Réflexion sur la symbolique des palais de justice

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Les Cahiers nouveaux N° 82
Août 2012
Jacques Van Belle01
Régie des bâtiments
Conseiller-Directeur
Jean Barthélemy02
Bruno Gérard03
Benoît Jonet04
Marc Jortay05
Bernard Lizin06
Philippe Mousset07
Architectes
25-32
Réflexion sur la symbolique des palais de justice
comme un des piliers dans la ville
Cinq projets de nouveaux palais réalisés en Wallonie par la Régie des bâtiments
La justice dans la ville…
Implanter un palais de justice en marge de la
cité, c’est avant tout penser à éviter la dérive du
20e siècle consistant en la banalisation de la justice
par la construction de cités judiciaires, bâtiments
administratifs où il était difficile de distinguer le
lieu où la justice était rendue, de celui où s’exerçait
le fonctionnement de l’administration.
01
Architecte.
02
Architecte associé AURA ;
membre de la Chambre des
Urbanistes de Belgique
(CUB).
03
Architecte associé CERAU.
04
Architecte associé AURA.
05
Licencié en urbanisme et
aménagement du territoire ;
gérant AUPa ; vice-président
de la CUB.
06
Architecte associé Atelier
de Genval.
07
Ir. civil architecte associé
DETP.
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La justice a fortement évolué depuis le 19e siècle.
D’une justice de sentence qui se reflétait dans une
architecture faite de symbolisme et de monumentalité, nous sommes passés à deux formes d’expression de justice : celle qui représente l’autorité,
c’est-à-dire celle qui rend des sentences au nom
de l’État, et celle, aussi importante, qui relève de
l’arbitrage et de la médiation.
Ainsi, le palais de justice, anciennement domaine
exclusif des magistrats est devenu aussi un lieu
de conciliation. Il ne doit plus seulement sanctionner : il doit accueillir.
Le donneur d’ordre comme le maître d’œuvre en
sont persuadés, comme le montrent les témoignages recueillis de la Régie des Bâtiments et
des architectes des palais de justice de Mons,
Charleroi, Namur et Dinant.
Rendre la justice…
Il y a bien longtemps que l’on ne rend plus la
Justice sous un chêne à l’instar de saint Louis…
Mais les lieux où la Justice est rendue depuis si
longtemps, sont-ils toujours aujourd’hui en adéquation avec l’évolution de notre société entrée
dans le 21e siècle… ?
A priori, on ne fréquente pas les bâtiments de
justice avec enthousiasme, a fortiori lorsque l’on
est justiciable…
Les anciens palais de justice en Belgique –
comme dans d’autres pays européens – , sont
souvent des bâtisses imposantes et austères,
érigées à différentes époques, toujours pour
impressionner…
L’image qui vient couramment à l’esprit est
celle d’un édifice d’architecture néo-classique,
d’ordonnance symétrique dont la partie centrale
est surmontée d’un fronton triangulaire que soutient une colonnade de piliers massifs. L’entrée
est marquée par un escalier monumental doté de
larges marches en pierre dont le niveau à franchir
est imposant. Tel apparaît par exemple l’ancien
palais de justice de Mons dessiné par l’architecte
Huriau en 1848.
Mais le plus célèbre reste bien entendu le palais
de justice de Bruxelles, conçu dans le style
éclectique par l’architecte Joseph Poelaert, et
érigé entre 1860 et 1883, œuvre monumentale
qui fut à l’époque de sa construction décriée avec
son concepteur qualifié de « Scheve Architect »
(« architecte tordu »).
Les palais et bâtiments de justice implantés dans
les vingt-sept arrondissements judiciaires du
Royaume et répartis sur les cinq Ressorts des
Cours d’Appel : Bruxelles, Liège, Mons, Anvers
et Gand, ont été érigés pour la plupart entre les
18e et 19e siècles, dans des styles divers, pour la
majorité en style néo-classique comme les palais
de Tournai, Mons, Charleroi (aujourd’hui démoli),
Louvain, Gand, Courtrai, Verviers… , ou néo-gothique comme ceux de Bruges ou de Nivelles, ou
éclectique pour ce qui concerne les édifices de
Dinant, Huy et Bruxelles évoqué ci-avant.
Certains ont été aménagés dans des constructions plus anciennes, comme le palais des
Princes-Évêques à Liège, érigé au 16e siècle par
l’architecte Arnold Van Mulcken, dans le style
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gothique-renaissance, ou la justice malinoise
qui s’est installée à la fin du 18e dans le palais
de Marguerite d’Autriche, construit au début du
16e siècle dans le même style mi-gothique,
mi-renaissance.
On peut encore citer le palais d’Ypres bâti dans
le plus pur style renaissance flamande, incendié
lors de la Première Guerre mondiale et reconstruit
entièrement dans son style originel en 1929.
De nombreux autres bâtiments de moindre
importance mais néanmoins de qualité, abritent
notamment les justices de paix et sont également
à mentionner parmi les édifices remarquables
comme la justice de paix de Binche, édifice néogothique œuvre de l’architecte Paul Saintenoy
(1862-1952), ou les justices de paix d’Enghien (style
espagnol), de Boussu (époque hollandaise)…
La plupart de ces bâtiments anciens sont majestueux et constituent un patrimoine d’architecture
publique propriété de l’État fédéral, qui a pour
mission à travers sa Régie des bâtiments 08, de
les préserver, de les entretenir, de les rénover ou
de les réhabiliter selon les potentialités que ces
édifices continuent à offrir.
La tâche est immense et les moyens trop souvent
insuffisants. Des opérations de rénovation sont
bien initiées au coup par coup après la Seconde
Guerre mondiale, parfois dans la précipitation,
souvent avec maladresse.
C’est la raison qui explique l’état de vétusté de ce
patrimoine dès les années 1960 et l’inadéquation
des infrastructures et des locaux aux fonctions et
aux besoins d’une justice sans cesse en évolution…
Dès les années 1970, de grands projets de
construction de nouveaux palais sont décidés
comme ceux de Liège (la célèbre place SaintLambert), d’Anvers ou de Mons, alors que déjà
au début des années 1960, un nouveau palais
dessiné par l’architecte Jacques Depelsenaire
dans un concept fonctionnaliste, s’implantait sur
l’ancienne plaine des manœuvres à Charleroi.
08
La Régie des bâtiments :
parastatal de catégorie
A, créé en 1971, elle
est l’émanation de
l’« Administration des
Bâtiments » anciennement
intégré au sein du Ministère
des travaux public national,
département régionalisé
depuis 1980 et 1988.
La Régie est restée un
organisme fédéral.
Sa mission consiste à
assurer l’hébergement des
Services publics fédéraux ,
dans une optique de qualité,
ainsi que la préservation
du patrimoine architectural
fédéral.
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L’hébergement des services judiciaires est devenu
globalement catastrophique au début des années
1990 : vétusté accrue du patrimoine, locaux insuffisants et inadaptés à l’évolution permanente d’une
justice en mutation, augmentation du personnel et
nouveaux besoins, création de nouvelles juridictions et volonté de transparence, de convivialité et
de proximité avec le citoyen, nécessité d’une sécurisation adaptée… et puis les affaires au milieu de
cette dernière décennie du 20e siècle… phénomène
sans doute déclencheur de décisions…
En 1996, le Gouvernement fédéral met en place un
premier plan d’investissement pluriannuel pour la
construction de nouveaux bâtiments judiciaires.
Cette première phase concernera d’abord les
4 chefs-lieux des Ressorts de Cour d’Appel, Liège,
Gand, Mons et Anvers, dont les réalisations sont
achevées aujourd’hui.
Le montant total estimé à l’époque de ces investissements s’élevait à plus de 8 milliards d’anciens
francs (le coût final en 2011 aura plus que doublé…).
S’ensuivent d’autres plans d’investissement au
début des années 2000, avec la construction d’un
nouveau palais de justice à Tongres, Courtrai,
Gand, la rénovation et l’extension du palais de
justice de Charleroi aménagée dans le bâtiment
de l’ancien musée du verre réhabilité.
Enfin, le lancement en 2008 des projets de
construction des nouveaux palais de justice de
Namur et de Dinant, aujourd’hui en phase de
concrétisation.
De nombreux autres projets, tantôt de rénovation,
tantôt de construction, notamment de bâtiments de
justice de paix sont également réalisés ou en cours.
L’effort est certain, mais l’arriéré est sérieux et
la tâche reste importante : gageons que l’initiative entamée sera poursuivie et que les moyens
suivront : la justice en a encore besoin ; elle est
entrée dans le 21e siècle, mais de nombreux
bâtiments dans lesquels elle doit accomplir son
œuvre sont toujours d’un autre âge…
Mons : de nouvelles infrastructures judiciaires
après plus de trente ans de projets…
Les infrastructures judiciaires montoises étaient
constituées essentiellement de bâtiments vétustes, inadaptés, et dispersés dans le centre-ville.
En 1970, le Ministère de la justice décide de
construire un nouveau palais à Mons.
À l’origine, son implantation est envisagée à l’intérieur de la ville mais vu la taille du programme, il
est décidé de trouver un site hors les murs. L’État
achète alors un terrain à l’extérieur de la ville
derrière la gare.
L’idée est à l’époque d’associer le palais de justice
à l’implantation de la cité administrative en projet,
ainsi qu’au futur palais des expositions et plus
tard au nouveau campus universitaire aussi envisagé sur le vaste site des Grands Prés.
Le projet n’aboutira jamais – fort heureusement
oserait-on dire ! –, victime de tergiversations
diverses et de non-décisions, mais surtout de la
crise économique des années 1970 et 1980.
Après de nouvelles options d’implantation en
intra-muros, on revient au début des années 1990
au site des Grands Prés. Et le 10 mai 1994, (date
symbolique peut-être !), une décision formelle est
prise : construire dans les quatre années à venir
un nouveau palais de justice… derrière la gare…
Cette idée de rendre la justice hors de la cité,
dans une méga-infrastructure implantée « au
milieu des champs et des prés », ne convainc pas
le Service Hainaut de la Régie des bâtiments dont
j’assume la direction.
D’ abord, sur le plan architectural et patrimonial, la
Régie est propriétaire dans l’intra-muros montois,
d’édifices du 18e et du 19e siècle, d’une qualité
architecturale et d’une valeur historique et patrimoniale incontestables. Certains sont classés.
Ces édifices sont implantés dans un rayon de
moins de 200 m. et une rénovation judicieuse permettrait d’allier fonctionnalité, respect de l’ancien
et intervention contemporaine.
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Quel serait leur devenir et leur réaffectation hypothétique en cas d’abandon ?
En outre, des « dents creuses » dans le tissu
urbain pouvaient être exploitées et les vides
« recousus » pour intégrer des ensembles en
harmonie avec le bâti dans une démarche d’architecture contemporaine, en phase avec la nouvelle
politique de rénovation urbaine que la ville avait
initié depuis les années 1970.
Sur le plan culturel : l’Institution judiciaire doit
s’exercer, à l’instar de l’Institution civile ou religieuse, au cœur de la cité – « polis » au sens grec
–, au milieu de l’activité urbaine.
Les édifices publics comme l’hôtel de ville, le
théâtre, le musée, l’église ou le palais de justice…
sont des lieux majeurs de la ville : ils représentent
des signes, des points de repère et d’identification, liés à ses activités institutionnelles. Nier
cela, c’est nier le sens de la ville…
D’un point de vue urbanistique : les opérations
d’expansion sauvage des villes, imaginées dans les
années de reconstruction après la Seconde Guerre
mondiale, ont amené les décideurs et concepteurs à
créer des entités suburbaines artificielles que sont
les banlieues, sous le prétexte de densité, de difficultés de circulation et de parcage ou de disponibilité du sol à l’intérieur du périmètre urbain originel.
Ces orientations urbanistiques résultent en grande
partie d’une dénaturation des principes de la Charte
d’Athènes édictée par Le Corbusier en 1933, alors
que cette charte fut la première à parler de la défense du patrimoine historique des villes (art. 65…).
La Charte de Venise en 1968 prône la réhabilitation de la ville et la mixité des fonctions : non plus
l’expansion et le zonage.
Les agglomérations suburbaines sont souvent
très difficiles à intégrer à la ville car coupées
physiquement de leur structure originelle par
des voies de pénétration, des rings ou boulevards
périphériques, des vestiges ou des enceintes
fortifiées, des espaces verts ou les gares et les
voies ferrées. Mons est un exemple de la difficulté
de lier valablement toute expansion : l’actuelle
cité administrative constitue une zone morte en
dehors des heures de bureau et le campus universitaire ne s’est pas réalisé. Qu’en sera-t-il du
projet des « Grands Prés » actuellement en cours
de développement et sans lien avec la ville ?
Est-ce la « gare-passerelle » imaginée par l’architecte Santiago Calatrava qui créera ce lien :
l’avenir nous le dira…
Mons : deux sites majeurs L’extension de l’Ancien Palais09
09
Bureau d’architecture
Doré-Sobczak, Mons.
Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments – Architecte
Directeur : J. Van Belle.
Cet ensemble s’inscrit sur l’îlot urbain face au
palais de justice. Cette « dent creuse » réhabilitée crée une confrontation entre les éléments
urbains du passé et une architecture d’expression
contemporaine. Le projet tente un équilibre entre
respect d’un patrimoine et esprit d’ouverture et de
dynamisme.
Le projet développe sa volumétrie différenciée à
travers l’îlot ponctué par trois patios.
La façade 18e classée, en pierre, a fait l’objet
d’une restauration soignée, tandis que l’élévation
à gauche restée libre par la démolition d’immeubles, est fermée sur l’alignement du front bâti
par un voile de verre agrafé et sérigraphé, soutenu
par une structure légère en acier. La rythmique
dessinée sur cette peau de verre renvoie à celle
des trumeaux et des bandeaux horizontaux de
pierre de la façade ancienne qui la jouxte.
La façade intérieure du nouveau bâtiment est en
retrait de façon autonome et affirme les nouvelles
exigences des gabarits d’étage et du programme.
L’espace entre les deux façades sert d’interface
architecturale et visuelle (et acoustique).
L’ensemble est volontairement contemporain et
son intégration dans le contexte ancien de la ville
est traitée avec beaucoup de respect, avec netteté mais sans heurt, avec la force et l’expression
nécessaires à la fonction solennelle qu’elle doit
représenter.
Façade de l’extension en
face du Palais de Justice
de Mons.
© Doré-Sobczak
Convaincu par ces arguments, le Conseil des
Ministres du Gouvernement fédéral a définitivement
approuvé au début de l’année 1996, l’option d’implanter les services judiciaires montois dans l’intra-muros : dès lors, les projets se sont mis en marche…
Les services judiciaires sont ainsi répartis en
intra-muros sur quatre sites en ville (au lieu de huit
à l’époque) dans un rayon de 200 m : deux nouvelles
constructions et trois bâtiments anciens rénovés
autour de l’axe principal, la rue de Nimy reliant le
boulevard périphérique à la Grand’ Place.
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28
Les Justices de Paix de
Mons, vue intérieure,
« espace des pas perdus ».
© F. Claus
Les Justices de Paix10
(ancien bureau des Postes de Mons)
Chef-d’œuvre d’architecture néo-gothique du
début du 20e et répertorié à l’Inventaire du patrimoine architectural de Wallonie, cet immeuble
est situé en vis-à-vis de l’ancien Palais. Après sa
désaffectation en tant que bureau postal, il a été
réhabilité, pour y héberger les Justices de Paix des
1er et 2e Cantons.
L’enveloppe extérieure n’a subi aucune modification. L’intérieur par contre a été complètement
restructuré de manière contemporaine, par la
mise en communication des niveaux et la création
de passerelles à travers la structure néo-gothique
de l’ancienne grande salle des guichets.
Les ouvertures ainsi créées à travers les espaces
permettent une meilleure lecture de l’architecture originelle, un apport de transparence et de
lumière naturelle et une plus grande convivialité
qui sied à la juridiction de justice de paix.
Les Cours de Justice11
Les Cours de Justice
de Mons.
© AURA
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En ce qui concerne les principales options du
projet, celles-ci se sont trouvées très directement
liées aux caractéristiques particulières du terrain.
Celui-ci se présentait sous une forme triangulaire
et contenait sur sa pointe, le seul vestige de l’enceinte médiévale de la ville, à savoir le « Tour valenciennoise ». Ces deux données ont dès lors très
naturellement orienté la composition générale du
projet, conduisant aux options suivantes :
— La Tour valenciennoise, seul élément réellement
significatif sur le site, a été le point de départ de
la réflexion pour l’implantation des Cours. L’idée
de construire le projet autour d’un axe orienté vers
cette tour constitue le principe de base qui a déterminé toute la composition architecturale.
— La forme triangulaire du terrain a permis de
créer des espaces intérieurs, décroissants en
hauteur et en largeur, formant une sorte de « cathédrale spatiale » soulignée par un trait lumineux
central continu. Sur cet axe majeur, épine dorsale
du projet, se créent les espaces de rencontre et de
dégagement dans une ambiance feutrée propice à
la réflexion et à la méditation.
— Les principales juridictions se localisent perpendiculairement à cet axe sur plusieurs niveaux, dont
les passerelles de liaison franchissent la « salle des
pas perdus ». Une séparation claire a été ménagée
entre les circulations publiques situées au centre
et les circulations réservées aux magistrats qui les
contournent et les longent à l’est et à l’ouest.
— Au long du cheminement, de part et d’autre, les
petites salles d’audience ponctuent le parcours
tout en ménageant des aires d’attente et de
discussions à l’entrée de chacune d’elles. Au sein
de ces salles d’audience, le souci de procurer une
ambiance lumineuse et acoustique bien dosée est
omniprésent grâce à des panneaux périphériques
d’absorption acoustique et à des prises de lumière
rejetées en haut des murs.
— L’axe d’entrée est perpendiculaire à la rue du
Marché au Bétail – judicieusement renommé
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Extension du Palais de
Justice de Charleroi.
© Philippe Mousset
10
Architecte F. Claus Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments-Mons Architecte Directeur :
J. Van Belle
11
Bureau d’architecture AURA
(Jean Barthélemy, Benoît
Jonet, Michel Poulain),
Mons.
Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments –Architecte
Directeur : J. Van Belle.
Le chantier a été dirigé par la
Régie des bâtiments, sous la
responsabilité du directeur
pour la Province du Hainaut,
l’architecte Jacques Van
Belle, assisté de Madame
Jacqueline Fronville,
ingénieur architecte de la
Faculté polytechnique de
Mons. Quant à l’auteur de
projet, il s’agit du groupe
AURA (Atelier d’urbanisme,
de réhabilitation et
d’architecture) constitué de
trois architectes associés :
Jean Barthélemy, professeur
émérite d’architecture à la
Faculté polytechnique de
Mons et deux de ses anciens
élèves Benoît Jonet et
Michel Poulain. Dans cette
équipe, c’est ce dernier qui,
dès les premières esquisses
du projet jusqu’à la réception
provisoire, a joué le rôle
d’associé principal, en
parfaite symbiose avec le
premier nommé, en véritable
« cheville ouvrière » de ces
Cours de Justice. Quant
aux entreprises, elles
étaient constituées autour
d’un triumvirat formé des
entreprises Galère, Dherte
et Blaton.
12
Architectes: Jacques
Depelsenaire (†), Philippe
Mousset et Jean-Pierre
Hernalsteen
Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments –Architecte
Directeur : J. Van Belle
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rue des Droits de l’Homme – et est centré sur les
corps de garde de l’ancienne caserne, qui ont été
conservés rappelant ainsi la mémoire du lieu.
Il conduit à l’esplanade extérieure, puis au sas
d’entrée et à l’espace d’accueil. Au point de jonction de cet axe et celui du prolongement vers la
Tour valenciennoise, se situe l’axe vertical majeur.
Celui-ci distribue, autour d’un abondant puits de
lumière et d’un escalier hélicoïdal majestueux,
les différents niveaux du projet, notamment la
bibliothèque et, en son sommet, un belvédère, qui
domine la ville et qui, le soir, l’illumine.
— Les salles de la Cour d’assise et de la Cour
d’appel sont situées à 45 degrés vers l’entrée principale. La première comporte un système ingénieux
de distribution de la lumière naturelle vers le plafond grâce à des miroirs périphériques, tandis que
la seconde salle bénéficie d’un éclairage zénithal.
Il y règne une ambiance de calme et de sérénité. À
l’extérieur, l’imposant cylindre de pierre constitue
une réponse symbolique à la Tour valenciennoise
dont elle forme un véritable contrepoint.
— À l’extérieur, les principaux matériaux retenus
sont les ardoises naturelles pour les toitures, la
pierre calcaire sous forme de moellons traditionnels adoucis et le crépi de teinte gris rose pour les
maçonneries. Les murs des façades des bureaux
sont constitués de panneaux de bois en afzélia fixés
sur une structure métallique galvanisée sur laquelle
sont fixées des passerelles de service et d’entretien.
— L’orientation des bureaux étant systématiquement positionnée dans le sens sud-nord, une
protection originale contre l’échauffement solaire
des bureaux a été mise au point grâce à la pose du
côté sud de panneaux vitrés inclinés anti-solaires
dont la fixation permet le refroidissement continu.
Extension du Palais de Justice de Charleroi12
Situé au cœur de la ville de Charleroi, le Palais de
Justice actuel demandait un accroissement de
surface conséquent pour les Tribunaux du Travail
et du Commerce.
La chance veillant sur Charleroi, un grand bâtiment
abritant un musée et des bureaux était disponible
à proximité immédiate : l’ancien Institut national du
Verre et son musée en voie de désaffectation.
Une rénovation lourde avec une partie construite
à neuf fut entreprise en 2007 pour se terminer
début 2010.
Malgré un déshabillage complet des superstructures, l’image du verre est restée attachée au
bâtiment qui s’appelle maintenant le Palais de
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Parti architectural et symbolique
proposé pour le nouveau Palais de Justice
de Namur13
13
Bureau d’architecture ADP² :
AUPA, Atelier de Genval,
CERAU
Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments –Architecte
Directeur : J. Van Belle
Verre, image qui convient très bien à la Justice
actuelle et à laquelle adhèrent tous les magistrats
concernés par le projet.
La façade de la barre des bureaux a été développée pour donner un maximum de transparence
tout en assurant une bonne protection solaire
grâce à une double peau partielle, donnant une
profondeur et un relief important au mur rideau.
L’étage en retrait engendre des espaces agréables
avec une vue magnifique sur la ville qui montre
ainsi un tout autre visage aux utilisateurs.
La salle des pas perdus a été aménagée dans l’ancien musée, sur deux niveaux ouverts sur le parc
public voisin. Ainsi quelque peu surdimensionné
par la situation existante, cet espace public
peut, en plus de sa fonction première, abriter des
expositions et des manifestations rapprochant la
justice des citoyens.
Dans le même esprit, l’ancien l’auditoire a été entièrement rénové pour rassembler dans le confort
près de 150 personnes pour des rencontres liées
ou non à la justice. Cet équipement peut fonctionner de manière autonome en dehors des heures
d’ouverture du Palais.
Les nouvelles salles d’audience ont un caractère
monumental et solennel grâce à leur gabarit et
leurs matériaux nobles, pierre, bois, verre. La
lumière naturelle provient essentiellement d’une
frise continue entre le plafond et la façade. Le
mobilier a été dessiné pour éviter toute fracture
entre le public et les magistrats.
Enfin, les aménagements extérieurs ont reçu une
attention particulière en raison de la configuration du site : fortement en pente au milieu de la
ville et faisant partie d’un îlot très verdoyant traversé par un cheminement piétonnier important.
L’inévitable parking est caché au pied de la partie
basse du bâtiment, permettant la création d’un
grand jardin public ouvert sur tout le quartier.
Entre ces deux parties, une grande pièce d’eau à
débordement sert de mur de soutènement et accueillera une sculpture en hommage au célèbre
astrophysicien carolorégien Georges Lemaître.
À front du boulevard, un double portique imposant
en acier Corten marque l’accès au lieu de justice
et donne une perspective à l’entrée principale en
signalant l’importance de ce lieu pour le passant
ou le justiciable.
Ce bâtiment public se veut ouvert, transparent,
symbolique et surtout inspirant la qualité pour
que la justice qui y est rendue soit du même ordre.
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Les éléments architecturaux du projet du
nouveau Palais de Justice de Namur sur le site
de l’ancienne caserne Léopold sont constitués
de l’axe de la rue Dewez, du volume de l’ancien
corps de garde occupé par le musée Africain
et des trois immeubles de bureaux occupés
actuellement par le SPF Finances; ils marquent
également le site par leur gabarit important et
leur implantation en barres parallèles non raccordées au tissu initial de la ville.
Le site en bordure de «la corbeille», centre de la
ville de Namur, est un ensemble d’îlots accessibles librement au public dans les espaces intérieurs, dénommés «intra-îlots». Toute la magie
de «la corbeille» vient de la découverte de ces
intérieurs d’îlots via les traversées piétonnes, une
découverte de la vie interne de la ville.
Les axes piétonniers, fréquentés par les citoyens,
se croisent sur le site selon les axes nord-sud et
est-ouest, un réseau relationnel riche, devant
une fonction symbolique. Le projet se développe
suivant un axe de composition traversant la salle
des pas perdus, cœur du projet d’architecture,
et le parc urbain, espace des pas retrouvés pour
l’homme de la rue. Le futur Palais de Justice et
le parc urbain végétalisé seront le moteur d’un
renouveau durable de l’aménagement de l’espace
public du site des anciennes Casernes Léopold.
L’espace de la salle des pas perdus et ses salles
d’audiences seront couverts d’une vaste verrière,
symbole de lumière de la justice, une cinquième
façade qui inscrira l’image architecturale du Palais
dans la lecture de la ville depuis la Citadelle.
Le volume du Palais, accessible par un plan
légèrement incliné, est surélevé par rapport au
futur parc urbain. Ces volumes s’articulent autour
d’axes symboliques et piétonniers. Le prolongement de la rue Dewez est un autre axe structurant
depuis le Square Léopold, cheminement urbain
vers la gare de Namur.
L’entrée sur le parvis du Palais de Justice se situe
au croisement des axes déterminant de la rue
Dewez et du futur parc urbain longeant la rue du
Général Michel. Ces axes conduisent l’utilisateur
au travers de l’espace public revêtu de pavés de
grès jusqu’à l’entrée du Palais.
Au point de jonction des axes se développe l’entrée de la salle des pas perdus autour de laquelle
s’organisent les différentes salles d’audiences.
Les cours de justice se développent sur deux niveaux autour de la salle des pas perdus. Elles permettent aux utilisateurs d’accéder aux différentes
juridictions exprimées par des volumes dans
l’espace intérieur baigné de lumière naturelle. Les
cours, situées au niveau rez, ont leurs entrées
orientées autour des patios plantés d’arbres
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d’une dizaine de mètres de hauteur. De même, les
salles d’audiences du premier niveau, accessibles
par des passerelles glissant dans les volumes
construits, surplombent les espaces végétalisés.
La salle des pas perdus sert de cheminement
intérieur au Palais de Justice. Elle est « Le Lieu »
du projet articulant, d’une part, les salles d’audiences et, d’autre part, les patios, tout en offrant
également les accès aux différents greffes, au
Barreau et aux services aux personnes.
Les patios permettent également de donner un
éclairage naturel aux salles d’audiences tout en
gardant une totale intimité pour les occupants
des cours de justice. Les juges et les magistrats
rejoindront les salles d’audiences par l’arrière, via
une circulation privative et sécurisée.
À la fin de la perspective de «l’espace des pas
perdus» se trouve l’entrée de la cour d’assises.
L’importance symbolique que revêt cette salle,
les exigences fonctionnelles des circulations,
d’accessibilités, de sécurité et de disponibilité
d’espace, nous ont conduits à la positionner
comme un point final de la composition. À
l’extérieur, en total contraste avec le bâtiment
principal, la cour d’assises, par sa volumétrie
et sa couleur, se démarque dans l’alignement
du Boulevard Cauchy par sa façade oblique et
ses angles vifs. Le choix du revêtement en acier
Corten offre par sa couleur une rupture trés
contrastée vis-à-vis des nuances de gris des
finitions de la pierre.
Pour la volumétrie principale, la finition des pierres
des niveaux du soubassement donnera une tonalité et une rugosité plus forte, en contraste avec les
pierres des trois niveaux supérieurs, d’un ton gris
clair, persistant dans le temps, caractéristique de
la pierre calcaire mosane.
Le nouveau Palais de
Justice de Namur.
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Le nouveau Palais de
Justice de Dinant.
© ADP²
Le projet devrait représenter un signal fort sur la
voie d’accès principale entre les deux entités, de
nature à atténuer le caractère routier de la voirie
et à en humaniser les abords.
En terme d’implantation, le projet présente de
larges zones de recul par rapport à la voirie et
à la zone de chemin de fer; la superficie au sol
occupée étant conforme aux prescrits du RCU
(emprise au sol du bâti: 35%). Les abords sont
constitués des voiries d’accès et de desserte et le
solde est largement verdurisé.
Le relief naturel du terrain, par rapport à la
colline, à la voirie et au fleuve est reconstitué. Le
projet tire en effet parti de la dénivellation importante actuelle et prévoit des niveaux semi-enterrés du côté de la Meuse. Les abords du bâtiment
sont traités pour se raccorder le plus harmonieusement possible avec les niveaux naturels.
En matière de volumétrie, de gabarits et de traitement des façades et des toitures, l’observation
des bâtiments voisins et ceux situés de l’autre
côté du fleuve montre une grande variété (villas
de villégiature, maisons bourgeoises mitoyennes,
immeubles tours, halls industriels, etc.). Comme
détaillé dans les aspects architecturaux, le projet
adopte un langage propre mais respectueux des
lignes environnantes. La volonté de marquer la
représentativité de la fonction amène toutefois à
certaines options plus volontaristes.
L’esplanade remplit en premier lieu cette fonction
d’articulation et de structuration des édifices
projetés, et délimite ainsi clairement les fonctions
administratives (le bâtiment des finances et les
deux ailes du Palais de Justice) du lieu citoyen
(l’atrium et ses salles d’audience).
Le nouveau Palais de Justice de Dinant14
Dans une typologie du bâti caractérisée par
une implantation hétéroclite et peu maîtrisée
des diverses constructions anciennes de type
villas de bord de Meuse ou de constructions plus
récentes dédiées aux entreprises de production,
nous avons privilégié un schéma nettement plus
structuré, s’agissant d’un édifice public et par
conséquent exemplatif en terme d’aménagement du territoire.
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Bureau d’architecture ADP² :
AUPA, Atelier de Genval,
CERAU
Maître de l’ouvrage : Régie
des bâtiments – Architecte
Directeur : J. Van Belle
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Articulation entre colline et fleuve, combiné à
la mise en place du programme, le projet nous
conduit naturellement à une implantation en longueur, conforme aux lignes de forces en présence
et de gabarit relativement bas dans le respect du
patrimoine environnant.
Les deux ailes parallèles (aile Meuse – aile Colline)
s’articuleront autour d’une grande rue intérieure,
la salle des pas perdus. Plus que le passage
intermédiaire entre l’esplanade et les salles
d’audience, c’est le lieu d’accueil dans lequel le
public retrouve clairement les différentes fonctions auxquelles il doit accéder. Un lieu convivial
et rassurant, transparent, à la fois monumental
par ses dimensions et l’expression puissante des
quatre salles d’audience recouvertes de cuivre.
Si l’expression de ces salles est le reflet de
l’éminente fonction de juger, le palais de justice
offre aussi des lieux adaptés à ce que l’on appelle
« la justice de cabinet » (jeunesse, paix, affaires
familiales…), pour laquelle la solennité d’une salle
d’audience n’est pas adéquate.
Un bâtiment de justice ne peut être construit
qu’avec des matières respirant ordre, pureté et
vérité. Des matériaux naturels et durables. À la
sobriété de la pierre bleue et la transparence du
verre, s’allie, comme un clin d’œil à l’histoire, la
brillance du cuivre, matériau éminemment patrimonial de la région.
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