Développement durable

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Guillaume Henry
Joël Ruet
Matthieu Wemaëre
Développement durable
& propriété intellectuelle
L’accès aux technologies dans les pays émergents
auteurs de l’étude
Guillaume Henry,
avocat
Joël Ruet,
économiste au CNRS
Matthieu Wemaëre,
avocat
remerciements
Nous tenons à remercier
les personnes suivantes
pour leur témoignage et/ou leur
participation au comité
de pilotage :
Abdelhaq Ammani,
MAScIR
Charlotte Beaumatin,
INPI
Alain Berger,
Alstom
Ekaterina Breslava,
Sagemcom
Christine Cabuzel,
INPI
Julien Colas,
EPE
Olivier Chazal,
Ademe
Jacques Combeau,
Air Liquide
Henry de Cazotte,
MAED
Thomas Couaillet,
Nutriset
Delphine de Chalvron,
Danone
Antoine Dechezleprêtre,
Cerna
Roseline Desjuzeur,
EDF
Edward Elliott,
USPTO
Adil El Maliki
directeur de l’OMPIC
Leila Equinet,
correspondant INPI
aux États-Unis
Martin Gérard,
Bolloré
Badr Ikken,
directeur général IRESEN
Ampah Johnson-Ansah
pour ses recherches
sur le Togo
Yves Lapierre,
directeur INPI
Michael LEVY,
Aaquius & Aaquius
Alexandre Mazeyrac,
stagiaire
En collaboration avec le Licensing Executives Society France
Yann Ménière,
Cerna
Nam Ngô Thien,
correspondant INPI en Asie
Yves Reboul,
professeur au CEIPI
Carole Rolshausen,
correspondant INPI au Maroc
Luc Savage,
Orange
Thierry Sueur,
Air Liquide
Sylvestre Yamthieu,
docteur en droit
Philippe Yoda,
Burkina Faso traitement des
déchets plastiques
La coordination et le suivi éditorial
de cet ouvrage ont été assurés
par Fatima Ghilassene, chargée
d’études à l’INPI et Laurence Joly,
directrice des études de l’INPI.
PRÉFACE
par Gilles Berhault, président du Comité 21, le Club France développement durable,
organisateur de Solutions COP21
« Innovons
pour sauver la planète
et créer de la richesse. »
créer de la richesse et de l’emploi… Nous étions
convaincus d’avoir le temps et que les technologies
pouvaient tout réparer, même la nature.
Au risque de voir disparaître définitivement ce qui
constitue des conditions de vie de qualité sur la
planète, nous devons stabiliser nos prélèvements
de ressources, baisser très rapidement nos
émissions de carbone, d’autant que la progression
de la population mondiale est très rapide avec
plus de deux milliards d’enfants nés depuis le
1er janvier 2000.
Cela ne concerne pas que les États, mais bien
chacun d’entre nous. Nous pouvons agir en
contribuant à une profonde transformation des
activités humaines, particulièrement de l’économie.
Il y a encore quelques années, l’énergie était très
peu chère et facile à transporter, principalement
grâce aux hydrocarbures. La priorité unique était à
la croissance, nous pouvions détruire, polluer pour
Changer, l’humanité l’a souvent fait, mais avec du
temps. La principale difficulté est maintenant que
nous devons nous transformer dans l’urgence,
les échéances sont courtes. La trajectoire actuelle
d’augmentation de la moyenne des températures
de 4 à 5 °C remet en cause notre modèle même de
société. C’est d’autant plus un problème que ce sont
ceux qui sont déjà en précarité qui en souffriront
le plus. Il y a notamment le risque d’accélération
considérable des migrations pour des raisons
climatiques.
Tournons-nous vers le futur, inventons, innovons.
Exigeons des responsables politiques mais
n’attendons pas pour agir. L’époque est inquiétante
et formidable. Internet libère la créativité et donne à
chacun une audience à 360 °… Nous avons tous la
responsabilité d’attirer les talents sur les questions
environnementales, notamment les acteurs de
l’innovation.
L’entreprise a aujourd’hui pleinement la
responsabilité d’inventer et de déployer en limitant
ses impacts et en se mettant au service du climat.
Motivons ceux qui ont des idées, en leur montrant
que des entreprises dont c’est l’objet peuvent être
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 3
préface
profitables. Imaginons de nouveaux partenariats, et
ce à tous les niveaux d’innovation, de l’incubation à
la success story mondiale.
Tous les secteurs d’activité sont concernés : la
mobilité, la construction, les services, l’énergie,
l’agriculture… y compris l’économie de l’immatériel.
C’est LE grand chantier de ce début de siècle. Et
c’est une des priorités de Solutions COP21 i qui
investira le Grand Palais à Paris en décembre 2015.
Mais, pour accélérer le déploiement, on a besoin
de créer de la valeur, ou plutôt des valeurs. Et c’est
là qu’intervient la propriété intellectuelle. Le mot
« propriété » peut paraître un peu ancien dans le
monde du numérique, de la collaboration et de
l’économie du partageii. Et pourtant, il n’a jamais
eu autant d’utilité, comme le démontre la présente
étude.
C’est, pour les organismes qui gèrent les brevets,
une nouvelle responsabilité : être l’accélérateur
d’innovations au service du développement
durable et du climat, favoriser le déploiement des
technologies, et particulièrement dans les pays
du Sud qui ont besoin d’accéder rapidement à de
nouveaux services. Ils ne pourront le faire que dans
une économie bas carbone, avec une vraie solidarité
mondiale, engagée par le Fonds vert mais aussi par
leur capacité à moderniser leur économie.
i
C’est toute l’ambition de l’INPI en France et de son
directeur Yves Lapierre, qu’ils en soient félicités. La
décision même d’avoir réalisé cette étude, comme
l’état d’esprit qui est le leur dans la remarquable
contribution internationale de l’INPI pour la COP21
– présentant des start-up du monde entier – le
démontre.
C’est maintenant à nous tous de faire souffler sur
Paris 2015 le vent frais et créatifiii multiacteur qui
était celui des expositions universelles du début
du XX e siècle, au Grand Palais et ailleurs. C’est
une grande et belle aventure qui nous attend,
qui donnera, je l’espère, plus de place à l’esprit
d’entreprise. Nous devons aussi attirer les talents.
Twitter gillesberhault
www.gillesberhault.com
www.comite21.org
www.acidd.com www.solutionscop21.org
www.solutionscop21.org
ii
Propriétaire ou artiste ? Manifeste pour une écologie de l’être. Ed. de l’Aube,
2013.
iii
Nouveaux imaginaires pour le développement durable. Sous la direction de Gilles
Berhault et Carine Dartiguepeyrou. Ed. Les Petits Matins. 2015.
SOMMAIRE général
introduction
définition des termes du sujet
p. 11
p. 17
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIéTé INDUSTRIELLE
POUR LE DéVELOPPEMENT DURABLE DES PAYS EN DéVELOPPEMENT
1 Le brevet : un outil insuffisant pour assurer le transfert de technologies
vers les pays en développement p. 39
2 Fin de l’oligopole de la maîtrise technologique et concurrence généralisée
de l’accès aux nouveaux marchés des pays en développement
p. 55
partie 2 LES NOUVEAUX RôLES DE LA PROPRIéTé INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DéVELOPPEMENT DURABLE
1
Le nouveau rôle du brevet en tant que signal (information/signaling) p. 68
2
Les droits de marques : un rôle grandissant dans le domaine
du développement durable
p. 90
3 Les savoirs traditionnels : réappropriation anecdotique de leurs connaissances
par les pays en développement ou symbole d’un changement profond ? p. 104
partie 3 L’INDISPENSABLE DéPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DéVELOPPEMENT DURABLE
1
2 La coopération pour le déploiement des technologies propres : un cadre
marqué par l’esprit de Rio, aujourd’hui fragmenté p. 114
L’indispensable amélioration du cadre de la coopération soutenant
l’accès aux technologies propres p. 138
CONCLUSION Générale
constats et recommandations résumé
ANNEXES
p. 151
p. 154
p. 159
p. 165
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 5
ABRéVIATIONS ET ACRONYMEs
ACICI
Agence de coopération et d’information pour le commerce international
ADEME
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
ADPIC
Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
AEM
Accords environnementaux mondiaux
AFD
Agence française pour le développement
AGNU
Assemblée générale des Nations Unies
AIPPI
Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle
AOP
Appellation d’origine protégée
APD
Aide publique au développement
APEC
Coopération économique de la zone Asie-Pacifique
ASS
Afrique subsaharienne
BNDES
Banque nationale de développement
BRICS
Brazil, Russia, India, China and South Africa
CACour d’appel
CADComité d’aide au développement
CBEConvention sur le brevet européen
CCChangement climatique
CDBConvention sur la diversité biologique
CETComité exclusif de la technologie
CCNUCCConvention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
CNUCEDConférences des Nations Unies sur le commerce et le développement
CNUEDConférences des Nations Unies sur l’environnement et le développement
CNULCD
Convention des Nations Unies de lutte contre la désertification
COMCommission européenne
COPConference of the Parties
CPConférence des Parties
CPICode de la propriété intellectuelle
CRTCCentre et réseau des technologies climatiques
CTIClimate Technologie Initiative
DECDécision
DD
Développement durable
DPI
Droits de propriété intellectuelle
EIPREuropean Intellectual Property Review
EPCEuropean Patent Convention
EPO
European Patent Office
EPRIElectric Power Research Institute
EST
Projet respectueux de l’environnement
ETSIEuropean Telecommunications Standards Institute
EUEuropean Union
EU ETSEuropean Union Emissions Trading Scheme
FEM
Fonds pour l’environnement mondial
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 7
ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
FFEM
Fonds français pour l’environnement mondial
FGIS
Fonds gabonais d’investissement stratégique
FRAND
Fair Reasonable and Non-Discriminatory Royalties
FS
Fonds souverains
FTA
Free Trade Agreement
GEF
Global Environment Facility
GES
Gaz à effet de serre
GETT
Groupe d’experts sur le transfert de technologies
GIEC
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
GTPP
Green Technology Package Program
3GPP3rd Generation Partnership Project
IEEEInstitute of Electrical and Electronics Engineers
IGPIndication géographique protégée
IPIntellectual Property
INPIInstitut national de la propriété industrielle
IPCCIntergovernmental Panel on Climate Change
IPOPHL
Intellectual Property Office of Philippines
IPRsIntellectual Property Rights
ITInformation Technology
KIPO
Korean Intellectual Property Office
LDCFLeast Developed Countries Found
LDCsLeast Developed Countries
MDP
Mécanisme de développement propre
MPEG
Moving Pictures Expert Group
NAPAProgramme d’action national d’adaptation au changement climatique
OAPIOrganisation africaine de la propriété intellectuelle
OCDEOrganisation de coopération et de développement économique
ODD Objectifs de développement durable
OEB
Office européen des brevets
OMCOrganisation mondiale du commerce
OMD
Objectif du millénaire pour le développement
OMSOrganisation mondiale de la santé
OMPIOrganisation mondiale de la propriété intellectuelle
OMPIC
Office marocain de la propriété industrielle et commerciale
ONUDIOrganisation des Nations Unies pour le développement industriel
OPAOpen Patent Alliance
PACEProgramme de traitement accéléré des demandes de brevet européen
PEDPays en développement
PCTPatent Cooperation Treaty
PIPropriété industrielle
PIBProduit intérieur brut
PMEPetites et moyennes entreprises
PNUEProgramme des Nations Unies pour l’environnement
PNUDProgramme des Nations Unies pour le développement
PNTTAProgramme national de transfert de technologie en agriculture
PVPhotovoltaïque
RANDReasonable Non-Discriminatory Royalties
R&DResearch and Development
RNBRevenu national brut
SCEQE
Système communautaire d’échanges de quotas d’émissions
Sect.
Section
SICAV
Société d’investissement à capital variable
SPRE
Société de perception de la rémunération équitable
SME
Small and Medium-Sized Enterprises
TECComité exécutif sur les technologies
TBGRITropical Botanic Garden and Research Institute
TRIPSTrade-Related Aspects of Intellectual Property Rights
TTTechnology Transfer
TTMTechnology Transfer Mechanism
TWNThird World Network
UNUnited Nations
UNEPUnited Nations Environment Program
UN-DESAUnited Nations - Department of Economic and Social Affairs
UNICEF
Fonds des Nations Unies pour l’enfance
UNFCCCUnited Nations Framework Convention on Climate Change
USPTO
United States Patent and Trademark Office
VE
Véhicule électrique
WBCSD
World Business Council for Sustainable Development
WIPO
World Intellectual Property Organization
WWF
World Wildlife Fund
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 9
introduction
« L’innovation "autour"
des économies en développement
constitue un enjeu d’évolution
propre des outils
de la propriété industrielle
comme du développement durable. »
1. Le développement durable : un impératif. Le développement durable est un
impératif humain à long terme, un projet intergénérationnel. Mais il est devenu urgent
de le réaliser en raison des changements climatiques. Il requiert un déploiement à grande
échelle, dans les pays en développement notamment, des technologies et de systèmes
« propres ». Un déploiement doit être considéré au regard de deux facteurs clés.
—— Le rythme actuel de déploiement des technologies et des savoir-faire est trop lent.
En effet, compte tenu de l’urgence à agir et des ambitions affichées en matière
de développement durable, le déploiement des technologies « propres » doit être
large et rapide : il doit concerner toutes les technologies dans tous les secteurs, et
ce dans tous les pays du monde, les pays développés comme les pays en voie de
développement.
—— De nouvelles pratiques et de nouveaux réseaux émergent chaque jour pour stimuler
l’innovation.
2. La propriété industrielle : un rôle discuté. Le rôle de la propriété industrielle est
usuellement invoqué dans ce rôle de diffusion, soit comme accélérateur soit comme
frein au développement des technologies propres. La propriété industrielle recoupe une
palette et une diversité d’outils dont la logique essentielle est, en ce qui concerne les
brevets, de garantir (sur un élément très spécifique et circonscrit) un monopole temporel
et géographique sur un territoire en échange de la mise à disposition de l’information pour
l’élaboration de la « génération suivante » de techniques et de savoir-faire.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 11
introduction
Mais la multiplicité des acteurs, des territoires et des dynamiques temporelles liée à
la phase actuelle de la globalisation industrielle pourrait rouvrir des questions sur les
modalités d’application des outils de la propriété industrielle.
En outre, un constat à tout le moins s’impose : qu’il s’agisse de recherche ou de
mise en œuvre, le monde de la propriété intellectuelle et celui du développement
durable s’ignorent trop souvent. Il s’ensuit sinon des malentendus, au moins des
incompréhensions des enjeux globaux et de leurs dynamiques respectives. En
conséquence, chacun de ces deux « mondes » ou de ces deux champs risque de sousestimer l’impact de changements générés par l’évolution des pratiques de « l’autre »
champ.
3. Réconcilier deux mondes qui s’ignorent. L’objectif de cette étude est double :
a) nouer un dialogue entre ces deux mondes – et deux modes de penser – que sont
les acteurs du développement durable et ceux de la propriété intellectuelle. Afin que
d’une part, les acteurs du développement durable perçoivent les atouts qu’offre la
propriété intellectuelle pour la construction de politiques de développement durable.
Et d’autre part, que les acteurs de la propriété intellectuelle identifient les enjeux
(technologiques, économiques, sociaux) du développement durable et la manière
dont les droits de brevets ou de marques peuvent être exercés pour participer
au déploiement des technologies vertes et plus généralement à la poursuite du
développement durable ;
b) suggérer que l’innovation « autour » des économies en développement constitue
un enjeu d’évolution propre des outils de la propriété industrielle comme du
développement durable.
4. Les obstacles aux transferts de technologies. Depuis plusieurs années, un des
enjeux débattus au niveau politique, national comme international, est celui de permettre
l’accès à ces technologies aux pays en voie de développement. Les débats sont parfois
difficiles car la possibilité et la réussite de ces transferts sont conditionnées par de
nombreux facteurs et se heurtent à une multitude d’obstacles : conditions politiques,
technologiques et humaines de réception d’une technologie, connaissance des besoins
des pays récepteurs, besoins d’adaptation des technologies existantes, connaissance
des nouveaux marchés, vision propre des pays « demandeurs » en fonction de leurs
connaissances de ce qui est présent sur « l’étagère mondiale », etc. En particulier, dans
ce domaine de la diffusion de l’innovation, il s’agit plus d’un marché de demande que
d’un marché d’offre, qu’il faut non pas simplement stimuler mais parfois véritablement
constituer, de l’accès à l’analyse jusqu’à la création de fonctions d’accompagnement, en
passant par la fabrique et la fourniture de l’information qualifiée et quantifiée.
Il est donc utile de s’interroger sur les outils et les moyens qui permettent d’accélérer
l’accès des pays en voie de développement aux technologies liées au développement
durable. L’enjeu de cette étude est ainsi de mettre en lumière le rôle qu’a déjà joué et
jouera la propriété industrielle à l’occasion de transferts de technologies vers des pays
en développement, incluant les tendances nouvelles, certes encore récentes mais déjà
structurantes.
5. La recherche du rôle de la propriété industrielle dans la croissance durable.
Au-delà des postures de principe pour ou contre la propriété industrielle, l’objet de la
présente étude est de dépasser ces positions antagonistes et épidermiques pour mettre
en lumière les utilisations concrètes et réussies des droits de propriété industrielle pour
faciliter l’accès aux technologies. En effet, à côté des contrats « classiques » se développe
une myriade de transferts de technologies, autrefois atypiques mais qui sont amenés à
prendre de plus en plus d’importance. D’épiphénomènes, ils deviennent des « signaux
faibles », précurseurs de lames de fond d’une industrialisation des pays en voie de
développement.
C’est l’objet de la présente étude. Identifier, comprendre, analyser et critiquer ces
nouveaux modes d’accès à des technologies, particulièrement des technologies
respectueuses de l’environnement. L’ambition est ainsi de mettre en lumière ces
nouvelles pratiques qui permettent de concilier les intérêts des pays en voie de
développement sans sacrifier les intérêts des personnes qui ont investi pour développer
de nouvelles technologies, voire leur offrir des perspectives de croissance parce que
l’économie, fut-elle du développement, n’est pas un jeu à somme nulle. Elle permet au
contraire de générer des champs de cocréation de valeur, de bien-être et de capacités de
développement.
Cette problématique s’inscrit dans celle, plus large, de déterminer les conditions
permettant la diffusion des technologies propres dans les pays en voie de développement.
En dernière analyse, l’enjeu pour les pays en voie de développement est celui de l’accès,
d’une manière ou d’une autre, aux technologies liées au développement durable. La
propriété intellectuelle n’est qu’un aspect de la question.
Apporter des éléments de réponse à la problématique du développement durable dans
les pays en développement nécessite de s’interroger beaucoup plus largement :
—— sur le rôle de la propriété industrielle (brevets et marques) pour favoriser l’accès à
ces technologies ;
—— sur les lieux où se situe l’innovation pour le développement dans une économie
globalisée et post-émergente ;
—— sur le rôle d’accompagnement de l’accès aux technologies par les politiques
publiques (la coopération bilatérale et multilatérale).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 13
introduction
« Concilier les intérêts
des pays en voie
de développement
sans sacrifier les intérêts
des personnes qui ont
investi pour développer
de nouvelles technologies. »
Ainsi, si la présente étude est principalement focalisée sur les brevets, elle n’y est pas
limitée et porte plus généralement sur l’accès aux technologies propres dans le cadre
de coopérations internationales, et dans un contexte économique et industriel mondial
rapidement changeant du fait de l’arrivée d’entreprises issues des principales grandes
économies émergentes. Sont ainsi également étudiées les conditions générales qui
permettent le développement d’industries durables ou bien les transferts de technologies.
Ce faisant, le rôle exact des brevets dans le domaine des technologies propres et dans leur
transfert vers les pays en voie de développement pourra être précisé.
6. La propriété industrielle : une opportunité pour le développement durable.
La propriété intellectuelle est souvent vue comme une contrainte. Un des enjeux de
la présente étude est de mettre en lumière les conditions dans lesquelles la propriété
industrielle, et particulièrement le brevet, peut devenir une opportunité.
En outre, le rôle d’autres droits de propriété industrielle sera également appréhendé, au
premier chef desquels le droit de marque, qui est un outil à la portée de la majorité des
pays en développement et qui permet de valoriser les produits locaux, parfois de manière
très sensible.
Ce rôle de la propriété intellectuelle sera étudié en tenant compte des modes de
gouvernance au niveau international et des possibilités qu’offre le régime international
sur le climat ainsi que d’autres forums multilatéraux pour contribuer au transfert des
technologies propres vers les pays en développement.
Enfin, un autre enjeu, plus politique celui-là, est d’anticiper la manière dont les pays en
développement pourraient revendiquer des droits dans le cadre de la négociation de
l’accord sur le changement climatique qui doit être trouvé lors de la COP21 de la CCNUCC
à Paris.
7. La méthode : une étude empirique stylisée. La méthodologie de la présente étude
est notamment fondée sur des études de cas. En effet, il est apparu essentiel d’illustrer
par des exemples concrets les cas de transferts de technologies et d’utilisation des
droits de propriété industrielle, afin de pouvoir comprendre les raisons des succès ou
au contraire des échecs de réception de technologies propres dans les pays en voie de
développement. Le choix des études de cas est dicté par l’objectif de dégager certains
principes et bonnes pratiques pouvant guider les pays en voie de développement et leurs
interlocuteurs en vue de réussir les transferts de technologies et la coïnnovation.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 15
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
1. Définition de la propriété industrielle
8. En droit, l’expression « propriété intellectuelle » désigne, de manière générale, les
créations humaines techniques ou esthétiques qui sont légalement protégées par un droit
de propriété intellectuelle. On distingue habituellement d’une part le droit d’auteur, qui
protège les créations esthétiques perceptibles par les sens, et d’autre part les droits de
propriété industrielle.
La présente étude est focalisée sur la propriété industrielle. La propriété industrielle
comporte plusieurs subdivisions : d’une part les créations techniques (brevets d’invention,
certificats d’obtention végétale), et d’autre part les signes distinctifs (marques, marques
collectives de certification)1. La présente étude s’attache à étudier le rôle des créations
techniques (brevets et certificats d’obtention végétale), ainsi que des signes distinctifs
(marques) dans le développement durable.
Savoir-faire et technologie
9. En droit, mais aussi en économie, une première distinction doit être opérée entre les
notions de savoir-faire et de technologie.
10. Le mot « technologie » ne fait pas l’objet d’une définition juridique spécifique en droit
de la propriété intellectuelle. Il peut être défini de manière générale comme un ensemble
de savoirs, d’expériences et de pratiques dans un domaine technique déterminé, se
fondant sur des principes scientifiques.
11. En revanche, la notion de « savoir-faire » est appréhendée par le droit de manière
particulière.
Le savoir-faire est défini comme « un ensemble d’informations pratiques non-brevetées,
résultant de l’expérience et testées, qui est :
i) secret, c’est-à-dire qu’il n’est pas généralement connu ou facilement accessible ;
ii) substantiel, c’est-à-dire important et utile pour la production des produits contractuels, et
iii)identifié, c’est-à-dire décrit de façon suffisamment complète pour permettre de vérifier
qu’il remplit les conditions de secret et de substantialité »2.
Mousseron définit le savoir-faire comme « un ensemble de connaissances techniques, non
immédiatement accessibles au public »3.
1
Les droits de dessins et modèles sont également qualifiés de droits de propriété industrielle.
2Article 1, (i), règlement CE n° 72/2004 du 27 avril 2004 sur les accords de transfert de
technologies.
3
J.M. Mousseron, « aspects juridiques du know-how », Cahiers de droits de l’entreprise,
1/1972, p. 2 s.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 17
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
L’élément clé du savoir-faire est le secret, puisque s’il est divulgué, il perd la qualification
juridique de savoir-faire.
Mais à la différence des droits de propriété intellectuelle, le savoir-faire ne peut pas faire
l’objet d’un droit privatif de propriété. Le savoir-faire est néanmoins reconnu en droit
comme une valeur, c’est-à-dire comme un bien.
Ainsi, s’il n’est pas protégé par un droit de propriété intellectuelle, le savoir-faire
fait néanmoins l’objet de contrats qui ont pour objet de transférer à un tiers ces
connaissances techniques, industrielles ou commerciales.
12. Dans le domaine de l’économie industrielle, le savoir-faire est défini plus largement
et comprend l’ensemble des connaissances de nature technique, industrielle ou
commerciale qui sont nécessaires pour développer une activité particulière. En effet, dans
un domaine industriel particulier, la mise en place d’une filière nécessite un savoir-faire
spécifique qui va de la formation du personnel à l’identification des débouchés et des
distributeurs, en passant par l’ensemble des processus de fabrication. La majorité de ces
connaissances peuvent être publiques et donc ne pas répondre au critère juridique de
secret. Il n’empêche que l’agrégation de l’ensemble de ces connaissances dans le cadre
d’un projet industriel a un coût qui peut être très élevé. À titre d’illustration, la valeur d’une
usine inclut celle du savoir-faire immatériel, intangible, de ses équipes, dans bien des cas
supérieure à la valeur des équipements physiques. Et dans les domaines technologiques,
les relations fournisseur-clients comportent un important temps de transmission explicite
ou implicite de savoir-faire autour du produit technologique, indépendant d’une volonté
contractualisée de transfert. Alors que la notion de transfert relève déjà du droit, le
savoir-faire s’échange sans lui, mais est à l’origine du rattrapage technologique par les
entreprises ou les territoires.
Pour la présente étude, c’est cette notion large de savoir-faire économique qui est
retenue.
Le brevet d’invention
13. Le brevet d’invention est un titre de propriété délivré par l’administration et qui
confère à son titulaire un monopole d’exploitation de l’invention. L’idée fondatrice du
droit des brevets est que le progrès technologique est positif pour une société. Or, le
progrès technologique nécessite des investissements qui doivent être rentabilisés, de
sorte qu’il est justifié que les créateurs d’inventions nouvelles, qui impliquent une activité
inventive et sont susceptibles d’application industrielle, bénéficient d’un monopole
pendant une durée variable, habituellement 20 ans. Au-delà de cette période, le brevet
tombe dans le domaine public et l’invention est libre.
Mais pour que le titre soit délivré, l’inventeur a l’obligation de rendre publique son
invention, c’est-à-dire de la décrire complètement dans le fascicule de son brevet dans
des conditions qui permettent sa réalisation par un homme du métier, c’est-à-dire un
technicien du domaine technique en cause. Il est ainsi généralement considéré que
les deux tiers des publications scientifiques dans le monde sont constituées de brevets
d’invention, dont la majorité est aujourd’hui consultable en ligne.
14. Par ailleurs, il faut souligner que le brevet est un titre territorial, ce qui signifie que
chaque pays dispose d’un office qui est compétent pour délivrer un titre national
cantonné à son territoire.
La seule exception est la convention internationale qui a créé l’OAPI, l’Office africain de la
propriété industrielle, qui est compétent pour délivrer un titre unitaire couvrant 17 pays.
En Europe, l’Office européen des brevets (OEB) réalise une procédure d’examen de
brevetabilité unifiée. Mais une fois le brevet délivré par l’OEB, il « éclate » en brevets
nationaux indépendants les uns des autres.
15. À ce stade, quelques remarques économiques sont utiles en complément du droit.
Cette durée de 20 ans peut paraître extrêmement longue au regard de la rapidité des
changements de l’économie mondiale, et ainsi bloquante à la diffusion des technologies.
En réalité, les brevets portent sur des aspects circonscrits, et l’accélération de l’innovation
technologique porte sur une vaste cohorte de pratiques et de produits. Dans nombre
d’industries, où la concurrence innovationnelle se révèle la plus forte, les détenteurs
estiment que leurs brevets n’ont en réalité de valeur économique que pendant une
durée courte de quelques mois à quelques années (y compris dans la pharmacie, cet
avantage réel est souvent peu durable et n’est prolongé que par l’effort publicitaire).
L’avantage juridique conféré par le brevet se révèle aujourd’hui être ipso facto un avantage
économique réel durable. À l’inverse, le brevet, surtout au sein d’un portefeuille de
nombreux brevets, prend une valeur de publicisation de la compétence technique et des
savoir-faire non-formalisés qui se logent derrière ce portefeuille qui, au sens économique,
créent quasiment un effet de marque.
La marque
16. Les signes distinctifs sont des mots, logos, dessins, couleurs, etc. dont la fonction
est d’identifier et de distinguer des personnes, des produits ou des services. Mathely
donne la définition suivante : « les signes distinctifs se définissent comme étant des moyens
phonétiques ou visuels, particulièrement des mots ou des images, qui sont appliqués, dans
la vie économique et sociale, à la désignation des personnes ou des entreprises, ainsi que des
produits ou services qu’elles fournissent, afin de les distinguer et de permettre au public de les
reconnaître ».
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 19
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
Il existe de nombreux signes distinctifs qui servent chacun à désigner un objet différent :
—— la marque, qui est un signe qui distingue des produits et services ;
—— la dénomination sociale, qui désigne une personne morale, c’est-à-dire une société ;
—— le nom commercial, qui désigne un fonds de commerce ;
—— l’enseigne, qui désigne un établissement commercial, c’est-à-dire un lieu ;
—— le nom de domaine, qui désigne un site internet ;
—— l’appellation d’origine, qui désigne le lieu géographique d’où un produit est issu
lorsque les caractères propres à ce lieu (facteur naturel ou humain) lui confèrent
des caractéristiques propres.
La présente étude est focalisée sur le droit de marque et sur l’appellation d’origine.
17. Comme le brevet, la marque doit être déposée auprès d’un office national et son
enregistrement confère un droit de propriété à son titulaire sur ce signe pour les produits
et services qu’il a visés au dépôt et qu’il exploite. Le monopole conféré par le droit de
marque est également territorial4.
Le coût du dépôt d’une marque est bien moindre que celui du dépôt d’un brevet
d’invention. Il constitue un droit de propriété intellectuelle accessible à une large
fraction des entreprises, y compris dans les pays en développement. La marque est un
actif incorporel essentiel et un outil fondamental pour protéger ses produits et services,
souvent même plus important que le brevet d’invention, en particulier dans les domaines
de services, dans les secteurs à faible intensité capitalistique ou encore, de manière
croissante, dans l’agriculture (domaine par ailleurs très intensif en investissements).
D’ailleurs, les marques les plus connues sont valorisées à des montants bien plus élevés
que les brevets portant sur les plus importantes inventions.
18. Se retrouve ici le mécanisme de la valorisation économique qui reflète l’anticipation
des revenus escomptés sur les années à venir : en raison de sa stabilité et de sa pérennité,
une marque est ainsi implicitement considérée comme plus durable dans le temps qu’un
portefeuille de brevets. Premier corollaire, à condition d’être au contact du marché final et
non coupé par un intermédiaire, le déploiement d’une marque sera une bonne stratégie
pour un acteur d’un pays en développement. Second corollaire, toutes choses égales par
ailleurs, un portefeuille de brevets est moins valorisé car moins durable.
Les indications géographiques
Les indications géographiques sont un droit de propriété intellectuelle particulier essentiel
à plusieurs pans de l’économie, notamment l’agriculture et les produits agroalimentaires,
mais qui est encore souvent méconnu, notamment dans les pays en développement.
4
Le droit de marque peut être renouvelé sans limite de durée. Dans l’Union
européenne, la marque communautaire permet, en un seul dépôt, de bénéficier
d’une protection dans l’ensemble des 28 États membres.
L’article 22 de l’accord ADPIC définit les indications géographiques comme « des
indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un
Membre (de l’OMC), ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité,
réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement
à cette origine géographique »5. Et l’accord ADPIC impose aux États membres de l’OMC de
protéger les indications géographiques6.
Les indications géographiques regroupent plusieurs systèmes de protections différents
(Indications géographiques protégées, Indications de provenance, Appellations d’origine
contrôlée, etc.)7. Et le régime juridique des indications géographiques est variable suivant
les pays.
Mais quelle que soit la qualification, les indications géographiques ont toutes en commun
d’être des signes distinctifs qui désignent un lieu d’où est originaire un produit particulier.
Le lien entre le produit et le lieu est plus ou moins étroit selon les dispositions légales
applicables. L’autre grande particularité est que le droit sur l’indication géographique n’est
pas la propriété exclusive d’une seule personne. L’indication peut être utilisée par tous les
acteurs économiques dont les produits proviennent de la région et qui sont conformes
au cahier des charges.
Par ailleurs, plusieurs conventions internationales (Convention de l’Union de Paris de 1883
et ses arrangements particuliers, accord ADPIC, conventions bilatérales particulières)
organisent la reconnaissance et la protection d’une indication géographique nationale
dans les autres pays. Ce dernier point est essentiel parce qu’il dispense, en principe, le
titulaire de déposer l’indication géographique dans chaque pays, même si ce principe
comporte certaines limites.
5
Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
Cette convention est annexée aux accords de Marrakech de 1994 qui ont créé
l’Organisation mondiale du commerce.
6
Article 22 : « 2. Pour ce qui est des indications géographiques, les membres prévoiront
les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d’empêcher : a) l’utilisation,
dans la désignation ou la présentation d’un produit, de tout moyen qui indique ou
suggère que le produit en question est originaire d’une région géographique autre que
le véritable lieu d’origine d’une manière qui induit le public en erreur quant à l’origine
géographique du produit ; b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence
déloyale au sens de l’article 10bis de la Convention de Paris (1967) ».
7La France a récemment instauré une nouvelle indication géographique protégeant des
produits industriels et artisanaux. Article L. 721-2 du CPI : « Constitue une indication
géographique la dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé
servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui
en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres
caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique.
Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe,
l’extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision
prise en application de l’article L. 411-4 ».
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 21
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
Les enjeux de la propriété intellectuelle
19. La reconnaissance universelle de la propriété intellectuelle. Si l’origine historique
précise de la propriété industrielle, et particulièrement des brevets d’invention, fait
débat chez les historiens du droit depuis la Révolution française, les droits de propriété
intellectuelle se sont progressivement imposés comme l’outil principal de protection
des créations de l’esprit et, ex ante, de la promotion d’incitations à celles-ci avec le
développement corrélatif d’une branche de l’économie, l’économie de la propriété
intellectuelle.
Très tôt, la propriété intellectuelle a fait l’objet d’une harmonisation internationale par les
deux grandes conventions internationales de l’Union de Paris de 1883 pour les brevets
et les marques et la convention de Berne de 1886 pour le droit d’auteur. Un siècle plus
tard, l’utilisation des droits de propriété intellectuelle a été encore élargie avec l’adoption
de la convention ADPIC (Aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce) annexée aux accords de Marrakech de 1994 qui ont créé l’OMC.
20. Les zones de tension de la propriété intellectuelle. Cependant, alors que la
propriété intellectuelle et particulièrement le droit des brevets semble s’imposer dans
la plupart des États (la Chine est devenue, en 2011, le premier déposant au monde
de brevets), on constate l’émergence de zones de tension, voire de mouvements de
contestation de la propriété intellectuelle.
Le droit d’auteur s’est vu ainsi brutalement déstabilisé par Internet et la possibilité
technique de télécharger à peu près n’importe quelle œuvre de l’esprit avec un simple
ordinateur de bureau connecté.
Les tensions du droit des brevets se déroulent pour leur part essentiellement au niveau
international. à titre d’illustration, ces dernières années, les brevets de médicaments ont
cristallisé les oppositions entre d’une part les entreprises privées titulaires de brevets sur
des médicaments, et d’autre part les pays dont les niveaux de vie ne permettent pas à
leurs habitants d’accéder à ces remèdes.
Un autre lieu de tension récurrent depuis maintenant plusieurs années se trouve au sein
de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le
point d’achoppement concerne principalement les moyens de contribuer à l’atténuation
du changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le
cadre d’une approche universaliste pour répondre à un défi global mais qui est marquée
par l’équité pour tenir compte de responsabilités différenciées et des capacités respectives
entre pays développés et pays en développement, y compris les pays émergents, pour y
parvenir.
En effet, les pays en développement soutiennent, au-delà d’une responsabilité historique
des pays développés du fait de leurs émissions depuis le début de la première révolution
industrielle, qu’une transition vers une économie faiblement carbonée et résiliente aux
impacts négatifs pose problème, essentiellement pour deux raisons : d’une part, le
développement de leur économie ne peut se faire, dans un premier temps, sans réduire
les émissions de gaz à effet de serre, ne serait-ce que pour répondre à une demande
beaucoup plus forte de biens et de services dont la fourniture nécessite une augmentation
de production ; d’autre part, ils reprochent aux pays développés de garder pour eux
seuls les technologies propres qu’ils ont pu développer grâce au système des brevets.
En résumé, de manière caricaturale, les entreprises des « pays du Nord » détiendraient
des monopoles sur les technologies propres qu’elles ont développées en abusant du
budget carbone sans contrainte au détriment des « pays du Sud » grâce aux brevets
d’invention, instrument juridique qui les empêcherait d’y avoir accès. Une illustration,
à ce stade ambigu, a été portée par la Chine qui tente de limiter la propriété industrielle
occidentale. Un projet de loi de 2012 sur le changement climatique visait à ce que toute
entreprise chinoise qui achète, avec le soutien financier de l’État, des technologies liées à
ce domaine, les mette au service du développement national (c’est-à-dire en pratique à
la disposition des entreprises chinoises).
L’accès gratuit, ou subventionné par des bailleurs de fonds, aux technologies propres par
les pays en développement est un sujet récurrent dans les négociations internationales
visant à établir un régime global de lutte contre le changement climatique qui viendrait
compléter la CCNUCC et succéder au Protocole de Kyoto. Pour leur part, les pays
développés refusent de débattre des droits de propriété intellectuelle dans le cadre de
la Convention climat, au motif que leur cadre naturel de négociation est l’OMC puisque
l’accord ADPIC est une annexe de la convention de Marrakech de 1994 qui a créé cette
organisation.
2. Définition du développement durable
21. Le rapport Brundtland (Commission mondiale pour l’environnement, 1987)
a donné une première définition du développement durable : « Le développement
durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre
la possibilité, pour les générations à venir, de pouvoir répondre à leurs propres besoins. »
Cette définition reprend l’idée de « durabilité » déjà présente dans la Déclaration
de Stockholm de 1972. En 1987, l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU)
considère que cette notion « devrait devenir le principe directeur fondamental pour les
Nations Unies, gouvernements, institutions, organisations et entreprises privées »8.
8
AGNU, Res. 42/187, 1987.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 23
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
La notion de développement durable conceptualise la nécessaire transition vers un
mode de développement économique et social sans conséquences néfastes pour
l’environnement et l’humanité. Cette approche est venue faire le lien entre des modèles
a priori en contradiction qui cherchent chacun à défendre un pilier – le développement
économique, la protection sociale et la lutte contre la pauvreté et la protection de
l’environnement –, ce qui a amené la Cour internationale de justice à soutenir, dans
une affaire célèbre où a été consacrée l’obligation de ne pas créer de dommages
environnementaux à d’autres États, que « le concept de développement durable traduit bien
cette nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement »9.
22. Le développement durable est un métaprojet et son contenu se caractérise par sa
globalité : il dépasse le seul enjeu environnemental pour prendre en compte toutes
les activités humaines et leurs interactions avec le milieu qui les entoure. Et l’ambition
d’y parvenir doit se faire à l’échelle de la planète et de manière transgénérationnelle. Il
doit donc d’abord être considéré comme une doctrine politique, qui guide l’action des
pouvoirs publics dans tous les domaines mais ne peut en tant que tel constituer une
norme de droit positif, puisque son contenu est somme toute incertain. Ce concept est
apparu en tout premier lieu dans les déclarations internationales, et aura par la suite
vocation à imprégner et être diffusé dans le contenu de toutes les normes.
Au Sommet de la Terre de Rio (1992), la notion est apparue comme une solution miracle
pour régler les problèmes environnementaux mais n’a en réalité pas entraîné de mesures
concrètes. Le chapitre 28 de l’Agenda 21, programme d’action de la Déclaration de Rio
(1992), juge les collectivités territoriales comme le « niveau administratif le plus proche
de la population » et donc le plus à même de la sensibiliser au développement durable.
Au Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg (2002), une
définition du développement durable a été précisée : c’est la conciliation de trois piliers,
le développement économique, la justice sociale et la protection de l’environnement. Il
faudra attendre la Déclaration de Rio + 20 (2012) « L’avenir que nous voulons », pour
que soient posées les intentions d’une nouvelle politique en faveur du développement
durable : réalisation d’une économie verte, formulation d’objectifs plus précis et
renforcement du cadre institutionnel.
23. La notion de développement durable devient un objectif général, visé de manière
plus ou moins explicite par la plupart des conventions multilatérales sur l’environnement
adoptées dans la foulée du Sommet de Rio de 1992 sans pour autant le rendre
juridiquement obligatoire. C’est le cas de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques CCNUCC (1992), dont l’objectif ultime est de stabiliser « les
concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute
perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (article 2), en affirmant dans
son préambule que « les mesures prises pour parer aux changements climatiques doivent
être étroitement coordonnées avec le développement social et économique afin d’éviter toute
9
Affaire Gabcikovo-Nagymaros, CIJ, Hongrie c/ Slovaquie, 25 sept. 1997.
incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des besoins prioritaires légitimes
des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l’éradication de
la pauvreté ». La Convention sur la biodiversité biologique (1992) prévoit quant à elle des
mesures pour assurer la protection de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses
éléments et le partage équitable des bénéfices découlant de l’exploitation des ressources
naturelles, notamment l’adoption de stratégies nationales, de plans et programmes,
et l’intégration de ces objectifs dans les plans, programmes, politiques sectorielles ou
transsectorielles internes10, après avoir rappelé la détermination « à conserver et à utiliser
durablement la diversité biologique au profit des générations présentes et futures ». Notons
également que le développement durable apparaît dans le Préambule des accords de
Marrakech instituant l’OMC (1994), qui fait ainsi écho deux ans plus tard à la Déclaration
de Rio (1992) stipulant qu’un système commercial multilatéral ouvert, équitable et nondiscriminatoire a un rôle essentiel à jouer dans les efforts nationaux et internationaux
visant à mieux protéger et conserver les ressources naturelles et à promouvoir le
développement durable.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la lutte contre le changement climatique
comme un défi majeur pour parvenir à un développement durable. Les chiffres
présentés par le GIEC11 dans son cinquième rapport d’évaluation en 2014 montrent
l’urgence qu’il y a à agir pour entamer et réaliser dans tous les pays une transition
nécessaire vers un développement faiblement voire non-carboné et résilient aux impacts
négatifs du changement climatique. Cela exige un renforcement significatif de la
coopération internationale et bilatérale pour notamment soutenir les efforts des pays en
développement dans cette voie.
3. Définition de l’accès à la technologie
24. Le transfert de technologies respectueuses de l’environnement et l’accès à ces
technologies sont deux notions distinctes. Le transfert de technologies se réfère
principalement à un transfert de découvertes scientifiques à des fins de développement
et de commercialisation12 : l’initiateur (pays développé émetteur) transfert de nouvelles
technologies à un utilisateur secondaire (pays en développement récepteur) dans une
tentative de stimuler son économie. Néanmoins, pour que les technologies propres soient
facilement transférables aux pays en développement, ces derniers doivent avoir accès
à ces technologies, notamment en possédant le savoir-faire indispensable c’est-à-dire
les capacités économique, technique et de gestion en vue d’une utilisation efficace des
10
Voir notamment le Protocole de Carthagène (2003) sur la prévention des risques
biotechnologiques et la Conférence de Nagoya (2010).
11
Entre 2016 et 2035, il est probable que les températures moyennes de l’air augmentent
en moyenne de 0,5 °C (de 0,3 à 0,7 °C selon les scénarios) soit + 1,2 °C entre 2016 et
2035 par rapport à 1850. La trajectoire la plus pessimiste prévoit que les températures
pourraient augmenter jusqu’à 5,5 °C d’ici 2100.
12
OMPI - 2006 - Définition donnée par l’AUTM (Association of University Technology
Managers).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 25
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
techniques transférées13. L’accès à la technologie est une notion complémentaire à
celle du transfert de technologies et vise tous les services comme l’information, le
renforcement de capacités, le savoir-faire, etc. C’est-à-dire autant d’éléments nécessaires
pour que le transfert de technologies soit réellement possible et se traduise par un accès
réel à la technologie.
25. Il n’existe pas de définition dans la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC) ni dans le Protocole de Kyoto du transfert ou de
l’accès à la technologie. Ces accords prévoient seulement les moyens de mise en œuvre
(article 4.514 CCNUCC ou article 10 c) Protocole de Kyoto15) comme le financement, le
renforcement des capacités, la diffusion du savoir-faire et des pratiques écologiquement
rationnelles pour faciliter l’accès et le transfert des technologies.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) propose de
définir le transfert de technologies comme un « vaste ensemble de processus qui englobent
les échanges de savoir-faire, de données d’expérience et de matériel pour l’atténuation
des changements climatiques et l’adaptation à ces changements et ce, parmi différentes
parties prenantes l’échange de connaissances, d’expérience et de biens entre les différentes
parties prenantes telles que les gouvernements, les entités du secteur privé, les organismes
financiers, les organisations non-gouvernementales, et les établissements de recherche et
d’enseignement »16.
L’expression « transfert de technologies » comprend ici la diffusion de la technologie et
la coopération technologique sur le plan national et international, qui se produit entre les
13
L e chapitre 34 de l’Agenda 21 précise que les éco-techniques « ne sont pas
seulement des techniques particulières, mais aussi des systèmes complets
englobant savoir-faire, procédures, biens et services, matériel et procédures
d’organisation et de gestion. Cela implique que lorsqu’on examine la question du
transfert des techniques, on doit se pencher également sur celles de la mise en
valeur des ressources humaines ».(...)
14
«  Les pays développés Parties et les autres Parties développées figurant à l’annexe
II prennent toutes les mesures possibles en vue d’encourager, de faciliter et de
financer, selon les besoins, le transfert ou l’accès de technologies et de savoirfaire écologiquement rationnels aux autres Parties, et plus particulièrement à
celles d’entre elles qui sont des pays en développement, afin de leur permettre
d’appliquer les dispositions de la Convention. Dans ce processus, les pays
développés Parties soutiennent le développement et le renforcement des
capacités et technologies propres aux pays en développement Parties. Les autres
Parties et organisations en mesure de le faire peuvent également aider à faciliter le
transfert de ces technologies ».
15
c) Coopèrent afin de promouvoir des modalités efficaces pour mettre au
point, appliquer et diffuser des technologies, savoir-faire, pratiques et
procédés écologiquement rationnels présentant un intérêt du point de vue
des changements climatiques, et prennent toutes les mesures possibles pour
promouvoir, faciliter et financer, selon qu’il convient, l’accès à ces ressources
ou leur transfert, en particulier au profit des pays en développement, ce qui
passe notamment par l’élaboration de politiques et de programmes visant à
assurer efficacement le transfert de technologies écologiquement rationnelles
appartenant au domaine public ou relevant du secteur public et l’instauration d’un
environnement porteur pour le secteur privé afin de faciliter et de renforcer l’accès
aux technologies écologiquement rationnelles ainsi que leur transfert.
16
Rapport spécial du GIEC, Questions méthodologiques et technologiques dans le
transfert de technologies, 2000.
pays développés, les pays en développement et les pays à économie en transition. Le
terme englobe le processus de compréhension, d’utilisation et de reproduction de la
technologie, y compris la capacité à choisir les conditions locales et à s’y adapter, et à
intégrer la technologie aux techniques autochtones.
En définitive, le concept de transfert de technologies dépasse la dimension intellectuelle
et matérielle pour embrasser les capacités, le savoir-faire, les politiques et les institutions.
26. Enfin, il faut noter que « l’accès à la technologie » dans son évaluation et sa mesure
(pour un éventuel paiement de redevances) est en pratique compliqué du fait que des
objectifs spécifiques à des marchés locaux peuvent entraîner un mix assez complexe
d’emprunts à un écheveau large de technologies en passant par la médiation directe
ou indirecte de coopérations de différentes natures. En pratique, pour les pays en
développement, il y a derrière le commerce de technologies de vraies dynamiques locales
de production, de conception, d’innovation et de rattrapage technologique de sorte qu’il
faut comprendre que l’innovation qui se fait dans les économies en développement
émergentes n’a aucune raison d’être au seul service d’objectifs tels que ceux auxquels
l’Occident avait initialement pensé. En cherchant à créer et servir des marchés locaux, la
difficulté d’identification d’éléments d’un produit final couvert par des droits de propriété
industrielle y rend corrélativement plus « accessible » la technologie.
4. Les acteurs du développement durable
Définition des pays en développement
27. La notion de pays en développement ne fait pas l’objet d’une définition unanimement
reconnue. Plusieurs définitions sont disponibles.
—— Définition usuelle en droit international : pays qui a enclenché un processus, sur
les plans économique et social, pour relever le niveau de vie de ses habitants, en
tentant de mettre fin, notamment, au faible développement de son industrie,
à l’insuffisance de sa production agricole, au déséquilibre entre la rapidité de sa
croissance démographique et l’augmentation de son revenu national.
—— Définition retenue par l’OCDE/CAD : la notion de « pays en développement » est
utilisée sans qualificatif et renvoie généralement à un pays éligible à l’APD (Aide
publique au développement). La liste des bénéficiaires de l’APD établie par le CAD
(Comité d’aide au développement) inclut tous les pays à bas et moyen revenu,
à l’exception des membres du G8 ou de l’Union européenne. La liste inclut
séparément tous les pays moins développés tels que définis par les Nations Unies.
—— Définition de la Banque mondiale : pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sur
la base du revenu national brut (RNB) par habitant.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 27
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
—— Définition de la CCNUCC de 1992 (Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques) : pays ne figurant ni à l’Annexe I (pays développés)
ni à l’Annexe II (pays développés inscrits à l’Annexe I ayant une capacité de
financement).
28. La présente étude n’a pas retenu une définition particulière de la notion de pays en
développement. Les pays ayant fait l’objet d’analyses particulières ont été sélectionnés
sur le seul critère de leurs besoins d’accéder à des technologies qui ne sont pas encore
disponibles sur leur territoire pour assurer leur développement, et plus particulièrement
leur développement durable.
Par ailleurs, les deux économies géantes et émergentes que sont l’Inde et la Chine ne
sont pas considérées comme des pays en développement, ni dans les classifications
internationales ni dans la présente étude. Leur importance sera néanmoins soulignée,
parce que leur rôle dans le bouleversement de l’économie de l’innovation est central
et qu’elles sont les précurseurs d’une économie de la connaissance multipolaire. Le
développement des grands émergents ne peut, certes, pas être transposable dans la
plupart des pays en développement. Mais ils changent le paradigme de l’innovation
en fournissant des modèles différents. Ils élargissent le champ des chemins du
développement.
Les émetteurs
29. Les émetteurs sont classiquement les entités (entreprises, pays, universités, etc.) qui
détiennent des technologies liées au développement durable.
Cependant, au-delà des émetteurs issus des économies de l’OCDE, relativement connus, il
est important de souligner à quel point et de quelle manière la Chine et l’Inde contribuent
à structurer la diffusion des technologies vertes. Au point de se trouver être émettrices et
transmettrices de ces technologies, pourvoyeuses de nouveaux « modèles de transferts »
vers les pays en développement.
30. La Chine et l’Inde structurent sur leurs territoires respectifs un écosystème industriel
des nouvelles technologies, en particulier des technologies environnementales.
Les deux émergents parient sur une révolution industrielle des nouvelles technologies
et organisent le développement des différentes filières industrielles liées à ces secteurs :
—— autour de mécanismes d’incitations publiques assez classiques pour l’Inde, mais
largement ciblés sur les avantages acquis par leurs entreprises phares ;
—— de l’amont (ressources naturelles – financement public) vers l’aval (subventions à la
vente) pour la Chine en passant par des accords interentreprises précis (échanges
ressource-technologie-formation) qui, d’une certaine manière, accélèrent le
transfert de la valeur économique réelle des brevets « occidentaux »17.
31. Ainsi, l’investissement massif des deux émergents dans les nouvelles technologies
confirme le caractère stratégique de ces secteurs industriels. Mais la pratique de la Chine
souligne aussi l’importance de les valoriser via une politique étatique coordonnée, établie
en fonction des atouts et des lacunes de son tissu économique et industriel.
En Chine, un « avantage d’écosystème industriel » est aujourd’hui en cours d’être
politiquement construit au-delà des seules innovations dans un cadre de marché (par les
subventions, la demande explicite de transferts contre l’accès à des ressources naturelles
sur lesquelles la Chine a un avantage, notamment les métaux appelés « terres rares »,
etc.).
Cette industrialisation-là, démarrée en Chine dans les années 2000 par le solaire, est
le fruit d’une volonté politique forte et de moyens adaptés. Elle est un succès dans
des secteurs industriels à degré de complexité technologique modéré et s’étend
progressivement à des secteurs plus complexes et à plus haute valeur ajoutée : éolien,
alliages, matériaux composites, efficacité énergétique, mobilités durables, etc.
Illustrons comment, de récepteurs qu’ils sont encore largement pour le développement
de leurs territoires, la Chine et l’Inde deviennent des émetteurs à destination des Suds.
Rattrapage : la Chine et l’Inde : deux stratégies dans les green-techs
32. La Chine cible le développement d’industries nationales spécialisées dans les différents
secteurs industriels et technologiques des clean-techs. Le gouvernement chinois, via
une approche très large et complète du secteur, organise le développement de filières
nationales très intégrées verticalement et très diversifiées horizontalement. Ces industries
neuves, entièrement chinoises, contrôlées et coordonnées par les politiques, ont vocation
à être compétitives à l’international afin de porter le développement économique futur
du pays. L’objectif d’industrialisation dans ces secteurs, estimés comme stratégiques,
sert également la politique de diversification industrielle et d’indépendance énergétique
nationale.
L’Inde, quant à elle, se positionne en plate-forme d’accueil des industries internationales
du secteur des clean-techs. La priorité du gouvernement central indien n’est pas de
développer des industries nationales compétitives à l’échelle mondiale, mais plutôt
d’héberger des industriels internationaux des clean-techs afin de faire profiter ses
17
Regards sur la terre 2014, chapitre 8 : Chine : comment la transition économique
redessine l’innovation, Zhao Wei et Joël Ruet.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 29
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
industries nationales d’un effet d’entraînement de la croissance dans ces secteurs. Le
deuxième objectif de l’Inde est de bénéficier de la présence des industriels des nouvelles
technologies de l’énergie pour développer son réseau électrique, dont la vétusté entrave
la croissance économique du pays.
La Chine et l’Inde : deux nouveaux émetteurs
33. Les moyens mis en œuvre par les deux émergents sont proportionnels à leurs
capacités d’action, à leurs atouts et à leurs besoins, mais surtout définissent les outils et
modalités de leurs propres pratiques de transferts vers les Suds.
34. La Chine, via une politique de contrôle de son marché et d’octroi de subventions très
ciblées, adopte une stratégie très agressive d’importation de technologies clés qu’elle
reproduit à grande échelle. Le marché intérieur chinois est utilisé comme incubateur
pour le développement des industries nationales, qui bénéficient par ailleurs d’un accès
favorisé aux financements, garantis par les larges réserves monétaires du pays. En Chine,
l’État finance largement la construction des industries des clean-techs et compte ensuite
sur le marché mondial pour rentabiliser économiquement son investissement, déjà
rentabilisé par le développement territorial national.
35. L’Inde a mis en place des mesures permettant de construire un cadre politique
et économique attractif pour les industriels internationaux du secteur des nouvelles
technologies. Ces mesures garantissent l’ouverture des frontières douanières et la quasiexemption de taxes douanières pour l’importation de certaines technologies liées aux
clean-techs, de larges facilités d’implantation pour les entreprises étrangères et un rachat
garanti à des prix avantageux de l’électricité renouvelable produite localement. Ce cadre
politico-économique incite les industriels des clean-techs internationales à s’implanter
en Inde pour y développer des centrales de production d’énergies renouvelables mais
également pour y installer leurs centres de production et d’assemblage de clean-techs
destinées à l’exportation. Cette politique, parfois défavorable aux industriels indiens des
clean-techs, a permis de structurer des filières indiennes de sous-traitance des grands
industriels internationaux, ces filières indiennes évoluant actuellement vers un niveau de
compétitivité international, et la réexportation.
36. En dix ans, les deux pays ont réussi une industrialisation dans des secteurs industriels
dont le degré d’exigence de maîtrise technologique est modéré. L’extension de leur
développement concerne maintenant des clean-techs de plus grande complexité :
véhicules électriques et smart-grids, entre autres. Progressivement, c’est l’ensemble de
l’écosystème industriel des clean-techs qui se structure dans ces deux pays.
Ainsi, en Inde et en Chine, une transition des modèles de financement des industriels
des clean-techs est en cours. Appuyées par les engagements gouvernementaux qui
tiennent lieu de garanties pour les investisseurs internationaux, les industries des cleantechs chinoises et indiennes bénéficient de plus en plus des financements provenant
du secteur privé international, en particulier de fonds d’investissement ou de capitalrisque. Ces acteurs étant par définition beaucoup plus mobiles géographiquement, c’est
potentiellement une accélération de la diffusion via le segment du capital-risque et du
private equity (prises de participations dans les entreprises locales par des acteurs à forte
composante technologique) qui se prépare.
Les récepteurs
37. Les récepteurs sont les entités des pays en développement (entreprises, pays,
collectivités, etc.) qui ont un besoin d’accès à une technologie liée au développement
durable.
À la vue des croissances de l’Asie, nombre de pays d’Afrique se conçoivent maintenant
« en voie d’émergence » à un moment où une large part du monde est déjà émergée.
L’Union africaine ou la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies
confirment ces objectifs au niveau continental. Cette « émergence tardive » (comme
il y eut un « développement tardif », par exemple, de la Corée du Sud) présente
des avantages et des inconvénients. Côté avantages, il permet de puiser dans des
technologies et des formes d’innovation mûres. Les entreprises chinoises, indiennes,
brésiliennes, turques, marocaines, sud-africaines, du Moyen-Orient, etc. ont permis
que tous les types de ressources (technologie, infrastructure, finance, savoir-faire,
organisation…) soient accessibles pour des pays en développement qui bénéficient
d’atouts soit riches de ressources naturelles, soit présentant un capital confiance pour
des emprunts internationaux, soit présentant un dynamisme local de nature à susciter
des débouchés et des projets liés au développement durable. Mais, côté challenges, il faut
apprendre très vite à arbitrer entre mise en concurrence et partenariats, à déterminer la
part que les acteurs locaux exigent dans la rédaction des projets technologiques et quelle
rentabilité donner aux apporteurs étrangers. Tout est à inventer.
Le rôle des transmetteurs sera essentiel et les Offices de la propriété industrielle peuvent
trouver là une opportunité de renouveler le leur.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 31
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
Les transmetteurs
38. Les transmetteurs sont des intermédiaires tiers qui permettent au récepteur d’accéder
à une technologie (formation, etc.).
La galaxie des « transmetteurs » est virtuellement infinie. À l’heure où les fonds et
initiatives dédiés à la croissance durable se multiplient, à l’heure où la difficulté de trouver
de bons projets se confirme, deux types d’acteurs deviennent essentiels :
—— les acteurs financiers dotés d’une expertise technique : fonds d’investissementprojet à compétences techniques et petits fonds souverains ;
—— les acteurs de l’accompagnement-formation-évaluation.
39. À titre d’illustration, le Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS), dont
la mission principale est de développer au Gabon de nouvelles filières capables de
générer suffisamment de revenus pour se substituer à ceux tirés du pétrole, mais aussi
d’accompagner pro-activement des investissements d’avenir dans la région africaine.
Ce fonds est central pour les enjeux de transformation du pays, puisque ses profits
devront à moyen terme assurer trois missions : assurer la pérennité du budget de l’État
dans une perspective de revenus pétroliers déclinants, favoriser la diversification de
l’économie nationale et enfin, tâche ambitieuse, jeter des ponts entre les économies
africaines18. Le Fonds est innovant en ce qu’il poursuit des objectifs différents : un
transfert intergénérationnel, une diversification financière externe et interne, l’appui au
développement du pays. Cette « hybridisation » est caractéristique du redéploiement
stratégique des grands fonds souverains mondiaux ; c’est ainsi sûrement un « modèle » à
observer pour le reste du continent.
Les premiers investissements réalisés ont favorisé l’impact domestique direct et le
développement durable national par la transformation locale des matières premières,
telle une prise de participation dans Eramet (société française présente dans le nickel et le
manganèse) à la faveur de la sortie d’un actionnaire précédent, qui vise à accompagner
l’entreprise dans de futures valorisations sur place des minerais. Le FGIS a également
soutenu l’augmentation de capital de l’entreprise Rougier, entreprise familiale présente
depuis 1923 dans l’exploitation des grumes ; il s’agit d’accompagner la politique
nationale de création de valeur in situ, via le financement d’un nouvel outil productif de
transformation sur place, déjà opérationnel.
Les investissements du FGIS à l’étranger, notamment en Afrique, viseront à créer des
« ponts économiques » avec d’autres pays autour desquels viendront se greffer d’autres
investissements et s’intensifier les relations économiques. Le FGIS, accompagnateur
à domicile d’investisseurs étrangers, possède un atout essentiel : étant investisseur
18
Voir African Banker n° 16, juillet 2013, Fonds souverain gabonais mode d’emploi,
par Joël Ruet.
lui-même, il sait qu’il doit proposer un « point de sortie » aux investisseurs qui choisissent
le Gabon. Pour évaluer ce point de sortie, des évaluations indépendantes sont nécessaires
et « l’ingénierie financière » compte. Précisément, le FGIS coïnvestit, au Gabon et ailleurs,
dans des fonds privés de projets d’infrastructures durables ou des fonds d’agriculture
périurbaine, de santé, etc. et soutient ainsi l’essor de l’expertise. Ces fonds privés jouent
le rôle « d’évaluateurs indépendants » des projets.
5. Définition des technologies propres
40. Il faut souligner l’absence de définition unanimement reconnue des technologies
vertes, écologiques ou respectueuses de l’environnement19.
Dans une acception large, les technologies propres peuvent être définies comme
toutes les technologies qui permettent, pour une activité humaine donnée, de réduire
de manière quantifiable et sensible l’impact sur l’environnement, à niveau d’activité
constant.
Cette définition est transversale. Elle ne peut être réduite aux typologies et classements
traditionnels des activités humaines. Elle concerne les trois secteurs traditionnels : primaire
(agriculture), secondaire (industrie) et tertiaire (services). Elle intéresse tous les domaines
industriels : l’automobile, la chimie, l’agriculture, la production d’énergie, la médecine, etc.
41. La définition des technologies propres est caractérisée par un problème intrinsèque
de frontière, de délimitation.
—— À l’intérieur d’une famille technologique, des procédés distincts rendent une
technologie plus ou moins « propre »20.
—— Il convient de tenir compte de l’ensemble du cycle de vie du bien produit ou du
service rendu pour déterminer l’empreinte écologique ou carbone de telle ou telle
technologie.
19
L a Commission européenne les définit ainsi : « Les « produits verts » peuvent être définis,
par comparaison à d’autres produits similaires appartenant à la même catégorie, comme
des produits plus efficaces en termes d’utilisation des ressources et qui occasionnent
moins de dommages environnementaux au cours de leur cycle de vie, c’est-à-dire
depuis l’extraction des matières premières qui les constituent jusqu’à leur fin de vie (y
compris la réutilisation, le recyclage et la récupération), en passant par leur production,
leur distribution et leur utilisation », Communication de la Commission au Parlement
européen et au Conseil. Mise en place du marché unique des produits verts. Faciliter
l’amélioration de l’information relative à la performance environnementale des produits et
des organisations, COM (2013) 196 final du 9 avril 2013, p. 3.
20
Parmi les nombreuses classifications des technologies propres, on peut citer la
distinction entre les technologies de transformation et technologies d’adaptation. La
première catégorie de technologies est dite de transformation. Ces technologies visent
à réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Elles constituent donc un
progrès d’un point de vue environnemental. Les technologies appliquées aux énergies
renouvelables (éolien, biomasse, photovoltaïque, etc.), les technologies de captation
du CO2 ou de réduction de la consommation énergétique des machines ont pour effet
de limiter la dégradation de l’environnement par rapport aux technologies précédentes.
Les secondes, les technologies d’adaptation, permettent de s’adapter aux modifications
environnementales, par exemple aux changements climatiques (nouvelle génération de
digues, etc.).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 33
DéFINITION DES TERMES DU SUJET
—— Par ailleurs, la notion de technologie propre est relative, parce que les normes et
objectifs qualitatifs et quantitatifs, locaux et globaux, dépendent des lieux et des
époques. Au sens de la durabilité dans son ensemble (environnementale, sociale
et économique), ces normes et seuils dépendent non seulement des « états de
marché » à un moment donné, mais aussi de trajectoires de transformations
technologiques et économiques : une technologie est « relativement propre » dans
un certain contexte, en tenant compte d’un scénario de référence qui permet une
comparaison en termes d’empreinte écologique ou carbone.
—— Enfin, cette frontière est très poreuse en fonction des systèmes et modes
d’organisation, d’utilisation et d’accompagnement et de leur efficacité réelle dans
le contexte local ou national de déploiement.
En fin de compte, s’il peut être tentant de délimiter une série de secteurs ou de
technologies propres (la presse le fait : solaire, éolien, véhicule électrique, etc.), la réalité
de l’imbrication des différentes filières industrielles conduit plutôt à penser que chaque
secteur a en son sein des technologies « propres ».
42. À titre d’exemple, le boum du transport aérien en Asie n’est généralement pas perçu
comme une bonne nouvelle par les défenseurs de l’environnement. Quantitativement,
il est indéniable qu’il accroît les émissions de CO2. En revanche, dès que l’on regarde
qualitativement, une foule de changements industriels apparaît. La demande conduit à
avancer l’avènement de la nouvelle génération de moyen-courriers, qui s’invente d’abord
pour et à partir de l’Asie et non en Europe. En effet, l’avionneur chinois Avic développe un
programme d’avion de ligne mono-couloir (le futur C919) face au duopole A320/B737
et vise le marché asiatique. C’est avec lui un nouveau modèle mondial des technologies
qui s’invente : avec une longueur d’avance sur la demande de matériaux composites et
d’électronique, ce moyen-courrier encourage déjà l’innovation de sociétés occidentales
(Saint-Gobain, Safran, mais aussi des PME de la région des Pouilles italiennes, en passant
par l’Américain General Electric Aviation, etc.). Il suscite déjà en retour une industrie des
matériaux composites en Chine, à Tianjin, et soutient les métallurgistes chinois tels que
Baosteel ou Chinalco dans la course aux alliages spéciaux de l’aluminium, des nouvelles
technologies de composants légers ou économes en énergie à base de terres rares, etc.
Ces composants sont eux-mêmes réutilisés dans les nouvelles générations de panneaux
solaires, de pales d’éoliennes ou de moteurs électriques… et d’avions.
Ainsi, contrairement à une idée reçue, une technologie propre n’est pas nécessairement
liée à la diminution totale ou à la substitution d’une technologie non-propre ; c’est une
technologie qui réduit « sensiblement » la consommation de matière et/ou d’énergie.
Mais même cette définition n’est pas sans ambiguïté : on peut considérer que, sur une
décennie, même un moteur thermique automobile fait de substantiels progrès en ce
domaine…
Conclusion méthodologique : propriété industrielle,
économie industrielle et négociations
43. En conclusion, un enjeu d’adaptation industrielle généralisé existe aujourd’hui
et impacte fortement la capacité à rester dans la compétition pour les émetteurs et
transmetteurs, ainsi que celle à identifier, recevoir et mobiliser avec les technologies
les plus efficaces pour les récepteurs. C’est aussi en tenant compte de cette capacité
d’adaptabilité industrielle des systèmes de déploiement technique, et de leurs contraintes,
qu’il faut évaluer l’efficacité et les contraintes des divers outils et pratiques de la propriété
industrielle, et mettre en contraste de ces rapides changements le monopole de vingt ans
conféré par les brevets.
De la même manière, il est pertinent de relier les évolutions observées dans le cadre des
négociations sur le climat dont le régime est en perpétuelle construction depuis 1992
à celles observées dans les domaines de la propriété industrielle et du développement
durable. Si certains pays en développement, notamment l’Inde, ont soutenu une position
assez radicale dans la foulée de l’affaire des médicaments pour exiger la mise à disposition
de technologies propres brevetées à titre gratuit ou autoritaire par la délivrance de
licences obligatoires, la grande majorité d’entre eux demande aujourd’hui un soutien
pour identifier leurs besoins en technologies, promouvoir l’innovation et développer
les capacités nécessaires à leur réception et déploiement. Seuls quelques rares pays
continuent d’invoquer aujourd’hui les droits de propriété industrielle comme un obstacle
au transfert de technologies et demandent un soutien financier pour l’achat de licences,
par exemple par l’intermédiaire du Fonds vert sur le climat créé à Cancun (2010) et établi
à Durban en 2011, qui devient opérationnel à l’aube de la Conférence de Paris (COP21,
décembre 2015).
Les articulations entre propriété industrielle et développement durable sont ainsi très
mouvantes, à un tournant. L’analyse autonome de chaque champ doit être mobilisée,
ainsi que leurs interactions observées, souvent autour de « signaux faibles » : signaux
suffisamment récurrents dans la pratique des acteurs pour qu’ils commencent à dessiner
des tendances futures, des inflexions et des opportunités présentes au-delà des « boîtes
à outils classiques » de chaque champ (propriété industrielle, développement durable et
négociations sur le climat). C’est dans cette optique en particulier que seront mobilisées
des « études de cas » non pas isolées, mais représentatives de pratiques se multipliant
et se diffusant.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 35
sommaire partie 1
INTRODUCTION PARTIE 1
p. 38
1Le brevet : un outil insuffisant pour assurer le transfert
de technologies vers les pays en développement
1.1 Le monopole d’exploitation du brevet : un moyen juridique efficace
pour sécuriser certains transferts de technologies p. 39
A
p. 39
Le monopole conféré par le brevet favorise l’investissement sur de nouveaux marchés
B Le brevet : outil essentiel de la stratégie de diffusion d’une technologie
Cas pratiques :
— Danone
— Golden Rice
— Office africain de la propriété intellectuelle (OAPI)
p. 42
p. 45
p. 47
1.2 L’effritement du rôle des brevets dans les transferts de technologies
vers les pays en développement
p. 48
A B La limite extrinsèque au droit des brevets dans les transferts de technologies :
le rôle primordial du savoir-faire
La limite intrinsèque au droit des brevets dans les transferts de technologies :
le faible nombre de dépôts de brevets dans les pays en développement
p. 40
p. 48
p. 51
2Fin de l’oligopole de la maîtrise technologique et concurrence
généralisée de l’accès aux nouveaux marchés
des pays en développement
2.1 L’innovation devient multipolaire p. 55
2.2 Les technologies sont souvent connues
p. 57
2.3 Les nouveaux écosystèmes industriels et géographie de l’innovation
p. 58
conclusion partie 1
Résumé et recommandations partie 1
p. 61
p. 63
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 37
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
introduction de la partie 1
44. De manière générale, on peut styliser deux types de modèles d’écosystèmes
industriels quant à leur rapport au savoir-faire (chaque segment réel de chaque industrie
réelle empruntant pour partie à ces deux idéal-types).
Le plus connu dans le monde de la PI, mais qui n’est pas nécessairement le plus fréquent
dans l’industrie globale, est le cas d’industries reposant sur quelques savoir-faire tellement
spécifiques et pointus, au sein d’un dispositif plus classique et générique, qu’une fois
brevetés, ils constituent l’essentiel de l’avantage concurrentiel. C’est le cas par exemple
de la pharmacie ou des nouveaux matériaux : il est incontournable de connaître les points
précis de température, pression, durée d’un process central au sein d’une chaîne, et tout
le reste en revanche est relativement standard, du réacteur chimique au packaging.
Le cas inverse est assez bien représenté par les industries mécaniques. Mis à part le
cœur des technologies de motorisation, l’ensemble d’une automobile est composé
d’une myriade de brevets à contenu technologique relativement faible et la véritable
compétence est l’assemblage et le savoir-faire : comment interopérer des milliers
de composants et technologies dans un réseau usines-fournisseurs complexe et en
permanence redéfini.
45. Dans le contexte des transferts de technologies vers les pays en développement,
certaines contraintes supplémentaires entament fortement l’efficacité des droits de
propriété industrielle et particulièrement des brevets (1), surtout dans une économie
globalisée dans laquelle les paradigmes des transferts de technologies ont été
bouleversés, où, pour les émetteurs, ce sont les capacités à nouer des partenariats et à
attirer les investisseurs qui sont clés, et alors qu’en même temps, une concurrence aiguë
est apparue entre les émetteurs pour intervenir dans les pays en développement (2).
Les brevets d’invention, pour les émetteurs, sont un outil traditionnel d’encadrement et
de sécurisation des transferts de technologies (1.1). Pourtant, lorsqu’il s’agit de transférer
des technologies vers des pays en développement, ils se révèlent, le plus souvent,
beaucoup moins efficaces (1.2).
1
Le brevet : un outil insuffisant
pour assurer le transfert de technologies
vers les pays en développement
1.1 Le monopole d’exploitation du brevet : un moyen juridique
efficace pour sécuriser certains transferts de technologies
46. Parce qu’il confère un monopole d’exploitation à son titulaire ou au licencié sur une
technologie particulière, le brevet d’invention est un outil qui favorise les transferts de
technologies, et ce de deux manières :
—— le monopole favorise l’investissement sur de nouveaux marchés ;
—— le monopole permet de mettre en œuvre une politique de prix différenciés.
A. Le monopole conféré par le brevet favorise l’investissement
sur de nouveaux marchés
47. Voici un industriel d’un pays occidental qui souhaite être présent sur le marché d’un
pays en développement. Que cet industriel se borne à distribuer ses produits sur ce
nouveau marché, qu’il y installe des unités de production propres ou qu’il conclue un
partenariat avec un acteur local, le brevet est un outil juridique qui permet de sécuriser le
transfert de technologies.
En effet, si l’industriel est titulaire d’un brevet d’invention sur ce nouveau marché, il
bénéficie d’un monopole légal d’exploitation de l’invention. Que cela signifie-t-il ?
Si l’industriel distribue ses produits sur le nouveau marché, il pourra interdire à tout tiers
de fabriquer ou de commercialiser des produits qui reproduisent son invention.
De la même manière, si l’industriel décide de construire une unité de production locale
propre, un transfert de technologies, notamment de savoir-faire, s’ensuit nécessairement.
Le brevet d’invention couvrant ce nouveau marché interdit à des tiers de construire des
unités de production qui mettraient en œuvre l’invention, de sorte que l’investissement
initial nécessaire à la réalisation de l’usine pourra être beaucoup plus facilement
rentabilisé.
Enfin, l’existence d’un brevet d’invention sur ce nouveau marché permet également de
trouver plus facilement des partenaires locaux. En effet, les partenaires potentiels qui
investiront dans la technologie bénéficieront également, au travers d’un contrat de
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 39
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
licence, d’un monopole sur l’exploitation, c’est-à-dire la fabrication et la commercialisation
de produits qui intègrent l’invention.
48. L’efficacité du brevet comme outil juridique d’encadrement du transfert de
technologies est évidemment conditionnée par le fait qu’en pratique, le breveté puisse
effectivement obtenir la protection de ses droits sur le nouveau marché.
Or, il faut reconnaître que la protection conférée par un brevet d’invention est toujours
relative.
D’abord, la première condition est évidemment que le pays dispose d’un système de
brevet, c’est-à-dire qu’un office délivre les titres. Pour qu’un système de brevet fonctionne
correctement, il est également nécessaire qu’un écosystème des brevets soit mis en place
et notamment qu’une communauté humaine de conseils en brevet, d’avocats et de
magistrats spécialisés ait émergé. Il existe de nombreuses juridictions dans lesquelles les
brevets existent mais où l’écosystème est encore en voie de constitution.
Par ailleurs, la validité des brevets pouvant être dans la plupart des pays contestée devant
un tribunal, quand bien même ils auraient été délivrés par un office, la protection est
toujours relative et ne peut offrir de garantie totale21. Néanmoins, il faut relever que
même imparfait, la violation du monopole légal conféré par le brevet fait prendre un
risque important aux éventuels contrefacteurs.
Constat n° 1
Le brevet est un outil juridique qui facilite l’investissement sur un nouveau marché en
offrant un monopole d’exploitation à son titulaire.
B. Le brevet : outil essentiel de la stratégie de diffusion
d’une technologie
49. Comme il a été vu, le brevet est un titre de propriété industriel qui confère à son
titulaire un monopole territorial, limité au pays du dépôt22.
Chaque titre est indépendant des autres. Ainsi, une entreprise qui dépose des brevets
dans plusieurs pays peut cloisonner les marchés. Prenons un exemple : voici une
entreprise française qui a protégé son invention, d’une part en France et d’autre part en
Indonésie. L’entreprise française peut accorder une licence d’exploitation de son brevet
21
À cet égard, il faut relever qu’il est généralement considéré que dans des pays
comme l’Allemagne ou la France, entre un tiers et la moitié des décisions rendues
dans le domaine de la contrefaçon de brevet se terminent par la nullité du titre.
22 Cf. supra, page 41.
indonésien à une entreprise locale pour un prix relativement faible. Le licencié indonésien
pourra fabriquer et commercialiser le produit breveté en Indonésie. En revanche, le licencié
ne pourra pas commercialiser le produit en France en l’exportant depuis l’Indonésie car
cela porterait atteinte au brevet français23. En effet, le licencié indonésien n’a aucun droit
sur le brevet français ; il ne peut donc pas y fabriquer ou vendre des produits. Le breveté
protège ainsi son marché grâce aux brevets.
Ainsi, une stratégie habile de dépôts de brevets permet de mettre en place une politique
différenciée de prix d’accès à une invention ou à une technologie.
50. En outre, la licence permet à l’entreprise française d’exercer un certain contrôle sur la
quantité de produits fabriqués par l’entreprise indonésienne, ainsi que sur leur qualité. En
effet, la licence est un contrat et le breveté peut parfaitement imposer contractuellement
au licencié de garantir une certaine qualité au produit ou encore de limiter les quantités
produites, par exemple pour se cantonner à l’approvisionnement du marché local.
Réciproquement, si le licencié indonésien bénéficie d’une licence exclusive sur son
territoire, il jouit d’un monopole d’exploitation de l’invention ou de la technologie en
Indonésie. Il peut interdire à tout tiers de fabriquer et de commercialiser le produit sur
le territoire indonésien. Ce monopole est important, parce que cela permet au licencié
de rentabiliser plus facilement les investissements qu’il aura supportés pour lancer la
production et la commercialisation (usine, personnel, réseau de distribution, etc.).
De telles clauses ne sont pas théoriques et les contrats de licence contiennent très
fréquemment des stipulations qui encadrent strictement les pouvoirs du licencié, tant en
ce qui concerne les quantités produites que les marchés qui lui sont réservés.
51. La condition d’efficacité de telles clauses est que le système judiciaire du pays
récepteur permette un respect des engagements contractuels et du monopole
d’exploitation conféré par les brevets. Les réticences des brevetés à accorder des licences
de leurs brevets viennent souvent du fait qu’ils considèrent, à tort ou à raison, que les
systèmes juridiques des pays récepteurs ne leur permettront en réalité pas de faire
respecter les clauses contractuelles (limitation de production, interdiction d’exportation
des produits vers d’autres marchés, etc.). Les possibilités concrètes de faire respecter
les limites stipulées dans les contrats, tout comme les droits de propriété industrielle,
sont donc un facteur très important pour convaincre les titulaires de technologies de les
transférer à des acteurs installés dans des pays en développement.
Certes, il existe des exceptions, comme la Chine. Mais sa position est très particulière
en raison de l’importance de son marché et de sa forte croissance. Pour cette raison, la
plupart des grands groupes internationaux font le choix d’être présents sur le marché
23
Ce système de cloisonnement des marchés n’est pas possible dans un marché unifié,
comme l’Union européenne, en raison de la règle de l’épuisement du droit.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 41
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
chinois qui offre des perspectives de chiffre d’affaires considérables, même s’il existe des
risques de non-respect des droits de propriété industrielle. En revanche, un pays qui ne
bénéficie pas d’opportunités aussi considérables doit offrir d’autres attraits aux émetteurs
afin de les convaincre de s’engager dans un processus de transfert de technologies.
cas pratique
La propriété intellectuelle, un outil de partage
au service du « social business » ?
Une solution étudiée par la société Danone
Danone est une entreprise présente dans le monde entier, spécialisée dans
l’alimentation où elle occupe des positions de leader autour de quatre métiers : les
produits laitiers frais, les eaux, la nutrition infantile et la nutrition médicale. Sa mission
est d’ « apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ». Partout dans le
monde, Danone travaille activement pour s’adapter aux contextes nutritionnels et
économiques locaux et inventer de nouveaux modèles.
En 2007, Danone lance le fonds « danone.communities » dont la mission est
de financer et développer des entreprises locales, avec un modèle économique
pérenne, tournées vers des objectifs sociaux : favoriser l’accès à l’eau et faire
reculer la malnutrition. Au côté d’entrepreneurs sociaux, ce soutien passe à la fois
par de l’investissement financier, via une sicav grand public, mais aussi par un
accompagnement technique grâce à un réseau d’experts engagés qui transmettent
leur expérience.
« danone.communities » a ainsi participé entre 2008 et 2014 à la commercialisation
à bas prix d’une barre nutritionnelle visant à améliorer la nutrition des enfants d’âge
scolaire de la région de Dakar, à partir d’ingrédients essentiellement locaux. Au cours
de la phase de conception du produit, l’équipe danone.communities et la R&D de
Danone se sont associées à une restauratrice sénégalaise afin de mettre en commun
leurs savoir-faire.
—— La restauratrice a orienté la sélection des ingrédients locaux en vue de mettre
au point un produit adapté au goût des enfants.
—— D anone a apporté son savoir-faire en matière de procédé industriel et
a notamment mis au point à cette occasion un procédé de protection
microbiologique permettant de maintenir le produit en dehors de la chaîne du
froid sans investissement lourd.
À l’occasion de ce projet, Danone s’est interrogé sur la possibilité d’appréhender la
propriété intellectuelle comme un outil de partage au service de la réplication d’autres
projets « social business » sur la base des principes suivants :
—— la reconnaissance de la cocréation, du partage de valeurs créées ou mises en
œuvre dans le cadre de projets « social business » ;
—— la recherche d’un équilibre économique et social en assurant une juste
rétribution des contributions de l’ensemble des parties prenantes ;
—— la création d’une entité juridique autonome et indépendante au sein de laquelle
les droits de propriété intellectuelle utilisés et/ou développés dans le cadre de
projets « social business » seraient centralisés en vue d’être ultérieurement
consentis à des tiers à des conditions prédéterminées ;
—— l’instauration d’une gouvernance afin de définir les conditions d’accès à ces
droits de propriété intellectuelle et notamment l’octroi de licence non-exclusive
de type « open source » pour des projets labellisés « social business », tout en
conservant la possibilité de consentir des licences commerciales aux entreprises
privées « classiques ».
Les enjeux liés à la mise en œuvre pratique de ce projet sont principalement liés à la
sécurité alimentaire des produits et à la transmission du savoir-faire (l’essentiel de la
valeur partagée) qui suppose une formalisation préalable et bien souvent la mise à
disposition d’hommes et donc de moyens financiers.
Ce modèle juridique est aujourd’hui encore en construction. Dans le même temps,
Danone continue, avec danone.communities, son travail sur le terrain en participant
avec ses partenaires à la réplication de modèles « social business ».
Danone et Accenture se sont ainsi associées à l’ONG 1001 Fontaines pour développer
un outil de formation recensant le savoir-faire nécessaire au développement et à la
gestion de petites stations d’épuration d’eau. La mission de 1001 Fontaines est en
effet de proposer une solution pérenne pour purifier l’eau des mares et ainsi améliorer
la santé des populations rurales. Cette solution consiste à monter des petites stations
qui filtrent l’eau de surface. Elles sont prises en charge par une personne de la
communauté formée pour gérer les équipements, embouteiller l’eau, tester la qualité
et distribuer cette eau aux villages environnants. Cette personne devient l’exploitant
et cette activité constitue son principal revenu.
Un premier projet a vu le jour au Cambodge. C’est sur la base de ce succès que 1001
Fontaines, Danone et Accenture ont souhaité mettre en commun leurs compétences
et leurs savoir-faire pour faciliter la réplication de ce modèle via un outil de formation
disponible en ligne et via un programme de « formation de formateur » délivré en
continu sur le terrain.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 43
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
—— 1001 Fontaines a ainsi agrégé les pratiques appliquées et éprouvées sur le
terrain, qu’elles soient techniques ou managériales.
—— Danone a pour sa part enrichi les modules vente et qualité et a accompagné
toute la mise en place des efforts de marketing.
—— Quant à Accenture, elle a fourni la plate-forme qui héberge les contenus de
formation et a structuré avec 1001 Fontaines le dispositif de formation.
Un second projet est actuellement en développement en Inde avec l’organisation
indienne Naandi Community Water Services, spécialisée dans le même secteur.
Naandi, en accédant à la plate-forme, bénéficie de l’expertise développée par 1001
Fontaines, Danone et Accenture mais contribue également à son enrichissement en
mettant à son tour son savoir-faire à la disposition d’autres utilisateurs.
Afin d’assurer de manière équitable et durable l’accès et l’enrichissement de ce savoirfaire auprès d’autres acteurs locaux, une charte de gouvernance a été développée sur
la base des principes identifiés ci-avant dans le cadre de la réflexion « open source »
menée par Danone.
Favoriser l’accès à l’eau est une mission qui exige la mobilisation de nombreux acteurs.
Augmenter le nombre d’acteurs qui bénéficient d’une expertise dans ce domaine, tout
en leur permettant d’enrichir leur savoir-faire au contact d’autres partenaires exerçant
dans le même secteur, donne plus de chances de répondre à ce défi mondial.
cas pratique
Golden Rice : le brevet, outil de Différenciation géographique
des conditions d’exploitation d’un produit
I. Le riz doré, une variété enrichie en vitamine A
Le Golden Rice ou riz doré est une variété de riz produite par modification génétique.
L’apport de cette modification est une teneur en vitamine A accrue par rapport aux
variétés de riz existantes. Le but des créateurs de cette variété de riz était de résoudre
les carences en vitamine A dans les pays en développement (PED).
II. Le riz doré, une variété couverte par de nombreux brevets
Près de 70 brevets sur des procédés et produits couvraient la technologie du riz
doré. Parmi ces brevets qui appartenaient à 32 sociétés et universités, 14 étaient en
conflit dans la mesure où les revendications formulées étaient très proches les unes
des autres. Plusieurs multinationales telles que Astra Zeneca, Monsanto, Aventis et
Dupont étaient les principales détentrices de droits sur les procédés et les produits
associés à ce riz. Mais en réalité, seuls 12 brevets étaient réellement nécessaires à la
production du riz doré. Si ces brevets essentiels n’étaient pas, dans la grande majorité
des cas, déposés dans des PED, il était néanmoins nécessaire d’obtenir des licences
d’exploitation des brevets enregistrés dans les PED où la production du Golden Rice
était envisagée.
III. Le brevet, outil de politique de prix différenciés
Les difficultés d’accès à ce « réseau de brevets » sur des procédés et produits sur le
riz doré se sont révélées très onéreuses pour les producteurs intéressés. Ils ont alors
négocié un accord avec l’entreprise Astra Zeneca (devenue propriété de Syngenta).
L’entreprise Syngenta a acquis plusieurs licences de brevets sur le riz doré, lui permettant
d’exploiter la technologie. Et elle s’est engagée à accepter de permettre la distribution
du riz sans redevance aux agriculteurs qui vivent dans des PED. Elle a ensuite contacté
les principaux titulaires de brevets essentiels à la technologie du riz doré (dont Bayer et
Monsanto), pour obtenir des « dons » de licences, c’est-à-dire des licences gratuites.
Le caractère « humanitaire » des licences sur les différents brevets nécessaires à la
production du riz doré n’a pas remis fondamentalement en cause le monopole
commercial des titulaires des brevets. Au contraire, en plus d’avoir créé les conditions
pour assurer le retour sur investissement des titulaires de brevets, les conditions de
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 45
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
délivrance des licences « humanitaires » sur le riz doré contribuent à la protection de
l’environnement et à la biosécurité. Pour l’essentiel, ces conditions sont les suivantes :
—— l’entreprise Syngenta conserve ses droits commerciaux sur le riz doré ;
—— l’« utilisation humanitaire » du riz doré ne peut pas être accordée à un pays
dans lequel il n’existe pas de réglementation sur la biosécurité et où le contrôle
officiel du gouvernement pour assurer la santé et la sécurité environnementale
fait défaut. L’« utilisation humanitaire » est définie comme l’utilisation dans les
pays en développement par les agriculteurs pauvres ;
—— l’exportation de riz doré est interdite, sauf à d’autres licenciés et seulement pour
la recherche « humanitaire » ;
—— les agriculteurs dans les pays en développement peuvent vendre le riz doré pour
subvenir à leurs besoins. Ils sont autorisés à réutiliser les graines récoltées pour
réensemencer leurs champs.
Constat n° 2
Le brevet est un outil juridique qui facilite la mise en place d’une stratégie de prix
différenciés selon les marchés et le contrôle de l’activité de partenaires locaux.
Recommandation
Le brevet d’invention est un outil juridique utile pour le transfert de technologies
et plus particulièrement pour l’accès à de nouvelles technologies par les pays en
développement.
Pour les pays qui souhaitent accéder à de nouvelles technologies, le développement
d’un système de brevet (office de dépôt) et de son écosystème (juges, conseils en
brevets, avocats, etc.) est de nature à favoriser les investissements étrangers et les
transferts de technologies.
Plusieurs initiatives sont d’ailleurs à saluer comme la création de l’Office marocain de
la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) ou de l’Organisation africaine de la
propriété industrielle (OAPI) qui est le seul office dans le monde à délivrer un titre de
propriété industrielle unitaire valable dans 17 pays.
Par ailleurs, les agences de développement ignorent trop souvent les droits de
propriété industrielle alors qu’utilisés de manière adéquate, ils sont de nature à rendre
les aides plus efficaces : possibilité de créer une source de revenu pour les acteurs
locaux au moyen de licences d’exploitation, diffusion de l’information lors de la
publication des brevets, etc.
cas pratique
L’ORGANISATION AFRICAINE DE LA PROPRIéTé INTELLECTUELLE (OAPI)
Héritier de l’Office africain et malgache de la propriété industrielle, l’Organisation
africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) a été créée par l’Accord de Bangui du
2 mars 1977. Cette organisation comprend aujourd’hui 17 États membres24 et
a instauré un office unique de dépôt des demandes et de délivrance des titres de
propriété industrielle (brevet, marque, dessin et modèle).
L’OAPI, dont le siège est à Yaoundé (Cameroun), est l’office de propriété industrielle
commun à tous les États membres. Il centralise toutes les procédures de paiement des
redevances. De plus, sur l’espace de ces États est appliquée une loi uniforme
constituée par l’Accord de Bangui et ses annexes.
Ce brevet unitaire diffère de celui pratiqué en Europe au sein de la Convention du
Munich sur le brevet européen (CBE). En effet, si le brevet européen fait, à l’instar
du brevet unitaire délivré par l’OAPI, l’objet d’une demande et d’un examen
uniques, le brevet européen, une fois délivré, éclate en autant de brevets nationaux,
contrairement au brevet unitaire.
Enfin, en cas de contentieux impliquant le titre délivré (sur sa validité ou en cas de
contrefaçon), les juridictions des États Parties de l’OAPI sont toutes compétentes
et la décision judiciaire définitive rendue dans l’un des États fait autorité auprès des
juridictions de tous les autres membres.
Un véritable brevet unitaire a ainsi été mis en place au sein de l’OAPI, ce qui facilite
considérablement les dépôts et la défense des titres de propriété industrielle.
Ce brevet unitaire constitue un véritable attrait pour attirer les investisseurs.
24
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,
Guinée, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et
Togo.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 47
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
1.2 L’effritement du rôle des brevets dans les transferts
de technologies vers les pays en développement
52. En pratique, le rôle du brevet dans les transferts de technologies vers les pays en
développement est bien souvent assez limité pour deux motifs : d’une part, c’est l’accès
au savoir-faire qui est le plus névralgique (A) et d’autre part, les brevets ne sont, dans la
majorité des cas, pas déposés dans les pays en développement (B).
A. La limite extrinsèque au droit des brevets dans les transferts
de technologies : le rôle primordial du savoir-faire
53. Comme il a été vu, les notions de brevets et de technologie doivent être distinguées25.
Le brevet est un titre délivré par l’administration qui confère à son titulaire un monopole
d’exploitation sur une invention, c’est-à-dire une création technique nouvelle, inventive
et susceptible d’application industrielle. L’objet du brevet est donc limité.
Or, lorsqu’une entreprise souhaite avoir accès à une technologie qu’elle ne possède pas,
une licence brute de brevet est la plupart du temps totalement insuffisante.
La licence brute de brevet ne revêt un intérêt que lorsque l’émetteur (le breveté) et le
récepteur (licencié) ont une maîtrise à peu près équivalente d’une technologie. Dans cette
hypothèse, le licencié dispose en pratique du savoir-faire suffisant pour mettre en œuvre
seul l’invention. Le brevet joue alors le rôle de verrou juridique qui lui interdit, en droit, de
développer, fabriquer et commercialiser les produits ou procédés brevetés. Cette première
situation est ainsi caractérisée par une certaine symétrie entre le degré de connaissances
techniques possédées par le breveté et le licencié. Mais cette symétrie est rare dans le
cadre des transferts de technologies vers des pays en voie de développement, de sorte
que le plus souvent, une simple licence brute de brevet ne permet pas, en pratique, au
licencié d’être en mesure de développer et industrialiser l’invention.
54. La mise en œuvre concrète de l’invention nécessite très souvent un savoir-faire
important, même si le brevet doit légalement divulguer l’invention dans des conditions
qui permettent à l’homme du métier de la réaliser26. En effet, la référence à l’homme
du métier signifie qu’une personne qui dispose de connaissances techniques dans le
domaine de l’invention est mise en mesure de la réaliser avec ses seules connaissances.
L’homme du métier est en effet ainsi défini : « L’homme du métier a, au moins, les
caractéristiques suivantes :
a) cette personne est dotée des connaissances générales communes ainsi que des
connaissances dans le domaine (ou les domaines) au(x)quel(s) appartient l’invention
qu’on peut attendre d’une personne de niveau moyen dans ce domaine (ou ces
domaines) ou qui lui seraient aisément accessibles grâce à des recherches de routine ;
25 Cf. supra, page 19
26 Cf. supra, pages 21 et 22
b) cette personne possède les compétences attendues d’une personne de niveau moyen
dans le domaine (ou les domaines) au(x)quel(s) appartient l’invention ;
c) cette personne est apte à mettre en œuvre des expérimentations et on peut attendre
d’elle qu’elle parvienne à des solutions prévisibles par rapport à l’art antérieur. »27
Ainsi, pour qu’une invention soit exploitée, il est nécessaire que l’entreprise réceptrice
dispose d’un personnel suffisamment qualifié dans le domaine. Si tel n’est pas le cas, il
existe un risque que la licence brute de brevet se révèle inutile.
55. C’est la raison pour laquelle dans le cadre des transferts de technologies les contrats
visent le plus souvent, outre la licence de brevet lorsque le territoire du pays récepteur est
couvert par un brevet, un transfert de savoir-faire afin que l’entreprise réceptrice soit mise
en position de pouvoir réaliser elle-même les produits ou procédés. Cela implique en général
la transmission d’une grande quantité d’informations techniques, le suivi et l’assistance au
déploiement du processus industriel et la formation des personnels sur place.
Par ailleurs, il faut également souligner que le brevet ne couvre le plus souvent qu’une
partie d’un produit ou d’un procédé. Il constitue un maillon de la chaîne technologique
permettant de fabriquer un produit ou mettre en œuvre un procédé.
Ainsi, le savoir-faire revêt une importance fondamentale pour l’accès à une technologie
pour un pays en développement. C’est la raison pour laquelle les licences forcées de
brevets (ou l’abandon pur et simple du système des brevets) ne sont pas la solution pour
favoriser les transferts de technologies28. En effet, la licence forcée de brevet ne peut avoir
pour objet que d’autoriser, en droit, le licencié à exploiter l’invention. Mais la licence forcée
ne peut pas obliger le breveté à transmettre son savoir-faire, pourtant indispensable à la
mise en œuvre concrète du produit ou du procédé couvert par le brevet. En effet, en
droit comme en pratique, il apparaît impossible de contraindre un émetteur à transférer
un savoir-faire, le plus souvent secret et dont il est le seul à connaître la consistance.
La conclusion est qu’un transfert de technologies réussi nécessite la transmission d’un
savoir-faire substantiel qui ne peut l’être que de manière volontaire. Les licences forcées
de brevets sont donc le plus souvent un outil inefficace pour le transfert de technologies.
56. L’enjeu d’un transfert du savoir-faire réussi est que le récepteur (entreprise, collectivité)
s’approprie effectivement les informations de telle sorte qu’il puisse les exploiter.
La diffusion des technologies par la propriété industrielle ne peut fonctionner que dans
un environnement homogène d’un point de vue technologique et de savoir-faire. Seul
un récepteur doté d’un savoir-faire suffisant peut être en mesure de mettre en œuvre
concrètement l’invention brevetée.
27 Résolution de l’AIPPI du 6 octobre 2010 (Q 213).
28
Les licences forcées sont délivrées par l’autorité administrative ou par un juge en dépit du
refus du breveté.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 49
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
En revanche, si le récepteur ne dispose pas du savoir-faire minimum requis pour mettre en
œuvre la technologie, il devra impérativement acquérir le savoir-faire indispensable, soit
directement de l’émetteur, soit par l’intermédiaire d’un transmetteur. C’est la position de
la plupart des pays en développement. Il existe à l’inverse des pays du Sud qui ont pris en
main l’organisation de la réception et du développement de la technologie. Au Brésil, la
structure interventionniste de l’État garde une continuité indépendamment des couleurs
politiques ou de la nature des gouvernements. La Banque nationale de développement
(BNDES), par exemple, a contribué à développer des pans industriels entiers, que le pays
soit dirigé par la droite ou la gauche, en dictature ou en démocratie. La BNDES dispose de
moyens parfois supérieurs aux ministères afin de pousser des politiques pour lesquelles
ceux-ci sont frileux. Par exemple, sous le gouvernement Lula, sur le sujet central pour
le Brésil des biocarburants, elle a eu le pouvoir de mettre en place des incitations à la
promotion de technologies nouvelles par prêts bonifiés alors que le ministère concerné
venait de reculer devant des incitations tarifaires.
C’est en partie cet exemple d’outils étatiques qu’émulent certains pays, tel le Maroc
voulant se lancer massivement dans l’énergie solaire ou la conservation de l’eau, ou dont
rêvent certains dirigeants d’Afrique de l’Ouest, par exemple dans la gestion scientifique
d’une agriculture visant à l’autosubsistance. Dans ces cas-ci, l’enjeu est de créer ou
susciter une création d’une PI adaptée, locale.
Une fois ce savoir-faire acquis d’une manière ou d’une autre, alors le transfert de
technologies peut se limiter au droit de propriété industrielle. C’est le cas des grands
émergents (Inde, Chine, Brésil) dans certains domaines technologiques. Et ils peuvent
même devenir eux-mêmes émetteurs vers des pays en voie de développement, ou même
innovateurs.
Constat n° 3
Pour l’accès à une technologie, l’enjeu primordial est le transfert et la maîtrise du
savoir-faire. Une licence brute de brevet est le plus souvent insuffisante pour assurer
un transfert de technologies vers un pays en développement.
B. La limite intrinsèque au droit des brevets dans les transferts
de technologies : le faible nombre de dépôts de brevets
dans les pays en développement
57. Ainsi qu’il a été vu, le brevet d’invention est un titre territorial, c’est-à-dire national29.
Il n’existe pas de brevet mondial. La demande PCT, déposée auprès de l’OMPI à Genève
et parfois présentée comme un brevet mondial, ne protège pas son titulaire dans tous
les pays. En réalité, la demande PCT permet à l’inventeur, en un seul dépôt auprès de
l’OMPI, de désigner les pays dans lesquels il souhaite demander un brevet. L’OMPI prend
en charge une partie de la phase de délivrance (recherche d’antériorités, rapport de
recherche, etc.) puis transmet ensuite le dossier à chaque office désigné par l’inventeur30.
Et chaque office national termine la procédure de délivrance et délivre éventuellement un
titre valable uniquement sur son territoire et indépendant des autres. Il n’existe donc pas
de brevet mondial.
En conséquence, un inventeur doit engager une procédure de demande de brevet dans
chaque pays où il souhaite être protégé. Le coût cumulé est donc très élevé (frais de
traduction, frais de conseil pour suivre la procédure, annuités, etc.). En raison de ce coût,
les industriels mettent en place des politiques de protection adaptées à leur domaine
technique et à leur stratégie commerciale. La stratégie de dépôt est souvent la suivante :
un brevet considéré comme important pour l’entreprise est déposé d’une part dans les
principaux pays de fabrication du produit (lieux d’installation des principaux concurrents),
et d’autre part dans les pays qui sont les marchés essentiels. À titre d’illustration, dans le
domaine automobile, en Europe, les constructeurs couvrent leurs inventions dans environ
5 pays par un brevet.
C’est la raison pour laquelle dans la majorité des pays en voie de développement la plupart
des inventions ne sont pas protégées, parce que les entreprises n’y ont pas identifié de
marché suffisamment porteur.
58. Ce constat est particulièrement vrai dans le domaine des technologies vertes. L’Office
européen des brevets (OEB) a réalisé une classification spéciale qui permet de déterminer
dans quels pays un brevet particulier a été déposé. La classe Y02E 10/50 est intitulée
« énergie photovoltaïque » ou « Photovoltaic (PV) Energy ».
29 La seule exception actuellement en vigueur est le titre délivré par l’OAPI.
30
En réalité, la recherche d’antériorités est sous-traitée par l’OMPI à un office national ou
régional (Office européen des brevets, par exemple).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 51
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Nombre de dépôts de demandes de brevets par pays
pour la classe Y02E 10/50 (énergie photovoltaïque)31
PaysNombre cumulé deNombre cumulé de
demandes de brevets demandes de brevets
présentes dans Espacenet32 revendiquant une priorité33
Année
d’interrogation de
la base Espacenet
États-Unis
Chine
Allemagne
France
Mexique
Afrique du Sud
Argentine
Indonésie
Égypte
Algérie
Chili
Zimbabwe
Viêt-nam
Uruguay
Albanie
Zambie
Maroc
Inde
Brésil
OAPI
2012
2015
2012
2015
11 261
7 100
4 599
1 055
218
98
30
10
9
2
1
2
0
0
0
0
5
0
4
0
9 845
12 836
3 858
845
209
70
14
5
10
0
7
0
0
0
0
0
27
52
140
4
16 312
4 472
7 905
1 838
4
6
1
0
0
0
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
13 970
9 732
6 540
1 850
5
4
1
0
1
0
0
0
0
0
0
0
9
22
19
0
31
La base <www.espacenet.com> a été interrogée à deux reprises les 30 juillet 2012
et 27 mars 2015.
32
La colonne « dépôt » indique le nombre de demandes de brevets déposées dans le
pays considéré et relevant de la catégorie « Photovoltaic (PV) energy ». Chaque dépôt
de brevet, s’il est délivré, consacre le monopole de son titulaire sur l’exploitation de
l’invention. Le nombre de brevets déposés dans un pays donné montre l’importance
de son marché, parce qu’un brevet n’est déposé dans un pays que si un marché au
moins potentiel est identifié (ou la présence de concurrents).
33
Le « droit de priorité » est un droit qui permet au déposant d’un brevet dans son
pays de pouvoir ensuite déposer un brevet correspondant dans d’autres pays. À titre
d’exemple, un inventeur français dépose une première demande de brevet à l’office
français (INPI) puis, sur le fondement de ce premier brevet, va déposer des demandes
de brevets en Allemagne, au Japon, en Russie et au Maroc. Ainsi, une même priorité
peut donner lieu au dépôt de plusieurs brevets à l’étranger. La colonne « priorité »
indique donc le nombre de demandes de brevets déposées dans le monde entier
et qui, au moment de leur dépôt, revendiquaient comme priorité un brevet du pays
considéré. Le nombre de priorités donne une indication sur le dynamisme d’un pays
dans un domaine technologique puisque dans la majorité des cas, une entreprise
commence par déposer une demande de brevet sur son territoire et « étend » ensuite
celui-ci à l’étranger.
Il résulte de l’interrogation de la base de données de l’OEB que le pays dans lequel
l’exploitation des technologies photovoltaïques est la plus difficile en raison des dépôts
de brevets était en 2012 les États-Unis (11 261 dépôts) mais est devenu, en 2015, la
Chine (12 836 dépôts). En revanche, dans des pays tels que l’Albanie ou l’Uruguay, aucun
brevet ne protège ces technologies de sorte que leur exploitation est libre. En Indonésie,
seulement 10 brevets couvraient ces technologies en 2012, mais plus aucun en 2015.
De même alors que 30 brevets étaient déposés en Argentine en 2012, un seul existe en
2015.
59. Ainsi, le constat est qu’en raison du coût des brevets d’invention, toutes les
entreprises sont contraintes de limiter le nombre de pays dans lesquels leur invention est
protégée. Cette contrainte a pour conséquence que très peu de brevets sont déposés
dans les pays en développement en raison de l’absence de marché identifié au moment
du dépôt de la demande de brevet34.
Et le mouvement s’est encore accentué entre 2012 et 2015. Il est en outre intéressant
de s’arrêter à l’évolution de la catégorie « priority » entre 2012 et 2015 pour la Chine, qui
a plus que doublé. Cela montre bien que la Chine, outre être devenue un marché dans
lequel il est pertinent de protéger, est devenue un émetteur très significatif.
Dans une économie globalisée et dans laquelle émergent constamment de nouveaux
acteurs et marchés, il est évidemment encore plus complexe pour les entreprises
d’anticiper les marchés sur une période de vingt années, durée de protection du brevet.
La pratique est très simple et se résume à une approche de l’angle mort : tout ce qui
n’est pas du domaine géographique direct des exportations en propre, ou même de
la localisation de la production, est en général purement et simplement ignoré. C’est
une évidence pour les PME, mais c’est également vrai des grands groupes du Fortune
500 qui sont, par exemple, encore très nombreux (sans doute majoritaires) à ne pas
avoir de philosophie maison, de procédures d’analyse et de suivi sur la question, par
exemple, de la propriété industrielle en Afrique subsaharienne. En cas d’émergence d’un
marché, il sera toujours temps pour une entreprise de déposer les futures inventions. Si
ce n’est pas toujours le plus efficace ex post, c’est en tout cas ex ante le plus raisonnable
avec un droit territorialisé. Et c’est également certainement raisonnable compte
tenu du raccourcissement de la période de valeur économique réelle de l’invention
(indépendamment de la durée légale de protection) et l’importance primordiale du
savoir-faire.
34
L’inventeur qui dépose une première demande de brevet dans un pays dispose ensuite
d’un délai d’un an pour réaliser d’autres dépôts à l’étranger. Après ce délai, ces demandes
de brevets seront rejetées. C’est le principe posé par le droit de priorité de la Convention
de l’Union de Paris de 1883.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 53
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
À ces contraintes classiques de pérennité de la propriété industrielle, liées à la typicité
des pays récepteurs, s’ajoute une évolution contemporaine très rapide du marché des
émetteurs-transmetteurs.
Constat n° 4
Les brevets d’invention ne peuvent pas être un frein à l’accès aux technologies par
les pays en développement pour le motif que la plupart des brevets ne sont pas
déposés dans ces pays, de sorte que les technologies sont librement et gratuitement
accessibles.
60. Le monde est aujourd’hui engagé dans des bouleversements de la géographie et des
pratiques de l’innovation et de la diffusion des connaissances techniques et industrielles.
Face à cela, force est de constater qu’à ce jour, le rôle de la propriété industrielle n’y
est pas majoritaire ou prééminent, et qu’ainsi cette seconde caractéristique vient
limiter le rôle de la propriété industrielle dans les facteurs explicatifs de la diffusion du
développement durable.
2
Fin de l’oligopole de la maîtrise
technologique
et concurrence généralisée
de l’accès aux nouveaux marchés
des pays en développement
2.1 L’innovation devient multipolaire
61. L’émergence d’un monde multipolaire s’observe particulièrement dans le domaine de
l’innovation. En effet, le nombre de grands pôles d’innovation dans le monde a explosé
ces dernières années. Et le développement exponentiel des moyens de communication
(transports, Internet) permet désormais une diffusion sans précédent des technologies.
Dans le domaine des technologies respectueuses de l’environnement, cette accélération
de la diffusion des technologies est en outre recherchée en raison de la nécessité de
limiter les changements climatiques.
62. Les pays occidentaux ne sont plus les seuls modèles de développement et la seule
source d’innovations techniques pour les pays en voie de développement. Les grands
émergents, comme la Chine, le Brésil et les pays en voie de développement en cours
de transition avancée (Thaïlande, Philippines, etc.), sont désormais autant de modèles
disponibles. Et en outre, ces pays fournissent non seulement des modèles possibles
de développement, mais sont également des partenaires potentiels en proposant aux
pays en voie de développement des alternatives aux technologies des pays occidentaux.
Certes, les technologies les plus innovantes et les plus importants projets industriels
(centrales électriques, usines de désalinisation, capture de carbone, etc.) sont encore la
plupart du temps développés par des entreprises occidentales. Mais dans beaucoup de
domaines, les technologies proposées par les grands émergents tendent à se rapprocher
de celles détenues par les pays occidentaux et, surtout, présentent l’avantage d’être
accessibles à moindre coût. Au-delà, ces transferts peuvent engendrer des pratiques
originales, « non-alignées » avec la PI telle qu’historiquement construite, et en
concurrence avec ses schémas « établis », comme le suggère un bref état des lieux des
pratiques et dépôts de brevets en Chine, en Inde et au Brésil.
Dans ce cadre, la question des savoir-faire semble encore plus intéressante : avec
l’émergence ou les transferts de technologies propres vers les pays en développement se
met en place la possibilité d’un apprentissage processuel commun. L’accès aux marchés
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 55
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
en développement et leurs faibles marges unitaires demandent des compétences
spécifiques, quand la concurrence y est déjà forte. En effet, les firmes occidentales ont,
après des décennies de concurrence par le haut, parfois perdu leur compétence sur des
marchés à faible marge unitaire. Il leur faut réapprendre ce savoir-faire. Il leur faut par
ailleurs, « en situation émergente », innover en matière de procédés de production :
adapter des lignes d’assemblage à un contexte plus travail-intensif ou de demande en
transition (fractionnement de la demande, besoin de larges gammes à coûts contrôlés),
ou encore « industrialiser » les procédés de services informatiques, etc. L’expérience
gagnée dans un pays en développement augmente de ce point de vue la compétence
ou le portefeuille de savoir-faire, et représente un investissement à long terme. Peu ou
prou, les partenaires, acteurs locaux, gagnent également en savoir-faire à participer à ce
processus.
En somme, avec l’entrée des émergents dans le système global de production, celui-ci
ne connaît pas tant une extension homothétique qu’une transformation en profondeur,
voire pour certains secteurs une révolution. Une grande entreprise industrielle, de service
ou financière est devenue, plus que jamais, un ensemble de fonctions constamment
redécoupées et réarticulées, un système à réinventer à peine est-il stabilisé. En fin de
compte, la très rapide insertion des économies émergentes dans l’économie mondiale
a achevé de complexifier la question de la frontière de l’entreprise et de son rapport au
territoire.
C’est cette mouvance qui fait que nombre d’états-majors de firmes, aujourd’hui, ne
savent pas quels seront leurs concurrents dans quelques années. Le temps de l’oligopole
mondial entre les seules entreprises du Club du Nord est bel et bien structurellement fini.
Constat n° 5
L’innovation est aujourd’hui multipolaire et les entreprises du Nord sont donc
désormais en concurrence avec celles des pays émergents, voire avec celles des pays
en développement, sur le marché des technologies vertes.
2.2 Les technologies sont souvent connues
63. Une part croissante de la technologie devient proche d’un bien commun, dont l’accès
est ouvert à une immense majorité des territoires économiques et à toutes les entreprises.
Ce phénomène s’est déroulé en deux temps.
Auparavant, la globalisation industrielle par segmentation des tâches avait rendu central
le fournisseur de services technologiques. Mais désormais, technologies et savoirfaire migrent et évoluent facilement, tant la multiplication des relations tissées au sein
de l’économie mondiale a nécessité l’adoption de normes standards (électronique,
électroménager par exemple) et généré l’apparition d’entreprises de logistique. Dans
ces conditions, la globalisation industrielle émergente a, par ses territoires et ses
entreprises, très largement accéléré et recomposé ce phénomène. Les équipementiers
des économies émergentes s’émancipent ainsi de leurs donneurs d’ordre occidentaux
pour développer leurs propres marchés, ainsi que de nombreux marchés dans les
économies en développement. Parmi ces marchés et ces technologies, les technologies
du développement durable ne sont pas en reste.
64. En fin de compte, la concurrence se généralise parmi les émetteurs et l’expérience
montre que l’enregistrement de la propriété industrielle et le monopole qu’il confère
sur ces nouveaux marchés ne sont pas les éléments déterminants d’une stratégie
commerciale, et sont donc souvent négligés, à l’exception près du cas particulier des
entreprises dédiées aux marchés du Sud. Certaines firmes multinationales se spécialisent
en effet dans les produits qui concernent la « base de la pyramide de consommation »
(le milliard d’habitants le plus pauvre de la planète, ou le milliard suivant). Ces entreprises
étendent le périmètre du marché dans tous les pays du Sud, elles « créent de l’activité » et
ne viennent pas « préempter un marché existant ». De la même manière, des entreprises
recherchent une clientèle dont le pouvoir d’achat est faible (ou s’érode) et se posent pour
cela en champions d’une « qualité suffisante » : le « good enough ».
Il peut être important pour ces entreprises de se distinguer au sein d’une concurrence
généralisée. Mais en général, elles vont s’appuyer sur la profondeur du réseau de distribution,
ou, quand celui-ci fait défaut, sur une communication de marque, rarement de brevet.
Constat n° 6
Une part croissante des technologies, hormis celles de pointe, est accessible à de très
nombreux acteurs, pour une part très majoritaire de l’activité économique, de sorte
que dans la majorité des transactions économiques, la concurrence par la propriété
intellectuelle pure a tendance à s’amenuiser au profit d’offres concurrentielles autour
de l’accompagnement technique des récepteurs par les émetteurs.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 57
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
2.3 Les nouveaux écosystèmes industriels
et géographie de l’innovation
65. La grande leçon de l’émergence, tant en elle-même que quant au monde en
développement, est de nous faire collectivement réaliser que nous avons occulté le
fonctionnement moderne de nombreuses industries hors d’Europe depuis plusieurs
décennies.
Les deux approches courantes des économies émergentes sont :
—— par une approche macroéconomique consistant à évaluer leur part dans le PIB
mondial à tel horizon de temps, ce qui ne parle jamais aux entreprises ;
—— par une logique de coût en s’interrogeant sur les territoires susceptibles d’occuper
telle ou telle fonction dans la chaîne de valeur implicitement occidentale.
66. Ces deux approches sont insuffisantes car elles occultent le potentiel et les
mécanismes d’innovation de ces territoires.
La seconde approche a certes fini par montrer qu’il pouvait y avoir, pour les entreprises
occidentales, plus de concurrence en dehors de l’Europe mais elle n’a pas pour autant
révélé à quel point les nouvelles chaînes de valeur allaient concurrencer celles déjà
existantes en Occident.
Il faut aujourd’hui reconsidérer l’émergence. Ce n’est pas une intégration de grandes zones
à l’économie mondiale occidentale ; au contraire, l’émergence peut être définie comme la
mise en contact, et déjà la mise en commun, de traditions industrielles différentes.
Des écosystèmes émergents articulés
sur les « quatre capitaux »
67. Le développement industriel s’appuie aujourd’hui sur les « quatre capitaux » :
technique, naturel, humain et social, déployés en un « écosystème énergie – matières
– industrie ».
L’important dans le concept d’écosystème est qu’une entreprise ne travaille jamais
seule : elle opère avec des fournisseurs, des clients et apprend d’eux. Le principe même
de l’écosystème est la possibilité de choix qu’il offre, par exemple, entre différents
fournisseurs. On voit souvent les pays émergents comme des « boîtes noires » dans
lesquels les entreprises occidentales vont puiser partenaires ou fournisseurs sans
comprendre la richesse des écosystèmes dans lesquels elles sont intégrées.
68. S’agissant des quatre capitaux qui fondent un écosystème, une partie du modèle
occidental s’est construite autour d’un capital naturel non-limité et à faible coût. D’autre
part, en standardisant le capital humain, les « ressources humaines » ont poussé au
taylorisme des usines, étendu ensuite vers les bureaux.
Le capital social, du moins dans de très grands pays à économie diversifiée comme l’Inde,
de grands pays d’Amérique du Sud ou les plus grands pays africains, peut fournir des
capacités d’innovation beaucoup plus larges.
L’importance de ce capital intangible est forte ; elle peut en partie – et en partie
seulement – s’exprimer par des marques mais recoupe l’ensemble des enjeux liés au
savoir-faire.
69. Les différentes vagues de la mondialisation ont reconfiguré la géographie
industrielle du monde ; quand la technologie se standardise, l’enjeu est plus que
jamais de capter et accumuler les savoir-faire.
La géographie industrielle actuelle en devient ainsi de plus en plus difficile à représenter
sur des cartes. Il faudrait plutôt des « sous-cartes », un peu à étages ou sous-sols. On avait
hier des zones du monde très séparées dans lesquelles existaient des modèles distincts.
Aujourd’hui, les clusters, districts industriels, pôles de compétitivité sont en contact
avec d’autres clusters, districts et pôles. Il faut désormais avoir l’image d’un commerce
international par strates ou par segments. On observe, pour chaque type de commerce,
des zones interconnectées avec des centres de gravité. Cela se vérifie sur des exemples
concrets comme le véhicule automobile Logan, initialement envisagé pour les pays
émergents mais qui se vend très bien en France.
Les sites de production se rapprochent, en effet, de plus en plus des sites de
consommation. Les relocalisations – on parle de délocalisations mais toute l’histoire
industrielle est une histoire de relocalisations – sont liées à la manière dont un
territoire change de mode de production, dont une population change de mode de
consommation. Toute industrie a tendance à se rapprocher de ses marchés, soit des sites
d’approvisionnement en intrants, soit des sources de financement.
Les trajectoires industrielles vont donc changer, et on mesure plutôt bien les évolutions
à venir.
70. La Chine a, par exemple, absorbé une grande partie des savoir-faire disponibles dans le
monde. Une Chine très ouverte, comme on l’a connue ces quinze dernières années, peut
très bien devenir dans un prochain avenir une Chine non pas fermée mais qui délimiterait
son commerce et qui se reconcentrerait sur son marché intérieur. C’est d’ailleurs une
volonté politique exprimée par les autorités chinoises. En termes cartographiques, on a
là l’une des zones – sinon la zone du monde – qui pourrait être la plus autosuffisante en
technologies, qui sécurise par « du hors marché » son accès aux ressources naturelles.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 59
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
71. L’Inde et la partie pauvre de l’Asie du Sud-Est – Indonésie comprise – ont encore à
s’ouvrir en termes d’industrialisation et à attirer les investisseurs pour transformer leurs
économies et leurs territoires.
72. L’Amérique du Sud – sans généraliser – a longtemps été autosuffisante avec une base
industrielle relativement large et des relations commerciales très tournées vers l’Occident.
Elle a complètement modifié ses relations commerciales au profit de la Chine, de l’Inde et
de l’Asie en général. Ce changement de trajectoire interroge : comment va-t-elle faire vivre
son industrie ? Il existe un risque très fort de désindustrialisation en Amérique du Sud,
laquelle pourrait être tentée de développer les rentes sur le capital naturel. Au Brésil, c’est
déjà un enjeu majeur. Le Chili ou encore le Pérou, eux, restent sur des dogmes libéraux
pré-crise. Reste que cette zone du monde possède sans doute le meilleur équilibrage
entre ses quatre capitaux.
73. En Afrique et au Moyen-Orient, la base industrielle est soit beaucoup moins forte
qu’ailleurs (Afrique subsaharienne), soit beaucoup plus obsolète (pays arabes). On devrait
observer, dans certains de ces pays, des chocs macroéconomiques très favorables
pour l’Afrique subsaharienne par la mise en œuvre de nouveaux gisements miniers et
énergétiques (Angola, Ghana, Gabon, Congo, même le Niger par exemple). De même,
nombre de pays arabes ont à gérer l’après-ressources. Ce sont là des défis complètement
inédits. La Chine a dû inventer un modèle économique nouveau dans une situation
économique nouvelle dans l’Histoire. Elle a totalement mobilisé ses quatre capitaux pour
cela. D’une certaine manière, c’est ce qui va devoir se passer pour les pays africains et
les pays arabes. Mais, en situation de scénarios de rupture, il est très difficile de faire de
la prospective en termes de modèles de « croissance ». L’Afrique n’est pas une nouvelle
Inde, qui n’était pas une nouvelle Chine. Elle n’est pas « l’émergent suivant », c’est une
nouvelle inconnue, un nouveau mystère. Et, avec une population jeune à près de 80 %
et dont une large part est connectée à Internet, c’est une nouvelle Afrique tout court !
L’Afrique en nouvelle « frontière industrielle » du monde ?
74. La plupart des économies d’Afrique subsaharienne (ASS) sont dans un contexte de
sous-bancarisation. La croissance est là. Il existe de nombreux projets ; il y a alors un
enjeu très fort à créer des banques et des systèmes indépendants d’évaluation de projets.
Pour l’instant, on compte quelques banques implantées en ASS – marocaines, turques
ou chinoises – mais la situation est encore balbutiante. Par ailleurs, il existe très peu de
fonds de private equity, autre manière de financer les entreprises ; ceux-ci se heurtent,
de surcroît, à un problème de valorisation des projets. Il manque tout un système
d’intermédiation et d’évaluation financière. Pour l’essentiel, l’économie est encore très
liée aux ressources naturelles et aux rentes, et est en train de devenir capitalistique.
Conclusion de la partie 1
1) Dès qu’il s’agit d’un échange asymétrique en termes de compétences techniques (mais
qui n’implique nullement l’inégalité en termes économiques), c’est-à-dire dans les pays
en développement dans lesquels les inventions ne sont, le plus souvent, pas couvertes
par des brevets, les droits de propriété intellectuelle ne peuvent pas constituer en soi
une barrière au transfert de technologies respectueuses de l’environnement35.
2) Ainsi, la revendication de certains pays en développement, selon laquelle la solution
aux transferts de technologies serait la mise en œuvre à grande échelle de licences
forcées de brevet36, est en réalité assez illusoire et serait en pratique inefficace pour
deux motifs : d’une part, les brevets ne sont le plus souvent pas déposés sur leur
territoire, de sorte que les inventions sont libres, et d’autre part, le point crucial est
l’accès au savoir-faire qui ne peut, par essence, pas faire l’objet d’une transmission
forcée.
3) Le facteur essentiel pour un territoire ou un pays (le développement durable a un
sens à l’échelle territoriale encore plus qu’au niveau de la simple entreprise), reste de
développer une vision stratégique-opérationnelle des compétences à acquérir et à faire
diffuser sur son territoire.
4) Il est donc essentiel de replacer ces enjeux dans un contexte économique dynamique.
L’innovation est multipolaire et les transferts de technologies également. L’accès au
savoir-faire est l’enjeu crucial. Or, le savoir-faire ne peut pas être transféré sans l’accord
de l’émetteur. Le transfert de technologies effectif est donc conditionné par l’intérêt
de l’émetteur à réaliser un tel transfert : accès à un marché, sécurisation du transfert,
trouver des partenaires jugés fiables, le tout dans un environnement concurrentiel
complet.
5) O
n assiste aujourd’hui à un déplacement partiel de l’innovation globale (si l’on veut
ainsi qualifier l’innovation réalisée par des firmes internationales) vers les grands
pays émergents. La multiplication de l’implantation de laboratoires de R&D dans ces
économies par les firmes multinationales en atteste, mais une grande part d’innovation
locale émerge également. C’est particulièrement vrai au Brésil, en Inde, en Chine,
dans des secteurs comme l’électronique, l’informatique, la mécanique, tous secteurs
35
En 2009, seulement 275 demandes de brevets émanant d’étrangers ont été déposées
au Bangladesh : cf. A. Tessensohn, Reviewed of Intellectual Property and Climate Change :
Inventing Clean Technologies by M. Rimmer, European Intellectual Property Review (EIPR),
2012, p. 364, spec. p. 366.
36
Cette revendication est portée, dans le cadre de la Convention climat, par le G77 qui est
le regroupement d’environ 130 pays en voie de développement (ainsi que la Chine) qui
forment une coalition informelle dans le cadre des négociations des Nations Unies. Ce
groupe de 77 pays en 1964, a été créé dans le cadre de la CNUCED (Conférences des
Nations Unies sur le commerce et le développement). Sur le transfert de technologies et
la biodiversité : G. Ghidini, Equitable sharing of benefits of biodiversity-based innovation :
some reflections under the shadow of a neen-tree, Italian Intellectual Property, juill. 2002,
p. 39-51.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 61
partie 1 L’INSUFFISANCE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
où, à partir de la segmentation des chaînes de valeur, la normalisation poussée des
protocoles de communication entre fournisseurs et clients a pu accélérer le transfert.
Mais surtout, une fois réalisé le transfert du stock de savoir-faire, on assiste à de
l’innovation locale, puisque tous les savoir-faire sont présents sur place.
Cela se limitera-t-il à ces secteurs où la standardisation a été la plus poussée ? Ce n’est
pas sûr. Ils n’ont de particulier par rapport à d’autres que le fait que le transfert du stock
de savoir-faire a été, du fait de la standardisation, plus précoce. Compte tenu d’un
temps de renouvellement des technologies très court (de 2 à 5 ans selon les secteurs),
tout transfert devient inéluctable dans un monde où, par intrication des réseaux de
fournisseurs, la technique est commune.
Cela pourrait renouveler le rôle de la propriété industrielle. Ce sont des signaux avantcoureurs qui se manifestent déjà (partie 2). Cette position de lieu d’innovation par le
« codéveloppement » que les grands émergents ont atteinte dans quelques secteurs
est par ailleurs appelée à se généraliser à d’autres technologies et, à terme, à d’autres
pays en développement qui sauraient tirer les enseignements de l’émergence en
l’adaptant à leurs atouts et contraintes nationales ou régionales.
Résumé et recommandations de la partie 1
1
Contrairement à ce qui est parfois soutenu, les brevets d’invention ne constituent
pas un frein pour le transfert de technologies, et particulièrement de technologies
durables, vers les pays en développement. La vision du brevet comme un verrou
juridique dans les pays en développement est erronée.
Le point clé pour réaliser ces transferts de technologies est le savoir-faire.
2
Le savoir-faire, par essence secret et complexe car regroupant un ensemble
d’informations disparates, ne peut pas se transférer au moyen d’une contrainte
juridique telle que la licence forcée.
3
Pour accéder à une nouvelle technologie, les pays en développement doivent
donc convaincre les investisseurs et les détenteurs de technologies de réaliser
ces transferts.
4
Le développement d’infrastructures liées à la propriété industrielle (offices, formation
de juges, de conseils en brevet, d’avocats, etc.) est une stratégie très utile pour
les pays en développement parce que si les droits de propriété industrielle sont
protégés, les détenteurs de technologies sont plus enclins à accorder des licences
et à transférer leurs technologies.
5
Pour limiter le coût du développement de ces infrastructures, la mutualisation est
une solution efficace. C’est la voie choisie par les pays membres de l’OAPI, seul office
dans le monde qui délivre des titres de propriété industrielle valables dans 17 pays.
6
La propriété industrielle est un outil qui devrait être utilisé par les agences de
développement pour améliorer le rendement et les effets tant technologiques que
financiers de leurs programmes.
7
Par ailleurs, dans un monde globalisé, les pays en développement ont à leur
disposition une multitude d’émetteurs en mesure de réaliser ces transferts (pays
développés « traditionnels », grands émergents, pays en développement ayant
acquis une expertise dans certains domaines, etc.).
8
Pour les pays émetteurs et les entreprises qui y sont installées, les marchés des pays
en développement sont leurs plus importants espoirs de croissance.
sommaire partie 2
introduction partie 2
p. 67
1Le nouveau rôle du brevet en tant que signal
(information/signaling)
1.1 Le brevet d’invention, label d’entreprise innovante pour les investisseurs Cas pratiques :
— EAT-SET Industries
— le recyclage des déchets plastiques au Burkina Faso p. 71
p. 72
1.2 Les bases de données des brevets d’invention : un gisement de technologies
gratuites pour les pays en développement
p. 73
p. 68
A Les bases de données : une source de description de technologie gratuite Cas pratiques :
— Biocon : comment une entreprise indienne est devenue un leader mondial
grâce aux brevets — l’Office marocain de propriété intellectuelle et commerciale (OMPIC) p. 74
p. 76
B Les bases de données de brevets : une source d’identification des partenaires Cas pratique : Cows to Kilowatts : un exemple de transfert de technologies Sud/Sud p. 77
p. 77
C p. 78
Les bases de données de brevets : une source d’information en cours d’optimisation 1.3 Recommandation : les pays du Sud doivent mieux analyser, estimer
et faire remonter leurs besoins pour utiliser les outils déjà existants p. 73
p. 81
A Les initiatives pour « faire remonter » les besoins des pays en développement
en matière de technologies propres Cas pratiques :
— WIPO Green — l’université de San Carlos aux Philippines p. 82
p. 84
B Les trajectoires de long terme Cas pratique : MAsCIR
p. 86
p. 88
p. 81
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 65
sommaire partie 2
2LeS droitS de marques : un rôle grandissant
dans le domaine du développement durable
2.1 Les marques : outil de protection des investisseurs sur un nouveau marché Cas pratique : Nutriset
p. 90
p. 91
2.2 Les marques : un outil simple et efficace à la disposition
de tous les pays en développement
p. 93
A Les marques : outil de valorisation des produits des pays en développement
sur le marché international comme sur leurs marchés locaux Cas pratiques :
— Guanomad SA — le café éthiopien
p. 94
p. 94
p. 96
B Les indications géographiques : outil de valorisation de produits et de développement
d’une aire géographique Cas pratiques :
— l’huile d’argan — la banane du Costa Rica : indication géographique et développement rural p. 99
p. 101
C p. 102
Les écolabels : outil de valorisation et de transfert de technologies p. 98
3Les savoirs traditionnels : réappropriation anecdotique
de leurs connaissances par les pays en développement
ou symbole d’un changement profond ?
Cas pratique : l’arogyapacha p. 106
CONCLUSION partie 2
résumé et recommandations partie 2
p. 108
p. 109
introduction de la partie 2
75. L’émergence de nouveaux acteurs industriels, et par conséquent de nouveaux acteurs
du monde de la propriété industrielle, modifie certains schémas classiques du droit des
brevets et des marques.
Les brevets d’invention ne sont plus utilisés seulement dans leur rôle premier de conférer
un monopole d’exploitation au créateur d’une invention technique, d’autant plus dans
les pays en développement. Ils constituent de plus en plus un signal informationnel pour
les investisseurs, comme pour les acteurs de l’innovation (1).
Par ailleurs, le droit des marques, trop rarement mis en valeur dans le cadre des pays
en développement, est un outil simple et dont les retombées sociales et économiques
peuvent être très importantes (2).
Enfin, si les savoir-faire traditionnels sont aujourd’hui reconnus par les conventions
internationales, leur rôle dans le développement des pays émergents est encore difficile
à évaluer (3).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 67
1
Le nouveau rôle du brevet
en tant que signal (information/signaling)
76. À l’heure où la circulation de l’information est devenue tout à la fois un fait et un
paradigme économique, le domaine de l’industrie et des technologies n’échappe pas à
cette exigence de circulation de l’information. Ce phénomène s’observe à au moins deux
niveaux : d’une part, le brevet est devenu un signal, sinon un label, d’entreprise innovante
par les investisseurs (1.1) ; d’autre part, le traitement en masse des données (Big Data)
renouvelle le rôle des brevets comme première source d’information scientifique (1.2).
Dans ce contexte, l’enjeu actuel réside dans l’identification, le récolement et la diffusion
des besoins de pays en développement (1.3).
1.1 Le brevet d’invention, label d’entreprise innovante
pour les investisseurs
77. Le rôle de signal du brevet d’invention n’est pas nouveau. Mais ce rôle a tendance
à prendre de l’importance, particulièrement dans les économies réceptrices en
développement.
Le brevet est un titre de propriété délivré par l’État. Ce titre est délivré par un office qui
présente plusieurs qualités : il est indépendant du breveté, son personnel est hautement
compétent (ingénieurs, juristes, etc.) et il ne délivre le titre de propriété que si des
conditions strictes de brevetabilité sont réunies.
78. Pour les tiers, la délivrance d’un tel titre de propriété est un signal fort. Pas seulement
parce que le breveté bénéficie d’un monopole d’exploitation de son invention, mais aussi
et souvent surtout parce qu’il est le signe du caractère innovant de son titulaire. Le brevet
est un marqueur de l’innovation. Le brevet est le signe d’une entreprise qui non seulement
investit dans la recherche et développement, mais dont la recherche débouche également
sur des inventions nouvelles, inventives et susceptibles d’applications industrielles. En
caricaturant, le brevet est le signe d’une entreprise qui non seulement cherche, mais
aussi trouve.
79. Certes, il ne faut pas surestimer l’information fournie par un brevet d’invention.
D’abord, le simple dépôt d’une demande de brevet ne signifie évidemment pas que le
brevet sera un jour délivré par l’office. Ensuite, l’office se borne à une analyse technique
de l’invention. Une invention, aussi révolutionnaire soit-elle, ne garantit jamais un succès
commercial. Enfin, la qualité de l’information fournie dépend également de la qualité
de l’examen de brevetabilité réalisé par l’office. Certains offices sont ainsi considérés
comme particulièrement exigeants lorsqu’ils apprécient la brevetabilité d’une invention
(Office européen des brevets, par exemple), alors que d’autres offices sont réputés plus
souples (office américain). Pour avoir une idée précise de ce degré d’exigence, donc de
la qualité de l’analyse technique, il faut parfois connaître en détail la procédure. À titre
d’illustration, l’office français, l’INPI, sous-traite la recherche d’antériorité à l’OEB. Le
rapport de recherche est donc de haute qualité et fournit des informations essentielles
sur la qualité technique de l’invention. En revanche, il faut savoir que l’INPI, dans le cadre
de la procédure d’examen de la demande de brevet, n’analyse que la nouveauté et pas
l’activité inventive. Ainsi, au stade de l’examen, l’INPI est plus souple qu’au stade du
rapport de recherche. Quoi qu’il en soit, pour le titulaire d’un brevet, le signal est essentiel.
80. Pour les investisseurs, la titularité d’un brevet est un actif important qui présente
de nombreux intérêts : d’abord, il renseigne sur le caractère innovant de l’entreprise.
Ensuite, il permet d’espérer un retour sur investissement plus sûr et plus rapide en raison
du monopole d’exploitation qu’il confère. Enfin, il est un actif incorporel qui peut être
valorisé de plusieurs manières : accès à des financements parce que le brevet peut être
donné en garantie (nantissement), revenus si des licences sont octroyées à des tiers, etc.
Ainsi, pour une jeune entreprise, le dépôt (et surtout la délivrance) d’un brevet
d’invention est un axe de développement qui participe à convaincre des investisseurs
d’entrer au capital. Cette dimension du financement, particulièrement importante dans
des économies en développement comprenant peu d’intermédiation bancaire, encore
moins d’investisseurs-risques et quasiment pas d’écosystème d’accompagnement à
l’analyse financière, est extrêmement importante dans certains cas. Nous en illustrons
deux ci-dessous, au Nigeria et au Burkina Faso, exemples d’innovation « spontanée » (cf.
pages 73 et 74).
81. Cette situation est fréquente, y compris dans les pays en développement. Cette
stratégie peut prendre plusieurs formes. La première est un dépôt national. Il fournit
l’ensemble des avantages du brevet, dont le monopole sur le marché. Mais une seconde
stratégie peut consister à déposer également une demande de brevet auprès d’un office
étranger qui est réputé pour apprécier de manière sévère la brevetabilité des inventions.
À titre d’illustration, une entreprise peut, en plus d’un dépôt dans son pays, opter pour le
dépôt d’une demande de brevet auprès de l’OEB à Munich ou une demande auprès d’un
office national qui sous-traite une partie de la procédure à l’OEB. Comme il a été vu, c’est
le cas de l’office français mais également de l’office marocain.
82. Si le brevet est délivré, l’avantage est important vis-à-vis des investisseurs parce que
l’entreprise cumule un monopole sur un nouveau marché et la garantie de la qualité de
l’invention qui a été analysée par deux offices. Une difficulté peut résider dans la durée
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 69
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
des procédures de délivrance. L’obstacle est cependant surmontable. En effet, beaucoup
d’offices proposent des procédures accélérées d’examen et de délivrance des brevets37. Et il
faut également souligner que dans le domaine des technologies vertes, plusieurs offices ont
mis en place des procédures accélérées spécifiques d’examen et de délivrance des brevets.
Ces nouvelles procédures accélérées dédiées aux « inventions écologiques » (Fast Track)
ont été initiées par l’office britannique en 2009 sous le nom de « Green Channel »38.
Aujourd’hui, près d’une dizaine d’offices dans le monde proposent une procédure
accélérée pour les brevets dits « verts »39.
83. Ainsi, le brevet d’invention est considéré par les investisseurs potentiels autant comme
un bien valorisable, comme un gage de la créativité, que comme une source potentielle
de revenus. Il permet souvent aux jeunes entreprises de trouver des financements
indispensables à leur développement.
Constat n° 7
Le dépôt, et surtout la délivrance d’un brevet, est un signal fort émis par son
titulaire envers son marché, en ce qu’il constitue une garantie de la qualité de sa
recherche et développement. Dans une économie réelle d’asymétrie d’information,
ce signal constitue en lui-même un élément d’information réduisant l’asymétrie ;
cette information est essentielle pour tous les partenaires (banques, investisseurs,
partenaires commerciaux, agences de soutien des pouvoirs publics, etc.).
37
L’OEB a mis en place le programme PACE qui permet au demandeur de brevet européen de
solliciter un traitement accéléré de la recherche (rapport de recherche) et/ou de l’examen. Ce
programme n’est cependant pas spécifique aux brevets « écologiques ».
38
L’office anglais (Intellectual Property Office - UKIPO) a mis en place le 12 mai 2009 un programme
de procédure accélérée pour les technologies vertes. Ce programme est réservé aux inventions
qui ont un effet bénéfique pour l’environnement. Le déposant doit apporter la preuve de cet effet
bénéfique mais l’office n’exerce qu’un contrôle très superficiel sur cette déclaration. Les déposants
peuvent choisir quelle phase de la procédure ils souhaitent accélérer : recherche, examen et/ou
publication. Le directeur de l’office anglais a indiqué que le délai entre le dépôt de la demande et la
délivrance du titre a été réduit à huit ou neuf mois au lieu des trois à cinq ans habituels.
39
L’office coréen (Korean Intellectual Property Office - KIPO) a également mis en place en octobre 2009
un programme de procédure accélérée (Super-Accelerated Examination) mais uniquement au stade
de l’examen de la brevetabilité de l’invention. Ce programme est réservé aux technologies qualifiées
de « vertes » par le gouvernement, c’est-à-dire qui font l’objet d’aides financières ou de certification,
ainsi qu’aux technologies visées par les législations sur l’environnement (la loi sur la préservation de
l’air, par exemple). Depuis 2012, sont également éligibles à ce programme les produits ayant fait
l’objet d’aides publiques dans le cadre de la loi sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre
(Low-Carbon Green Growth Basic Act). La durée de l’examen a été réduite à environ un mois contre
dix-sept habituellement. L’office américain (USPTO) a lancé en décembre 2009 un programme
similaire (Green Technology Pilot Program). La durée de la procédure a été réduite à environ seize
mois. Ce programme a été modifié à plusieurs reprises, reconduit mais a été clos le 30 mars 2012.
À cette date, 5 500 demandes de brevets ont bénéficié de ce programme d’examen accéléré et
3 500 brevets ont été délivrés. L’office australien (Australian Intellectual Property Office - IP Australia)
a également institué, en septembre 2009, une procédure accélérée. L’office japonais (Japanese
Patent Office - JPO) a lancé le 1er novembre 2009 un programme d’examen accéléré, réduit à
environ deux mois, pour les inventions protectrices de l’environnement. L’office israélien a lancé en
décembre 2009 une procédure d’examen accéléré pour les inventions ayant des effets bénéfiques
pour l’environnement. L’office canadien (Office de la propriété intellectuelle du Canada - OPIC,
Canadian Intellectual Property Office - CIPO) a lancé en mars 2011 un programme d’examen accéléré
des demandes de brevets liées à des technologies vertes. L’office brésilien (National Institute of
Industrial Property - INPI) a lancé un programme similaire en février 2012. Enfin, l’office chinois a
également lancé un programme de procédure accélérée pour les brevets verts.
cas pratique
EAT-SET Industries : miser sur la propriété intellectuelle
pour attirer les investissements
Médecin militaire nigérian, le docteur Otu Oviemo Ovadje fut confronté, durant sa
carrière, au problème de la faiblesse des ressources en sang, extrême dans son pays,
et en conséquence au nombre élevé de décès de patients victimes d’hémorragies.
Conscient de la nécessité de trouver une solution économique aux risques pour la
santé d’une hémorragie interne, il a recherché un moyen efficace de réutiliser le sang
du patient plutôt que de devoir dépendre des dons de sang.
Il a inventé alors un dispositif nommé EAT-SET (Emergency Auto-Transfusion Set),
qui permet de récupérer le sang dans les cavités du corps du patient durant une
intervention chirurgicale et de le lui réinjecter après filtration40.
L’invention du Dr Ovadje est simple, efficace et peu coûteuse par rapport à la
technique d’autotransfusion classique utilisée dans les pays industrialisés.
Au lancement de son projet, le Dr Ovadje ne disposait pas de ressources suffisantes
pour la réalisation de son dispositif. Il a bénéficié du soutien de son gouvernement,
mais également du Programme des Nations Unies pour le développement. Avec
ces appuis, M. Ovadje a déposé un brevet, délivré par l’Office africain de la propriété
intellectuelle (OAPI)41. Le dispositif est actuellement breveté dans neuf pays africains.
Ce dépôt lui a permis d’une part d’avoir de la visibilité sur le marché, et d’autre part
d’attirer des investisseurs.
La société EAT-SET Industries a été créée en avril 2001 pour commercialiser ce dispositif
médical. Le produit a été commercialisé conjointement par EAT-SET Industries et First
Medical and Sterile Products.
40 http://youtu.be/s2aVJ3FWBcw
41 Brevet n° 40893.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 71
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
L’INVENTION D’UN PROCÉDÉ DE RECYCLAGE
DES DÉCHETS PLASTIQUES AU BURKINA FASO
Propriété intellectuelle et préservation de l’environnement
Au Burkina Faso, certains dysfonctionnements existent dans les services d’hygiène et
de salubrité. Et les populations cohabitent parfois avec des déchets, notamment des
déchets plastiques. Ces déchets plastiques bouchent fréquemment les caniveaux et
les barrages, créant ainsi des nids à moustiques.
Afin de remédier aux risques que constituent ces déchets pour la santé des populations
et l’environnement, Philippe Yoda a mis au point un procédé permettant de les recycler
pour en faire des produits finis. Il s’agit notamment d’animaux tricotés, de sacs, de
tables basses, de pots de fleurs, de bordures de jardin, de carreaux ou de pavés, etc.
Pour vulgariser le procédé de recyclage des déchets plastiques qu’il a inventé, Philippe
Yoda a créé l’Association pour l’innovation et la recherche technologique appropriée en
environnement (AIRTAE). L’objectif est écologique, mais il a aussi une dimension socioéconomique. En effet, il s’agit de débarrasser le Burkina Faso et les autres pays des
déchets plastiques abandonnés qui représentent une menace pour l’environnement,
tout en créant, par la même occasion, des opportunités d’emplois.
Pour son invention, Philippe Yoda a reçu plusieurs prix parmi lesquels la médaille d’or
du Salon international de l’innovation organisé par l’Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI). En décembre 2008, lors de la 8e édition du Forum de la
recherche scientifique et de l’innovation technologique (FRSIT), en catégorie senior, il
a reçu le Prix du Président du Burkina Faso. Il a aussi bénéficié du Prix de l’Organisation
africaine de la propriété industrielle (OAPI) pour l’encouragement à la recherche.
Le brevet : un signal positif pour les investisseurs
Pour sécuriser ses droits sur le procédé de recyclage des déchets plastiques qu’il a
inventé, Philippe Yoda a déposé une demande de brevet à l’Organisation africaine de
la propriété intellectuelle (OAPI).
À la suite de ce brevet, il a gagné un marché lancé par l’Office national de l’eau et de
l’assainissement (ONEA) pour la fabrication de loges de compteur en plastique. Il a
également bénéficié du soutien de la Banque régionale de solidarité (BRS) qui lui a
accordé un prêt d’environ 45 800 € (30 millions de francs CFA).
1.2 Les bases de données des brevets d’invention : un gisement
de technologies gratuites pour les pays en développement
84. Une autre forme d’innovation est l’innovation « programmée », incrémentale,
adaptative. Lorsqu’une entreprise ou un pays engage une politique de développement
industriel fondée sur un transfert de technologies, la première étape est d’identifier
quelles technologies existent et qui les détient. À ce stade, le droit des brevets joue un
rôle essentiel et grandissant.
En effet, la divulgation de l’invention par le déposant d’une demande de brevet est un
élément clé du système de protection par brevet, parce qu’en contrepartie de l’octroi d’un
monopole sur l’exploitation de sa création technique, l’inventeur s’engage à la divulguer
dans des conditions qui permettent à l’homme du métier de la réaliser42. L’idée est que
la communauté des scientifiques et des techniciens puisse partir des enseignements
divulgués par le brevet pour poursuivre les recherches. Le brevet d’invention a pour
fonction essentielle de constituer une source d’information pour les chercheurs. Pour
les pays en développement, la consultation de ces bases de données est très utile, parce
qu’elles fournissent des informations sur des technologies la plupart du temps gratuites
(A) et sur des partenaires potentiels (B). Si, pendant longtemps, ces bases de données
étaient peu consultées par les ingénieurs, elles font maintenant l’objet d’importants
efforts d’optimisation par les offices.
A. Les bases de données : une source de description
de technologies gratuites
85. La première fonction des bases de données, qui récolent les brevets, est de fournir
une information scientifique sur l’état des connaissances humaines dans un domaine.
Ainsi, pour connaître l’état de développement d’une technologie donnée, la principale
source d’information est constituée par les bases de données de brevets tenues par les
offices nationaux et régionaux. Les offices de brevets publient, pour certains en ligne,
l’ensemble des demandes de brevets déposées. Ces bases de données sont la plus
importante source d’information scientifique au monde. Il est ainsi considéré que les
demandes de brevets constituent un quart de toutes les publications scientifiques dans
le monde.
86. Par ailleurs, les bases de données de brevets renseignent également, pour chaque
domaine technique et pour chaque pays, sur les technologies qui peuvent être librement
exploitées et sur celles qui sont protégées par un brevet d’invention. Cette recherche,
appelée « recherche de liberté d’exploitation », est très fréquemment réalisée par les
42
À défaut de description suffisante, le brevet est d’ailleurs susceptible d’être annulé.
Cf. l’article L. 613-25 du CPI français qui dispose que « Le brevet est déclaré nul par
décision de justice : (…) b) S’il n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et
complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ».
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 73
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
entreprises qui souhaitent développer une technologie et/ou conquérir un nouveau
marché géographique.
87. Ainsi, pour les pays en voie de développement dans lesquels peu d’inventions sont
brevetées, les bases de données constituent une description de technologies qui sont
souvent libres, gratuites et qui peuvent donc être exploitées sans devoir demander une
autorisation au breveté.
Cette technique peut aller jusqu’à donner lieu à la naissance de véritables firmes
multinationales : Biocon en Inde en est un exemple. Par ailleurs, des pays qui veulent se
doter d’une politique d’innovation peuvent souhaiter stimuler la mise à disposition de ces
bases à leurs entreprises, c’est le cas du Maroc.
cas pratique
BIOCON : comment une entreprise indienne est devenue
un leader mondial grâce aux brevets
La société Biocon a été créée en 1978 par Mme Mazumdar-Shaw, surnommée
la Reine de l’invention. Cette société est aujourd’hui leader dans le domaine des
biotechnologies et est très active pour le traitement du diabète, des maladies autoimmunes et en oncologie.
En 1999, la société Biocon a déposé sa première demande internationale de brevet
(PCT) portant sur le PlaFractor43. En 2004, la société Biocon a déposé une demande
de brevet portant sur l’Insugen auprès de l’Office indien de la propriété intellectuelle
(brevet délivré en 2010 - brevet n° 239944).
Selon la fondatrice de Biocon, la propriété intellectuelle a été une composante de sa
réussite, le brevet représentant dans la stratégie de Biocon, à ses débuts et encore
aujourd’hui, d’une part une source d’information, et d’autre part un levier de valorisation
de ses recherches et d’attractivité lui ayant permis de développer des partenariats.
I. Les bases de données de brevets : une source d’information
essentielle
Les bases de données des offices comprenant les demandes de brevets publiées ont
constitué un outil essentiel pour déterminer les domaines de recherche de la société
Biocon.
43
Demande internationale (PCT) WO 2000/029544. Un brevet européen
correspondant a été délivré en 2005.
À titre d’illustration, dans un premier temps, la société Biocon a étudié les bases de
données afin d’identifier les principales méthodes de production d’insuline humaine.
Elle a constaté que de nombreux brevets portant sur des procédés de production de
l’insuline étaient en vigueur mais que le produit en lui-même n’était pas protégé.
En faisant une étude exhaustive de tous les brevets de procédé de production
d’insuline, la société Biocon a constaté, comme l’explique Mme Mazumdar-Shaw,
que « presque tous les processus brevetés utilisaient l’e. coli et la levure de boulanger (…)
Chez Biocon, nous avions une expertise pour une autre sorte de levure, et nous avions déjà
obtenu d’une petite entreprise aux États-Unis d’Amérique la concession sous licence de
droits de propriété intellectuelle pour ce produit. Ainsi, la voie était dégagée. Nous avons
commencé à fabriquer notre propre insuline en utilisant la levure de pichia. C’était un
processus nouveau et unique qui n’était couvert par aucun brevet existant. »44 Le produit
a été commercialisé en Inde à partir de 2004 sous le nom d’Insugen, et par la suite
dans le monde entier.
II. Les brevets : un outil d’encadrement des partenariats
Le développement de la société Biocon s’est assis sur une politique de partenariats
et le transfert de technologies. La fondatrice de la société Biocon a ainsi indiqué : « le
partage de la propriété intellectuelle permet un développement très rapide des activités
dans le monde ».
À titre d’illustration, la société Biocon a développé un partenariat avec la société
américaine Nobex qui a permis, à partir de leurs technologies respectives, de
développer de l’insuline administrable oralement, qui a fait l’objet du dépôt d’une
demande conjointe de brevet le 16 octobre 200845. Les deux partenaires se sont
partagé le marché d’exploitation de l’invention : la société Nobex s’est réservé le
marché des États-Unis et la société Biocon le reste du monde.
Un autre partenariat fructueux a été établi avec le Centre d’immunologie moléculaire
de Cuba, qui a débouché sur plusieurs dépôts de demandes de brevets en copropriété,
portant sur un vaccin contre le cancer et sur des médicaments soulageant les
souffrances des malades de cancers46.
44 http://www.wipo.int/ipadvantage/fr/details.jsp?id=2602
45
Demande internationale WO/2009/050738 (Composition pharmaceutique solide
administrable par voie orale et procédé associé).
46
Demande internationale WO/2015/011660 (Procédés pour contrôler les niveaux de
fucosylation dans des protéines) et WO/20145/11658 (Utilisation d’un partenaire de
liaison de CD6 et procédé associé concernant des procédés de traitement et de prévention
d’états pathologiques).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 75
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
88. Certains offices de pays en développement, comme l’office marocain, envisagent ainsi
leur rôle comme étant de permettre aux entreprises locales aussi bien de protéger leurs
inventions par des brevets que d’identifier les technologies existantes qu’elles peuvent
librement exploiter dans leur pays.
cas pratique
L’OFFICE MAROCAIN DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
ET COMMERCIALE (OMPIC)
Si les brevets sont souvent perçus comme un droit d’exclusion en raison du monopole
qu’ils confèrent, ils sont aussi une source d’information en raison de la description de
l’invention qu’ils contiennent afin de bénéficier de la protection.
Conscient de cette importante source d’information et de connaissance, l’OMPIC s’est
fixé comme mission, dans le cadre du contrat d’objectif Horizon 2015, de faciliter
l’accès du public aux informations techniques et juridiques, afin de contribuer au
développement économique et technologique du Maroc.
Cette diffusion de l’information passe par la mise en place d’une base de données de
brevet permettant non seulement de vérifier la nouveauté et l’état de la technique,
condition que doit remplir le brevet pour être délivré, mais permettant aussi d’évaluer
l’intérêt technologique des brevets et de suivre les tendances technologiques d’un
domaine d’activité et l’orientation future des concurrents, selon la présentation faite
par le site internet de l’OMPIC47.
L’OMPIC ne se conçoit ainsi pas comme un simple office de dépôt mais aussi
comme un acteur capable de contribuer au développement économique du pays
en accompagnant les entreprises dans leurs démarches et en diffusant l’information
juridique et technique auprès des entreprises marocaines48.
Cette conception originale explique peut-être l’augmentation croissante du nombre
de dépôts de brevets d’invention auprès de l’OMPIC, qui reçoit plus de mille demandes
de dépôts par an avec en 2014 une augmentation de 12 % du nombre de dépôts
nationaux par rapport à 2013, portant à 353 demandes le nombre de demandes de
dépôt de brevets nationaux49.
47 http://www.ompic.org.ma/fr/content/recherche-de-brevet-d’invention
48 http://www.ompic.org.ma/fr/content/missions
49
Rapport d’activité 2014 publié par l’Office marocain de la propriété industrielle et
commerciale, p. 10.
B. Les bases de données de brevets :
une source d’identification des partenaires
89. Comme il a été vu, le brevet est souvent insuffisant pour développer effectivement
une technologie et le savoir-faire est souvent primordial. L’autre intérêt des bases de
données de brevets est justement de permettre d’identifier les entreprises actives dans
chaque domaine technique afin de nouer des partenariats. En effet, la consultation des
bases de données permet également de renseigner, pour chaque domaine technique et
pour chaque technologie, quelles entreprises sont actives, poursuivent des programmes
de recherche et détiennent des brevets. Cette étape préliminaire d’identification des
partenaires potentiels est grandement facilitée par la consultation des bases de données.
Ici, nous retenons un cas illustratif au Nigeria afin d’insister sur l’importance souvent sousanalysée des transferts Sud-Sud, dans le premier cas par exemple.
cas pratique
Cows to Kilowatts :
Un exemple de transfert de technologie Sud-Sud
I. Le brevet comme source d’information : l’identification
d’un brevet thaïlandais par un chercheur nigérian
Le projet Cows to Kilowatts est né de l’idée d’apporter une solution aux dangers que
constituent les déchets d’abattoirs pour la santé humaine et l’environnement. En effet,
au Nigeria, les eaux usées provenant d’abattoirs (notamment celui du marché Bodija,
à Ibadan) atteignaient les nappes phréatiques sans être filtrées et contaminaient ainsi
les eaux courantes utilisées par les populations.
Pour remédier à cela, un ingénieur nigérian, Joseph Adelegan (fondateur de l’ONG
GNEEDR : Global Network for Environment and Economic Development Research), en
collaboration avec deux autres organismes nigérians, The Center for Youth, Family and
the Law et le Sustainable Ibadan Project a conçu le système Cows to Kilowatts.
La solution retenue consiste à récupérer les émissions gazeuses provenant des déchets
d’abattoirs pour les convertir en un produit utile. Ce procédé existait déjà. Il avait été
mis au point par le centre de recherche sur l’exploitation et la gestion des déchets
de l’institut universitaire de technologie King Mongkut de Thonburi (Thaïlande).
L’invention thaïlandaise permettait de produire du biogaz en traitant des effluents
agro-industriels dans des réacteurs à lit fixe anaérobique.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 77
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
II. La mise en place d’un partenariat débouchant
sur un dépôt de brevet
La conception du projet de transformation des déchets d’abattoirs en source d’énergie
et en engrais (Cows to Kilowatts) dépendait en grande partie de la technologie
développée en Thaïlande.
Cette technologie était couverte par un droit de propriété intellectuelle, notamment
un brevet.
D’abord, la publication du brevet thaïlandais a permis aux promoteurs du projet Cows
to Kilowatts d’être informés de l’existence d’une technologie nécessaire à la mise en
œuvre de leur projet.
Ensuite, un accord de partenariat a été signé entre les promoteurs du projet Cows
to Kilowatts et l’institut universitaire de technologie King Mongkut de Thonburi
(Thaïlande).
Enfin, à la suite de cet accord, une demande de brevet pour le nouveau procédé de
traitement des déchets d’abattoirs a été déposée en copropriété.
Ainsi, d’un côté, le transfert de technologies (thaïlandais) a permis au Nigeria de
remédier aux conséquences néfastes des déchets d’abattoirs sur l’environnement et
la santé de ses populations. Il a aussi permis de fournir aux populations nigérianes une
énergie de qualité et à moindre coût. Et d’un autre côté, ce transfert de technologies a
permis à la Thaïlande d’exporter sa technologie tout en l’améliorant et en l’adaptant.
C. Les bases de données de brevets : une source d’information
en cours d’optimisation
90. En pratique, la difficulté réside dans le fait que la consultation des bases de données
de brevets se révèle parfois complexe. Le défi actuel auquel se sont attelés plusieurs
offices est de faciliter les recherches dans ces bases de données.
La facilité de recherche de l’information pour chaque technologie est d’autant plus
importante pour les PME et les entreprises des pays en développement qui ont des
moyens plus limités pour effectuer des recherches d’antériorités et des études de liberté
d’exploitation.
Or, les entreprises dynamiques dans le domaine des technologies vertes sont parfois
de dimension réduite et leur importance est grandissante. Le think tank Chatham House
a analysé les brevets relevant de six catégories d’énergies : éolien, photovoltaïque,
concentration solaire, biomasse, capture de carbone, charbon propre50. Il en résulte certes
que les sociétés multinationales sont titulaires de la majorité des brevets dans les six
domaines, mais les PME sont parfois très dynamiques : dans le domaine de l’éolien, 5 à
10 % des brevets sont détenus par des PME51.
91. En outre, cette information est d’autant plus importante que de nombreuses
technologies respectueuses de l’environnement sont tombées dans le domaine public.
Une analyse des 30 brevets américains les plus cités dans le domaine des énergies vertes
montre ainsi que la majorité est tombée dans le domaine public52. Il est donc crucial pour
les acteurs économiques de distinguer précisément les technologies couvertes par un
monopole de celles qui sont libres, afin notamment d’orienter leurs recherches.
92. Dans le domaine des technologies respectueuses de l’environnement, une difficulté
supplémentaire réside dans le fait que ces technologies ne sont réductibles à aucune
des catégories de classification traditionnelle53. En effet, la classification traditionnelle
est fondée sur une approche scientifique et technique. Or, le domaine des technologies
respectueuses de l’environnement fait appel à un très grand nombre de techniques
différentes. Il en résulte un morcellement de la source d’information.
En outre, ces technologies sont apparues pour la plupart après la mise en place de la
classification traditionnelle, dans les années soixante. En conséquence, il était délicat
pour une entreprise de déterminer précisément, pour une technologie respectueuse
de l’environnement particulière, quels brevets étaient déposés et quelles inventions
étaient dans le domaine public et pouvaient être librement exploitées. C’était un frein à
l’investissement, notamment des petites et moyennes entreprises.
93. Afin de pallier en partie cette difficulté, l’OEB (Office européen des brevets) a annoncé
en mai 2010 la mise en ligne d’une nouvelle base de données dédiée aux technologies
respectueuses de l’environnement (Climate Change Mitigation Technologies – CCMT)54.
50
B. Lee, L. Lliev et F. Preston, Who owns our low carbon future? Intellectual property and
energy technologies, Chatham House, septembre 2009.
51 Ibid, p. 13-14, 17.
52 Ibid, p. 48. J.H. Barton, « Brevets et accès aux technologies énergétiques propres dans les
pays en développement », Magazine de l’OMPI, février 2008, p. 6.
53
Afin de faciliter la consultation des bases de données, un code est attribué à chaque
catégorie d’invention.
54
La base de données est accessible au public depuis le 9 juin 2010. UNEP, EPO, ICTSD,
Patents and clean energy: bridging the gap between evidence and Policy (final report),
2010, p. 64 s.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 79
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Ce très ambitieux projet a consisté à créer une nouvelle classe intitulée « Y02 :
Technologies pour la réduction ou l’adaptation aux changements climatiques »55, qui
référence les brevets déposés dans les différents domaines des technologies vertes. Cette
base de données comprend à l’heure actuelle deux entrées principales :
—— Y02C : gaz à effet de serre - capture, stockage et séquestration (greenhouse gases
– capture and storage / sequestration or disposal) ;
—— Y02E : gaz à effet de serre – technologies réduisant les émissions dans les domaines
de la production, la transmission et la distribution d’énergie (greenhouse gases –
emissions reduction technologies related to energy generation, transmission or
distribution).
Ces deux classes comprennent environ 200 sous-classes. La base de données comprend
environ 600 000 brevets relatifs aux énergies propres, qui ont été sélectionnés parmi
les 70 millions de documents référencés par l’OEB. En outre, ont été référencés tous les
brevets publiés, non seulement par l’OEB et les grands offices des pays développés, mais
aussi les documents des offices chinois, brésiliens, indiens, mexicains, etc.
94. Cette base de données permet donc d’avoir accès très rapidement, pour une
technologie « propre » donnée, à l’ensemble des inventions brevetées dans le monde
entier.
La constitution de cette base de données présente également d’autres avantages.
D’une part, elle participe à l’émergence d’un vocabulaire commun à chaque technologie
verte qui est susceptible de faciliter le travail des déposants et de tous les acteurs de
ces domaines. D’autre part, cette base de données peut favoriser le rapprochement de
titulaires de brevets complémentaires, les licences croisées, les projets de coopération,
les recherches bilatérales ou multilatérales… à condition de capitaliser dans le savoir-faire.
Constat n° 8
Les bases de données de brevets sont en passe de devenir une source d’information
primordiale, particulièrement pour les pays en développement sachant se doter
de capacités d’analyse et d’exploitation. Cet outil, encore sous-utilisé, fournit des
informations de première qualité, tant sur les technologies existantes et le plus
souvent gratuites car non-protégées que sur des partenaires potentiels.
55
« Y02 : Technologies or applications for mitigation or adaptation against climate
change ».
1.3 Recommandation : les pays du Sud doivent mieux analyser,
estimer et faire remonter leurs besoins pour utiliser
les outils déjà existants
95. Si les brevets fournissent une source d’information primordiale sur les technologies
existantes et sur leurs titulaires, ils n’ont en revanche pas vocation à fournir d’information
sur les besoins des entreprises et des pays.
Or, pour qu’un transfert de technologies puisse être réalisé, il est évidemment
indispensable que les émetteurs de technologies connaissent les besoins des pays
en développement et identifient les partenaires potentiels (A), et vice-versa que les
récepteurs investissent dans une trajectoire de long terme (B).
A. Les initiatives pour « faire remonter » les besoins des pays
en développement en matière de technologies propres
96. Dans le domaine des transferts de technologies, cette connaissance des besoins est
souvent considérée comme très insuffisante. Il en résulte une perte d’opportunités de
développer de nouveaux marchés pour les entités titulaires de technologies et une perte
de chance de bénéficier de transferts de technologies pour les entités réceptrices.
Cette difficulté a été identifiée depuis plusieurs années. Certaines initiatives tentent
actuellement de remédier à ce déficit d’information sur les besoins des pays en
développement.
On peut citer à titre d’illustration, en France, le club ADEME International qui regroupe des
entreprises impliquées dans le domaine de l’énergie et des technologies respectueuses
de l’environnement. Ce club propose à ses adhérents des rencontres avec des partenaires
étrangers afin de fluidifier l’échange d’information. Il relaye également les appels d’offres
lancés par des pays étrangers.
Par ailleurs, l’OMPI a également lancé une très ambitieuse plate-forme électronique sur
laquelle les pays et entités réceptrices sont invités à enregistrer leurs besoins : la plateforme WIPO Green.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 81
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
WIPO GREEN : L’ambition de créer un marché mondial
des technologies propres
L’outil essentiel du programme WIPO Green est une plate-forme sur Internet qui
fournit aux acteurs privés et publics du monde entier des informations sur les
technologies écologiques disponibles sur le marché et les besoins exprimés dans ce
domaine. L’ambition est de créer un réseau mondial favorisant les collaborations en
vue de faire émerger un marché des technologies écologiques.
L’accès et l’utilisation de la base de données WIPO Green sont régis par un règlement
qui se veut le moins contraignant possible. Ainsi, l’accès à la base de données est
libre et permet la consultation de résumés des technologies proposées et des besoins
exprimés. En revanche, il est nécessaire de s’inscrire pour avoir accès aux fiches
complètes des offres et des demandes, ainsi que pour enregistrer des offres ou des
demandes de technologies écologiques.
En pratique, pour déposer une technologie sur la plate-forme, son titulaire doit remplir
en ligne un formulaire décrivant de manière succincte la technologie proposée et les
conditions de son transfert. Les offres doivent respecter trois conditions.
1) Tout d’abord, les technologies proposées doivent être respectueuses de
l’environnement. L’OMPI a retenu la définition des technologies vertes donnée
par le plan d’action « Agenda 21 » adopté en juin 1992 à l’occasion du Sommet
de la Terre de Rio : « Les techniques écologiquement rationnelles (écotechniques)
protègent l’environnement, sont moins polluantes, utilisent de façon plus durable
toutes les ressources, autorisent le recyclage d’une proportion plus importante de
leurs déchets et produits ainsi qu’un traitement des déchets résiduels plus acceptable
que celui que permettraient les techniques qu’elles remplacent » (article 34). La
définition est donc très large. Le déposant doit expliquer brièvement les bénéfices
de sa technologie pour l’environnement.
2) Ensuite, l’élément essentiel du programme WIPO Green réside dans le fait que les
entreprises doivent proposer des transferts de technologies dans des conditions
qui permettent la mise en place puis l’exploitation effective des installations. À
cet effet, les entreprises s’engagent à proposer une offre globale comprenant
l’ensemble des éléments adéquats : licences de brevet, transmission de savoirfaire, études préalables, programmes de formation, etc.
3) Enfin, les entreprises souhaitant proposer des offres de technologies doivent
s’acquitter d’une redevance annuelle auprès de l’OMPI. Toutefois, cette
redevance n’est à l’heure actuelle pas applicable afin d’encourager les détenteurs
de technologies à les enregistrer sur la plate-forme. Il est donc conseillé de
profiter de cette première période pour déposer ses offres.
L’OMPI reste neutre dans la négociation des projets et des collaborations. Elle
n’intervient à aucun moment, les parties étant seules responsables de la négociation
et de l’exécution de toute coopération. Un point très important pour les entreprises
est que les titulaires de technologies ne s’engagent pas à offrir leurs technologies à
titre gratuit, ni d’ailleurs à des conditions raisonnables, même si cela est de l’essence
du programme. La volonté de l’OMPI est de développer le programme le plus flexible
possible afin d’attirer le maximum de titulaires de technologies écologiques.
L’enjeu actuel pour WIPO Green est que les acteurs des pays en développement
enregistrent leurs besoins sur la plate-forme. C’est la raison pour laquelle WIPO Green
mène une importante politique de communication dans les pays afin de faire connaître
ce nouvel outil destiné à fluidifier l’information entre les récepteurs et les émetteurs.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 83
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
L’université de San Carlos aux Philippines : un exemple
d’utilisation du brevet pour une université philippine
I. L’utilisation des brevets par les universités philippines
grâce à la coopération avec l’OMPI
Créé en avril 2009, le programme des centres d’appui à la technologie et à l’innovation
(TISC ou ITSO) de l’OMPI a pour objectif de permettre aux inventeurs des pays en
développement d’avoir accès à des prestations locales de services d’information de
qualité afin de protéger et gérer leurs droits de propriétés intellectuelles.
En pratique, ce programme permet à ses adhérents de bénéficier d’un accès aux
ressources en ligne relatives aux brevets, d’une aide à la recherche d’informations
en matière de technologie, de formations de personnels sur place ou à distance,
d’aide à la recherche des conditions de brevetabilité et une information sur les lois,
la gestion et les stratégies dans le domaine de la propriété industrielle ainsi que sur la
commercialisation de la technologie.
Les adhérents du programme sont des offices nationaux de propriété intellectuelle,
des universités, des centres de recherche, etc. De nombreux pays bénéficient de ce
programme parmi lesquels le Maroc, la République Dominicaine, l’Algérie, le Nigeria
ou encore les Philippines.
C’est en partie grâce à ce programme et à l’appui de son office national, l’IPOPHL
(Intellectual Property Office of Philippines) que l’université de San Carlos (USC) a
changé sa perception de la propriété industrielle et a adopté une nouvelle pratique
pour la protection de ses inventions résumée en ces termes par M. Danilo B. Largo,
directeur du bureau de la recherche de l’université de San Carlos : « breveter, publier,
exploiter », comme en témoignent les inventions brevetées du Dr Taboada, chercheuse
au collège d’ingénierie de l’université et directrice du département de génie chimique
de l’USC (BioPERC).
Crée en mars 2013, le bureau d’appui à l’innovation et à la technologie de l’USC a été
le premier à déposer deux demandes de brevet dans le cadre du plan d’incitation à la
protection par le brevet de l’IPOPHL.
II. L’université de San Carlos : un exemple concret
de valorisation d’inventions par le brevet
Dans la province de Cebu, où se situe l’USC, les autorités locales sont confrontées
au problème du traitement des eaux usées provenant des usines d’exploitation de
mangues (10 % de l’ensemble des déchets solides).
Des travaux de recherche ont été entrepris par le BioPERC et ont permis de démontrer
que l’écorce de mangue pouvait avoir des effets bénéfiques sur la santé. A alors été
mis au point un nouveau procédé permettant d’extraire les substances bénéfiques et
de les transformer en un produit de grande valeur.
Ces inventions ont fait l’objet d’un dépôt national auprès de l’IPOPHL le 22 mars 2012
puis d’une demande internationale de brevet en 2013 sur le fondement du Traité de
coopération en matière de brevets (PCT)56.
Pour l’exploitation de ses brevets, l’université a conclu un accord de partenariat avec
un bailleur de fonds local en vue de créer une entreprise, Green Enviro Management
Systems (GEMS) Inc, à laquelle l’université a concédé une licence exclusive
d’exploitation du procédé et de fabrication de produits destinés à des usages multiples
notamment dans l’alimentation, la pharmacie ou l’énergie.
Des sous-licences d’exploitation non-exclusives ont ensuite été accordées à d’autres
entreprises dans d’autres régions des Philippines qui connaissent un problème similaire
dans le traitement des eaux usées.
Ces brevets et concessions de licences permettent à l’université, mais aussi à ses
chercheurs, de bénéficier de revenus supplémentaires. Surtout, cette nouvelle politique
permet à l’USC de bénéficier d’une meilleure image et d’une position plus forte pour
négocier avec des acteurs privés la commercialisation de ses technologies, désormais
protégées par un monopole légal.
Constat n° 9
Dans le domaine des technologies propres, plusieurs initiatives ont pour objet de
permettre aux pays récepteurs de faire connaître leurs besoins spécifiques. Les entités
publiques comme privées des pays en développement devraient notamment utiliser
la plate-forme WIPO Green.
56 B
revet de produit intitulé « Préparation de pectine et de composition polyphénoliques à
partir de pelures de mangue », enregistré le 26 septembre 2009, PCT/PH2013/000009,
n° WO/2013/141723. Brevet de procédé intitulé « Procédés intégrés de traitement des
déchets de mangues issus du traitement de fruits et préparation de compositions
dérivées desdits procédés », enregistré le 29 septembre 2009, PCT/PH2013/000008,
n° WO/2013/141722.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 85
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Recommandation
Les offices devraient poursuivre leurs efforts de simplification et d’optimisation des
bases de données de brevets afin de les rendre accessibles en pratique au plus grand
nombre.
Parallèlement, les acteurs engagés dans l’aide au développement, notamment les
agences de développement, devraient apprendre à exploiter ces bases de données afin
d’identifier les technologies existantes et encourager les récepteurs à faire connaître
leurs besoins.
B. Les trajectoires de long terme
97. Certaines filières technologiques sont de véritables réussites du fait de l’appui constant
dans l’assistance technique, le savoir-faire et in fine la capitalisation de brevets. C’est le cas
du Brésil et de la filière de la conversion de la canne à sucre en bioéthanol. Avant de décrire
le processus, arrêtons-nous un instant sur le caractère de « développement durable »,
controversé, de cette filière. Il est vrai que pendant trois à quatre décennies, la mise en
place de cette énergie de substitution au pétrole a conduit au défrichement des terres.
Elle a en échange contribué à diversifier les revenus agricoles. Surtout, les générations
technologiques récentes mobilisent essentiellement les résidus de la production de sucre
(la bagasse, très majoritaire en biomasse) et ne prennent plus la partie « alimentaire »,
minoritaire en biomasse, de la production. En outre, l’inversion de ce qui était le produit
principal et le byproduct a permis une relocalisation des usines, plus proches des cours
d’eau, plus gravitaires, plus économes en énergie ; cette industrie a totalement changé
sous l’impulsion du Brésil.
Ce préalable étant posé, quel a été le processus ? Les technologies, dans un premier
temps, ont été importées, dans les années 75, puis appropriées localement. À titre
d’exemple, l’industriel Dedini est devenu leader mondial, avec une présence surtout au
Brésil du fait d’un faible effort commercial à l’exportation. Les tours à distiller la mélasse
des sucreries, puis les tours à distiller le jus de canne, essentielles pour la production
d’éthanol, ont été mises au point. Dans les années 90, l’industrie subit une lourde crise
en raison de la libéralisation du pays et des mesures d’ajustement structurel du FMI, avec
notamment la fin des subventions. Les industriels ont dû s’organiser pour gagner en
compétitivité et ont envoyé des techniciens se former en France et en Afrique du Sud,
alors leaders mondiaux du sucre. Ils ont fait appel au meilleur consultant international
sud-africain pour mettre à jour leurs techniques de production, fermentation et extraction
du sucre dans les usines. L’amélioration des rendements a ainsi permis à l’industrie
brésilienne d’atteindre le sommet mondial de la compétitivité internationale. Cette phase
est clairement une phase d’acquisition du savoir-faire, à partir d’une identification précise
de besoins.
S’est ensuivie une nouvelle phase : le pays a développé ses propres innovations
technologiques. Sur les technologies des usines d’une part (innovations du secteur privé),
sur les technologies d’usage également (moteur 100 % éthanol, moteur flex en 2003,
innovations de partenariat public-privé), et enfin sur les technologies agricoles (création
de variétés de cannes à hauts rendements fibre/sucre, innovations du secteur privé).
Cette dernière phase connut un « brevetage tous azimuts ». Cette stratégie est accessible
à d’autres pays en développement.
98. L’Éthiopie s’est ainsi dotée de trois grandes sucreries dans les années 80 sur la base
d’importations technologiques « clé en main ». Ensuite, dans les années 2000, ces
installations ont été modernisées, ce processus est encore en cours, afin d’accroître les
capacités de production et le rendement des usines. Les importations de technologie ont
ciblé divers pays : Thaïlande, Australie, Turquie, etc. L’installation de tours à distiller pour
produire de l’éthanol issu de la mélasse résiduelle57 est une technologie importée clé
en main. En revanche, l’Éthiopie a innové côté marchés de débouchés : dans la création
de fours ménagers fonctionnant à l’éthanol, afin d’adapter sa production d’éthanol aux
usages locaux (remplacement des fours ménagers à charbon utilisés par 80 % de la
population).
99. Aujourd’hui, le Maroc s’est également lancé, dans plusieurs domaines comme la santé
ou l’énergie, dans une politique active d’acquisition de savoir-faire et d’innovations locales
adaptées aux besoins de sa population.
Constat n° 10
Le développement de pôles de compétitivité passe souvent par des initiatives des
pouvoirs publics qui mettent en place puis accompagnent les acteurs privés. La
détection des besoins réels et précis des entreprises est une dimension essentielle
du succès. Cet outil est accessible aux pays du Sud (il faut rappeler d’ailleurs que le
concept et la pratique ont d’abord émergé au Brésil).
La fondation MAScIR (pages suivantes) illustre cette trajectoire de long terme initiée au
Maroc dans ces domaines.
57
Résidu de la production de sucre, avec une technologie différente du Brésil où c’est le jus
de canne qui est fermenté puis distillé en éthanol au lieu d’être cristallisé en sucre.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 87
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
MAScIR : Le rôle des pouvoirs publics dans le développement
de pôles d’innovation et l’utilisation des brevets
pour protéger les inventions
La fondation MAScIR, Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation and
Research, est une institution publique à but non lucratif fondée en 2007 dont la mission
est la suivante : « les deux missions principales de MAScIR, c’est faire de la recherche pour
créer des brevets, créer de la propriété intellectuelle et venir en support à l’industrie marocaine
pour que cette industrie soit plus innovante, plus forte et plus compétitive » (Ahmed R.
Chami, ancien ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies)58.
La fondation MAScIR est un exemple concret de la réussite de la démarche de
structuration de l’innovation et de la recherche par le Maroc.
Sur le plan social, la fondation ne recrute que des chercheurs et ingénieurs marocains,
afin de créer des opportunités d’emplois. Aujourd’hui, plus de 60 chercheurs travaillent
au sein de la fondation.
Les travaux de la fondation MAScIR ont pour objet de répondre à des besoins
spécifiques, dans des domaines tels que l’énergie, l’environnement et la santé.
La fondation comporte un département de valorisation chargé de la mise en place de
la stratégie de commercialisation des résultats des recherches Ce département est
également chargé des dépôts de brevets. Ces cinq dernières années, MAScIR a déposé
75 brevets et a publié plus de 280 articles dans des revues spécialisées.
I. Dans le domaine de la santé
Partant du constat que le cancer du sein est la première cause de mortalité chez la
femme et qu’au Maroc le cancer du sein frappe chaque année plus de 15 000 femmes,
MAScIR a développé un projet de prototypes de kits de diagnostic du cancer du sein
plus fiables, plus rapides et moins coûteux, dans le but de les rendre accessibles aux
populations rurales.
58
Conférence de presse de décembre 2011 présentant les avancées scientifiques
et technologiques réalisées par la Fondation MAScIR. « Nous faisons en sorte
que le processus de recherche et de production soit fait par des chercheurs et
ingénieurs marocains. Nous ne voulons pas acheter des solutions, mais développer
les nôtres », propos de Mohamed Lasry recueillis pour le journal L’Economiste :
http://www.leconomiste.comarticle/895997-un-nouveau-brevet-pour-produire-dubiocarburant-3g
Dans le cadre de ce projet, la fondation a déposé un brevet auprès de l’Office marocain
de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) le 27 décembre 2012, étendu par
application du Traité de coopération en matière de brevet (PCT), le 3 juillet 201459.
Le brevet déposé porte sur l’utilisation de nouvelles sondes et amorces pour détecter
et quantifier l’expression du gène HER2, qui est le gène surexprimé par les patients
atteints d’un cancer.
Ce brevet constitue une amélioration des méthodes antérieures permettant
de quantifier la présence du gène HER2, traditionnellement effectuée par
immunohistochimie (IHC) 60 ou par technique de FISH (fluorescence in situ
hybridization), méthodes trop longues et trop coûteuses.
II. Dans le domaine de l’énergie
Conscient du fait que la forte dépendance de l’économie mondiale aux combustibles
fossiles la rend vulnérable en raison de l’épuisement des réserves et à une catastrophe
environnementale, le Maroc, qui est un pays pauvre en ressources pétrolières, s’est
lancé dans le développement des énergies renouvelables.
Parmi les solutions alternatives aux combustibles fossiles, la fondation MAScIR a axé
ses recherches sur un biocarburant à partir d’algues.
Afin d’accroître le rendement de la production de ces dernières, la fondation a mis au
point un procédé pour lequel elle a déposé une demande de brevet auprès de l’OMPIC
le 28 juin 2013 et qu’elle a étendu au niveau international via une demande PCT61.
Selon la description de l’invention publiée, le procédé permet : « la récupération rapide
et passive, peu demandeuse en énergie et sans étape de centrifugation, ni de filtre de la
biomasse microalgue […]. Cela offre un système de culture des microalgues avantageux et
applicable à grande échelle pour l’application biocarburant et autres ».
Breveter le procédé permet à MAScIR d’une part de se signaler sur le marché comme
un des piliers de la recherche en la matière, et d’autre part d’attirer d’éventuels
investisseurs ou industriels intéressés par le procédé objet du dépôt de brevet, afin
d’envisager une exploitation commerciale de ses recherches.
59 Numéro de publication internationale : WO 2014/104867 A1.
60
Qui consiste à colorer la protéine surexprimée à la surface des cellules afin d’étudier le
niveau d’expression du récepteur HER2.
61 Demande PCT sous priorité du brevet marocain MA2013/000020.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 89
2
Les droits de marques :
un rôle grandissant dans le domaine
du développement durable
100. Les signes distinctifs permettent aux entreprises de différencier leurs produits
et services par rapport à ceux de leurs concurrents62. Ils fournissent également au
consommateur une garantie sur l’origine d’un produit. Les marques sont devenues
un actif essentiel, parce qu’en faisant un effort de communication (marketing, etc.),
une entreprise peut utiliser sa marque pour véhiculer des messages sur les qualités
intrinsèques de ses produits. Une marque qui bénéficie d’une image positive est ainsi de
nature à permettre de commercialiser ses produits dans de meilleures conditions, c’està-dire augmenter les ventes et/ou ses prix.
101. Dans le contexte du développement durable des pays en développement, les
marques jouent un rôle qui est encore trop peu souvent mis en avant. Ce rôle est double :
d’une part, pour les émetteurs, elles permettent dans de nombreuses hypothèses de
sécuriser les transferts de technologies (2.1). D’autre part, utilisées par les pays en
développement, les marques permettent de valoriser des produits et des technologies
tant sur leur territoire qu’à l’exportation (2.2).
2.1 Les marques : outil de protection des investisseurs
sur un nouveau marché
102. Il faut souligner qu’une entreprise qui en autorise une autre à exploiter sa propre
marque prend un certain risque, parce que toute difficulté rencontrée par son partenaire
local (qualité défectueuse, etc.) est susceptible de rejaillir sur son propre marché.
C’est la raison pour laquelle les émetteurs préfèrent parfois ne pas accorder de licence
d’exploitation de leur marque à des tiers et déposent d’autres signes pour les marchés
sur lesquels ils ne maîtrisent pas totalement le processus de production et de distribution.
Mais même si une marque spécifique est déposée pour un nouveau marché, le recours à
la licence de marque permet d’encadrer le transfert de technologies. Pour deux raisons.
D’une part, la marque enregistrée confère, comme le brevet, un monopole d’exploitation
du signe de sorte que le licencié est le seul à pouvoir exploiter la marque en l’apposant
sur ses produits et services. Et si la marque acquiert une certaine notoriété, cela garantit
un avantage concurrentiel sensible.
62 Cf. supra, pages 21 et 22
D’autre part, la licence de marque permet également de contrôler plus efficacement
les conditions dans lesquelles le partenaire local va développer la technologie et la
commercialiser. En effet, même en l’absence de brevet et dans l’hypothèse où le
partenaire local deviendrait autonome par rapport au titulaire de la marque, il aura bien
souvent intérêt à continuer de bénéficier de la licence de marque. Ce phénomène joue
d’autant plus que la marque a acquis une certaine notoriété et que la marque revêt une
importance pour les clients (marché B to C).
Ainsi, pour les émetteurs, la nécessité de protéger leurs marques sur tous les marchés est
encore plus essentielle que pour les brevets.
À titre d’illustration, la société Nutriset a utilisé autant les brevets que les marques pour
se développer sur de nouveaux marchés avec des partenaires locaux.
cas pratique
NUTRISET : Un exemple de transfert de technologies
par la production locale dans les pays du Sud
I. Les spécificités de Nutriset
Nutriset est une entreprise française qui excelle dans la recherche de solutions
nutritionnelles innovantes pour le traitement et la prévention de la malnutrition
touchant les populations vulnérables. En moyenne, 3 % de son chiffre d’affaires est
consacré chaque année aux activités de recherche et de développement. En 1993,
Nutriset a été la première entreprise à produire des laits thérapeutiques prêts à diluer,
le F-100 et le F-75, destinés au traitement de la malnutrition aiguë sévère. En 1996,
l’entreprise a inventé (en collaboration avec l’IRD) le premier aliment thérapeutique
prêt à l’emploi (RUTF), Plumpy’Nut, crédité d’avoir révolutionné la prise en charge
et le traitement de la malnutrition aiguë sévère. L’entreprise est également à
l’origine des premiers suppléments nutritionnels prêts à l’emploi permettant de
prévenir la malnutrition (RUSF, LNS). Le mandat de Nutriset est de contribuer à
l’autonomie nutritionnelle des pays les plus touchés par la malnutrition en rendant
ses produits toujours plus accessibles. Nutriset travaille en étroite collaboration avec
les organisations humanitaires, les agences des Nations Unies et les ministères de
la Santé.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 91
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
II. Propriété intellectuelle et transfert de technologies :
l’exemplarité de Nutriset
Nutriset utilise les brevets (en copropriété avec l’IRD) comme un instrument d’aide au
développement des pays du Sud et pour faciliter l’accès aux partenaires locaux à des
technologies innovantes. Cette démarche se justifie par le fait que les pays du Sud, qui
sont les plus touchés par la malnutrition, ont des capacités et des possibilités réduites
pour mener des recherches nécessaires pour remédier à leurs difficultés. Il s’agit donc
pour Nutriset de donner accès aux procédés technologiques issus de leurs recherches
à des entités installées dans les pays du Sud. Ainsi, les structures qui en font la
demande peuvent soit intégrer le réseau de franchise PlumpyField, soit obtenir des
accords d’usage à travers un dispositif simplifié. Le réseau PlumpyField est un réseau de
producteurs qui fabriquent les produits développés par Nutriset et qui promeut ainsi le
transfert de technologies vers les pays du Sud.
Le succès commercial du franchisé assuré par la marque
Nutriset n’a pas enregistré de brevet dans tous les pays membres du réseau
PlumpyField ; c’est le cas notamment en Inde et en Haïti. Or, malgré l’absence de
brevet dans ces pays, les franchisés de Nutriset produisent et commercialisent
avec succès les produits de la société. Cela s’explique par la notoriété acquise par la
marque des produits Nutriset, et notamment la marque Plumpy’Nut. Cette notoriété
de la marque des produits Nutriset, véritable gage de la qualité des produits, a été
également déterminante dans le succès commercial des autres franchisés.
Constat n° 11
Pour les entreprises qui investissent sur de nouveaux marchés, la marque est souvent
l’actif le plus important à protéger. Un système de protection des marques est donc
très utile et efficace pour attirer des émetteurs sur son marché.
2.2 Les marques : un outil simple et efficace à la disposition
de tous les pays en développement
103. Pour les pays en développement, le droit des signes distinctifs et particulièrement
le droit des marques est souvent le premier contact avec la propriété intellectuelle. Le
droit des marques est en effet beaucoup plus accessible que les brevets, pour plusieurs
raisons. D’une part, les signes distinctifs échappent à la barrière technologique. En effet,
une marque présente une utilité pour n’importe quel produit ou service, qu’il soit agricole,
manufacturé, de haute technologie ou non. D’autre part, le coût de protection d’une
marque est beaucoup moins élevé.
104. Pourtant, force est de constater que jusqu’à une période récente, la protection
par les signes distinctifs n’a pas été exploitée de manière suffisante par les pays en
développement.
Cela était particulièrement vrai dans le domaine agricole. De nombreux pays en
développement sont producteurs de produits agricoles de réputation mondiale (cacao,
café, fruits, etc.). Pourtant, ces pays ont trop longtemps omis d’utiliser le droit des
marques afin de faire connaître et reconnaître les qualités de leurs produits sur le marché
mondial et d’en faire un argument de vente auprès des consommateurs occidentaux.
La situation pourrait changer rapidement, encouragée par plusieurs expériences réussies
qui ont permis aux acteurs locaux (agriculteurs, etc.) de retirer un avantage économique
direct et sensible d’une politique de communication centrée autour de droits de marques,
non seulement sur leur marché national, mais également sur leurs principaux marchés à
l’exportation.
105. En pratique, plusieurs signes distinctifs différents sont à disposition des pays
en développement qui poursuivent une politique de développement de marchés à
l’exportation, notamment de produits agricoles : la marque, la marque collective qui en
est une déclinaison, ou encore l’indication géographique.
106. Le choix de la protection la plus appropriée doit être dicté non seulement par des
considérations juridiques, mais également de manière pragmatique afin de rechercher
le modèle le plus souple et le plus adapté aux conditions sociales et économiques des
producteurs. C’est la raison pour laquelle les schémas appliqués dans les pays développés
ne sont pas toujours transposables.
107. Plusieurs expériences réussies illustrent la variété des usages des droits sur les signes
distinctifs par des acteurs des pays en développement :
—— la marque simple déposée par une entreprise pour protéger des engrais organiques
à Madagascar ;
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 93
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
—— une politique de dépôts de marques à l’international et à grande échelle pour
protéger le café éthiopien ;
—— des indications géographiques pour protéger l’huile d’argan au Maroc ou encore les
bananes du Costa Rica (B).
Les retombées en termes d’image et de revenus sont souvent très sensibles et rapides.
Enfin, un dernier signe a une place particulière dans les rapports entre les émetteurs et
récepteurs : les labels ou écolabels, souvent déposés à titre de marque, et qui garantissent
les qualités d’un produit (C).
A. Les marques : outils de valorisation des produits des pays
en développement sur le marché international comme
sur leurs marchés locaux
cas pratique
GUANOMAD SA :
UNE MARQUE MALGACHE,
OUTIL MARKETING SUR SON MARCHÉ
ET À L’EXPORTATION
Madagascar a connu ces dernières années plusieurs problèmes environnementaux
dont la dégradation des sols, le mauvais rendement des cultures et la pollution des
eaux souterraines. Or, la population est en grande partie rurale et subsiste grâce à
l’agriculture.
L’objectif est de parvenir à concilier agriculture et respect de l’environnement, ce qui
nécessite des engrais biologiques, propres, qui contribuent à régénérer les sols mais
aussi abordables et permettant d’accroître les rendements.
La société Guanomad SA, fondée en 2005 par M. Rajaonary, s’inscrit dans cet objectif
de fournir des produits organiques abordables aux agriculteurs du pays en utilisant les
fientes de chauves-souris (plusieurs dizaines d’espèces résident à Madagascar et sont
endémiques à l’île).
La société a fondé un vaste portefeuille de marques autour du mot guano, symbole
de son identité, en enregistrant plus d’une trentaine de marques dont Guanomad,
Guanostar, et Guanoferti-P Guanomad auprès de l’Office malgache de la propriété
intellectuelle (OMAPI).
La marque principale semi-figurative de la société « Guanomad », sur laquelle est fondé
l’ensemble de sa stratégie marketing et commerciale pour la vente de ses produits
sur l’île via près de 200 distributeurs, et pour l’exportation vers l’Union européenne et
l’Afrique, est enregistrée via le système de Madrid, géré par l’Organisation mondiale de
la propriété intellectuelle, afin d’être protégée dans d’autres pays63.
Se heurtant à un marché intérieur faible en raison du taux de pauvreté, la société
Guanomad a ciblé le marché de l’exportation, sur lequel sa marque lui a permis
d’identifier ses produits, qui ont de plus obtenu la certification de l’organisme de
contrôle Ecocert en raison du mode de production biologique et des méthodes
d’extraction des fientes opérés par la société.
Ce gage de qualité a permis à l’entreprise de se positionner sur le marché des engrais
organiques destinés à un nombre croissant d’agriculteurs soucieux, aussi bien à
Madagascar que dans d’autres pays, des préoccupations environnementales.
L’utilisation de la propriété intellectuelle, et particulièrement le droit des marques,
revêt une importance stratégique pour la société Guanomad qui lui permet à
la fois de garantir son identité et également d’enregistrer des actifs, comme le
souligne M. Rajaonary qui affirme que « de nos jours, votre marque est votre fonds de
commerce »64.
63 Marque n° 1177658, enregistrée le 25 juillet 2013.
64 http://www.wipo.int/ipadvantage/fr/details.jsp?id=3684
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 95
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
LE CAFÉ ÉTHIOPIEN : La marque comme instrument
de valorisation des produits du Sud
Le café est l’un des produits les plus commercialisés au monde. Sa production est
l’activité principale d’environ 15 millions de personnes en Éthiopie. En effet, dans
ce pays de l’Afrique de l’Est, le café génère près de 60 % des revenus des produits
d’exportation. Certains cafés comme les marques Harrar, Sidamo et Yirgacheffe sont
cultivés en Éthiopie. Cependant, la plus grande part des bénéfices du café produit
sur le territoire éthiopien était partagée entre les distributeurs et les intermédiaires
de commerce. Seulement 5 à 10 % du prix de vente revenait à l’Éthiopie. Pour
réduire de l’écart entre le prix de vente de détail et la part perçue par les producteurs,
le gouvernement éthiopien a mis en place une politique de valorisation du café
éthiopien. Dans cette perspective il a eu recours à la propriété intellectuelle. Si les droits
de propriété intellectuelle ont contribué à la valorisation du café éthiopien, le choix du
titre de protection adapté aux réalités locales a été fait après quelques tâtonnements.
I. Le café éthiopien : entre marque commerciale
et indication géographique
Dans la démarche éthiopienne en vue d’utiliser au mieux la propriété intellectuelle pour
valoriser le café produit localement, l’idée a d’abord été émise d’enregistrer chaque
café comme indication géographique. Cette piste était justifiée par le fait que plusieurs
cafés produits sur le territoire éthiopien portent le nom de leur région de production.
Une indication géographique ou indication de provenance est un signe distinctif, qui
informe le consommateur sur l’origine géographique d’un produit. Lorsqu’elle est
protégée, on parle alors d’indication géographique protégée (IGP). Ce peut être le
nom d’une région, d’un lieu déterminé ou celui d’un pays. Il peut servir à désigner un
produit agricole ou une denrée alimentaire originaire de la zone géographique ainsi
désignée. Elle se distingue ainsi de l’Appellation d’origine (AOP), dans la mesure où,
pour être protégée, les exigences du rattachement de l’indication géographique à la
zone géographique du produit sont moins strictes.
L’Éthiopie n’a pas opté pour l’enregistrement d’indications géographiques pour
protéger le café produit localement. Cela a été justifié par le fait que, d’une part, les
cafés produits sont de variétés différentes et ont des qualités spécifiques, et d’autre
part, la mise en place d’un système de certification aurait été difficile et coûteux. En
effet, le café fin sélectionné en Éthiopie est cultivé sur de nombreuses petites parcelles
différentes par des planteurs indépendants. Si, par ailleurs, les cafés éthiopiens tels
que les cafés Sidamo et Harrar portent le nom des régions spécifiques, ils ne sont pas
tous produits dans la même région ni dans les mêmes conditions. Pour ces raisons,
le gouvernement éthiopien a fait le choix de protéger l’origine commerciale du café
produit localement par l’enregistrement de marques.
Une marque (de fabrique, de commerce ou de service) est un signe susceptible de
représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne.
Plus simplement, la marque est un signe destiné à être utilisé dans le commerce pour
permettre aux acteurs économiques de distinguer leurs produits ou leurs services de
ceux des concurrents. Lorsque le signe est enregistré auprès d’un office de propriété
intellectuelle, un droit de propriété (ou droit exclusif) est reconnu à son titulaire pour
une durée déterminée et indéfiniment renouvelable.
Ce droit de propriété intellectuelle est apparu comme le meilleur outil de protection
des variétés de cafés produits en Éthiopie. En effet, il confère au gouvernement
éthiopien le droit exclusif d’exploiter, de concéder des licences et la possibilité d’utiliser
les marques liées au café.
Une fois que la marque a été retenue comme le mode approprié de protection des
différents cafés produits en Éthiopie, l’office éthiopien de brevet (EIPO) a déposé
des demandes d’enregistrement sur les noms Harrar, Sidamo et Yirgacheffe dans les
principaux marchés du café. Ce fut notamment le cas aux États-Unis, au Japon, dans
l’Union européenne et au Canada. L’enregistrement de ces marques aux États-Unis
ne s’est pas fait facilement. C’est après un premier rejet et un long conflit que l’office
américain des brevets a procédé à l’enregistrement des marques éthiopiennes.
II. La plus-value apportée
par les droits de propriété intellectuelle
Après l’enregistrement des différentes marques sur ses cafés, l’Éthiopie a mis en place
un système de concession de licences gratuites. Il s’agissait pour le gouvernement
éthiopien de promouvoir la visibilité de son café sur les marchés internationaux afin
de susciter l’augmentation des prix à l’exportation. Au fil du temps, les marques de
cafés éthiopiens ont acquis une grande notoriété sur le marché international. Cela a eu
pour conséquence l’augmentation des prix des cafés produits en Éthiopie. Les résultats
commerciaux à la suite de l’enregistrement des marques de cafés éthiopiens ont changé
la vie des producteurs locaux. En effet, avant la protection par le droit de la propriété
intellectuelle, l’Éthiopie percevait à peine 6 % du prix de détail final de ses cafés. Depuis
la protection par le droit de la propriété intellectuelle, les revenus des planteurs du café
Yirgacheffe ont, par exemple, doublé en 2007 par rapport à 2006. Cette plus-value est
estimée à environ 8 dollars par kilogramme. De manière globale, avant la protection
par le droit de la propriété intellectuelle, les exportations de café étaient de 400 millions
de dollars ; alors que depuis la mise en place de cette politique de dépôt des marques,
environ 1,6 milliard de dollars est attendu de ces exportations.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 97
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
B. Les indications géographiques : outil de valorisation de produits
et de développement d’une aire géographique
108. Comme il a été vu, les indications géographiques sont un droit de propriété
intellectuelle qui protège un signe distinctif qui désigne un lieu d’où est originaire un
produit particulier, le plus souvent agricole65.
L’indication géographique présente plusieurs avantages :
—— sa protection juridique est étendue ;
—— en principe, une indication géographique est reconnue dans les autres pays
membres de l’OMC sans dépôt particulier ;
—— elle permet de délimiter strictement l’aire géographique de production d’un produit
et les conditions d’exploitation. Le gage de qualité pour le consommateur est donc
fort, de sorte que les prix de vente des produits par les producteurs augmentent
souvent ;
—— enfin, une indication géographique permet de structurer la production et de
fédérer une population. Mais il peut exister un risque de tension au moment de
la délimitation de la zone géographique de production. Si ce risque est trop élevé,
il peut être plus sage de privilégier le droit de marque, par exemple la marque
collective.
Dans le domaine des produits agricoles, plusieurs exemples réussis montrent que
l’indication géographique permet d’obtenir des retombées directes et parfois
substantielles pour les habitants d’une région. C’est notamment le cas de l’huile d’argan
au Maroc et des bananes au Costa Rica.
65 Cf. supra, pages 22 et 23
cas pratique
HUILE D’ARGAN : L’indication géographique comme vecteur
de développement économique et social
I. L’huile d’argan, un produit marocain traditionnel
reconnu internationalement
L’arganier, arbre épineux duquel est tirée l’huile d’argan, est endémique au Maroc.
Utilisée en gastronomie, cosmétique mais également en médecine douce, cette
huile revêt pour les régions concernées un enjeu non seulement économique mais
également social, l’huile étant traditionnellement extraite et travaillée par les femmes
berbères.
Depuis 1996, afin de sauvegarder cette activité traditionnelle et de maintenir
le développement socio-économique des régions rurales, des femmes se sont
regroupées en coopératives qui permettent d’assurer un revenu régulier à plus de
4 500 femmes66.
Ces revenus sont un vecteur d’indépendance pour ces femmes mais également
de développement des régions rurales. De plus, certaines coopératives utilisent les
bénéfices engendrés pour financer des projets d’alphabétisation des femmes et de
scolarisation des enfants.
En 1998, l’importance de l’arganier a été reconnue par l’Organisation des Nations
Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), lorsque la région sud-ouest
du Maroc est devenue une réserve de biosphère dans le cadre du programme de
l’UNESCO sur l’homme et la biosphère.
II. La protection de l’huile d’argan par une indication
géographique : un outil d’organisation de la production
et de marketing
En raison de sa rareté (il faut cinq à six arganiers pour produire un litre d’huile) et
de son coût, l’huile d’argan a été longtemps concurrencée par des huiles frelatées
vendues dans les souks et lieux touristiques. En outre, si lors de son exportation en
Europe, l’huile était contrôlée au niveau qualitatif par des laboratoires agréés afin de
certifier son authenticité, ce contrôle ne donnait aucune indication sur le processus
de fabrication.
66
Le marché de l’huile d’argan et son impact sur les ménages et la forêt dans la région
d’Essaouira, Bulletin d’information et de liaison du PNTTA n° 175, publié par le ministère
de l’Agriculture et de la Pêche maritime, avril 2009.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 99
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Ce rôle est dorénavant assuré par l’indication géographique protégée67.
Avant l’obtention de l’IGP par les coopératives agréées, la majorité des exportations
d’huile d’argan étaient réalisées par des entreprises privées qui n’avaient pas recours
au savoir-faire traditionnel des femmes berbères. L’IGP offre une garantie sur l’origine,
les conditions de production et de transformation de l’huile d’argan. L’IGP permet
aussi d’indiquer au consommateur la zone de production et de transformation du
produit et de distinguer l’huile extraite et travaillée selon les savoirs traditionnels des
autres huiles.
En effet, avec son cahier des charges de production et son plan de contrôle pour
la certification des opérateurs, l’IGP impose des normes concernant la traçabilité,
la qualité des produits et permet une identification à toutes les étapes (ramassage,
collecte, séchage, concassage, production et conditionnement).
Enfin, le nom « huile d’argan » est protégé, ce qui maintient l’exclusivité de l’huile et
permet de renforcer l’exposition des produits sous un nom unifié et internationalement
reconnu.
67
Obtenue le 27 avril 2009, par l’OMPIC, en application de la loi marocaine 25-06,
promulguée en mai 2008, relative aux signes distinctifs d’origine et de qualité des
produits agricoles et halieutiques. Mais également auprès de l’Union européenne,
l’huile d’argan est d’ailleurs le premier produit africain à bénéficier de cette
protection.
cas pratique
LA BANANE DU COSTA RICA : INDICATION GÉOGRAPHIQUE
ET DÉVELOPPEMENT RURAL
La banane est, en volume, le premier fruit exporté au monde. Ce fruit riche pour ses
qualités nutritives alimente des millions de personnes et fournit des emplois à une
grande partie de la population du Costa Rica. Cependant, sa valeur sur le marché varie
en fonction de la fluctuation de son cours sur le marché international, des conditions
atmosphériques, des éventuelles maladies propres à sa culture, etc., ce qui rend
difficile pour les producteurs exportant d’avoir des revenus suffisants et réguliers.
Dans l’optique d’accroître leur visibilité et d’avoir plus de poids sur le marché
international, les producteurs bananiers du Costa Rica se sont regroupés en
corporations. La plus importante du pays, la Corporacion Bananera Nacional S.A
(Corbana), société publique, a instauré une véritable stratégie de promotion et de
commercialisation des bananes autour de la création d’un portefeuille de marques et
l’utilisation réussie de l’indication géographique.
Consciente de son savoir-faire 68 et du goût incomparable de ses produits, la
corporation a utilisé l’indication géographique pour établir un lien entre les produits,
le savoir-faire traditionnel mis en œuvre, la qualité qui en découle et leur lieu d’origine.
La banane du Costa Rica (Banano de Costa Rica) devient en 2010 la première
indication géographique à être enregistrée dans le pays et en Amérique du Sud auprès
de l’office national du Costa Rica69. L’appellation est également protégée dans le cadre
du système de Lisbonne pour l’enregistrement international des appellations d’origine
administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)70.
L’enregistrement d’une indication géographique permet à la corporation Corbana de
valoriser ses produits à l’exportation, notamment au sein de l’Union européenne où
elle est un gage de qualité, et donne aux producteurs un avantage concurrentiel parce
que leurs produits sont reconnus comme étant d’une qualité supérieure aux autres
de par le cahier général qui accompagne l’indication géographique et qui détaille les
conditions à respecter pour bénéficier du droit d’apposer l’indication sur les produits.
68
Conformément à la tradition costaricienne, le bananier doit être coupé à mi-hauteur et le
fruit coupé à la machette au moment de la récolte afin que l’arbre puisse donner d’autres
fruits neuf mois après. Un savoir-faire qui permet au bananier de connaître plusieurs
régimes en une année, contrairement à ce qu’il produirait sans cela.
69 Enregistrement n° 202307 enregistré le 3 août 2010.
70
Banano de Costa Rica, numéro 900, publication n° 40, janvier 2012. Enregistrement pour
la totalité du territoire de la République du Costa Rica.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 101
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Ce gage de qualité permet ainsi aux producteurs de lutter contre la concurrence
d’autres pays qui vendent de grandes quantités de bananes à bas prix et permet, par
comparaison, à la corporation bananière de vendre ses produits à un prix plus élevé sur
le marché international, du fait de la garantie apportée par l’indication géographique.
Avec l’augmentation des exportations, les communautés rurales se sont davantage
consacrées à la culture de la banane au Costa Rica 71 et ont bénéficié d’un
accroissement de leurs revenus, avec un salaire supérieur au salaire moyen dans le
pays (16 dollars par jour) mais également supérieur à celui que reçoivent les autres
producteurs de la région qui n’ont pas obtenu l’autorisation de la coopérative Corbana
d’utiliser l’appellation « Banano de Costa Rica ».
C. Les écolabels : outil de valorisation et de transfert de technologies
109. Les labels ou écolabels sont des signes dont la fonction est de renseigner sur une
qualité particulière d’un produit, comme par exemple son caractère vertueux en matière
environnementale. Les écolabels ne font pas l’objet d’une définition juridique générale
dans une convention internationale ou en droit français. Il n’existe pas non plus de régime
juridique général applicable aux labels, à l’instar du droit des marques. En réalité, le droit
des écolabels est actuellement en construction72.
110. Les écolabels peuvent être classés en trois catégories :
—— les écolabels officiels, contrôlés par des organismes publics ou parapublics à but
non lucratif ;
—— les écolabels privés, détenus par des sociétés privées à but lucratif mais dont
l’organisation se rapproche des écolabels officiels en raison de l’indépendance de
l’organisme qui établit le cahier des charges et qui délivre la licence, par rapport à
l’entreprise qui appose l’écolabel sur ses produits ;
—— les autodéclarations qui sont des informations fournies par une entreprise sur ses
propres produits en dehors de tout écolabel. Ces signes sont les plus nombreux. Ils
sont aussi les plus hétérogènes, parce que si certaines entreprises les utilisent dans
le cadre d’une politique globale d’amélioration de la qualité environnementale de
leurs procédés et produits, d’autres les utilisent à des seules fins de marketing,
parfois de manière trompeuse.
71
En 2012, cette industrie employait 45 000 personnes directement et 100 000
indirectement, ce qui a contribué au développement économique de régions
essentiellement rurales et à faibles revenus.
72
L’ISO a publié une série de normes (ISO 14020 à ISO 14025) dont l’objet est de
définir les conditions d’une communication environnementale de qualité par les
acteurs économiques.
111. Dans certaines hypothèses, les écolabels peuvent jouer un rôle important de
transfert de technologies. L’écolabel PEFC (« Programme for the Endorsement of Forest
Certification » ou « Promouvoir la gestion durable de la forêt ») en donne un exemple.
Cet écolabel a pour objectif de préserver les ressources forestières en délivrant un certificat
aux produits ou entreprises qui mettent en œuvre une politique de gestion durable des
forêts.
Cet écolabel est déposé à titre de marque collective et est détenu par une association
suisse qui délivre, par l’intermédiaire d’un réseau d’organismes certificateurs locaux, une
autorisation d’apposer ce label aux entreprises dont les produits (ou l’entreprise ellemême) sont conformes au cahier des charges ou référentiel.
Or, en pratique, une partie substantielle du bois utilisé par les industriels des pays
développés (meubles, papier, etc.) est produite dans les pays en développement. Ainsi,
pour bénéficier du certificat, les industriels doivent convaincre leurs fournisseurs de mettre
en place une politique de gestion durable de leurs ressources forestières, éventuellement
en transférant une partie de leur savoir-faire dans ce domaine.
Constat n° 12
Les droits de marques et les indications géographiques offrent des perspectives
immenses aux acteurs de pays en développement qui produisent un grand nombre
de produits, notamment agricoles, vendus sur les marchés internationaux.
Les expériences montrent que le coût de mise en place de ces outils est raisonnable et
que l’impact positif pour les populations locales est rapide et sensible.
Les pays en développement ont donc intérêt à développer des politiques de
sensibilisation et d’accompagnement à l’utilisation des droits de marque et des
indications géographiques.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 103
3
Les savoirs traditionnels :
réappropriation anecdotique
de leurs connaissances
par des pays en développement ou
symbole d’un changement plus profond ?
112. Les savoirs traditionnels symbolisent l’opposition entre une production anonyme
industrielle des produits par des entreprises (basée au Nord) et une économie
communautaire de subsistance en phase avec l’environnement (basée au Sud)73.
Une des difficultés procède de ce que les innovations fondées sur des savoirs traditionnels
peuvent en principe bénéficier d’une protection au titre d’un brevet, d’une marque ou
d’une indication géographique. En revanche, les savoirs traditionnels au sens strict, qui
sont anciens et souvent transmis sous forme orale, ne sont pas protégés par les systèmes
classiques de propriété intellectuelle.
113. Le rôle des savoirs traditionnels dans la préservation de l’environnement et de la
biodiversité a été mis en exergue, notamment dans une étude menée conjointement par
le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) et l’Organisation mondiale
de la propriété intellectuelle (OMPI)74.
73
K. IDRIS, La protection internationale des savoirs traditionnels, la nouvelle frontière
de la propriété intellectuelle, L’Harmattan, Paris, 2003, p. 38.
74
A. K. Gupta, WIPO-UNEP, Study on the role of Intellectual Property Rights in the
Sharing of Benefits Arising From the Use of Biological Resources, and Associated
Traditional Knowledge, 2004.
114. De plus en plus, des inventions sont fondées sur des savoirs traditionnels alors
que le consentement des populations locales qui les ont développés n’est pas toujours
obtenu. En effet, ces inventions constituent le plus souvent de simples mises en forme
des techniques, des méthodes et des savoirs traditionnels connus par des populations
locales dans les différents secteurs d’activité. Par exemple, il a été observé que
25 % des médicaments pharmaceutiques sont issus de plantes utilisées d’abord en
médecine traditionnelle et des divers usages qu’en ont fait les populations indigènes et
traditionnelles. On parle alors, dans ce cas, de biopiraterie.
115. Pour y remédier, la Convention sur la diversité biologique (CDB) de 1992 et le
Protocole de Nagoya (2010) qui en découle prévoient des conditions d’exploitation des
ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques. Il
s’agit notamment du consentement préalable de l’État à l’exploitation de la ressource
génétique et la divulgation de l’origine géographique de la ressource génétique. Cela vaut
en particulier lorsque l’invention est fondée ou inspirée des savoirs traditionnels associés
aux ressources génétiques. Ces textes prévoient également le partage des avantages liés
à l’exploitation des savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques.
Le cas de arogyapacha, en Inde, constitue un exemple de la manière dont la propriété
intellectuelle peut garantir/promouvoir le partage des avantages liés à l’exploitation des
ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 105
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
L’AROGYAPACHA : Propriété intellectuelle,
savoirs traditionnels et partage des avantages
I. L’arogyapacha : un savoir traditionnel des Kani
Les populations Kani (vivant en Inde) consomment traditionnellement de
l’arogyapacha (nom scientifique : Trichopus zelanicus ssp Travancoricus) comme
un stimulant et une source d’énergie. Leurs savoirs médicaux sur cette plante ont
permis de mettre au point un médicament destiné aux sportifs. Ce produit, qui est un
agent de lutte contre le stress et la fatigue, est connu sous le nom Jeevani, qui signifie
« donneur de la vie ». Il est livré sous forme de granulés.
Pour mettre au point ce produit, les chercheurs indiens du Tropical Botanic Garden and
Research Institute (TBGRI) se sont appuyés sur le savoir-faire des Kani. Au bout de huit
années de recherche, ils ont découvert que les fruits et les feuilles de l’arogyapacha
avaient non seulement des propriétés antidépressives et immunostimulantes, mais qui
renforcent également l’endurance, soulagent la fatigue, préviennent les tumeurs et
activent les défenses naturelles de l’organisme. Pour arriver à cette conclusion, l’équipe
de recherche a isolé douze principes actifs. Elle a également mis en évidence que le
broyage des feuilles de la plante était le moyen le plus efficace pour obtenir les douze
composés. Le brevet pour cette application a été accordé en 2010.
II. Propriété industrielle et partage des avantages
liés à la commercialisation des savoirs traditionnels
associés aux ressources génétiques
Pour la commercialisation du Jeevani, le TBGRI a accordé une licence d’exploitation à
Arya Vaidya Pharmacy Ltd. (AVP) de Coimbatore, une des plus grandes pharmacies à
base de plantes de l’Inde. En 1995, cette entreprise a signé un accord de licence de
sept ans avec le TBGRI. À cet effet, elle a payé une redevance de 50 000 dollars et le
TBGRI devait percevoir 2 % de redevances sur les ventes de produits Jeevani.
En novembre 1997, un fonds, le Kerala Kani Samudaya Kshema Trust, a été créé avec
l’aide du TBGRI. Son objectif est de promouvoir l’utilisation durable et la conservation
des ressources biologiques des Kani. En 1999, un premier montant de 12 500 dollars
a été versé à ce fonds, en vertu de l’accord de partage des avantages signé avec le
TBGRI. Ces sommes sont essentiellement destinées au financement des activités de
développement telles que l’installation d’une cabine téléphonique et la création d’un
régime d’assurance pour les femmes enceintes et les décès accidentels.
En 2002, le TBGRI a reçu le Prix des Nations Unies pour l’Équateur qui récompense
les initiatives de communautés locales du tiers-monde pour des projets qui visent
le développement économique durable par la préservation de la biodiversité. Ce
projet a également été présenté comme un modèle de reconnaissance des savoirs
traditionnels des populations et les droits de propriété intellectuelle et le partage des
avantages dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique
(CDB).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 107
partie 2 LES NOUVEAUX RÔLES DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Conclusion de la partie 2
Diffusion technologique : de l’accès B to B à l’enjeu d’une politique publique
116. En définitive, l’analyse des évolutions de la propriété industrielle comme l’analyse des
tendances des économies confortent l’idée d’un ajustement du rôle et des modalités de
la propriété industrielle dans les relations économiques.
117. La propriété industrielle, malgré les craintes de certains, n’est pas en soi un facteur
de blocage de la diffusion des technologiques dans un contexte de concurrence entre les
émetteurs. Au contraire, elle peut, en particulier autour des bases de données des brevets
et des marques, permettre de nouer des contacts entre d’une part récepteurs conscients
de leurs besoins spécifiques, et d’autre part émetteurs dotés de savoir-faire.
118. Ceci est compatible avec un mécanisme clé du rattrapage technologique :
l’apprentissage de ses clients et de ses fournisseurs et la capitalisation du savoir-faire en
une innovation incrémentale brevetable, ou identifiable en tant que marque.
Les échanges – souvent non-monétarisés – de savoir-faire autour des pratiques
d’utilisation d’un produit d’un fournisseur, ou autour de spécifications voulues par un
client, finissent par tirer vers le haut un industriel ou prestataire-concepteur de projet,
voire, après agrégation, par fédérer un système territorial technique, et même dans les
cas les plus vertueux un « système national d’innovation ». Cet apprentissage est gratuit,
plus puissant que tous les transferts de technologies entre pairs et, comme le souligne
le chercheur Rigas Arvanitis, les « clients [commerciaux] sont souvent les fournisseurs
technologiques ».
C’est ici le lieu de rappeler que le développement durable, métaprojet de société, a
nécessairement besoin d’outils modernisés de la politique publique ; les offices de
propriété industrielle y participent, la bonne coordination entre industriels et politiques
publiques également.
C’est en particulier dans ce contexte dynamique que les aspects technologiques des
négociations internationales sur le climat doivent être relus.
résumé et recommandations de la partie 2
1
Les brevets commencent à être utilisés de manière plus étendue, notamment dans
des pays qui ont accédé récemment à la propriété industrielle.
Au-delà du monopole qu’ils confèrent, les brevets jouent parallèlement d’autres
rôles. Le premier rôle est le signal envoyé aux acteurs du marché (concurrents,
investisseurs) d’une entreprise, université (ou d’un pays) innovante. Le signal joue
un rôle de plus en plus important dans un monde globalisé où les investissements,
les partenariats et les marchés dépassent les frontières. Par ailleurs, les brevets
constituent environ les deux tiers des publications scientifiques dans le monde et
sont en grande majorité disponibles en ligne.
2
Pourtant, les bases de données de brevets sont encore sous-exploitées. Or, elles sont
une source incomparable d’information sur les technologies existantes et souvent
libres d’utilisation dans les pays en développement. Les efforts des offices pour les
rendre plus simples d’utilisation devraient être poursuivis.
Parallèlement, les initiatives qui visent à diffuser les besoins des pays en
développement doivent être soutenues, comme la plate-forme WIPO Green de
l’OMPI.
3
Les marques sont un outil juridique et de communication essentiel pour les
pays en développement, tant pour attirer des investisseurs étrangers que pour
commercialiser leurs produits sur le marché international.
Cet outil devrait être systématiquement développé et les expériences réussies
sont autant de modèles accessibles à tous les pays, quels que soient leurs moyens
financiers.
sommaire partie 3
introduction partie 3
p. 112
1La coopération pour le déploiement des technologies propres :
un cadre marqué par l’esprit de Rio, aujourd’hui fragmenté
1.1 Une coopération marquée par un transfert des pays du Nord vers les pays du Sud 1.2 Le déploiement des technologies propres dans le cadre de la Convention
sur les changements climatiques
A Les dispositions prévues par la CCNUCC
Cas pratique : l’AFD, acteur majeur des engagements financiers français bilatéraux
vis-à-vis des pays en développement
B Le transfert de technologies dans le Protocole de Kyoto
CL’évaluation des besoins en technologies, une étape préalable pour l’accès aux
technologies d’atténuation et d’adaptation
D Le renforcement des capacités
Cas pratiques :
— la coopération multilatérale et bilatérale de l’Institut national de la propriété
industrielle (INPI) — la coopération technique par Expertise France (inaugurée en janvier 2015) E Le Mécanisme technologique de la CCNUCC Cas pratiques :
— le Comité exécutif sur la technologie — le Centre et Réseau des technologies climatiques
— les activités engagées dans le transfert de technologies par l’organisation des
Nations Unies dans le cadre du changement climatique
F Sur le savoir-faire
p. 114
p. 119
p. 119
p. 121
p. 121
p. 122
p. 124
p. 125
p. 126
p. 128
p. 130
p. 132
p. 134
p. 136
2L’indispensable amélioration du cadre de la coopération
soutenant l’accès aux technologies propres
2.1 L’innovation, clé d’un déploiement des technologies propres à grande échelle p. 138
2.2 La construction d’un cadre de coopération plus performant
pour soutenir l’accès aux technologies propres p. 140
2.3 Une meilleure coopération entre les accords multilatéraux en matière
d’environnement (AME) et l’Organisation mondiale du commerce p. 144
CONCLUSION PARTIE 3
Résumé et recommandations PARTIE 3
p. 147
p. 149
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 111
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
introduction de la partie 3
119. Le déploiement des technologies propres n’est pas une question nouvelle, et la
communauté internationale s’est saisie de cette question dès la première conférence
des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm en 197275. Néanmoins, la situation
d’aujourd’hui n’est pas comparable au regard des enjeux de la crise environnementale
que nous vivons avec la surexploitation des ressources naturelles, la perte importante
de la biodiversité, les dommages répétés à l’environnement et le défi du réchauffement
climatique, comme en témoigne le cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) rendu public en octobre 201476.
En effet, l’influence de l’homme sur le système climatique ne fait plus de doute et elle
est en augmentation, avec des incidences observées sur tous les continents. Si on ne
les maîtrise pas, les changements climatiques vont accroître le risque de conséquences
graves, généralisées et irréversibles pour l’être humain et les écosystèmes.
Limiter le réchauffement à la surface de la terre à 2 °C reste possible mais demandera
des efforts très importants d’atténuation, c’est-à-dire de réduction des émissions de gaz
à effet de serre. Il est fondamental de comprendre que l’atténuation et l’adaptation aux
impacts négatifs des changements climatiques sont liées : moins on atténue, plus il faut
s’adapter. Plus on attend pour prendre des mesures, plus l’adaptation et l’atténuation
coûteront cher.
Les politiques d’adaptation et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre
sont donc des stratégies complémentaires pour réduire et gérer les risques du
changement climatique. Leur efficacité dépend largement de la capacité d’innovation et
d’investissement dans les technologies propres dont le choix doit être guidé, lorsque cela
est possible ou opportun, par cette complémentarité. Au-delà des choix individuels ou
collectifs de modes de vie qui appellent naturellement à l’application de ces technologies
propres, il convient de mettre en place des politiques soutenant le développement, le
déploiement et le transfert de ces technologies, dont l’efficacité peut être soutenue par
une coopération internationale renforcée et mieux organisée.
120. Le déploiement des technologies propres à grande échelle est crucial pour assurer
un développement durable. L’enjeu est à la fois temporel et spatial, il s’agit de mettre le
plus rapidement possible à la disposition de tous les pays, et notamment ceux en voie de
développement, les technologies les plus efficaces dès qu’elles sont disponibles. Cela a
été compris très tôt, dès le Sommet de la Terre à Rio en 1992, mais le défi est aujourd’hui
de maintenir un niveau de croissance important dans tous les pays tout en limitant leur
empreinte écologique, y compris carbone.
75 Voir le Principe 20 de la Déclaration de Stockholm, 1972.
76 GIEC, 5e Rapport, oct. 2014.
En effet, il est nécessaire que les gouvernements de tous les pays appuient et encouragent
les initiatives entrepreneuriales, à la fois auprès des émetteurs et des récepteurs. Pour
soutenir ces politiques publiques, des mécanismes ont été mis en place pour faciliter
ce déploiement des technologies propres dans le cadre d’un certain nombre de
conventions sur l’environnement, la santé et le commerce (Convention climat, Accord
ADPIC, coopération entre les offices). Cependant, ces mécanismes facilitant le transfert de
technologies propres sont multiples mais non-coordonnés, créant un système fragmenté
qui s’explique en partie par les choix opérés au début des négociations onusiennes sur le
développement durable et le changement climatique (1).
121. Dans un monde où les écosystèmes industriels se sont largement déplacés vers le
sud et où l’innovation est devenue multipolaire, il convient de repenser la coopération
internationale pour favoriser l’accès de tous aux technologies propres. Il devient
urgent qu’un déploiement des technologies soit plus efficace, cohérent et simplifié
pour permettre d’aboutir aux objectifs d’un développement durable, et il convient de
s’interroger sur les conditions d’amélioration de la coopération internationale soutenant
l’accès aux technologies propres (2).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 113
1
La coopération pour le déploiement
des technologies propres :
un cadre marqué par l’esprit de Rio,
aujourd’hui fragmenté
1.1 Une coopération marquée par un transfert
des pays du Nord vers les pays du Sud
122 Depuis longtemps, il est acquis que le transfert de technologies écologiquement
rationnelles est primordial pour permettre aux pays en développement de réaliser leurs
objectifs de développement durable tout en respectant l’environnement. C’est pour la
mise en œuvre du Protocole de Montréal à la Convention de Vienne sur la protection
de la couche d’ozone77 que la question de la coopération multilatérale pour le transfert
de technologies propres s’est posée de manière centrale, comme une condition de la
participation des pays en développement aux efforts de la communauté internationale.
Il a fallu amender le Protocole de Montréal lors la deuxième réunion des Parties à
Londres, en juin 1990, pour mettre en place un mécanisme de financement (actuel
article 10) pour soutenir le transfert vers les pays en développement de technologies
visant à réduire ou éliminer des substances qui appauvrissent la couche d’ozone
(article 10.A)78, mécanisme de transfert que le Comité exécutif du Protocole n’a cessé
de faire évoluer depuis pour répondre aux besoins spécifiques des pays du Sud79. Faisant
figure de modèle précurseur, le mécanisme de transfert de technologies du Protocole
de Montréal a sans nul doute influencé les réflexions de la communauté internationale
77
Convention de Vienne pour la protection de la couche d’Ozone, 1985, UNEP.
78
La version originale du Protocole du 16 septembre 1987, entrée en vigueur le 1er janvier 1989,
prévoyait à l’article 10, intitulé « Assistance technique », que les Parties devaient coopérer
à la promotion de l’assistance technique destinée à faciliter l’adhésion au Protocole et son
application. Article 10 : « Toute partie au présent Protocole ou tout signataire pouvait alors
présenter au Secrétariat une demande d’assistance technique pour appliquer les dispositions
ou pour y participer ». Article 10.A : Chaque Partie « doit prendre toutes les mesures possibles,
compatibles avec les programmes financés par le mécanisme de financement, pour que : a) les
meilleurs produits de remplacement et techniques connexes sans danger pour l’environnement
soient transférés au plus vite » aux pays en développement et que « b) Les transferts
mentionnés à l’alinéa a) soient effectués dans des conditions équitables et les plus favorables ».
79
C’est le Comité exécutif qui est en charge de faire évoluer le mécanisme prévu : il lui a été
demandé d’établir un rapport final en tenant compte des informations sur les expériences des
pays en développement concernant les obstacles au transfert de technologies et de définir des
solutions permettant de surmonter ces obstacles (Décision VII/26 : Transfert de technologies).
Lors de la 8e réunion des Parties, un groupe informel a été institué (Décision VIII/7) en vue
d’aider le comité exécutif à déterminer quelles mesures peuvent être prises concrètement
pour éliminer les obstacles potentiels au transfert de technologies sur une base équitable. Ce
groupe est paritairement composé de quatre représentants des pays développés (Australie,
États-Unis d’Amérique, Italie, Pays-Bas) et de quatre représentants des pays en développement
(Chine, Colombie, Ghana, Inde). Depuis, le comité exécutif et le groupe informel font état
de leurs travaux entrepris pour améliorer, respectivement, le mécanisme de financement et
le transfert de technologies, et doivent remettre chaque année aux Parties un rapport sur le
fonctionnement de ces deux mécanismes (Déc. X/31).
autour de la question du déploiement des technologies propres qui l’ont conduit à la
Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, dit Sommet
de la Terre, organisée à Rio de Janeiro, en 1992. Cette conférence s’est conclue par la
signature de la Déclaration de Rio, de l’adoption du programme d’action l’Agenda 21,
et des trois conventions internationales de Rio (Convention sur la diversité biologique,
Convention sur la lutte contre la désertification et Convention sur les changements
climatiques).
123. L’esprit de Rio témoigne d’une volonté forte de parvenir à un objectif commun,
le développement durable, tout en tenant compte de la différence des situations
économiques, sociales, environnementales de chaque État et en respectant leur
souveraineté nationale. C’est un compromis entre les revendications divergentes des pays
développés et des pays en développement, les premiers souhaitant que soit adoptée
une brève déclaration réaffirmant la Déclaration de Stockholm (1972), qui a souligné
la nécessité de protéger la planète, les seconds voulant affirmer leur droit souverain au
développement tout en reconnaissant la responsabilité historique des premiers dans la
survenance des dérèglements écologiques, y compris du système climatique. Les premiers
ont une responsabilité historique dans le changement climatique : ils ont contribué à
cette dégradation depuis 1750, et ont la capacité financière et technologique de réduire
leurs émissions de gaz à effet de serre. Au nom de ce « droit au développement », ils
revendiquent qu’ils ne devraient être soumis à aucune obligation de résultat en termes
d’atténuation ou de surveillance, et devraient bénéficier, au nom de la solidarité, d’une
assistance financière et technique de la part des pays développés pour achever un
développement durable.
L’esprit de Rio est donc empreint d’universalisme, pour répondre à des défis globaux,
mais guidé par l’équité qui procède d’une inégalité de traitement, une différenciation
de droits et d’obligations à des fins « compensatrices », et qui se traduit par l’application
du principe des « responsabilités communes mais différenciées et des capacités
respectives »80 mentionné dans la Déclaration de Rio et les Conventions internationales
sur l’environnement adoptées à la fin du XXe siècle dans la foulée du Sommet de la Terre
à Rio81. Concrètement, l’application de ce principe engage les pays développés, en fait les
membres de l’OCDE en 1992, à être à l’avant-garde de la lutte contre les changements
climatiques, puisqu’ils ont pu se développer depuis la première révolution industrielle en
80
Principe 7 de la Déclaration de Rio : « Les États doivent coopérer dans un esprit de
partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité
de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de
l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les
pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en
faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur
l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent ».
81
CCNUCC, Article 3§1: « Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans
l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient,
en conséquence, aux pays développés Parties d’être à l’avant-garde de la lutte contre les
changements climatiques et leurs effets néfastes ». Un tel principe n’implique pas une
force contraignante, les États sont guidés inter alia par ce principe, c’est un moyen
d’interprétation des obligations juridiques qui leur incombent au titre de la Convention.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 115
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
rejetant sans contrainte ni limite des émissions de gaz à effet de serre, et à apporter
un soutien financier et technologique et un renforcement de capacités aux pays en
développement qui doivent se développer pour répondre aux besoins essentiels et
productifs de leurs populations tout en opérant une transition vers une économie
faiblement ou non-carbonée et résiliente aux impacts négatifs des changements
climatiques, en gardant à l’esprit qu’un certain nombre d’entre eux sont très vulnérables
à ces impacts.
124. Pour faciliter le transfert des technologies, en particulier des pays développés
vers les pays en développement, la mobilisation des ressources financières, l’échange
d’informations, le transfert de savoir-faire et le renforcement des capacités sont très
tôt considérés comme des moyens essentiels. Cela apparaît nettement dans les
déclarations successives de la communauté internationale sur le développement durable
(Déclaration de Rio en 199282, Agenda 21, Déclaration de Johannesburg en 200283,
Déclaration de Rio + 20 en 2012), qui font référence au transfert de technologies.
Tout particulièrement, le chapitre 34 de l’Agenda 21 consacre le volet « transfert des
technologies écologiquement rationnelles, coopération et création de capacités » comme
facteur essentiel du développement durable. Il pose les principes d’action, les objectifs,
les activités ainsi que le cadre du financement pour parvenir à ce que ces écotechniques
soient facilement accessibles et transférables84. Il faut que les pays en développement
puissent accéder aux techniques qui ne sont pas protégées par des brevets ou qui se
trouvent dans le domaine public (point 34.9), ou bien par la voie commerciale pour les
techniques protégées par les droits de propriété intellectuelle (points 34.10 et 34.11).
125. Sur cette base, de nombreuses clauses concernant l’accès aux technologies vont
être introduites dans les conventions et protocoles dans le domaine de l’environnement,
82
La Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement, en
1992, déclaration politique n’ayant pas de force juridique contraignante mais
faisant autorité auprès des gouvernements, aborde la question du transfert
de technologies et appelle les États à intensifier le renforcement des capacités
endogènes en matière de développement durable en améliorant la compréhension
scientifique par des échanges de connaissances scientifiques et techniques et en
facilitant la mise au point, l’adaptation, la diffusion et le transfert de techniques, y
compris de techniques nouvelles et novatrices (principe 9).
83
Le transfert de technologies est également abordé lors du Sommet mondial pour le
développement durable, à Johannesburg, en 2002, où les représentants insistent
pour que se crée une véritable coopération internationale dans le domaine du
transfert de technologies (A/CONF.199/20, Johannesburg, 2002, Introduction,
§ 4). Ce moyen est considéré comme une mesure essentielle dans l’élimination de
la pauvreté, la modification des modes de consommation et de production nonviables, l’accès à l’eau potable, la lutte contre la désertification, la protection de la
biodiversité biologique ou encore la gestion durable des forêts.
84
Les mesures d’appui doivent permettre « tant le transfert du savoir-faire technique
indispensable que la mise en place des capacités économique, technique et de
gestion en vue d’une utilisation efficace et du perfectionnement des techniques
transférées » (point 34.4).
de la santé et de la sécurité85. Mais chaque traité ou accord va prévoir des droits et des
obligations à la charge des États pour faciliter le transfert des technologies propres
d’une manière qui lui soit spécifique pour atteindre les objectifs définis par ledit traité ou
accord, sans se référer ni prendre en considération des mécanismes déjà mis en place par
ailleurs. Il en résulte que la coopération internationale pour le transfert et/ou l’accès aux
technologies devient rapidement fragmentée.
Par exemple, un Comité de la science et la technologie (CST) a été mis en place dans
le cadre de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification. Celuici promeut la coopération technologique et scientifique entre institutions nationales,
subrégionales et régionales par le biais de la collecte, de l’analyse et de l’étude de
données, ainsi que la mise à disposition des plus récentes connaissances et de conseils
scientifiques 86. Afin de renforcer la mise en œuvre de la Convention, la huitième
Conférence des Parties (Madrid, septembre 2007) a adopté le Plan-cadre stratégique
décennal (2008-2018) dans lequel elle a décidé que les sessions ordinaires du CST seront
à l’avenir essentiellement organisées sous la forme d’une conférence scientifique et
technique87, ce qui facilite l’échange d’informations avec les autres institutions.
Par ailleurs, l’article 16 de la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies de
1992 prévoit que chaque Partie contractante s’engage à assurer et/ou à faciliter l’accès
et le transfert de technologies à des conditions justes et favorables vers les pays en
développement. Pour ce faire, chaque Partie doit se doter d’un centre d’échanges pour
faciliter la coopération technique et scientifique et l’utilisation de mécanismes financiers.
De plus, il est précisé que « lorsque les technologies font l’objet de brevets et autres
droits de propriété intellectuelle, l’accès et le transfert sont assurés selon des modalités qui
reconnaissent les droits de propriété intellectuelle et sont compatibles avec leur protection
adéquate et effective »88. Les Parties ont tenu à souligner dans le paragraphe 5 de ce même
article que les brevets et autres droits de propriété intellectuelle s’exercent à l’appui et
non à l’encontre des objectifs prévus par la Convention sur la protection de la biodiversité.
85
Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels, Protocole à la
Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance,
relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique ;
Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance,
de 1979, relatif aux polluants organiques persistants ; Protocole à la Convention sur la
pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux métaux
lourds ; Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des
lacs internationaux ; Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières
de déchets dangereux et de leur élimination ; Convention sur la sûreté nucléaire ;
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ; Traité international sur les ressources
phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ; Convention des Nations Unies sur la
lutte contre la désertification ; Convention sur la diversité biologique.
86
Voir les articles 5, 18 et 21 de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification.
87
Annexe 13/COP8 - La troisième conférence scientifique internationale de la CNULCD,
sur le thème « combattre la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse
pour le développement durable et la réduction de la pauvreté : contribution de la science
et de la technologie, des connaissances et pratiques traditionnelles », aura lieu du 9 au
12 mars 2015 à Cancun (Mexique), au cours de la quatrième session spéciale du Comité
pour la Science et la Technologie (CST S-4) de la Convention des Nations Unies de lutte
contre la désertification (CNULCD).
88 Convention sur la diversité biologique, 1992, article 16 § 2.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 117
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
126. En outre, des programmes et agences des Nations Unies ont mis en place des
mécanismes dédiés au transfert de technologies (PNUD, PNUE, UN Habitat, ONUDI,
OMPI).
Ainsi, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a
mis en place les centres internationaux de technologie (ITS – 14 centres), créés afin de
promouvoir le développement industriel, ou encore les ITPOs, les bureaux de promotion
des investissements et de la technologie qui fournissent des services aux entrepreneurs
et institutions qui cherchent à former des alliances internationales dans l’investissement
industriel et la commercialisation des technologies (sept bureaux). Un autre programme
(SPXs) a été instauré dans le but d’aider les entreprises locales à relever les enjeux de la
mondialisation et profiter des opportunités émergentes de la sous-traitance industrielle
(vingt-deux centres). Enfin, un programme conjoint entre l’ONUDI et le PNUE, Centres
nationaux pour une production plus propre (CNPP), vise à assurer une utilisation rationnelle
des ressources et accroître la productivité industrielle grâce à une production plus propre.
Le programme fournit une assistance technique et aide les États dans l’élaboration de
politiques visant à favoriser les investissements dans le transfert de technologies propres.
127. Mais encore faut-il rappeler que l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
(OMPI) a lancé en 2010 la plate-forme « WIPO Green » (ou « OMPI verte »). Pensé comme
un lieu d’échange des offres de technologies écologiques et des besoins, ce programme
a été lancé dans le but d’accélérer l’adaptation, l’adoption et le déploiement des
technologies respectueuses de l’environnement (cf. cas pratique page 84). Cette plateforme permet aux acteurs privés et publics d’avoir des informations sur les technologies
propres disponibles. La consultation de la base de données est libre et comprend des
résumés des technologies et des besoins exprimés. La procédure permettant au
titulaire de déposer une technologie est simple : la technologie doit être respectueuse
de l’environnement au sens de la technologie écologiquement rationnelle retenue
par l’Agenda 21, le déposant doit expliquer les bénéfices pour l’environnement de sa
technologie et indiquer le domaine (classification IPC Green inventory – 2010), ainsi
que les droits de propriété intellectuelle qui couvrent sa technologie et les modalités de
transfert (licence de brevet, vente de produit fini, etc.).
L’Agence internationale de l’énergie a également lancé l’initiative multilatérale « Climate
Technology Initiative » (CTI) 89 dont la mission est de promouvoir la coopération
internationale dans le développement et la diffusion des technologies et pratiques
respectueuses du climat et écologiquement rationnelles.
89 Voir le site CTI.
128. Force est de constater que le cadre de la coopération internationale pour l’accès
aux technologies pour un développement durable est très fragmenté. Les instruments
et les mécanismes onusiens de soutien au transfert de technologies se sont multipliés,
et les initiatives sont rarement coordonnées en termes d’objectifs et de contenus. Le
mécanisme sur les technologies mis en place par la Convention-Cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques s’inscrit dans ce cadre foisonnant mais fragmenté.
1.2 Le déploiement des technologies propres
dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques
A. Les dispositions prévues par la CCNUCC
129. Inspirées par l’expérience du Protocole de Montréal, les Parties à la CCNUCC ont
souhaité mettre en place un dispositif visant à soutenir, par toutes les mesures possibles,
la coopération internationale pour encourager, faciliter et financer, selon les besoins, le
transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire écologiquement rationnels. Selon le
texte de l’article 4.5 de la CCNUCC, cette obligation incombe aux pays développés pour
le bénéfice des pays en développement. L’article 4.7 de la CCNUCC est venu préciser
que la mesure dans laquelle les pays en développement s’acquitteront effectivement
de leurs engagements au titre de la Convention dépendra de l’exécution efficace par
les pays développés de leurs propres engagements en ce qui concerne les ressources
financières et le transfert de technologies, et tiendra pleinement compte du fait que le
développement économique et social et l’éradication de la pauvreté sont les priorités
premières et essentielles des pays en développement. Ces engagements sont repris dans
des dispositions similaires du Protocole de Kyoto (articles 10 c) et 11).
130. Dans ce cadre tel que posé par le texte même de la CCNUCC, aucune définition n’est
donnée de ce que recouvre le transfert de technologies, qui est d’abord envisagé à partir
des moyens, notamment financiers, à mettre en œuvre pour le réaliser. C’est le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui tentera de le définir
comme un « vaste ensemble de processus qui concernent l’échange de connaissances,
d’expérience et de biens entre les différentes parties prenantes et qui favorisent l’adaptation
aux changements climatiques ou l’atténuation de leurs effets ».
Vu sous cet angle, le transfert de technologies est un concept très large qui comprend
la diffusion de la technologie et la coopération technologique sur le plan national et
international entre pays développés, pays en développement, mais également pays dont
l’économie est en transition. Il intègre un processus de compréhension, d’utilisation et
de reproduction de la technologie en tenant compte des conditions locales de manière à
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 119
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
s’y adapter et à intégrer la technologie aux techniques autochtones. Il s’agit donc
d’un concept qui dépasse la dimension intellectuelle et matérielle pour embrasser les
capacités, le savoir-faire, les politiques et les institutions.
131. La CCNUCC crée une obligation pour les pays du Nord de soutenir financièrement
les pays du Sud pour leur permettre d’accéder aux technologies en matière d’atténuation
et d’adaptation. Dans un premier temps, la Conférence des Parties à la Convention a
tout d’abord chargé le Fonds pour l’environnement mondial (FEM, organisme financier
indépendant depuis 1994 et initialement crée par la Banque mondiale, le PNUD et le
PNUE) le soin d’administrer le mécanisme financier de la CCNUCC conformément à
son article 11. En 2010, lors des accords de Cancun, les Parties ont décidé de créer le
Fonds vert pour le climat90 et l’ont désigné comme entité opérationnelle du mécanisme
financier de la Convention. Officiellement établi à Durban (Déc.3/COP17), le Fonds
vert devient opérationnel avec des promesses de plus de 10 milliards de dollars après
la 20e Conférence des Parties à la CCNUCC qui s’est tenue à Lima en décembre 2014.
Il a vocation à devenir à terme le principal véhicule pour le financement multilatéral
des mesures d’atténuation et d’adaptation, y compris pour le transfert et l’accès aux
technologies et savoir-faire écologiquement rationnels.
La coopération bilatérale reste encore aujourd’hui la principale source du financement
du transfert de technologies propres vers les pays en développement. Par exemple,
l’Agence française de développement (AFD), « opérateur pivot » du dispositif français
d’aide publique au développement (APD), finance de multiples projets dans les pays en
développement en matière de transfert de technologies.
90
Le Fonds vert pour le climat est composé paritairement des représentants des pays
en développement et des pays développés. Récemment, lors de la Conférence des
Parties à Lima en décembre 2014, le fonds a dépassé le seuil des 10 milliards de
dollars, alors que les États s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par
an d’ici 2020.
cas pratique
AFD : Acteur majeur des engagements financiers français
bilatéraux vis-à-vis des pays en développement
Avec plus de 7 milliards d’euros de financements octroyés entre 2009 et 2011,
il se place comme l’un des acteurs internationaux majeurs du climat, avec environ
10 % des financements publics internationaux. L’un des piliers structurant le plan
d’actions 2012-2016 est de s’engager de façon pérenne en faveur de la lutte contre
le changement climatique en octroyant 50 % des octrois annuels de son champ
d’intervention aux pays en développement.
Par exemple, dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, qui concentrent
l’essentiel des enjeux en termes d’émission de gaz à effet de serre dans les pays en
développement, les interventions « climat » de l’AFD sont principalement centrées sur
les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans des domaines tels que les
transports urbains, les collectivités locales, les forêts et l’agriculture.
B. Le transfert de technologies dans le Protocole de Kyoto
L’article 10 c) du Protocole de Kyoto reprend dans les grandes lignes l’article 4.5 de la
CCNUCC mais vient préciser que le transfert de technologies, en particulier au profit
des pays en développement, passe notamment par l’élaboration de politiques et de
programmes visant à assurer efficacement le transfert de technologies écologiquement
rationnelles « appartenant au domaine public ou relevant du secteur public » et
l’instauration d’un environnement porteur pour le secteur privé « afin de faciliter et de
renforcer l’accès aux technologies écologiquement rationnelles ainsi que leur transfert ».
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 121
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
132. Le Mécanisme pour un développement propre (MDP)91, qui est un instrument
de flexibilité prévu par l’article 12 du Protocole de Kyoto, a été conçu pour stimuler le
transfert de technologies par le secteur privé. Il fonctionne de la manière suivante : les
pays industrialisés financent des projets de réduction ou d’évitement des émissions de
GES dans des pays en développement (qui, eux, n’ont pas d’obligations contraignantes
en matière d’atténuation dans le cadre du Protocole de Kyoto) et peuvent en contrepartie
obtenir des crédits d’émissions qu’ils peuvent utiliser pour atteindre leurs propres objectifs
d’émissions. Les pays en développement bénéficient eux de technologies avancées
d’atténuation, notamment parce que les réductions d’émissions réalisées par chaque
projet doivent être additionnelles par rapport au niveau des émissions qui auraient été
générées en l’absence du projet éligible au titre de ce mécanisme MDP.
Toutefois, après plus de dix ans d’expérience de plus 5 000 projets MDP, les effets en
termes de transfert de technologies sont contrastés, pour ne pas dire contestés, avec un
taux de transfert de technologies finalement assez faible92 et limité à l’atténuation. Cette
expérience a démontré la nécessité d’aller plus loin dans la mise en place de mécanismes
de transfert de technologies propres d’atténuation et d’adaptation (cf. E page 130).
C. L’évaluation des besoins en technologies, une étape préalable
pour l’accès aux technologies d’atténuation et d’adaptation
133. Lors de la 4e Conférence des Parties (COP4, Buenos Aires, décembre 1998), les
Parties ont adopté le « Plan d’action de Buenos Aires » pour opérationnaliser l’article
4.5 de la CCNUCC. Ce plan demande notamment à l’Organe subsidiaire de conseil
scientifique et technologique de la CCNUCC (plus connu sous le nom de « SBSTA » en
anglais) de formuler des recommandations afin de parvenir à un accord sur un cadre pour
des « actions judicieuses et efficaces tendant à renforcer le transfert de technologies »93. Ce
cadre sur les transferts de technologies a été arrêté lors de la septième Conférence des
91
Article 12 du Protocole de Kyoto :
(...) 2. L’objet du mécanisme pour un développement « propre » est d’aider les
Parties ne figurant pas à l’annexe I à parvenir à un développement durable ainsi
qu’à contribuer à l’objectif ultime de la Convention, et d’aider les Parties visées à
l’annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de
leurs émissions prévus à l’article 3.
3. Au titre du mécanisme pour un développement « propre » : a) Les Parties ne
figurant pas à l’annexe I bénéficient d’activités exécutées dans le cadre de projets,
qui se traduisent par des réductions d’émissions certifiées ; b) Les Parties visées à
l’annexe I peuvent utiliser les réductions d’émissions certifiées obtenues grâce à
ces activités pour remplir une partie de leurs engagements chiffrés de limitation
et de réduction des émissions prévus à l’article 3, conformément à ce qui a été
déterminé par la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au
présent Protocole. (…)
5. Les réductions d’émissions découlant de chaque activité sont certifiées par des
entités opérationnelles désignées par la Conférence des Parties agissant en tant
que réunion des Parties au présent Protocole, sur la base des critères suivants :
a) participation volontaire approuvée par chaque Partie concernée ; b) avantages
réels, mesurables et durables lies à l’atténuation des changements climatiques ;
c) réductions d’émissions s’ajoutant à celles qui auraient lieu en l’absence de
l’activité certifiée. (...)
92
68 % en 2006, 42 % en 2007, 32 % en 2008, 30 % en 2009 et 29 % en 2010
(UNFCCC, 2011).
93 Déc. 4/ COP4, §9 : Mise au point et transfert des technologies.
Parties en 2001, et fait partie intégrante des accords de Marrakech 94. Les Parties
soulignent que le succès d’un transfert de technologies écologiquement rationnelles
dépend de « l’adoption aux niveaux national et sectoriel d’une démarche intégrée, impulsée
par les pays » qui requiert une coopération multilatérale entre les divers partenaires des
secteurs publics et privés, des institutions bilatérales et multilatérales, des organisations
non-gouvernementales ainsi que des instituts de recherche.
134. Le cadre ainsi défini repose sur l’adoption d’un processus consultatif sur cinq
thèmes :
—— la détermination et l’évaluation des besoins en matière de technologies ;
—— l’information technologique ;
—— la création d’un environnement propice ;
—— le renforcement des capacités, ;
—— les mécanismes relatifs au transfert de technologies, notamment l’établissement
du Groupe d’experts sur les transferts de technologies (GETT)95.
Au cœur de ce cadre, on trouve l’évaluation des besoins technologiques, qui a pour objet
d’aider à déterminer et à analyser les priorités en matière de technologie pour pouvoir
déterminer des projets propres à faciliter le transfert de technologies et de savoir-faire.
Les pays en développement sont encouragés à faire ces évaluations et à constituer des
dossiers96 sur la base d’une méthodologie commune (guide pratique97).
94
Déc. 4/COP7, Mise au point et transfert de technologies
(décisions 4/COP4 et 9/COP5).
95
Décision 4/COP7 - Annexe - Cadre pour la mise en œuvre d’actions judicieuses et efficaces
propres à renforcer l’application du paragraphe 5 de l’article 4 de la Convention.
96
Chaque pays doit déterminer une entité nationale en charge de coordonner l’évaluation
des besoins technologiques et soumet ses résultats dans ses communications nationales
au secrétariat. L’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique les examine
régulièrement. Actuellement, 31 pays en développement ont réalisé entièrement leurs
évaluations en besoins technologiques, et 85 pays ont entamé un tel processus. À titre
d’exemple, en Afrique : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Mali, la Mauritanie, le Maroc,
le Rwanda, le Sénégal, le Soudan et la Zambie l’ont réalisé. (TNA Flyer, March 2014,
UNFCCC, Produced by Finance, Technology and Capacity-building Programme of the
UNFCCC).
97
Pour assister les pays, le PNUD, en collaboration avec l’Initiative sur les technologies
climatiques (Climate Technology Initiative, CTI), le Groupe d’experts sur le transfert de
technologies (GETT) et le Secrétariat de la CNUCC ont rédigé un manuel de réalisation
d’évaluations des besoins technologiques pour le changement climatique.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 123
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
Les étapes clés de la procédure d’évaluation
des besoins technologiques
Objectif d’ensemble
Identification des options technologiques appuyant des filières de développement
à faible émission et vulnérabilité
Durée totale : 8 à 24 mois, selon les ressources
Organisation
de l’évaluation
Hiérarchisation
Priorités de
des (sous-)
développement
secteurs
Hiérarchisation
des
technologies
Organiser
des ateliers
Donner
une priorité
aux mesures
dans la filière
Discuter des
objectifs et des
priorités de
développement Décrire
le système
et prendre
ou marché
des décisions
en place
Créer des
Identifier
groupes
d’intervenants les mesures
à prendre pour
surmonter les
Décider quels
obstacles et
types de
transferts sont les blocages :
les structurer
nécessaires
par catégories
principales
Évaluer
en détail
les mesures
en faveur de
l’innovation
technologique
au titre
des catégories
principales
Créer
des filières
technologiques
Élaboration
d’une stratégie
et d’un plan
national
d’action
Cumul
des mesures
pour les filières
du (sous-)
secteur et
Décrire chaque la stratégie
mesure
nationale
prioritaire selon et réassigner
l’encadré 6-3
les priorités
pour élaborer
un plan
Créer une
d’action
stratégie
combinée
avec un plan
d’action
à mettre
en œuvre
Stratégie
nationale et
plan d’action
afin d’accélerer
l’innovation
technologique
Filières et
plans d’action
(sous-)
sectoriels
Contribution
aux plans de
changement
climatique
et de
développement
du pays
Contribution au
renforcement
de capacité
d’innovation
pour
l’atténuation
et l’adaptation
Outils d’appui : TNAssess & Climate TechWiki
Source : UNDP, Guide TNA, 2010
D. Le renforcement des capacités
135. Le renforcement des capacités est un axe central de la coopération internationale
pour le transfert de technologies propres. Il permet aux pays en développement de
consolider, d’étoffer et d’améliorer leurs compétences, leurs capacités et leurs structures
scientifiques et techniques. Il s’agit de renforcer les activités comme la formation
à l’utilisation des technologies propres, l’amélioration des compétences en vue de
l’adoption, de l’adaptation, de la mise en service, de l’exploitation et de la gestion de
technologies, autant d’activités qui participent à la transmission du savoir-faire.
136. Au niveau de la coopération française, la nouvelle agence d’expertise technique
internationale, Expertise France, ainsi que l’Institut national de la propriété intellectuelle
participent au renforcement des capacités techniques par le transfert d’expertise et de
savoir-faire.
cas pratique
La coopération multilatérale et bilatérale de l’INPI
L’INPI (Institut national de la propriété industrielle) coopère avec ses homologues
étrangers dans la lutte contre la contrefaçon (actions de coopération en vertu de
l’article R. 411-1 du Code de la propriété intellectuelle relatif à l’organisation de l’INPI).
Dans un cadre bilatéral, l’INPI axe son action dans trois domaines :
1) signature d’accords bilatéraux de coopération technique avec une trentaine de
pays de tous les continents. L’INPI intervient dans plusieurs domaines : échange
d’information et diffusion des bonnes pratiques, organisation de formations
sur des points juridiques précis, organisation de séminaires et ateliers sur les
questions de contrefaçon, règlement des contentieux ;
2) mise en place d’un réseau international de l’INPI dans les services économiques
des ambassades des pays dits « sensibles ». Les experts informent les entreprises
sur la meilleure façon de protéger leurs produits, suivent les accords de
coopération, mettent en place un catalogue des secteurs les plus affectés par
la contrefaçon ;
3) a ctions de coopération « hors accord » : l’INPI reçoit régulièrement des
délégations étrangères pour les sensibiliser à toutes les problématiques de la
propriété industrielle :
—— dans un cadre multilatéral, l’INPI participe à des missions d’expertise, à des
séminaires organisés par l’OHMI (Office de l’harmonisation dans le marché
intérieur), l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle),
—— dans le cadre du Fonds français, l’INPI forme chaque année des agents
des administrations des pays émergents à la propriété intellectuelle et aux
problématiques liées à la contrefaçon. Par exemple, l’INPI a coorganisé avec
l’OMPI, l’OMD et Interpol le Congrès mondial de lutte contre la contrefaçon
à Paris en 2010.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 125
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
Coopération technique par Expertise France
(inaugurée en janvier 2015)
Via un large réseau d’experts publics et privés, Expertise France accompagne les
administrations et collectivités locales dans l’intégration des coûts et opportunités des
changements climatiques dans leurs stratégies et programmes d’actions.
Expertise France met en œuvre, par exemple, un projet de renforcement des capacités
en Afrique pour la définition de politiques nationales intégrant les changements
climatiques dans quatre pays : Kenya, Ouganda, Gabon, Bénin – 3 millions d’euros sur
financement AFD-FFEM.
137. Les pays développés sont tenus de communiquer des informations sur les mesures
prises pour promouvoir le transfert de technologies et soutenir le développement et le
renforcement des capacités des pays en développement. Une compilation des activités
menées par les pays développés est accessible sur le portail de la Convention climat98
grâce au système TT:CLEAR qui centralise toutes les informations99.
98
Compilation et synthèse des activités de transfert de technologies - 5e rapport
des Communications Nationales - Bonn, juin 2011.
99
Le système TT:CLEAR a été proposé en 2001 par le Secrétariat en tant que
prototype. Lors de la Conférence des Parties à Buenos Aires, les Parties ont
encouragé le Secrétariat à poursuivre son projet pilote (Dec 6/COP10).
Renewables = 41,3%
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Solar
Hydro
Wind
Biomass
Biogas
Biofuels
Geothermal
Solar thermal
Kinetic hydro
Unspecified RET
Fossil fuels
Oil &gas infrastructure
Nuclear
CHP
CCS
Buildings&residential
Energy-efficiency
Commercial
Standards and labelling
Minerals and metals
Forestry
Agriculture
Waste
Miscellaneous
Systematic observation and monitoring
Disaster risk reduction
Water supply ans sanitation
Adaptation strategies
Coastal zone management
Emergency assistance
Miscellaneous
Per cent of the projects
Energy = 55,4%
Mitigation = 81,5%
Adaptation = 13%
Cross-cutting = 5,4%
Miscellaneous = 7,6%
Waste = 1%
Agriculture = 3,3%
Forestry = 9,8 %
Industry = 4,3%
Energy efficiency = 6,5%
Others = 3,2%
Fossil fuels = 4,3%
Répartition par secteur et par technologie des programmes
et projets de transfert de technologies communiqués
par les Parties de l’annexe II
Source : Compilation et synthèse des activités menées - 5e communication nationale - 2011
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 127
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
E. Le Mécanisme technologique de la CCNUCC
138. Dans le Plan d’action de Bali, qui visait à structurer la négociation d’un accord sur le
climat pour l’après 2012100, il était proposé aux Parties de développer des « mécanismes
efficaces et des moyens renforcés pour lever les obstacles et fournir des incitations financières
et autres à une montée en puissance des activités de mise au point de technologies et de
leur transfert vers les pays en développement Parties dans le but de promouvoir l’accès à des
technologies écologiquement rationnelles d’un coût abordable ». En décembre 2009, lors de
la Conférence de Copenhague, les Parties sont convenues de créer un « Mécanisme sur
les technologies », qui sera formellement adopté sous les auspices de la CCNUCC dans le
cadre des accords de Cancun en 2010.
De facto, l’instauration de ce mécanisme met fin au mandat du Groupe d’experts sur
les transferts de technologies (GETT) qui avait été mis en place à Marrakech en 2001.
Ce mécanisme, placé sous l’autorité et la direction de la Conférence des Parties101, est
chargé d’accélérer la mise au point d’un transfert de technologies à l’appui des mesures
d’adaptation et d’atténuation102. Il se compose d’un comité exécutif de la technologie
(CET) et d’un centre et un réseau des technologies climatiques (CRTC). L’agencement,
l’organisation, les procédures de ces deux entités seront définies au fur et à mesure par
les COP (COP16 Cancun ; COP17 Durban ; COP18 Doha ; COP19 Varsovie et COP20 Lima).
139. La mission du CET est d’élaborer et soumettre à la COP des orientations et des
recommandations politiques permettant de promouvoir le développement et le transfert
des technologies afin de rendre le mécanisme plus opérationnel (voir encadré page 134).
L’objectif du CRTC consiste à stimuler la coopération technologique et apporter aux
pays en développement, en fonction de leur demande, une assistance conforme à leurs
capacités respectives et à leurs situations et priorités nationales, afin de les rendre mieux
à même de recenser leurs besoins technologiques, de faciliter l’élaboration et la mise en
œuvre de projets et stratégies technologiques (voir encadré page 132).
Lors de la 20e Conférence des Parties à Lima (COP20, décembre 2014), les Parties
ont accueilli favorablement le dernier rapport conjoint remis par le CET et CRTC 103
qui réaffirme avec force que la mise au point, l’accès et le transfert des technologies
jouent un rôle central dans la lutte contre les changements climatiques tant pour
l’adaptation que pour l’atténuation. Ils recommandent principalement, pour
100 Déc. 1/COP13 Plan d’action de Bali.
101Ces deux centres doivent rendre des comptes régulièrement aux Parties par
l’intermédiaire de ses organes subsidiaires de leurs activités respectives et de
l’accomplissement de leurs fonctions respectives, Décision 1/COP16, par. 126.
102 Déc. 2 / COP15.
103 FCCB/SB/2014/3, par. 11 et 53.
améliorer le cadre, qu’un appui financier soit plus durable et prévisible afin de garantir
le fonctionnement efficace du Mécanisme technologique, et que le processus
d’évaluation des besoins soit renforcé et intègre davantage les aspects économiques,
environnementaux et sociaux dans l’évaluation réalisée.
mécanisme technologique (CCNUCC)
Source : Portail de la Convention climat, 2015
140. Le Mécanisme technologique n’est pas l’unique système à faciliter le transfert des
technologies, d’autres mesures liées au cycle technologique ont été mises en place par
les organisations des Nations Unies104 (voir le tableau page 136).
104« Technology development and transfer for climate change : a survey of activities by
United Nations system organizations », Département des affaires économiques et sociales
et ONUDI, document de travail, 2010.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 129
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
Le Comité exécutif de la technologie (CET)
Fonctions (Déc.1/COP16)
a) Fournir un aperçu des besoins technologiques et des analyses des questions
de politique générale et des questions techniques liées à la mise au point et au
transfert de technologies d’atténuation et d’adaptation.
b) Étudier et recommander des mesures propres à promouvoir la mise au point
et le transfert de technologies afin d’accélérer l’action engagée en matière
d’atténuation et d’adaptation.
c) Recommander des orientations relatives aux politiques et aux programmes
prioritaires de mise au point et de transfert de technologies, une attention
particulière étant accordée aux pays les moins avancés.
d) Promouvoir et faciliter la collaboration dans le domaine de la mise au point
et du transfert de technologies d’atténuation et d’adaptation entre les
gouvernements, le secteur privé, les organisations sans but lucratif et les milieux
universitaires et de la recherche.
e) Recommander des mesures pour surmonter les obstacles à la mise au point et au
transfert de technologies afin de rendre possible une action renforcée en matière
d’atténuation et d’adaptation.
f) Chercher à instaurer une coopération avec les initiatives, les parties prenantes et
les organisations compétentes en matière de technologie au niveau international
et promouvoir la cohérence et la coopération entre les activités relatives à la
technologie, que ces activités s’inscrivent ou non dans le cadre de la Convention.
g) Stimuler l’élaboration et l’utilisation de feuilles de route ou de plans d’action
pour la technologie aux niveaux international, régional et national par la
coopération des parties prenantes concernées, notamment les gouvernements
et les organisations ou organes compétents, y compris l’élaboration de lignes
directrices relatives aux meilleures pratiques en tant qu’outils propres à faciliter
les mesures d’atténuation et d’adaptation.
Composition (Déc.4/COP17 - 2012)
Le Comité exécutif de la technologie est composé de vingt membres experts élus par
la Conférence des Parties :
—— neuf membres originaires de Parties visées à l’annexe I de la Convention ;
—— trois membres originaires de chacune des trois régions auxquelles appartiennent
les Parties non-visées à l’annexe I de la Convention, à savoir l’Afrique, l’Asie et le
Pacifique, et l’Amérique latine et les Caraïbes ; un membre originaire d’un petit
État insulaire en développement, et un membre originaire d’un des pays les
moins avancés.
Procédure et modalités de fonctionnement (Déc 4 / COP17)
1) Analyse et synthèse : le CET devra produire régulièrement des perspectives
technologiques ; collationner, recueillir et synthétiser toutes sortes d’informations
sur les travaux de recherche-développement technologique et d’autres activités
liées à la technologie provenant de diverses sources.
2) Recommandations pratiques : il s’agit de recommander les mesures propres
à promouvoir la mise au point et le transfert de technologies et à éliminer les
obstacles ainsi que de recommander des orientations pour les politiques et
programmes prioritaires de mise au point et le transfert de technologies.
3) Facilitation et stimulation : il s’agit pour le CET d’organiser des ateliers et
forums visant à accroître les expériences, d’établir un inventaire des activités de
collaboration en cours et concevoir des feuilles de route et des plans d’action
pour la technologie.
4) Liens avec d’autres dispositifs institutionnels.
5) M obilisation des parties prenantes : il s’agit de faire participer les parties
prenantes (organismes publics, le monde des affaires, les milieux universitaires,
et les organisations non-gouvernementales) aux forums et réunions.
6) Information et partage des connaissances : faciliter le partage des connaissances
par une plate-forme d’information fonctionnelle et mettre à niveau le système
TT:CLEAR.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 131
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
Centre et Réseau des technologies climatiques (CRTC)
Fonctions (Dec.1/COP16)
Le Centre des technologies climatiques facilite la mise en place d’un réseau
d’organisations, initiatives et réseaux technologiques nationaux, régionaux, sectoriels
et internationaux. Il est hébergé par le PNUE (Programme des Nations Unies pour
l’environnement) (Déc. 14/COP18).
a) À la demande d’un pays en développement partie :
i) fournir des conseils et un soutien en vue de la détermination des besoins
technologiques et de l’application de technologies, pratiques et procédés
écologiquement rationnels ;
ii) faciliter la fourniture de renseignements, d’une formation et d’un appui
en faveur de programmes visant à mettre en place ou à renforcer dans les
pays en développement les capacités requises pour identifier les options
technologiques, faire des choix, et exploiter, actualiser et adapter la
technologie ;
iii) faciliter une prompte action concernant le déploiement des technologies
actuelles dans les pays en développement Parties en fonction des besoins
mis en évidence.
b) Stimuler et encourager, par une collaboration avec le secteur privé, les institutions
publiques, les universités et les instituts de recherche, la mise au point et le
transfert des technologies écologiquement rationnelles existantes ou nouvelles,
ainsi que les possibilités de coopération technologique Nord-Sud, Sud-Sud et
triangulaires.
c) Faciliter le fonctionnement d’un réseau de centres, réseaux, organisations et
initiatives technologiques nationaux, régionaux, sectoriels et internationaux aux
fins suivantes :
i) favoriser la coopération avec les centres technologiques nationaux,
régionaux et internationaux et les institutions nationales compétentes ;
ii) faciliter les partenariats internationaux entre les parties prenantes publiques
et privées pour accélérer l’innovation et la diffusion de technologies
écologiquement rationnelles vers les pays en développement Parties ;
iii)fournir, lorsqu’un pays en développement partie le demande, une assistance
technique et une formation sur place pour soutenir des mesures relatives aux
technologies identifiées dans les pays en développement Parties ;
iv)s timuler la mise en place d’accords de jumelage entre centres pour
promouvoir les partenariats Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaires en vue
d’encourager la coopération en matière de recherche-développement ;
v) définir, diffuser et aider à mettre au point des outils d’analyse, des politiques
ainsi que les meilleures pratiques pour une planification impulsée par les pays
à l’appui de la diffusion de technologies écologiquement rationnelles.
d) Entreprendre les autres activités qui peuvent se révéler nécessaires pour
s’acquitter de ses fonctions.
Mission et responsabilités (Annexe VII de la décision 2/COP17)
Le Centre des technologies climatiques gère les demandes reçues par des pays en
développement Parties et les réponses qui leur sont données, et collabore avec le
Réseau à cette fin.
Le Centre des technologies climatiques répond aux demandes reçues des pays en
développement Parties directement ou par le biais des organisations compétentes
participant au Réseau qu’il aura identifiées avec les pays en développement Parties
concernés :
a) reçoit et évalue les demandes, les précise et leur donne un rang de priorité en
collaboration avec l’entité nationale désignée afin de déterminer leur faisabilité
technique ;
b) répond aux demandes, soit lui-même soit par l’intermédiaire du Réseau, de
manière à utiliser au mieux les capacités et les compétences conformément à
ses modalités de fonctionnement et procédures approuvées.
Au mois d’octobre 2014, 96 pays disposaient d’une autorité nationale désignée
(nécessaire pour agrandir le réseau), dont 14 Parties visées à l’annexe I de la
Convention (Parties visées à l’annexe I) et 82 Parties non-visées à l’annexe I de la
Convention (Parties non-visées à l’annexe I).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 133
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
cas pratique
Activités engagées dans le transfert de technologies par les organisations Organisation
Évaluation des besoins
technologiques
UN-DESA
Information
technologique
- Développement
d’indicateurs pour
le développement,
incluant ceux pour
le TT.
- Évaluation de la mise
en œuvre des objectifs
dans le cadre des
OMD.
Établissement d’un environnement
propice
- Appui à l’intégration du changement
climatique (CC) dans les plans
nationaux de DD.
- Documentation sur le TT dans le
cadre du CC.
- Publication sur les problèmes et
solutions CC.
- Plate-forme pour les partenaires
sur le DD.
PNUD
- S ervices pour assister les
pays dans la préparation
de leurs évaluations.
-G
uide pratique pour
l’évaluation des besoins
technologies.
- Appui pour la préparation du
programme d’action national
d’adaptation au CC (NAPA).
PNUE
- Évaluation des impacts
et des programmes
d’adaptation dans le
cadre du CC.
-A
ppui dans la préparation
des évaluations des besoins
technologiques.
- Appui pour la préparation du
programme d’action national
d’adaptation au CC (NAPA).
CNUCED
Banque
mondiale
ONUDI
- Réunions d’experts sur
- Réunions d’experts sur le commerce
les énergies renouvelables. et le changement climatique.
- S ervices pour assister les
États dans la préparation
des évaluations des besoins
technologiques.
- Outils et plate-forme sur
la diffusion des
technologies propres.
- Appui au développement sur la
norme énergétique internationale.
des Nations Unies dans le cadre du changement climatique
Renforcement des capacités
Mécanisme pour le transfert
des technologies
- Participation dans les ateliers/conférences
sur le thème des TT.
- Renforcement des capacités pour le TT.
-Aide à la mise en place des projets MDP.
- Enseignement sur le Fonds pour l’environnement
mondial (FEM).
- Portfolio sur les programmes d’adaptation au CC et
enseignement du fonctionnement.
- Appuie le programme UN-REDD.
- Appuie le TT dans le cadre du CC.
- Expertise technique sur les projets de DD.
- Participation en tant que partenaire sur le thème du TT.
- Renforcement des capacités pour le TT.
- Aide à la mise en place des projets MDP.
- Enseignement sur le Fonds pour l’environnement
mondial (FEM).
- Réseau sur l’adaptation au CC.
- Programme sur l’énergie et le financement Carbone.
- Initiative REDD.
- Développement des projets respectueux de
l’environnement (EST) à travers des ateliers/
programmes.
- Guide sur le MDP.
- Enseignement sur les biocarburants.
- Renforcement des capacités dans les projets
respectueux de l’environnement (projet EST).
- Renforcement des capacités dans les projets MDP.
- Enseignement sur le FME et sur le fonds pour les
pays les moins développés (LDCF).
- Établissement d’un fonds carbone.
- Fonds d’investissement climatique (FIC).
- Programme sur la technologie et le climat.
- Renforcement des capacités dans les projets ESTS
et MDP.
- Plate-forme Platech pour le développement de la
science et des parcs technologiques.
- Publications et manuels sur le TT.
- Centre sur la coopération Sud/Sud.
- Pôle sur la technologie internationale.
- Réseau sur l’investissement et la promotion des
technologies.
- Soutien technique dans les projets respectueux de
l’environnement.
Source : Département des affaires économiques et sociales et Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, 2010
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 135
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
F. Sur le savoir-faire
141. Les deux premières parties de cet ouvrage ont mis en évidence l’importance
du savoir-faire et de sa diffusion dans l’accès aux technologies propres. C’est tout
particulièrement le cas pour lutter contre le changement climatique. Le savoir-faire est
incidemment diffusé quand les pays développés renforcent les capacités ou participent à
la diffusion de l’information technologique dans les pays en développement. Cela repose
sur une définition large de la notion de savoir-faire, qui recoupe autant la formation
du personnel que l’assistance technique qui peut être apportée dans le cadre de la
coopération bilatérale ou multilatérale. Concernant la diffusion du savoir-faire, cet aspect
peut être l’objet principal de la coopération ou bien un outil accessoire à la réalisation d’un
projet d’adaptation ou d’atténuation aux changements climatiques.
Il existe de nombreux exemples de coopération bilatérale qui illustrent bien cette
approche. Ainsi, l’Autriche, dans le cadre d’un programme de gestion durable des
ressources naturelles en Éthiopie, transmet un savoir-faire en matière de gestion des
pâturages, du fumier ou encore de l’équipement de production de biogaz105. Également,
dans le programme système géothermique Kocani, l’Autriche a fait parvenir à la Macédoine
son savoir-faire en matière de production combinée de chaleur et d’électricité106.
Dans le cadre du programme d’adaptation aux changements climatiques, la Suisse
souhaite renforcer les capacités des gouvernements locaux et des communautés
péruviennes. Ce projet pilote initié depuis 2008 vise à améliorer le système en termes
d’accès aux informations, d’interprétation des données et de stratégies d’adaptation.
À cet égard, la Suisse transmet son savoir-faire scientifique sur les prévisions des
changements climatiques, la collecte, l’établissement d’un système d’information et la
modélisation des données107.
Ou encore, pour contribuer à la réduction des émissions de CO2 et de la consommation
d’énergie dans le secteur énergétique en Afrique du Sud, la Suisse diffuse son savoir-faire
en matière de production et d’utilisation de matériaux énergétiques efficaces dans la
construction de bâtiments à travers l’établissement de partenariats entre l’Afrique du Sud
et des instituts de recherche suisses. La Suisse veille également à ce qu’une coopération
Sud-Sud en matière de transfert de technologies et de savoir-faire se mette en place afin
que ce projet soit une réussite108.
105Coopération bilatérale Autriche-éthiopie dans le secteur de l’agriculture,
programme mis en place depuis 2008, 7,68 millions de dollars.
106Coopération bilatérale Autriche-Macédoine dans le secteur de l’approvisionnement
d’énergie, programme mis en place depuis 1998, 2,3 millions de dollars.
107Coopération bilatérale Suisse-Pérou dans le secteur de la gestion des ressources en
eau, sécurité alimentaire et gestion des risques, 2008-2011, 4,9 millions de francs
suisses pour la mise en œuvre du programme et 1,12 million de francs suisses
pour le transfert de savoir-faire scientifique.
108Coopération bilatérale Suisse-Afrique du Sud dans le secteur de la construction,
2008-2013, 16 millions de francs suisses.
142. L’analyse de la compilation des activités menées par les pays développés montre
que la diffusion du savoir-faire est envisagée plutôt dans le cadre de la coopération
bilatérale. Cette caractéristique semble assez logique puisqu’il s’agit de faire parvenir des
informations techniques à une entreprise réceptrice par un émetteur bien déterminé.
Notons également que la transmission du savoir-faire en tant que telle n’est pas
automatiquement prévue. Cependant, cette constatation ne doit pas être interprétée
comme un défaut ou une faiblesse de la coopération internationale et bilatérale dans ce
domaine puisque, comme nous l’avons souligné, la diffusion du savoir-faire est répartie
dans les différents domaines d’action envisagés par le cadre.
Constat n° 13
La préoccupation de permettre l’accès des pays en développement aux technologies
respectueuses de l’environnement est devenue omniprésente dans le cadre des
négociations internationales sur l’environnement et le climat.
Les initiatives sont nombreuses mais trop morcelées, ce qui nuit à leur efficacité.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 137
2
L’indispensable amélioration
du cadre de la coopération
soutenant l’accès aux technologies propres
2.1 L’innovation, clé d’un déploiement des technologies
propres à grande échelle
143. L’innovation est souvent définie comme la création d’une nouvelle technologie
plus performante, plus raffinée ou mieux adaptée aux besoins des consommateurs.
L’innovation doit se distinguer de l’absorption qui consiste à obtenir une compréhension
suffisante d’une technologie développée ailleurs pour pouvoir l’appliquer – sans
changement significatif – dans un nouveau contexte local. Une absorption réussie
nécessite un investissement sérieux de la part de l’entreprise ou du pays recherchant la
nouvelle technologie.
L’innovation technologique peut être améliorée dans le cadre de ce que l’on peut
schématiser comme un système, qui a d’abord été pensé au niveau national (voir le
graphique ci-contre). Cependant, un tel système national d’innovation ne fonctionne
que s’il obéit à certains facteurs et seulement si certaines circonstances sont réunies :
par exemple, une interaction entre le pôle recherche & développement du système
universitaire et le secteur privé (grandes et petites entreprises), des dispositions juridiques
et institutionnelles et un cadre institutionnel soutenant les entreprises.
Figure 1 : the benchmark NIS Model
Demand
Consumers and producers
Framework conditions
Financial rules
Firms
Taxes
Mobility of labor
Large firm
(multi-national)
International incentives
SMEs
Entrepreneurship
Rules
Spin-offs
Interaction
Policy Research
Organizations
Knowledge brokers
Education
& research
system
Vocational
training
Universities
Public research
organisation
and starters
ICT
Infrastructure
Financial rulesIntellectualInnovation
and information
property rights
advice
Standards
Source : Système national d’innovation - Bremer et al., 2001
144. Il est communément admis que le progrès technologique requiert, à tous les niveaux
du développement économique, la combinaison d’une innovation et d’une absorption
efficaces. En matière de lutte contre le changement climatique, cela est valable pour
atteindre rapidement et à moindre coût, ou à un coût abordable, les objectifs globaux
d’atténuation et d’adaptation que doit se fixer la communauté internationale. L’approche
« système innovation » a été formellement entérinée lors de la 20e Conférence des
Parties à la CCNUCC en décembre 2014 à Lima (COP20), lorsque le Comité exécutif
sur les technologies (CET), sous la CCNUCC, a présenté son plan de travail pour 2015,
en proposant de préparer un briefing sur les systèmes nationaux d’innovation. Le
CET a décidé de continuer à travailler sur les barrières à la mise en place de systèmes
d’innovation en 2015.
Actuellement, les pays réfléchissent à des systèmes internationaux d’innovation, et ce
pour plusieurs raisons. D’abord, il est un fait que les systèmes d’innovation n’ont plus
seulement une portée nationale, ils visent désormais un niveau international. On peut
également évoquer la mobilité des experts et la multiplication des échanges entre les
grandes universités. Les entreprises développent de plus en plus de pôles recherche &
développement en dehors de leur pays d’origine.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 139
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
Dans ce contexte, les droits de propriété intellectuelle ne constituent qu’une partie du
cadre institutionnel facilitant l’innovation. Comme on l’a vu dans la première partie de
cet ouvrage, le rôle des brevets dans le transfert des technologies propres vers les pays
en développement s’est effrité de manière significative. Il est fondamental que le cadre
de la coopération internationale en tienne compte pour intégrer l’ensemble des facteurs
de l’innovation et optimiser la performance des mécanismes existants en vue d’un
déploiement accéléré.
2.2 La construction d’un cadre de coopération plus
performant pour soutenir l’accès aux technologies propres
145. L’avènement du troisième millénaire fut l’occasion pour l’ONU de présenter une
stratégie adaptée aux défis d’aujourd’hui (Sommet du Millénaire 2000) et lui a permis de
définir les huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en vue notamment
d’éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde 109. Après le Sommet Rio + 20, la
communauté internationale a décidé d’établir des Objectifs de développement durable
(ODD)110 pour guider les efforts à accomplir par la coopération et l’aide au développement
pour contribuer à un développement durable. Ces ODD, qui ont vocation à remplacer les
OMD, ont été adoptés lors de l’assemblée générale des Nations Unies du 25 septembre
2015 sous la bannière « Transformer notre monde : le programme du développement
durable à l’horizon 2030 ». Les ODD s’appliquent aussi bien aux pays développés
qu’aux pays en développement et sont conçus pour parachever d’ici 2030 les efforts
entamés dans le cadre des OMD. Dans le cadre de ce programme pour le développement
post-2015, qui comprend également une vaste réflexion sur le financement du
développement, l’accès aux technologies propres est considéré comme un enjeu de la
première importance, ce que le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, n’a
pas manqué de rappeler avec insistance, en soulignant l’importance des partenariats
coordonnés dans le domaine des technologies, et la nécessité de maximiser les synergies
entre les mécanismes existants de transfert de technologies au niveau international111.
146. Dans ce contexte, il est discuté des possibles arrangements pour mettre en place
un mécanisme de facilitation technologique, qui fait suite à la déclaration adoptée lors
109Les OMD : éliminer l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire pour
tous, promouvoir l’égalité des sexes, réduire la mortalité infantile, améliorer la
santé maternelle, combattre le VIH et autres maladies, préserver l’environnement,
mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
Sommet du Millénaire, septembre 2000, New York et Rapport du Millénaire –
A/54/2000. Voir également les autres sommets : 2002-2006 Projet du Millénaire ;
Sommet Mondial en 2005 ; Réunion de haut niveau sur la réalisation des OMD en
2008 ; Sommet sur les OMD pour le développement en 2010.
110Parmi les 17 ODD négociés, on relèvera notamment les suivants : 9. Mettre en
place une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation soutenable
qui profite à tous et encourager l’innovation. 12. Instaurer des modes de
consommation et de production soutenables. 13. Prendre d’urgence des mesures
pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions.
111Forum organisé par l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil
économique et social (ECOSOC), 9 avril 2014, New York.
du Sommet Rio + 20 intitulée « L’avenir que nous voulons », qui avait consacré un
chapitre entier (voir les paragraphes 269 à 276) à la question de l’accès aux technologies
propres comme moyen de mise en œuvre indispensable pour traduire pleinement
et effectivement les engagements pris en faveur du développement durable. Cette
déclaration appelait à « définir des options pour la mise en place d’un mécanisme de
facilitation qui favorise la mise au point, le transfert et la diffusion de technologies propres et
respectueuses de l’environnement, notamment en évaluant les besoins technologiques des
pays en développement, les moyens possibles de les satisfaire et la situation en matière de
renforcement des capacités »112.
Le secrétaire général des Nations Unies a remis un rapport sur les options pour la mise
en place d’un tel mécanisme de facilitation technologique (A/67/348), qui a pour objet
d’accélérer efficacement les progrès technologiques à l’échelle mondiale, à la hauteur
du développement durable global, et de remédier aux lacunes du cycle technologique.
Il s’agit d’apporter un soutien particulier aux pays les plus pauvres et/ou vulnérables,
améliorer le transfert de technologies entre les pays en développement et soutenir
des projets contribuant à la réalisation des ODD113. Concernant les droits de propriété
intellectuelle, ce mécanisme devrait aborder les problèmes des DPI, qui entravent
les transferts de technologies en explorant « des approches innovantes et à caractère
volontaire ». Concernant la forme, il est essentiel que ce mécanisme soit concret et souple
pour pouvoir s’adapter aux nouveaux défis, et coordonné avec les autres engagements
internationaux relatifs à la technologie dans le but d’atteindre une dimension
véritablement internationale.
147. Lors des débats de l’ONU sur la technologie au service du développement durable,
plusieurs solutions ont été présentées : le mécanisme devra :
«a) renforcer la coopération internationale afin de remédier aux insuffisances en
termes de capacités, de financement, de technologie et d’engagement politique ;
b) promouvoir un effort massif de transfert de technologies, notamment de matériel,
vers les pays en développement ;
c) renforcer les capacités autochtones et fournir les moyens de combler les lacunes
technologiques ;
d) promouvoir les partenariats avec le secteur privé et les organisations nongouvernementales ainsi que les solutions apportées par ces nouveaux partenaires,
fondées sur le renforcement de la privatisation et de la libéralisation et sur le
commerce »114.
Par ailleurs, les organismes du système des Nations Unies participant à ce rapport ont
proposé 48 solutions institutionnelles sur ce que devrait contenir le futur mécanisme.
112 A/Res/66/288, § 273.
113 A/67/348, pp. 17-18.
114 A/67/348, p. 18.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 141
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
La somme des propositions sur le Mécanisme
de facilitation technologique
a) Un réseau, un mécanisme ou un partenariat mondial et un fonds de mise
au point de technologies visant à renforcer la coopération mondiale pour la
recherche-développement et la démonstration, le transfert de technologies et la
participation des pays en développement.
b)Un réseau mondial d’incubateurs d’entreprises nationaux, associé à des
programmes de soutien et des prix d’innovation technologique.
c) Un fonds mondial de capital-risque pour les technologies propres et des fonds
(communs ou non) pour la propriété intellectuelle.
d)Un réseau mondial de transfert de technologies et de mécanismes d’information
qui s’appuie sur les centres, les portails de ressources en ligne et les centres
d’échange d’informations mondiaux et régionaux existants, les conventions
internationales contenant des dispositions sur la technologie et les accords de
partenariat économique.
e) Des partenariats public-privé autour des systèmes de collaboration pour la
propriété intellectuelle et les brevets.
f)Un réseau de programmes de renforcement des capacités et de plates-formes de
connaissances dans le système des Nations Unies afin de promouvoir le transfert
et la diffusion de technologies propres et la participation du public.
g)Un réseau international de centres d’évaluation des technologies et/ou de
groupes consultatifs nationaux ou mondiaux spécialisés dans l’évaluation des
technologies et la déontologie.
h)Une équipe consultative indépendante (ou un mécanisme de dialogue) dans
l’ONU, composée d’experts et de parties prenantes, qui fasse éventuellement
appel à de nombreux experts.
i)Une structure de gestion et de coordination dans l’ONU, qui comprenne
notamment des mécanismes de coopération régionaux ou sous-régionaux et
des unités de coordination nationales.
Source : Rapport A/67/34
En vue de déterminer la forme, le contenu, les modalités de fonctionnement de ce futur
mécanisme, l’Assemblée générale des Nations Unies a invité le secrétaire à organiser une
série de quatre dialogues115.
115A/RES/68/210, § 11. Les parties prenantes, les États membres, les organisations
internationales, le secteur privé, les fondations et les universités sont invités à
participer à ces journées.
148. Dans le but de simplifier les mécanismes et de créer une structure globale, le
champ d’application va être au centre des préoccupations des panélistes116. Le défi est
de déterminer comment ce mécanisme peut fonctionner de manière articulée avec les
autres structures existantes, comme par exemple le Mécanisme technologique prévu
par la Convention climat. En effet, certains observateurs expriment leur inquiétude
quant à la portée de ce mécanisme qui pourrait être limitée ou encore les risques de
chevauchements117. Juridiquement, le Mécanisme de facilitation technologique et le
Mécanisme technologique ne pourront être assimilés dans une seule et même structure
puisque le premier dépend du programme pour le développement et le second du cadre
juridique de la Convention climat. Néanmoins, dans les modalités de fonctionnement
avec les autres dispositifs, une clause de soutien mutuel visant à faciliter la coordination,
au moins sur le plan institutionnel, pourrait être intégrée. Par exemple, la possibilité de
prendre part aux réunions de chacun en qualité d’observateurs ou d’experts consultants,
de les faire participer en qualité d’équipes spéciales techniques, de forums multipartites
et/ou de groupes consultatifs, ou bien même de conclure des arrangements de
coopération bilatéraux permettra sans doute de rendre le cadre plus cohérent.
149. Lors de la dernière journée consacrée aux arrangements possibles pour le
Mécanisme de facilitation technologique, les comodérateurs ont proposé les différentes
options que pourra couvrir ce mécanisme (approche progressive, les options ne sont pas
mutuellement exclusives) :
—— u ne meilleure information et une cartographie des activités de facilitation
existantes ;
—— améliorer la cohérence et la synergie entre les activités de facilitation ;
—— conduire des analyses sur les besoins technologiques et les lacunes pour y faire
face ;
—— promouvoir le développement, le transfert et la diffusion de technologies propres
et écologiques.
150. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’agenda post-2015 pour le développement,
on notera le projet de création d’une initiative partenariale entre les acteurs publics et
privés et les institutions académiques et scientifiques sur la technologie et l’innovation.
Cette initiative couvrirait 5 domaines :
1) la cartographie de l’activité conduite par les dispositifs de l’ONU et multilatéraux ;
2) une plate-forme internet pour créer des liens entre les plates-formes technologiques
et d’innovation existantes ;
3) un forum annuel de rencontre sur technologie et innovation sur les ODD ;
4) le renforcement des capacités ;
116 UN General Assembly Dialogues on Technology.
117 Nations Unies, 4e journée, Facilitation technologique, juillet 2014.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 143
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
5) accompagnement des études en cours sur la Banque de Technologie pour les pays
les moins avancés, domaines fortement similaires à ceux prévus dans le cadre de
la Convention climat. Cette initiative montre encore une fois que les décideurs
souhaitent avancer de manière concrète et construisent une coopération renforcée
de déploiement des technologies propres.
2.3 Une meilleure coopération entre
les accords multilatéraux en matière d’environnement (AME)
et l’Organisation mondiale du commerce
151. Les AME et le droit du commerce international comportent des objectifs qui sont
étroitement liés, mais qui peuvent être sources de frictions, et ce malgré la clause de
soutien mutuel figurant dans le préambule de l’Accord de Marrakech, qui se réfère à « la
protection de l’environnement et (…) la promotion du développement durable » comme
un objectif légitime, à côté de celui du maintien d’un « système commercial ouvert et
non-discriminatoire ». De son côté, la CCNUCC, qui a été adoptée avant l’Accord de
Marrakech, comporte un article 3 paragraphe 5 qui appelle les pays à « travailler de
concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène
à une croissance économique et à un développement durables de toutes les Parties, en
particulier des pays en développement Parties, pour leur permettre de mieux s’attaquer
aux problèmes posés par les changements climatiques ».
Très tôt après l’entrée en vigueur de la CCNUCC, des pays en développement ont
soutenu que les droits de propriété industrielle, et tout particulièrement les brevets,
les empêchaient de s’attaquer au problème du changement climatique et, plus
généralement, de répondre à leurs besoins de développement durable, car ils
constituaient un obstacle à l’accès aux biens et services environnementaux.
Cette question a été abordée par l’Organisation mondiale du commerce dès la Conférence
de Doha en 2001118 pour clarifier les relations entre les règles de l’OMC et les obligations
énoncées dans les AME119, notamment en ce qui concerne l’ouverture des marchés pour les
biens et services environnementaux, et sur l’échange de renseignements entre ces régimes.
152. Le cycle de Doha incite tout particulièrement à la réduction ou à l’élimination
des obstacles tarifaires et non-tarifaires visant les biens et services environnementaux
(paragraphe 33 iii). Lors du 4e dialogue sur le Mécanisme de facilitation technologique,
un conseiller technique des compagnies « clean-tech » avait justement souligné que les
118 Cycle de Doha, 2001.
119Le rapprochement entre l’OMC et les autres organisations internationales est
abordé par la Déclaration ministérielle de Doha qui mentionne qu’il faut renforcer
le soutien mutuel du commerce et de l’environnement, notamment en améliorant
la relation entre les règles de l’OMC existantes et les obligations commerciales
spécifiques énoncées dans les accords environnement aux multilatéraux (AEM),
tels que la CCNUCC (paragraphe 31. i).
obstacles tarifaires constituaient une des barrières à l’entrée sur les marchés des
technologies propres. En 2012, les dirigeants de l’APEC (coopération économique de
la zone Asie-Pacifique) ont conclu un accord dans lequel les droits de douane ont été
réduits pour 54 biens environnementaux d’ici la fin de l’année 2015120. Aujourd’hui,
l’Union européenne et treize autres membres de l’OMC ont officiellement ouvert des
négociations multilatérales sur la libéralisation des échanges commerciaux de biens
environnementaux121. Ils veulent élargir la liste des biens environnementaux de l’APEC, et
c’est pourquoi les premiers cycles de négociations se sont orientés sur de potentiels biens
environnementaux122. Une fois qu’une liste de biens environnementaux sera arrêtée,
l’accord devra prévoir les modalités de réduction des obstacles tarifaires et non-tarifaires
au commerce et aux services.
L’élimination ou la réduction des obstacles au commerce dans ce domaine sont
bénéfiques pour l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique puisqu’ils
permettent aux pays en développement d’acquérir des biens environnementaux à
un moindre coût. De plus, le fait de libéraliser ces biens et services entraînera une
concurrence plus vive et par là même une innovation technologique.
153. Enfin, la question de l’interaction entre l’OMC et le système des Nations Unies
sur le transfert de technologies est d’autant plus importante et souhaitable que seul
l’accord ADPIC traite de la question des droits de propriété intellectuelle. Depuis le
début des négociations sur les changements climatiques, les droits de propriété
intellectuelle constituent un point d’achoppement entre les pays développés et ceux
en développement. Pour les pays développés, la question des droits de propriété
intellectuelle ne relève pas de la Convention climat mais uniquement de l’OMC, à la
différence des pays en développement. Ces derniers les ont pendant longtemps envisagés
comme une barrière au transfert de technologies, et ont proposé que soient mis en
place des licences à coût réduit ou gratuites, des pools de brevets, une durée du brevet
réduite, un partage des propriétés intellectuelles dans la recherche et développement,
des licences obligatoires ou encore l’exclusion des brevets pour certaines technologies
(voir partie 1 et partie 2).
Lors de la Conférence de Cancun (COP17), le président de l’Équateur a déclaré que pour
les pays en développement, l’un des moyens de rendre plus accessibles les technologies
respectueuses de l’environnement était qu’elles « soient dans le domaine public » et non
pas « couvertes par les droits de propriété intellectuelle »123.
120Déclaration des dirigeants de l’APEC - Liste des biens environnementaux - Annexe C.
121Déclaration commune relative au lancement des négociations en vue de la conclusion d’un
accord sur les biens environnementaux, 8 juillet 2014, Genève.
122Le 2e cycle de négociations (septembre 2014) portait sur les biens liés au contrôle de la pollution
de l’air et à la gestion des déchets solides et dangereux. Le 3e cycle (décembre 2014) portait
sur les biens liés à la gestion des eaux usées et au traitement de l’eau, à l’assainissement de
l’environnement et au nettoyage environnemental, et à la réduction du bruit et des vibrations.
123Discours de Rafael Correa, président de l’Équateur, allocution devant l’Assemblée
générale - COP17.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 145
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
154. Après la vingtième Conférence des Parties à Lima au mois de décembre 2014
(COP20), les États ont adopté un premier texte de négociations « L’Appel de Lima pour
une action climatique » en vue de l’Accord de Paris sur le climat (COP21 – Paris, décembre
2015), dans lequel la question des DPI est toujours controversée. Le chapitre H, consacré
à ce thème, reconnaît que le développement et le transfert de technologies doivent être
établis pour atteindre l’objectif de limiter la hausse des températures entre 1,5 et 2 °C
par rapport au niveau préindustriel. Concernant les obligations des pays développés pour
encourager ou faciliter le transfert de technologies, les décideurs exposent encore des
points de vue diamétralement opposés sur le rôle des droits de propriété intellectuelle
et balancent à les considérer avantageux, indifférents ou défavorables au transfert de
technologies. Pour certains, les Parties doivent « reconnaître que les droits de propriété
intellectuelle créent un environnement propice dans l’innovation et la diffusion des
technologies respectueuses de l’environnement » (option 1). Pour l’Union européenne,
par exemple, la question des droits de propriété intellectuelle « ne devrait pas être traitée
dans cet accord » (option 2). À l’inverse, pour l’Inde, ces droits constituent toujours un
obstacle et l’accord devrait stipuler que « les pays développés doivent mettre à disposition
les droits de propriété intellectuelle soit par l’intermédiaire d’un mécanisme multilatéral
comme un bien public ou par l’achat des droits de propriété intellectuelle » (option 3).
Il faudrait alors qu’une institution multilatérale comme le Fonds vert pour le climat soit
en charge de racheter des licences aux pays développés pour faciliter le transfert de
technologies vers les pays en développement.
Conclusion de la partie 3
Le cadre de la coopération internationale pour le transfert des technologies propres a fait
progressivement apparaître que l’essentiel est d’abord de bien cibler les besoins des pays
en développement et de mettre à leur disposition l’information nécessaire au transfert
de technologies, notamment le savoir-faire. Le renforcement des capacités des pouvoirs
publics des pays en développement reste une priorité pour identifier ces besoins et aider
à la création d’entreprises innovantes.
Dans un contexte où l’innovation internationale contribue largement à la croissance
économique, le cadre de la coopération internationale doit ainsi intégrer l’ensemble des
facteurs de l’innovation dans les activités et projets, en vue d’optimiser la performance
des mécanismes de transfert de technologies pour permettre leur déploiement de
manière accélérée et mieux ciblée.
Les droits de propriété intellectuelle ne constituent qu’une partie du cadre institutionnel
facilitant l’innovation. Comme on l’a vu dans la première partie de cet ouvrage, le rôle des
brevets dans le transfert des technologies propres vers les pays en développement s’est
effrité de manière significative.
Dans le cadre des négociations internationales sur le changement climatique, un seul
pays, l’Inde, continue de plaider fortement pour une mise à disposition des brevets aux
pays en développement, non plus à titre gratuit, mais avec le soutien financier du Fonds
vert sur le climat, ou à l’aide d’une baisse de la sévérité des droits, en soutenant que la
propriété intellectuelle est une barrière à la diffusion des technologies vertes. L’Inde en
fait d’abord une affaire de principe pour étayer son approche stricte de la différenciation
des droits et obligations entre pays développés et pays en développement, et demande,
au-delà du cadre de la négociation climat, un assouplissement des règles de la propriété
intellectuelle, en mettant en avant la nécessité de répondre aux besoins essentiels de sa
population grandissante.
Outre le fait que ni la CCNUCC ni l’Accord de Paris adopté sous ses auspices n’apparaissent
comme les instruments appropriés pour réformer le droit de la propriété intellectuelle,
les conclusions des deux premières parties de cet ouvrage, tout comme les positions
exprimées par un très grand nombre de pays, indiquent qu’il ne semble pas non plus
opportun de le faire.
S’agissant de la lutte contre le changement climatique, ce qui compte est d’abord de
donner à la communauté internationale une trajectoire prévisible à long terme de l’effort
collectif à fournir pour atteindre l’objectif de limitation du réchauffement climatique
en dessous de 2 °C à la fin du XXIe siècle par rapport à l’ère préindustrielle. Cet objectif
aspirationnel permettra aux pays de proposer des contributions nationales qui tiennent
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 147
partie 3 L’INDISPENSABLE DÉPLOIEMENT DES TECHNOLOGIES PROPRES
POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
compte de leurs priorités et circonstances nationales, si le cadre de la coopération
internationale apporte des moyens de mise en œuvre et incite à plus d’ambition, par une
amélioration continue des contributions au gré du cycle d’engagements qui sera défini
dans l’Accord de Paris. Avec un tel signal à long terme, les pays en développement vont
nécessairement établir l’environnement propice, notamment sur le plan institutionnel, qui
va orienter les marchés vers les technologies appropriées en privilégiant les plus rentables
pour stimuler l’investissement.
Outre le financement venant soutenir l’économie faiblement carbonée et résiliente des
pays en développement, il convient d’exploiter au mieux les mécanismes existants dans
le cadre de la CCNUCC, notamment le Mécanisme technologique, et de développer
un véritable « agenda positif » visant à mieux coordonner les initiatives multilatérales
dans d’autres enceintes, y compris celles visant à renforcer le dialogue politique dédié
spécifiquement à la propriété intellectuelle sous les auspices de l’accord ADPIC. Cette
volonté d’optimiser les synergies entre les mécanismes existants au niveau multilatéral
est au cœur de la proposition d’un Mécanisme de facilitation technologique qui vise un
déploiement à grande échelle des technologies propres pour un développement durable.
S’agissant des brevets et autres droits de propriété intellectuelle, ce mécanisme devrait
notamment promouvoir les partenariats public-privé autour de systèmes de collaboration,
mettant l’émetteur et le récepteur face à face pour cibler les vraies opportunités de
développement de marchés tout en respectant l’environnement et le climat. Car, audelà de la facilitation institutionnelle, la discussion entre l’émetteur et le récepteur prend
place d’abord entre entreprises privées. La plupart des transferts de technologies se font
avec des fonds privés, 80 % des transferts liés aux changements climatiques sont des
transferts privés, 20 % sont publics, pour un montant annuel qui avoisine aujourd’hui les
300 milliards de dollars.
La COP21 doit déboucher sur un Accord de Paris qui soit durable, en fixant des objectifs
collectifs prévisibles, et flexible, dans lequel les pays pourront inscrire leurs contributions
nationales, qui reflétera à la fois leurs priorités en termes d’innovation et leurs besoins en
termes de technologies, pour l’atténuation comme l’adaptation, lesquelles pourront être
améliorées au fil des cycles d’engagements, soutenues par les mécanismes existants,
ceux du régime sur le climat comme les autres, fonctionnant de manière plus optimisée,
avec comme impératif un rapport de coût efficacité pour développer des marchés
compétitifs et soutenir des services publics efficients. L’Accord de Paris peut aussi envoyer
un message clair en ce sens, en appelant dans son préambule au soutien mutuel des
autres conventions ou instruments internationaux, l’OMC y compris, dans un but de
développement durable, avec en ligne de mire les Objectifs de développement durable
(ODD), et au renforcement de l’acquis, notamment le Mécanisme technologique de la
CCNUCC, grâce au soutien du Fonds vert sur le climat.
résumé et recommandations de la partie 3
1
Depuis le début des négociations internationales sur l’environnement dans les
années 70, la question de transfert de technologies propres ou d’adaptation des
populations du Nord vers les pays du Sud est traitée dans la plupart des conventions,
protocoles et déclarations.
2
Ces vingt dernières années, les mécanismes censés accélérer le transfert de
technologies propres se sont multipliés, avec des résultats contrastés (centres
internationaux de technologie – ITS, Fonds pour l’environnement mondial - FEM,
Fonds vert, Mécanisme pour un développement propre – MDP, objectifs de
développement durable – ODD, etc.).
3
Ces mécanismes ne traitent en général pas directement des questions de propriété
intellectuelle et notamment des brevets, car l’enjeu est le transfert de savoir-faire au
sens large (formation, connaissances techniques, réseaux, etc.).
4
Le défi actuel est de rationaliser les mécanismes de transfert de technologies pour
augmenter leur efficience.
conclusion générale
La diffusion des outils et des pratiques du développement durable, et encore plus
l’innovation en ce domaine, dépendent en dernière analyse d’interactions économiques
à différents niveaux, de l’entreprise aux États, en passant par le maillon intermédiaire qui
est bien plus encore un nœud de réseaux : les écosystèmes formés d’entreprises d’une
part, et d’acteurs liés à des territoires d’autre part.
Dans ce contexte dynamique, cet ouvrage a tenté de démonter l’argument trop rapide
d’une propriété industrielle empêcheuse de la diffusion du développement durable et
a cherché à montrer au contraire la foison des nouvelles pratiques, en suggérant deux
opportunités :
—— pour des États et territoires « récepteurs » des technologies et des savoir-faire,
l’opportunité actuelle de mettre en œuvre une stratégie de long terme d’attraction
et de « branchement » aux réseaux d’innovation en étant en phase avec la diversité
des outils de la propriété industrielle. La technologie peut ainsi « faire greffe » sur
ces territoires ;
—— pour les diffuseurs et plus généralement les praticiens de la propriété industrielle,
de se saisir du domaine du développement durable comme d’une occasion de
renouvellement des pratiques.
Cette zone de recouvrement a priori faible pourrait pourtant générer autant d’interfaces
d’évolution.
Sans reprendre les conclusions d’étapes exposées dans chaque partie, nous voulons ici
plutôt reprendre le fil de leur imbrication avec, en ouverture, un survol de la question de
l’efficacité énergétique et de l’accès à l’énergie moderne, de la problématique des forêts
à la question de l’urbanisation du monde.
La plupart des pays ou organisations dans la catégorie des « émetteurs » mettent
aujourd’hui en œuvre des programmes allant dans le sens de la copréservation de
l’environnement et de la coïnnovation avec les Suds.
Les Nations Unies ont mis en place le programme « Énergie durable pour tous » dont
les enjeux sont bien de traiter conjointement du développement et du changement
climatique via, ici, l’accès à l’électricité.
L’Union européenne, de même, a lancé l’objectif « 20-20-20 » comme modèle de
développement durable : assurer 20 % d’énergie renouvelable pour 2020, 20 %
d’amélioration de l’efficacité, puis 20 % de réduction d’émission de CO2124. L’article 9 de la
directive prévoit la possibilité de projets conjoints entre les États membres et les pays tiers.
124Voir Directive CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie
produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives
2001/77/CE et 2003/30/CE. Voir également : Communication de la commission du
13 novembre 2008, Efficacité énergétique : atteindre l’objectif des 20 %, COM (2008) 772.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 151
conclusion générale
« Propriété intellectuelle
et développement durable
inaugurent peut-être
une nouvelle ère
de leurs interactions. »
Au niveau français, l’AFD est également active. En 2011, l’Association des sociétés
d’électricité d’Afrique (ASEA, ex UPDEA) a contacté l’AFD afin de mettre en place des
formations pour les sociétés d’électricité sur les possibilités de mettre leurs moyens en
commun sur ce sujet125. Un premier séminaire a eu lieu en 2012 à Yamoussoukro, en
Côte d’Ivoire, où une cinquantaine de dirigeants (DRH) de seize sociétés africaines étaient
présents. Dans une large mesure, cette initiative vient « faire greffe » avec des capacités
préalablement structurées dans des pays récepteurs : Institut supérieur d’ingénierie
à compétence sous-régionale (Afrique de l’Ouest), 2iE au Burkina, Institut national
polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB) en Côte d’Ivoire, ou encore Institut
polytechnique au Sénégal.
Les nouveaux transmetteurs que sont les émergents sont également de plus en plus
présents.
La promotion du modèle brésilien d’agriculture familiale s’est d’abord appuyée sur des
programmes de coopération technique avec les pays africains lusophones, puis ce modèle
s’est diffusé dans les pays voisins. L’installation d’une antenne de l’Embrapa, l’agence
agronomique brésilienne, à Accra (Ghana) en 2007, permet au Brésil d’apparaître comme
un modèle de développement durable selon un rapport de l’AFD126. Le même rapport
donne l’exemple du gouvernement chinois, qui a engagé des discussions sur la gestion
durable des forêts et l’exportation de bois certifiés. Du chemin reste à parcourir entre,
d’un côté, les annonces de vouloir s’orienter vers le développement durable et le respect
de normes internationales (FLEGT, APV), et d’un autre côté, une option de « laisser faire »,
au nom de la « non-ingérence ». Mais les auteurs soulignent que le respect des normes
progresse quant aux exportations vers l’Europe. Ce qui est le plus intéressant à notre
sens est que les pays du Sud eux-mêmes (Gabon pour le bois, Bolivie pour les minerais,
etc.) progressent vers des modèles qui visent à imposer la transformation sur place avec
125Confrontations Europe réunion du groupe UE-Afrique(s) à Paris le 16 décembre
2013 sur le thème : Infrastructures énergétiques et intégration régionale en Afrique
de l’Ouest et du Centre : intervention de Bernard Duhamel.
126L’Afrique et les grands émergents, rapport de Jean-Raphaël Chaponnière,
Dominique Perreau, Patrick Plane, AFD, avril 2013.
transfert de technologies et de savoir-faire, et également en respectant les normes
nationales : COFCO et ses Concessions forestières d’aménagement durable (CFAD) est
ainsi la première société chinoise à adhérer à l’Union des forestiers du Gabon (UFIGA).
Au-delà des interactions des entreprises émettrices émergentes et des États en
développement, les États émergents eux-mêmes dessinent une véritable politique
d’accompagnement : ainsi en mai 2014, à la suite à la visite de Li Keqiang en Afrique, la
coopération bas-carbone dans son ensemble a été soulignée comme un volet prioritaire
pour la coopération sino-africaine. Ce pays dispose déjà en Afrique de laboratoires
modernes : dès 2012 existaient six « Chinese Special Economic Zones in Africa » (CSEZA),
à Maurice, en Égypte, au Nigeria (deux CSEZA dans ce pays), en Zambie et en Éthiopie. À
Maurice et en Éthiopie, l’État local est partenaire et actionnaire du projet127.
De ces quelques exemples, il faut surtout retenir le foisonnement. Si de nombreuses
questions de gouvernance n’y sont pas réglées, ils témoignent en revanche d’un
dynamisme à prendre en compte, tant pour trouver des solutions à l’occasion des
COP que pour trouver des marchés pour les entreprises, ou encore pour arriver à un
développement durable réel sur le terrain.
La propriété intellectuelle et le développement durable se sont longtemps ignorés.
Alors que leurs acteurs sont aujourd’hui mis en relation, propriété intellectuelle et
développement durable inaugurent peut-être une nouvelle ère de leurs interactions.
127Voir Chinese influence on urban Africa, de Liu Xuan et Benoît Lefèvre, http://www.
sciencespo.fr/affaires-urbaines/sites/default/files/Xuan%20LIU_Publication_IDDRI.pdf,
2012. Cette importante étude vient compléter deux seules études s’en rapprochant au
préalable : Deborah Brautigam and Tang Xiaoyang, “African Shenzhen: China’s special
economic zones” (2011) ; Brautigam, Farole and Tang Xiaoyang, “China’s Investment in
African Special Economic Zones: Prospects, Challenges and Opportunities”, the World
Bank (2010).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 153
liste des constats
1
Le brevet est un outil juridique qui facilite l’investissement sur un nouveau marché en offrant
un monopole d’exploitation à son titulaire.
est un outil juridique qui facilite la mise en place d’une stratégie de prix différenciés
2 Leselonbrevet
les marchés et le contrôle de l’activité de partenaires locaux.
3
our l’accès à une technologie, l’enjeu primordial est le transfert et la maîtrise du savoir-faire.
P
Une licence brute de brevet est le plus souvent insuffisante voire inutile pour assurer un
transfert de technologies vers un pays en développement.
4
Les brevets d’invention ne peuvent pas être un frein à l’accès aux technologies par les pays
en développement pour le motif que la plupart des brevets ne sont pas déposés dans ces
pays, de sorte que les technologies sont librement accessibles et gratuitement.
5
L ’innovation est aujourd’hui multipolaire et les entreprises du Nord sont donc désormais en
concurrence avec celles des pays émergents, voire avec celles des pays en développement,
sur le marché des technologies vertes.
6
Une part croissante des technologies, hormis celles de pointe, est accessible à de très
nombreux acteurs, pour une part très majoritaire de l’activité économique, de sorte que dans
la majorité des transactions économiques, la concurrence par la propriété intellectuelle pure
a tendance à s’amenuiser au profit d’offres concurrentielles autour de l’accompagnement
technique des récepteurs par les émetteurs.
7
Le dépôt, et surtout la délivrance, d’un brevet est un signal fort émis par son titulaire
envers son marché, en ce sens qu’il constitue une garantie de la qualité de sa recherche et
développement.
Dans une économie réelle d’asymétrie d’information, ce signal constitue en lui-même un
élément d’information réduisant l’asymétrie ; cette information est essentielle pour tous
les partenaires (banques, investisseurs, partenaires commerciaux, agences de soutien des
pouvoirs publics, etc.).
8
Les bases de données de brevets sont en passe de devenir une source d’information
primordiale, particulièrement pour les pays en développement sachant se doter de capacités
d’analyse et d’exploitation. Cet outil, encore sous-utilisé, fournit des informations de
première qualité tant sur les technologies existantes et le plus souvent gratuites car nonprotégées que sur des partenaires potentiels.
9
ans le domaine des technologies propres, plusieurs initiatives ont pour objet de permettre
D
aux pays récepteurs de faire connaître leurs besoins spécifiques. Les entités publiques
comme privées des pays en développement devraient notamment utiliser la plate-forme
WIPO Green.
développement de pôles de compétitivité passe souvent par des initiatives des pouvoirs
10 Lepublics
qui mettent en place puis accompagnent les acteurs privés. La détection des besoins
réels et précis des entreprises est une dimension essentielle du succès. Cet outil est accessible
aux pays du Sud (il faut d’ailleurs rappeler que le concept et la pratique ont d’abord émergé
au Brésil).
les entreprises qui investissent sur de nouveaux marchés, la marque est souvent l’actif
11 Pour
le plus important à protéger. Un système de protection des marques est donc très utile et
efficace pour attirer des émetteurs sur son marché.
droits de marques et les indications géographiques offrent des perspectives immenses
12 Les
aux acteurs de pays en développement qui produisent un grand nombre de produits,
notamment agricoles, vendus sur les marchés internationaux. Les expériences montrent
que le coût de mise en place de ces outils est raisonnable et que l’impact positif pour les
populations locales est rapide et sensible.
Les pays en développement ont donc intérêt à développer des politiques de sensibilisation et
d’accompagnement à l’utilisation des droits de marque et des indications géographiques.
préoccupation de permettre l’accès des pays en développement aux technologies
13 Larespectueuses
de l’environnement est devenue omniprésente dans le cadre des négociations
internationales sur l’environnement et le climat. Les initiatives sont nombreuses mais trop
morcelées, ce qui nuit à leur efficacité.
liste des recommandations
à ce qui est parfois soutenu, les brevets d’invention ne constituent pas un
1Contrairement
frein pour le transfert de technologies, et particulièrement de technologies durables, vers
les pays en développement. La vision du brevet comme verrou juridique dans les pays en
développement est erronée.
Le point clé pour réaliser ces transferts de technologies est le savoir-faire.
Le savoir-faire, par essence secret et complexe car regroupant un ensemble d’informations
disparates, ne peut pas se transférer au moyen d’une contrainte juridique telle que la licence
forcée.
Pour accéder à une nouvelle technologie, les pays en développement doivent donc convaincre
les investisseurs et les détenteurs de technologies de réaliser ces transferts.
Le développement d’infrastructures liées à la propriété industrielle (offices, formations de
juges, de conseils en brevet, d’avocats, etc.) est une stratégie très utile pour les pays en
développement parce que si les droits de propriété industrielle sont protégés, les détenteurs
de technologies sont plus enclins à accorder des licences et à transférer leurs technologies.
Pour limiter le coût du développement de ces infrastructures, la mutualisation est une solution
efficace. C’est la voie choisie par les pays membres de l’OAPI, seul office dans le monde qui
délivre des titres de propriété industrielle valables dans 17 pays.
2
ans un monde globalisé, les pays en développement ont à leur disposition une multitude
D
d’émetteurs en mesure de réaliser ces transferts (pays développés « traditionnels », grands
émergents, pays en développement ayant acquis une expertise dans certains domaines, etc.).
Pour les pays émetteurs et les entreprises qui y sont installées, les marchés des pays en
développement sont leurs plus importants espoirs de croissance.
des enjeux essentiels pour accélérer le déploiement des technologies propres est la
3 Un
circulation de l’information, tant sur les technologies existantes que sur les besoins des pays
en développement.
offices devraient poursuivre leurs efforts de simplification et d’optimisation des bases de
4 Les
données de brevets afin de les rendre accessibles en pratique au plus grand nombre.
les acteurs engagés dans l’aide au développement, notamment les agences
5Parallèlement,
de développement, devraient apprendre à exploiter ces bases de données afin d’identifier
les technologies existantes et encourager les récepteurs à faire connaître leurs besoins et
améliorer les effets de leurs aides.
6
Les droits de marques et les indications géographiques offrent des perspectives immenses aux
acteurs de pays en développement qui produisent un grand nombre de produits, notamment
agricoles, vendus sur les marchés internationaux.
Les expériences montrent que le coût de mise en place de ces outils est raisonnable et que
l’impact positif pour les populations locales est rapide et sensible.
Les pays en développement ont donc intérêt à développer des politiques de sensibilisation et
d’accompagnement à l’utilisation des droits de marque et des indications géographiques.
7
Ces vingt dernières années, les mécanismes censés accélérer le transfert de technologies
propres se sont multipliés, avec des résultats contrastés (centres internationaux de
technologie – ITS, Fonds pour l’environnement mondial - FEM, Fonds vert, Mécanisme pour
un développement propre – MDP, objectifs de développement durable – ODD, etc.).
Le défi actuel est de rationaliser les mécanismes de transfert de technologies pour augmenter
leur efficience.
8
Le dialogue et la coopération entre les mondes du développement durable et de la propriété
industrielle en sont encore à leurs débuts. Ils doivent s’intensifier.
résumé
Le développement durable, métaprojet qui vise un développement sans conséquence
néfaste pour l’homme et son environnement, est d’autant plus nécessaire que notre
planète est menacée par les changements climatiques. Il requiert un déploiement
à grande échelle, dans les pays en développement notamment, des technologies
« propres ». Le rôle de la propriété industrielle est souvent invoqué dans cette diffusion,
soit comme accélérateur, soit comme frein au développement des technologies
propres. Un des enjeux de la présente étude est de répondre à cette question du rôle
de la propriété industrielle dans la diffusion des technologies propres dans les pays en
développement.
La présente étude part d’un constat : le monde de la propriété intellectuelle (laboratoires
de recherche, déposants de brevets, offices nationaux, etc.) et celui du développement
durable (politiques, militants, négociateurs des conventions internationales,
entrepreneurs sociaux, etc.) s’ignorent trop souvent. L’objectif de cette étude est donc
double.
Le premier est de nouer un dialogue entre ces deux mondes – et deux modes de penser
– que sont les acteurs du développement durable et ceux de la propriété intellectuelle.
Afin que d’une part, les acteurs du développement durable perçoivent les atouts qu’offre
la propriété intellectuelle pour la mise en place de politiques de développement durable :
un des enjeux de la présente étude est ainsi de mettre en lumière les conditions dans
lesquelles la propriété industrielle, et particulièrement le brevet, peut devenir une
opportunité. Et d’autre part, que les acteurs de la propriété intellectuelle identifient les
enjeux (technologiques, économiques, sociaux) du développement durable et la manière
dont les droits de brevets ou de marques peuvent être exercés pour contribuer au
déploiement des technologies propres et plus généralement au service du développement
durable.
Le second objectif de l’étude est de suggérer que l’innovation dans les économies en
développement constitue un enjeu d’évolution des outils de la propriété industrielle
comme du développement durable.
La méthodologie retenue est notamment fondée sur des études de cas. En effet, il est
apparu essentiel d’illustrer par des exemples concrets les cas de transferts de technologies
et d’utilisation des droits de propriété industrielle, afin de pouvoir comprendre les raisons
des succès ou au contraire des échecs de réception de technologies propres dans les pays
en voie de développement.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 159
résumé
Plusieurs réalités ont été mises en lumière :
1) Contrairement à ce qui est parfois soutenu, les brevets d’invention ne constituent pas
un frein aux transferts de technologies, et particulièrement aux technologies durables,
vers les pays en développement, pour le motif que la plupart des brevets ne sont pas
déposés dans ces pays, de sorte que les technologies sont accessibles librement et
gratuitement.
D’ailleurs, dans le cadre des négociations internationales sur le changement climatique,
un seul pays, en l’occurrence l’Inde, continue de plaider fortement pour une mise à
disposition des brevets aux pays en développement, non plus à titre gratuit, mais avec
le soutien financier du Fonds vert sur le climat, ou à l’aide d’une baisse de la sévérité
des droits, en soutenant que la propriété intellectuelle est une barrière à la diffusion des
technologies vertes.
2) L’enjeu primordial est le transfert et la maîtrise du savoir-faire. Le savoir-faire, par
essence secret et complexe car regroupant un ensemble d’informations disparates, ne
peut pas se transférer au moyen d’une contrainte juridique telle que la licence forcée.
Pour accéder à une nouvelle technologie, les pays en développement doivent donc
convaincre les investisseurs et les détenteurs de technologies de réaliser ces transferts.
Le développement d’infrastructures liées à la propriété industrielle (offices, formation
de juges, de conseils en brevet, d’avocats, etc.) est une stratégie très utile, parce que
si les droits de propriété industrielle sont protégés, les détenteurs de technologies
sont plus enclins à accorder des licences et à transférer leurs technologies. Pour limiter
le coût du développement de ces infrastructures, la mutualisation est une solution
efficace. C’est la voie choisie par les pays membres de l’OAPI (Organisation africaine de
la propriété intellectuelle), seul office dans le monde qui délivre des titres de propriété
industrielle valables dans 17 pays.
3) L’autre constat essentiel est que l’innovation est aujourd’hui multipolaire et les
entreprises des pays développés sont donc désormais en concurrence avec celles
des pays émergents, voire avec celles des pays en développement, sur le marché
des technologies propres. Les pays en développement ont ainsi à leur disposition
une multitude d’émetteurs en mesure de réaliser ces transferts (pays développés
« traditionnels », grands émergents, pays en développement ayant acquis une
expertise dans certains domaines, etc.). La conséquence est qu’une part croissante
des technologies, hormis celles de pointe, est accessible à de très nombreux acteurs,
de sorte qu’à l’occasion de la majorité des transferts de technologies, le rôle de la
propriété intellectuelle pure (brevets) a tendance à s’amenuiser au profit du savoir-faire
et de l’accompagnement technique.
Il appartient largement aux administrations des États en développement de se
coordonner avec leurs entreprises et tissus industriels nationaux pour accompagner au
mieux l’accès de leurs acteurs économiques aux technologies propres ; un pays comme
le Maroc, via l’OMPIC (Office marocain de la propriété industrielle et commerciale) a par
exemple ouvert cette voie.
4) Sur le plan des négociations internationales, outre le financement venant soutenir
l’économie faiblement carbonée et résiliente des pays en développement, l’enjeu
essentiel est d’exploiter au mieux les différents mécanismes existants dans le cadre de
la CCNUCC (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques),
notamment le Mécanisme technologies (MT), et de développer un véritable « agenda
positif » visant à mieux coordonner les initiatives multilatérales dans d’autres enceintes,
y compris celles visant à renforcer le dialogue politique dédié spécifiquement à la
propriété intellectuelle sous les auspices de l’accord ADPIC.
Cette volonté d’optimiser les synergies entre les mécanismes existants au niveau
multilatéral est au cœur de la proposition d’un Mécanisme de facilitation technologique
(MFT), qui vise un déploiement à grande échelle des technologies propres pour un
développement durable, discuté actuellement dans le cadre plus général des Nations
Unies. S’agissant des brevets et autres droits de propriété intellectuelle, ce Mécanisme
devrait notamment promouvoir les partenariats public-privé autour de systèmes de
collaboration, mettant en contact direct les détenteurs de technologies (émetteurs)
et les récepteurs potentiels pour cibler les vraies opportunités de développement
de marchés tout en respectant l’environnement. Car, au-delà de la facilitation
institutionnelle, la discussion entre l’émetteur et le récepteur prend place d’abord entre
entreprises privées. La plupart des transferts de technologies se font avec des fonds
privés : 80 % des transferts liés aux changements climatiques sont des transferts privés,
20 % sont publics, pour un montant annuel qui avoisine aujourd’hui les 300 milliards
de dollars.
5) D ans un monde globalisé, un des points clés pour accélérer le transfert des
technologies est celui de la diffusion des informations relatives aux technologies
existantes et aux besoins des pays en développement.
Le renforcement des capacités des pouvoirs publics des pays en développement reste
une priorité pour identifier ces besoins et aider à la création d’entreprises innovantes.
Ce renforcement des capacités existe déjà, notamment dans le cadre de la CCNUCC, et
doit être soutenu encore davantage, tout particulièrement pour permettre aux pays en
développement d’évaluer leurs besoins en fonction de leurs circonstances et priorités
nationales.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 161
résumé
Parallèlement, les offices devraient poursuivre leurs efforts de simplification et
d’optimisation des bases de données de brevets afin de les rendre accessibles en
pratique au plus grand nombre. Parallèlement, les acteurs engagés dans l’aide au
développement, notamment les agences de développement, devraient apprendre
à exploiter ces bases de données afin d’identifier les technologies existantes et
encourager les récepteurs à faire connaître leurs besoins.
Dans le domaine des technologies propres, plusieurs initiatives ont pour objet de
permettre aux pays récepteurs de faire connaître leurs besoins spécifiques. Les entités
publiques comme privées des pays en développement devraient notamment utiliser
la plate-forme WIPO Green. Cette plate-forme participe à la mise à disposition des
agences de développement d’outils pour identifier les technologies disponibles et
les besoins. Il faut également relever que ces agences pourraient utiliser les droits de
propriété intellectuelle pour améliorer le rendement et les effets tant technologiques
que financiers de leurs programmes.
Toujours concernant ce rôle informationnel grandissant des brevets, il faut souligner
que le dépôt – et surtout la délivrance – d’un brevet est un signal fort émis par son
titulaire envers son marché, en ce sens qu’il constitue une garantie de la qualité de
sa recherche et développement. Cette information est essentielle pour tous les
partenaires (banques, investisseurs, partenaires commerciaux, agences de soutien des
pouvoirs publics, etc.). Et les dépôts de brevets dans un pays en développement sont
souvent considérés comme un signe de transition économique pour les investisseurs
étrangers.
6) Par ailleurs, les marques et les indications géographiques sont les deux autres grands
droits de propriété industrielle à la disposition des pays en développement, mais sont
encore sous-utilisés. Ce sont des outils juridiques et de communication essentiels pour
les pays en développement, tant pour attirer des investisseurs étrangers que pour
commercialiser leurs produits sur le marché international.
Ils offrent des perspectives immenses aux acteurs de pays en développement qui
produisent un grand nombre de produits, notamment agricoles, vendus sur les
marchés internationaux. Les expériences montrent que le coût de mise en place de
ces outils est raisonnable et que l’impact positif pour les populations locales peut
être rapide et sensible. Les pays en développement ont donc intérêt à développer des
politiques de sensibilisation et d’accompagnement à l’utilisation des droits de marque
et des indications géographiques.
annexe 1
l’Agenda 21 : les objectifs du chapitre 34
1) Faciliter l’accès, en particulier des pays en développement, aux informations
scientifiques et techniques, y compris celles relatives aux technologies de pointe.
2) Promouvoir, faciliter et au besoin financer l’accès aux écotechniques et au
savoir-faire correspondant, et leur transfert en ce qui concerne notamment les
pays en développement à des conditions favorables, y compris à des conditions
concessionnelles et préférentielles, tel que décidé d’un commun accord, compte
dûment tenu de la protection des droits en matière de propriété intellectuelle et
des besoins particuliers des pays en développement aux fins de la mise en œuvre
d’Action 21.
3) Encourager l’utilisation et la promotion des écotechniques autochtones qui ont
pu être négligées ou déplacées, notamment dans les pays en développement, en
accordant une attention particulière aux besoins prioritaires de ces pays et en tenant
compte des rôles complémentaires des hommes et des femmes.
4) Appuyer le renforcement des capacités endogènes, notamment dans les pays en
développement, de manière qu’ils puissent évaluer, adopter, gérer et appliquer
les techniques écologiquement rationnelles. L’adoption des mesures suivantes
contribuerait à la réalisation de cet objectif :
—— mise en valeur des ressources humaines ;
—— renforcement des capacités institutionnelles en ce qui concerne la recherchedéveloppement et l’exécution du programme ;
—— évaluation intégrée des besoins technologiques, conformément aux plans,
objectifs et priorités des pays, comme prévu dans l’application du programme
Action 21 à l’échelle nationale.
5) Promouvoir un partenariat technologique à long terme entre les possesseurs de
techniques écologiquement rationnelles et les utilisateurs potentiels.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 165
annexe 2
Les écosystèmes industriels
des économies émergentes
à l’origine de nouveaux acteurs
émetteurs de technologie
par Joël Ruet
Cette annexe a pour vocation d’illustrer les modes originaux de rattrapage
technologique des grands Émergents pour fonder ce qui est développé dans
le rapport : que, s’étant dotés de technologies par un écosystème industriel
fortement appuyé par l’État et connectés à l’utilisation stratégique des ressources
(naturelles, humaines, techniques, savoir-faire…), les grands pays émergents ont
ainsi acquis une « technique d’accompagnement » qu’ils mobilisent dans leurs
relations technologiques avec les pays du Sud. Cela en fait des « émetteurs » et
« transmetteurs » d’un type particulier.
La grande leçon de l’émergence est de nous faire collectivement réaliser que nous avons
occulté le fonctionnement moderne de nombreuses industries hors d’Europe depuis
plusieurs décennies. Si le paradigme de la modernité est, depuis Voltaire et les Lumières,
la prescience que l’avenir peut être très différent, l’Occident, dès 1991, s’est lui-même
placé en dehors du paradigme de la modernité, privilégiant celui d’une compétition entre
des modèles très similaires, assuré qu’il semblait être de maîtriser l’avenir. L’ouvrage
de Michel Albert, Capitalisme contre capitalisme, comparait ainsi les capitalismes anglosaxon, rhénan ou encore colbertiste, variantes, certes, du capitalisme occidental mais très
homogènes entre eux. Cette compétition de multinationale à multinationale ou encore
de PME à PME a complètement occulté la compétition à venir : celle entre des entreprises
extrêmement différentes.
La découverte de l’émergence
Parce que les régions dans lesquelles existaient d’autres modèles étaient relativement
fermées, l’Occident s’est concentré sur son modèle. Le modèle américain d’une
multinationale, ou encore les modèles anglais ou allemand de relations de banque à
entreprise, étaient ceux à suivre. Il n’est qu’à voir la manière dont une revue comme
Harvard Business Review a pu influencer la réflexion sur les modèles en Occident.
Dans ce contexte, on a découvert les pays « émergents », et ce de deux manières :
—— par une approche macroéconomique consistant à évaluer leur part dans le PIB
mondial à tel horizon de temps, ce qui ne parle jamais aux entreprises ;
—— par une logique de coût en s’interrogeant sur les territoires susceptibles d’occuper
telle ou telle fonction dans la chaîne de valeur implicitement occidentale.
Cette dernière approche a fini par démontrer qu’il pouvait y avoir plus de concurrence en
dehors de l’Europe mais n’a pas, pour autant, révélé à quel point les nouvelles chaînes
de valeur allaient concurrencer celles déjà existantes en Occident. La compréhension
de ces évolutions a été extrêmement progressive car on a essayé d’appréhender cette
émergence dans le cadre du modèle ancien qui semblait être le modèle unique.
Des traditions industrielles différentes
Il faut aujourd’hui reconsidérer l’émergence : ce n’est pas une intégration de grandes
zones à l’économie mondiale occidentale. Au contraire, l’émergence peut être définie
comme la mise en contact, et déjà la mise en commun, de traditions industrielles
différentes.
Pour en revenir à la question initiale de la modernité, l’enjeu n’est pas tellement de savoir
qui, dans ces trajectoires industrielles au sens large, détenait des technologies obsolètes
ou modernes, mais de reconnaître qu’aujourd’hui, ces trajectoires se rencontrent. Nous
ne sommes pas dans un modèle industriel unique, l’avenir est considérablement rouvert
et l’Histoire ne confère aucune avance sur l’avenir. Subitement, l’Occident n’a aucune
rente historique, ce à quoi les débats politiques en Europe sont aveugles, ce que les ÉtatsUnis sous-estiment du fait du dollar. Mais pour combien de temps encore ?
Les quatre capitaux
Le développement industriel s’appuie aujourd’hui sur les « quatre capitaux » : technique,
naturel, humain et social, déployés en un écosystème « énergie – matières – industrie ».
L’important dans le concept d’écosystème est qu’une entreprise ne travaille jamais
seule ; elle opère avec des fournisseurs, des clients et apprend d’eux. Le principe même
de l’écosystème est la possibilité de choix qu’il offre, par exemple, entre différents
fournisseurs. On voit souvent les pays émergents comme des « boîtes noires » dans
lesquelles les entreprises occidentales vont puiser partenaires ou fournisseurs sans
comprendre la richesse des écosystèmes dans lesquels elles sont intégrées. Il est à cet
égard symptomatique de regarder combien l’écosystème industriel a pu, en France,
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 167
annexes
disparaître dans un certain nombre de secteurs. En Europe, seule l’Allemagne a su
maintenir un degré de diversité de son écosystème industriel similaire à celui de la Chine.
La figure 1 illustre l’écosystème « large » structuré par Beijing autour de l’industrie des
clean-techs. Beijing a développé une stratégie pour attirer les industriels internationaux
leaders des clean-techs et composer sur son territoire un écosystème compétitif des
clean-techs. Cette stratégie est basée sur un accès garanti et à prix compétitif aux
matières premières d’une part, sur la création d’un marché garanti, local, pour les cleantechs sélectionnées d’autre part.
Figure 1 : L’écosystème des nouvelles technologies chinoises
est connecté, en amont, à des avantages d’accès
aux ressources « hors marché »
Extraction
Raffinage
Fonte
Graphite
Lithium
Terres rares
Matière
raffinée
Utilisation
Alliages / Nouveaux matériaux
Aimants pour moteurs électriques
Éoliennes
Poudres industrielles
Batteries électriques
Panneaux solaires
Produit fini
Véhicules électriques
Armement / Défense
Marchés soutenus par des outils de politique publique pour développer
l’attractivité d’acteurs internationaux et densifier l’écosystème.
D’une certaine façon, l’Occident paye la phase historique du fordisme qui a simplifié à
outrance les manières de faire. La diversité d’intervenants est essentielle dans le concept
d’écosystème ; c’est notamment pour cela qu’il est nécessaire de sauvegarder les savoirfaire même s’ils sont attaqués à un moment donné, parce qu’ils seront de nouveau utiles
à un autre moment. L’exemple des savoir-faire dans l’industrie textile en France est de ce
point de vue tout à fait éloquent.
Ressources naturelles et ressources humaines
S’agissant des quatre capitaux qui fondent un écosystème, une partie du modèle
occidental s’est construite autour d’un capital naturel non-limité et à faible coût d’une
part, d’autre part en standardisant à outrance le capital humain – les « ressources
humaines » ont ainsi poussé au taylorisme des usines vers les bureaux. Or, nous
avons besoin de réinventer un capital humain qui soit plus mobile, plus agile, etc. Le
système économique occidental a péché par excès, en accroissant considérablement le
capital physique au détriment de l’investissement dans les autres formes de capitaux.
Aujourd’hui, il est donc très important de savoir comment se construisent et se
coconstruisent ces quatre capitaux. L’enjeu est principalement d’investir dans le capital
humain, voire de le valoriser simplement quand il préexiste. L’Occident n’a jamais eu une
jeunesse si bien formée et ouverte qu’aujourd’hui. Il existe, par conséquent, un enjeu
considérable à reprendre de manière nouvelle cette question des quatre capitaux.
Des liens forts entre les entreprises et l’état
Posons une hypothèse, prisme d’analyse des relations entre État et industrie dans
les Grands Émergents. Le « capitalisme réversible », à mi-chemin entre la formule
journalistique et le concept économique, se veut ouvert et questionne ce que l’on observe
en Chine ou en Inde, résumé en Occident sous le terme de « capitalisme d’État ». Un
terme peu approprié en réalité.
La frontière entre l’État et le capitalisme ne serait-elle pas finalement plus poreuse qu’on
ne le pense ? Si l’on considère que le capitalisme est la « manière dont on finance la
production », on en déduira que les grandes banques chinoises sont complètement
dépendantes de l’État et, par conséquent, que l’État favorise virtuellement les entreprises
qu’il souhaite. En Inde, la situation est un peu moins nette de ce point de vue, mais
pose question. Les grandes banques privées ont eu le vent en poupe à partir de 1991.
Après 2009, le soutien ou non aux groupes privés en proie à des difficultés financières
a été négocié au niveau de l’État. De même, ce dernier a renfloué un certain nombre de
groupes plus ou moins publics qui sont ainsi instrumentalisés en intervenant au profit de
sa politique d’investissement. Dans tous les cas, les réformes sont plus « pro-business »
(favorisant telle ou telle entreprise) que « pro-marché » (des règles générales). On est
assez loin du libéralisme.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 169
annexes
« Capitalisme ou libéralisme réversible » ?
Il convient donc probablement de parler davantage de « libéralisme réversible ». Les
autorités chinoises pratiquent même un « dirigisme discret » au jour le jour lorsqu’elles
financent ou refinancent. Ce sont là des questions lourdes. Ces modèles sont très
particuliers, et encore très loin du capitalisme allemand ou japonais dans lequel les liens
entre banques et entreprises sont très forts. Cela sans jugement de valeur. Le critère
pragmatique de jugement est, en fin de compte, la capacité de la Chine et de l’Inde à
dynamiser leurs quatre capitaux.
Figure 2 : Des interactions fortes entre État et industries ont
permis en Chine d’acquérir des avantages compétitifs sur les
technologies VE et les clean-techs en général
Terres rares
Stratégie pilotée par l’État
2010Restructuration de la production nationale de terres rares
2010Création de stock de réserves stratégiques
2003Pékin acquiert la maîtrise d’une techno liée T.R. : Gamesa,
européen, leader mondial en éoliennes obtient un droit
d’accès au marché chinois en acceptant le transfert de ses
connaissances techno à la Chine
2007Protection du marché domestique : les éoliennes
installées en Chine doivent contenir au moins 70 % de
composants chinois
Moteurs
éoliens
P.V.
Batteries
V.E.
2007
à
Facilité d’accès aux T.R. pour les entreprises étrangères
s’implantant en Chine et “partageant” leur R&D et
2010
know-how avec les Chinois dans les secteurs stratégiques
2011Subventions & aides (directes ou indirectes) pour
les entreprises souhaitant vendre à l’international
Éoliennes
L’État chinois, par une stratégie industrielle mêlant avantages hors marchés à l’approvisionnement en
matières premières, financement de filières industrielles sélectionnées et création de conditions de marchés
favorisées, a stimulé sur son sol la création de districts industriels spécialisés dans les technologies de pointe.
Le graphique ci-dessus reprend les grandes étapes chronologiques de la structuration de l’écosystème
chinois des clean-techs, à partir de l’importation en Chine de technologies stratégiques.
Comment la mondialisation a reconfiguré
la géographie industrielle du monde
La géographie industrielle actuelle devient ainsi de plus en plus difficile à représenter
sur des cartes. Il faudrait plutôt parler de « sous-cartes », un peu à étages ou sous-sols.
On avait hier des zones du monde très séparées dans lesquelles existaient des modèles
distincts. Aujourd’hui, les clusters, districts industriels, pôles de compétitivité sont en
contact avec d’autres clusters, districts et pôles. Il faut désormais avoir l’image d’un
commerce international par strates ou par segments. On observe, pour chaque type de
commerce, des zones interconnectées avec des centres de gravité. Cela se vérifie sur des
exemples concrets comme le véhicule automobile Logan, initialement envisagé pour les
pays émergents mais qui se vend très bien en France.
Les sites de production se rapprochent en effet de plus en plus des sites de consommation.
Les relocalisations – on parle de délocalisations mais toute l’histoire industrielle est une
histoire de relocalisations – sont liées à la manière dont un territoire change de mode de
production, dont une population change de mode de consommation. Toute industrie a
tendance à se rapprocher de ses marchés, soit des sites d’approvisionnement en intrants,
soit des sources de financement.
Promouvoir une capacité de redéploiement rapide
Il en résulte que les sites de spécialisation sont aujourd’hui de plus en plus temporaires.
Voilà la grande leçon de l’émergence : l’idée de se spécialiser, la « grande idée
économique » qui fondait depuis la fin du XIXe siècle la théorie du commerce, devient
sinon moribonde du moins dangereuse pour un territoire économique. Le temps que
l’on mette en place une spécialisation, l’industrie a déjà changé. Il importe donc de
promouvoir un potentiel de redéploiement rapide. Il s’agit de fertiliser la diversité des
territoires. Voilà peut-être un rôle pour l’État, pas nécessairement tant dans le faire que
dans le promouvoir et le laisser faire.
L’Inde, par exemple, n’envisage plus de grands contrats technologiques sans que ses
entreprises et ses ingénieurs ne soient impliqués. L’ère du Make in India « for » India a bien
été ouverte, et c’est de manière croissante autour des négociations technologiques entre
partenaires industriels que se fixe le cap d’une pérennisation des relations commerciales
avec l’Inde.
Des entreprises comme EDF, Areva ou DCNS, par exemple, les champions tricolores
particulièrement intéressés par les forts besoins en infrastructures énergétiques ou
encore les chantiers navals de l’Inde, devraient donc très sérieusement investir dans
la compréhension de la volonté industrielle de l’Inde. Il va rapidement falloir créer une
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 171
annexes
intelligence industrielle et partenariale avec l’Inde. Autre pays, l’Allemagne est en Europe
le premier partenaire commercial de l’Inde (les échanges ont doublé en dix ans). Et le
Premier ministre indien cherche à attirer les investisseurs germaniques pour aider le pays
à créer un secteur industriel de pointe.
De manière générale, autour de la technique, tous ces secteurs infrastructures et
industries nécessitent aujourd’hui un accompagnement en termes d’ingénierie financière,
d’investissement et de montage légal adapté aux structures nationales des diverses
formes d’émergence.
biographie des auteurs
Guillaume Henry
Guillaume Henry est avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Szleper Henry Avocats,
spécialisé en droit de la propriété intellectuelle (brevets, marques, droits d’auteur et
nouvelles technologies). Il est l’un des rares spécialistes en France du droit de la propriété
industrielle appliqué aux technologies propres et a publié plusieurs études sur ce sujet.
Il est le conseil d’entreprises françaises et étrangères qui interviennent dans tous les
domaines de l’industrie et des services. Il enseigne le droit de la propriété industrielle
dans plusieurs universités et écoles (Sorbonne, Centre d’études internationales de la
propriété industrielle - Ceipi, Telecom ParisTech). Guillaume Henry est docteur en droit et
sa thèse, qui a reçu deux prix, traite notamment de l’évaluation des dommages et intérêts
de contrefaçon.
Joël Ruet
Né en 1972, ingénieur civil des Mines, docteur en économie industrielle à l’École des
mines de Paris et ancien Fellow à la London School of Economics, Joël Ruet est chercheur
CNRS au Centre d’économie de Paris-Nord et chercheur associé au programme
Gouvernance à l’Institut du développement durable et des relations internationales
(Iddri) à Sciences-Po Paris. Joël Ruet est spécialiste de l’émergence et a été chroniqueur
dans le journal Le Monde de 2008 à 2014. Il préside le Bridge Tank et conseille
actuellement des think tanks et hommes politiques en Chine, France, Inde et au Sénégal.
Matthieu Wemaëre
Matthieu Wemaëre est avocat inscrit aux barreaux de Paris et Bruxelles. Il a plus de vingt
ans d’expérience dont six en tant que juriste à la DG Environnement de la Commission
européenne, après avoir été associé et directeur du bureau de Bruxelles du cabinet Huglo
Lepage et Associés Conseil, avocats spécialisés en droit de l’environnement. Il dispose
d’une expertise reconnue en matière de lutte contre les changements climatiques,
de protection de l’environnement et de développement durable. Depuis 2012,
Matthieu Wemaëre est chercheur associé au Ceric (Centre d’études et de recherches
internationales et communautaires), basé à la faculté de droit d’Aix en Provence, où il
enseigne le droit international et européen de l’environnement et du climat depuis 2007.
Il a également été chercheur associé et représentant permanent à Bruxelles de l’Iddri
(Institut du développement durable et des relations internationales) entre 2007 et 2012.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 175
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- Wittmeyer (C. L.), A public procurement paradox: the unintended consequences of forest
product eco-labels in the global marketplace, Journal of Law and Commerce, 2003, p. 69
(23 J.J. and Com. 69).
- Wolek (A.), Biotech biofuels: how patents may save biofuels and create empires, ChicagoKent Law Review, 2011, p. 235 (86 Chi-Kent L. Rev. 235).
- Wangler (L. U.), The political economy of the green technology sector: a study about
institutions, diffusion and efficiency, European Journal of Law & Economics, 2012, p. 5181 (E.J.L. & E. 2012, 33(1), 51-81).
- Wong (S. M.), Environmental initiatives and the role of the USPTO’sgreen technology pilot
program, Marquette Intellectual Property Law Review, 2012, p. 233 (16 Marq. Intell.
Prop. L. Rev. 233).
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 187
Déclarations
Déclarations et accords internationaux
- Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain, Stockholm, Suède,
5-16 juin 1972.
- Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, 1985.
- Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, Brésil,
3-14 juin 1992.
- Agenda 21, Plan d’action pour le XXIe siècle, Rio de Janeiro, Brésil, 1992.
- Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 1992.
- Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, 1992.
- Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, 1994.
- Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques, 1998.
- Déclaration ministérielle de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), Doha,
14 novembre 2001.
- Rapport du Sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg, Afrique du
Sud, 26 août-4 septembre 2002.
- L’avenir que nous voulons, Conférence des Nations Unies sur le développement durable,
Rio de Janeiro, Brésil, 20-22 juin 2012.
- Rapport du Secrétaire général, Assemblée générale des Nations Unies, Options
pour la mise en place d’un mécanisme de facilitation qui favorise la mise au point, le
transfert et la diffusion de technologies propres et respectueuses de l’environnement,
4 septembre 2012, A/67/348, 44 p.
- Déclaration des dirigeants de l’APEC (coopération économique pour l’Asie-Pacifique),
Liste des biens environnementaux de l’APEC (Annexe C), Vladivostok, Russie,
8-9 septembre 2012.
- Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, Mise en œuvre d’Action
21, du Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21 et des textes
issus du Sommet mondial pour le développement durable et de la Conférence des
Nations Unies sur le développement durable, 27 février 2013, A/67/203, 5 p.
- Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, Mise en œuvre
d’Action 21, du Programme relatif à la poursuite de la mise en œuvre d’Action 21 et des
textes issus du Sommet mondial pour le développement durable et de la Conférence
des Nations Unies sur le développement durable, 20 décembre 2013, A/68/210, 6 p.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 189
déclarations
- Déclaration commune relative au lancement des négociations en vue de la conclusion
d’un Accord sur les biens environnementaux, Genève, 8 juillet 2014.
- Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, Quatre dialogues
structurés d’une journée sur différentes formules permettant de créer un mécanisme
ayant vocation à favoriser la mise au point, le transfert et la diffusion de technologies
propres et respectueuses de l’environnement, 19 septembre 2014, A/68/310, 1 p.
Déclarations des Conférences des parties - Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques
- Dec. 4/COP 4 - Mise au point et transfert des technologies - Rapport de la Conférence
des Parties sur les travaux de sa quatrième session, tenue à Buenos Aires du 2 au
14 novembre 1998 - FCCC/CP/1998/16/Add.1.
- Dec. 4/COP 7 - Mise au point et transfert de technologies - Rapport de la Conférence
des Parties sur les travaux de sa septième session, tenue à Marrakech du 29 octobre au
10 novembre 2001 - FCCC/CP/2001/13/Add.1.
- Dec. 4/COP 7 - Annexe - Cadre pour la mise en œuvre d’actions judicieuses et efficaces
propres à renforcer l’application du paragraphe 5 de l’article 4 de la Convention.
- Dec. 1/COP 13 - Plan d’action de Bali - Rapport de la treizième session de la Conférence
des parties tenue à Bali du 3 au 15 décembre 2007 - FCCC/CP/2007/6/Add.1.
- Dec. 2/COP 14 - Mise au point et transfert de technologies - Rapport de la quatorzième
session de la Conférence des Parties tenue à Poznan du 1er au 12 décembre 2008 FCCC/CP/2008/7/Add.1
- Dec. 2/COP 15 - Accord de Copenhague - Rapport de la quinzième session de la
Conférence des Parties tenue à Copenhague du 7 au 19 décembre 2009 - FCCC/
CP/2009/11/Add.1.
-D
ec. 1/COP 16 - Les accords de Cancun : Résultats des travaux du Groupe de travail
spécial de l’action concertée à long terme au titre de la Convention - Rapport de la
Conférence des Parties sur sa seizième session, tenue à Cancun du 29 novembre au
10 décembre 2010 - FCCC/CP/2010/7/Add.1.
-D
ec. 4/COP 17 - Comité exécutif de la technologie − Modalités et procédures de
fonctionnement - Rapport de la Conférence des Parties sur sa dix-septième session,
tenue à Durban du 28 novembre au 11 décembre 2011- FCCC/CP/2011/9/Add.1.
-A
nnexe VII de la Dec. 2/COP 17 - Résultats des travaux du Groupe de travail
spécial de l’action concertée à long terme au titre de la Convention - Rapport de la
Conférence des Parties sur sa dix-septième session, tenue à Durban du 28 novembre au
11 décembre 2011 - FCCC/CP/2011/9/Add.1.
- Dec. 14/COP 18 - Dispositions visant à rendre le Centre et le Réseau des technologies
climatiques pleinement opérationnels - Rapport de la Conférence des Parties sur sa
dix-huitième session, tenue à Doha du 26 novembre au 8 décembre 2012 - FCCC/
CP/2012/8/Add.2.
- Dec. 25/COP 19 - Modalités et procédures du Centre et du Réseau des technologies
climatiques et de leur Conseil consultatif - Rapport de la Conférence des Parties sur sa dixneuvième session, tenue à Varsovie du 11 au 23 novembre 2013 - FCCC/CP/2013/10/
Add.3.
- Dec. 16 et 17/COP 20 - Rapport annuel commun du Comité exécutif de la technologie
et du Centre et du Réseau des technologies climatiques pour 2014, octobre 2014,
FCCB/SB/2014/3 - Rapport de la Conférence des Parties sur sa vingtième session, tenue
à Lima du 1er au 14 décembre 2014 - FCCC/CP/2014/10/Add.3.
INPI – Développement durable et propriété intellectuelle – 191
Avertissement
Les études publiées dans le cadre de cette collection sont le résultat
de travaux de réflexion indépendants. Les conclusions, propres à leurs auteurs, n’engagent pas l’INPI.
La présente publication est une édition hors commerce.
Réalisation : Sabine Lesné
Achevé d’imprimer : novembre 2015
sur les presses de l’imprimerie Friedling Graphique
68170 Rixheim - France
Dépôt légal ISBN n° 978-2-7323-0011-5 (broché)
n° 978-2-7323-0012-2 (PDF)
1re édition
Printed in France
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992,
complétés par la loi du 3 janvier 1995, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication
est strictement interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur.
INPI – Institut national de la propriété industrielle – www.inpi.fr
Développement durable
& propriété intellectuelle
L’accès aux technologies dans les pays émergents
La propriété intellectuelle et le développement durable sont deux mondes
qui s’ignorent souvent ou se croisent avec méfiance.
Le présent ouvrage démontre qu’un dialogue fructueux est non seulement
possible mais indispensable.
Le monde du développement durable et de l’accès aux technologies propres
pour les pays en développement peut utiliser de manière très efficace
les brevets et les marques pour optimiser, voire permettre,
les transferts de technologies.
Les acteurs de la propriété intellectuelle trouvent dans le domaine
des technologies propres un laboratoire d’idées innovantes (création
de marchés de technologies, amélioration de l’information)
susceptibles de servir de modèles à tous les domaines de l’innovation.
Les auteurs ont ponctué l’ouvrage de cas pratiques éclairants qui illustrent
et démontrent la nécessité de ce dialogue.
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| 15, rue des Minimes - 92400 Courbevoie
| ISBN : 978-2-7323-0011-5 (broché)
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