire (fibrose capsulaire) (5). Citons aussi le fait qu’en postopératoire la structure des zonules et des capsules se modifie et change de résistance ; par exemple, lors d’une reposition d’implant, on peut constater une élongation plus grande des fibres zonulaires et une résistance accrue des capsules qui peuvent parfois rendre difficile un changement d’implant (Fig. 11). RUPTURES CAPSULAIRES La rupture capsulaire postérieure est une complication grave de la phacoémulsification faisant perdre au patient les avantages de l’EEC. En effet, la barrière zonulaire très serrée participe avec la capsule postérieure à la séparation entre les chambres antérieure et postérieure et la cavité vitréenne. La fragilité capsulaire est souvent accusée, dans certains cas de rupture, d’être responsable de ruptures spontanées, mais on peut se demander comment il est possible d’accuser une capsule postérieure d’être trop fragile, au vu des instruments utilisés dans l’œil pendant une intervention ! Il est vrai que la visibilité n’est pas toujours bonne et qu’une mauvaise dilatation pupillaire peut rendre le travail sous l’iris très dangereux. Les ruptures peuvent concerner la capsule antérieure, la capsule postérieure ou les deux. ■■RUPTURE CAPSULAIRE ANTÉRIEURE Il s’agit le plus souvent de traits de refend capsulaires antérieurs qui peuvent survenir soit pendant la 4 Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 863 Comment rompre une capsule postérieure ? réalisation du capsulorhexis luimême (Fig. 12), soit encore après la réalisation d’un capsulorhexis intact, mais rompu involontairement par la sonde US, le plus souvent lors de la réalisation des sillons. Exceptionnellement, une blessure involontaire de la capsule antérieure par le couteau lors de l’incision peut perturber le déroulement complet d’un capsulorhexis sans trait de refend. En cas de traits de refend multiples, le sac capsulaire prend le nom de “false bag” des Anglosaxons et entraîne une instabilité maximum de ce sac lors des manœuvres d’extraction du noyau ou du cortex (Fig. 13) (4, 6). En effet, l’intérêt du capsulorhexis réside dans la possibilité de dilatation relative et de résistance aux manœuvres de phacoémulsification du noyau et de lavage cortical. Les lasers de femto-cataracte ont permis la réalisation de capsulorhexis de bon centrage, de forme circulaire et de taille adéquate. La réussite semble plus constante que les capsulorhexis “faits main”, mais il a été décrit des traitements incomplets, complets mais avec discontinuité, ou encore des microadhésions entre les micropunctures (Fig. 14). Ces problèmes (à reconnaître avant l’extraction de la capsulotomie circulaire) peuvent être dus à la présence de plis cornéens non compensés durant la femto-capsulotomie, de tilt cristallinien ou de mouvements oculaires incontrôlés pendant le FLACS (Femtosecond Laser-Assisted Cataract Surgery) (7). Cependant, d’autres études notent une résistance accrue du capsulorhexis après découpe par laser femtoseconde (8). FIGURE 12 - Trait de refend capsulaire dont les berges sont maintenues par les fibres zonulaires. FIGURE 13 - Multiples traits de refend capsulaires. FIGURE 14 - Différentes possibilités de femto-rhexis. Les ouvertures capsulaires type “can opener” ou capsulotomie dite “en timbre-poste” des interventions extracapsulaires manuelles (Fig. 15) avant l’arrivée de la phacoémulsification sont une représentation typique d’un sac capsulaire à traits de refend multiples. Les débuts de la phacoémulsification ont vu ce type d’ouverture être utilisé, malheureusement avec les Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 86 mauvais résultats qui s’ensuivirent avant l’arrivée du capsulorhexis par Gimbel et Neuhan en 1985. Les mauvais résultats étaient dus à la continuation, vers la capsule postérieure, d’un trait de refend antérieur plus grand que les autres en mode US ou en I/A. En réalité, traits de refend capsulaires antérieurs et postérieurs sont liés. C’est ce qui se passe aujourd’hui 51 À SAVOIR ■■RUPTURE CAPSULAIRE POSTÉRIEURE FIGURE 15 - I/A sur capsulotomie en timbre-poste. quand un trait de refend capsulaire antérieur (décelé ou non) se continue à la capsule postérieure, à la faveur des déséquilibres entre les chambres antérieure et postérieure et la cavité vitréenne. Aux problèmes anatomiques s’ajoute, en l’absence d’un capsulorhexis intact, la nécessité d’une gestion encore plus précise de la mécanique des fluides en peropératoire. Si les nouvelles machines gèrent cela de mieux en mieux à la place du chirurgien, la survenue de collapsus n’a pas été complètement supprimée et peut entraîner des dégâts catastrophiques en dehors des problèmes cornéens endothéliaux. L’utilisation de l’irrigation continue permet de réduire les collapsus sévères à la rupture de l’occlusion. Certains préfèrent les techniques bimanuelles afin de réduire les stress capsulo-zonulaires. Cependant, les réflexes, même accélérés, du chirurgien peuvent s’avérer lents par rapport à la vitesse dont les choses arrivent. En effet, les collapsus qui peuvent survenir pendant la chirurgie fragilisent le maintien par les zonules d’un trait de refend antérieur qui peut alors “filer” à la capsule postérieure, parfois même sans qu’aucune manœuvre endoculaire n’ait été réalisée ! L’utilisation du produit viscoélastique de haut poids moléculaire doit être large. La rupture capsulaire postérieure constitue-t-elle une faute technique répondant à une succession d’évènements précis ? En fait, en l’absence d’agression directe de la capsule postérieure, ruptures capsulaires antérieure et postérieure sont liées. La rupture capsulaire postérieure doit être reconnue le plus tôt possible afin d’éviter la chute du noyau dans le vitré. Des ruptures capsulaires postérieures ont pu être décrites lors de l’hydrodissection, mais comme nous l’avons vu, il semble difficile d’imaginer que seule la pression d’eau puisse faire éclater un sac capsulaire par ce seul mécanisme en l’absence d’un trait de refend du capsulorhexis. De même, comment penser qu’une capsule postérieure (ou antérieure) épaisse d’environ 7 µm puisse être considérée comme fragile au vu de la taille de nos instruments ? S’y ajoute la gestion de la mécanique des fluides intraoculaire peropératoire, dont nous avons parlé, et qui est censée remédier aux problèmes de collapsus de chambre antérieure et du sac capsulaire. Rappelons qu’en mode phacoémulsification ou I/A de l’intervention, c’est le débit qui règle la vitesse à laquelle les choses arrivent, alors que le “vide”, c’est-à-dire la puissance d’aspiration, ne se manifestera que lors de l’occlusion complète des sondes. On pourra considérer qu’en mode “pompe péristaltique” la puissance d’aspiration correspond à la force d’attraction de la sonde US du phacoémulsificateur ou celle de la canule d’I/A, alors qu’en mode “Venturi”, le débit et l’aspiration étant liés, il faudra être plus prudent quand on sait que l’aspiration peut se faire à distance (relative). En effet, répétons que l’occlusion des sondes est obligatoire lors de l’utilisation des pompes péristaltiques, pour exercer un effet de traction et que c’est à la libération de l’occlusion que surviennent les collapsus avec contact entre la capsule postérieure et les sondes. Certains utilisent des programmes différents pour les phases de sculpture, découpe des quartiers et extraction de l’épinoyau afin d’éviter des surprises quant aux valeurs de pression maximum et de débit. Ceci afin d’éviter des montées de pression d’aspiration inopinées en cas d’occlusion inattendue avec risque de rupture capsulaire postérieure. Osher a montré que seule l’aspiration était responsable des ruptures capsulaires postérieures directes et qu’en absence d’aspiration, les mouvements (ultrasoniques) de la tête US ne pouvaient être accusés de rupture capsulaire postérieure uniquement par le mouvement mécanique (9). Car, rappelons-le, ce sont les mouvements de va-etvient ou latéraux (mode OZIL©) qui permettent d’émulsifier le noyau cristallinien par effet mécanique. Les ultrasons peuvent être utilisés en mode continu, pulsé ou autre (Fig. 16). Débrancher l’aspiration de l’arrière de la pièce à main a permis dans certains cas de réduire ces ruptures (phaco unplugged) (10). Lors de la phase de sculpture (creusement des sillons), la visibilité du capsulorhexis se réduit souvent et il n’est pas rare de rompre involontairement ce dernier avec l’aspiration de la sonde US et de créer un trait de refend antérieur changeant du tout au 6 Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 863 Comment rompre une capsule postérieure ? FIGURE 16 - Mode de fonctionnement des sondes phaco, illustration extraite de (9). tout la résistance du sac capsulaire. Ce trait de refend, d’abord stabilisé par les fibres zonulaires, peut, à la faveur des mouvements de la capsule postérieure, se continuer à la capsule postérieure et la déchirer comme de la Cellophane®, déchirure potentialisée par la survenue d’un collapsus. Les systèmes anti-collapsus des machines permettent de plus de renvoyer du liquide en sens inverse par l’orifice d’aspiration afin de réduire au maximum le contact de la capsule postérieure avec l’orifice des sondes. Un autre mécanisme de rupture capsulaire postérieure est également possible dans un sac vidé de son contenu, par les mouvements de va-et-vient (trampoline) de la capsule postérieure, suite aux variations de pression de chambre antérieure, surtout en cas de petit capsulorhexis ou de petite chambre antérieure (ceci étant maintenant mieux géré par le microprocesseur des machines). La conservation d’un tapis de cortex est très importante pour éviter le contact avec une capsule postérieure mise à nue trop précocement. De plus, il faudra penser à changer les tubulures quand l’aspiration ne fonctionne plus lors de l’émulsification d’un noyau très dur. L’utilisation à fortes doses de produit viscoélastique peut parfois FIGURE 17 - Morceaux de noyau et cailloux dans un sac capsulaire intact (vue de Miyake), photographie extraite de (9). permettre d’éviter que la situation ne dégénère. La rupture capsulaire postérieure directe ou par continuation à la capsule postérieure de traits de refend capsulaires antérieurs peut survenir très tôt, parfois au début de la phacoémulsification, dès la réalisation du premier sillon ou en fin de phacoémulsification par collapsus. Il est essentiel de s’en rendre compte le plus vite possible, par des signes indirects, avant la complication gravissime de la chute du noyau dans la cavité vitréenne. Les fragments de noyau (dur ou non) ont été accusés de rompre la capsule postérieure, mais Osher (9) a montré, à l’aide de techniques de Miyake sur l’œil d’animal, que même des cailloux placés dans un sac capsulaire vide et tournoyants ne pouvaient pas rompre une capsule postérieure, à l’image de la difficulté d’ouvrir la Cellophane® d’un paquet de cigarettes en l’absence d’une amorce préalable (Fig. 17). Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 86 Les signes indirects qui doivent faire remarquer une rupture sont multiples. Il peut s’agir de l’arrêt du fonctionnement de la sonde US par le vitré qui réduit l’efficacité du mouvement de rabot ou de broyeur. Un approfondissement de la chambre antérieure est également un signe explicite et doit conduire à baisser la hauteur de la bouteille de perfusion ou à arrêter de se servir du phacoémulsificateur pour éviter la hernie vitréenne ou la chute du noyau. Un autre signe peut être une augmentation du diamètre pupillaire, des difficultés de rotation ou une mobilité trop grande du noyau qui semble “fuir” devant la tête US. Enfin, l’inefficacité de l’aspiration avec déplacement anormal du noyau vers le bas est un signe de rupture. En cas de rupture capsulaire en milieu d’intervention, les morceaux de noyau peuvent migrer dans la cavité vitréenne lorsque la rupture n’est pas dépistée suffisamment tôt (Fig. 18). 71 À SAVOIR FIGURE 18 - Rupture capsulaire pos- FIGURE 19 - Lavage cortical sous- FIGURE 20 - Plis capsulaires pos- térieure. capsulaire postérieur. térieurs par aspiration de sonde I/A. Pour résumer, les mouvements ultrasoniques de la tête US ne peuvent pas être tenus pour responsables des ruptures capsulaires postérieures alors que l’aspiration par occlusion de la sonde par la capsule postérieure entraîne immédiatement un “trou” à l’emporte-pièce mesurant à peu près le diamètre de l’orifice de la sonde US, avec souvent rupture hyaloïdienne associée et issue de vitré. Il est fréquent qu’une rupture lors de la réalisation du premier sillon passe inaperçue, mais là aussi c’est l’aspiration qui est responsable de la rupture de la capsule postérieure et de la hyaloïde antérieure du vitré. En mode I/A, le lavage du cortex, surtout à proximité de la capsule postérieure, n’est pas dénué de risque de rupture capsulaire postérieure et il a même été montré qu’elles étaient plus fréquentes qu’en mode phaco ! Citons de façon anecdotique la chute du noyau par pression exagérée vers le segment postérieur, et dans tous les cas le moment où la rupture survient conditionne forcément le déroulement du sauvetage du noyau. Citons enfin les erreurs majeures de rupture capsulaire postérieure par tentative inutile d’aspiration du cortex par la sonde US qui n’est pas faite pour cela, ou encore un manchon “trop vissé” entraînant une trop grande distance entre l’orifice US qui aspire dans la chambre antérieure et un orifice d’irrigation trop éloigné qui irrigue à l’extérieur ! la pédale côté aspiration, associé à une pression latérale sur la pédale (ce qui était difficile en un dixième de seconde). Néanmoins, dans certains cas, la capsule postérieure refuse de quitter l’orifice de la sonde d’I/A et la seule manœuvre salvatrice est de débrancher (sans bouger) la tubulure d’aspiration, pour faire lâcher la prise ou encore de faire couper la tubulure d’aspiration à l’aide de ciseaux ! Citons les manœuvres exceptionnelles de rupture capsulaire postérieure par l’implantation, plus fréquente avec les injecteurs (Fig. 21), en cas de pression incontrôlée. En cas de trait de refend antérieur, l’implantation devra se faire avec le grand axe de l’implant en direction du trait de refend et non à 90°. Enfin, en cas de rupture capsulaire postérieure partielle ou non par injection trop agressive, se pose le problème du maintien de l’implant dans sa position sous la capsule antérieure, tout en sachant que l’ablation de cet implant suivie de toutes les manœuvres nécessaires à son extraction rendent le résultat des plus aléatoires. En fin de lavage du cortex, une aspiration de la capsule postérieure avec apparition de plis capsulaires postérieurs (Fig. 19 et 20) est fréquente. Cependant, cela laisse une chance au chirurgien. En effet, il serait nécessaire de tirer sans relâcher l’aspiration si l’on voulait rompre volontairement la capsule ! Exceptionnellement, un lavage cortical sous l’implant qui déchire la capsule postérieure par ce mécanisme peut se révéler catastrophique pour le maintien du centrage de l’implant, voire son maintien dans le sac capsulaire. Mais loin de réaliser un capsulorhexis postérieur, cela entraînerait un trou à l’emporte-pièce de plus petite taille qu’avec l’orifice de la sonde US, mais avec toujours une rupture hyaloïdienne certaine. Le relâchement de la pédale, aidé par les nouveaux logiciels des machines, permet le plus souvent de relâcher l’aspiration de la capsule. Les nouveaux logiciels intègrent, comme nous l’avons vu, un “reflux automatique” alors que les anciens modèles nécessitaient le relâchement de la pression sur Pour terminer, citons les ruptures volontaires de la capsule postérieure dans le cadre de la réalisation d’un capsulorhexis postérieur (Fig. 22). 8 Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 863 Comment rompre une capsule postérieure ? À retenir > En dehors des traumatismes directs d’agression de la capsule postérieure (sondes US, I/A), qui ne sont pas toujours repérables immédiatement, ce qui est fondamental, d’autres mécanismes sont à connaître et à comprendre afin d’anticiper et adapter ses gestes en fonction d’un constat permanent de l’état des lieux et éviter d’invoquer une capsule “fragile”… FIGURE 21 - Injection non traumatique d’un implant souple. être respectée et un implant peut être inséré dans la couronne capsulaire, mais la barrière vitréoaqueuse est alors rompue. Ce geste difficile n’est pas dénué de complications. Le laser femtoseconde a pu être utilisé pour réaliser un capsulorhexis postérieur chez l’enfant (7). L’optique de l’implant peut aussi être capturée dans le capsulorhexis postérieur réalisant un “bag-in-the-lens” ; surtout utilisée pour l’extraction des cataractes chez l’enfant, cette technique est censée réduire les risques d’opacification capsulaire postérieure. La capture de l’optique permet une symphyse des capsules antérieure et postérieure et de réduire la migration cellulaire (11, 12). CONCLUSION FIGURE 22 - Capsulorhexis postérieur. Il est réalisé par micropuncture de la capsule postérieure, injection de produit viscoélastique dans l’espace de Berger puis, à l’aide d’une pince à capsulorhexis (ou d’une pince à commande distale), d’une découpe circulaire de la capsule postérieure. La hyaloïde antérieure du vitré peut Cet article devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes de ruptures capsulo-zonulaires. Rien ne semble aléatoire et on peut penser raisonnablement que la responsabilité des ruptures capsulaires revient, en dehors de traumatismes directs, à l’existence de traits de refend antérieurs parfois difficilement repérables ou à l’aspiration par les orifices des sondes (responsables de la majorité des ruptures) qui semblent donc répondre à des mécanismes et à une cascade d’évènements précis. Nous n’avons pas abordé ici la question Pratiques en Ophtalmologie • mars 2016 • vol. 10 • numéro 86 de la gestion de ces complications, mais la confiance peut permettre de s’affranchir de la peur des risques et ainsi de pouvoir anticiper quand on sait ce qui peut arriver ou pas. N’oublions pas que « l’expérience, c’est le nom que chacun donne à ses erreurs » (Oscar Wilde). n ✖✖A. Hagège déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Mots-clés Capsule postérieure, Zonule cristallinienne, Rupture, Phacoémulsification Bibliographie 1. Mc Donnell P, Patel W, Green W. Comparison of intracapsular and extracapsular cataract surgery: Histopathologic study of eyes obtained postmortem. Ophthalmology 1985 ; 92 : 1208-25. 2. Whiteside SB. Improving cortical clean-up can help to prevent PCO. Ophthalmology Times 1998 ; 23 : 52-3. 3. Whiteside SB. Cortical clean-up and IOL implantation: a pathologic review of modern cataract surgery over the past 20 years. 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