Mars 1941
11 Diplomatie et Economie
L’arsenal des démocraties
11 mars
Prêt-bail
Washington Le président Roosevelt signe les documents officialisant la loi Lend-Lease
(Prêt-Bail), votée par le congrès le jour même. Cette signature est l’aboutissement d’un long
chemin, commencé en novembre 1939 avec la modification de la clause “Cash and carry” des
lois de neutralité, permettant aux Etats-Unis, sans entrer en guerre, de soutenir les démocraties
européennes (et la Chine !) en leur fournissant des armes, pourvu qu’elles les payent comptant
et qu’elles les transportent.
Contraint à la prudence avant les élections présidentielles dans un pays à l’opinion publique
encore majoritairement opposée à l’entrée en guerre, Roosevelt a avancé pas à pas. Une fois
sa réélection assurée, il a estimé, après l’invasion de la France par l’Allemagne et devant la
fonte rapide des réserves d’or et de devises du Royaume-Uni et de la France, qu’une nouvelle
étape était nécessaire. Il l’a annoncé par son fameux “discours du tuyau d’arrosage” le 17
décembre 1940 : « Supposons que la maison de mon voisin ait pris feu et que je possède, à
cent cinquante ou deux cents mètres de là, un tuyau d'arrosage. Si je permets à mon voisin de
prendre ce tuyau et de le visser sur sa prise d’eau, il est évident que je l’aiderai ainsi à
éteindre le feu... Que vais-je faire ? Je ne vais pas lui dire, avant l’opération : “Voisin, mon
tuyau m’a coûté quinze dollars, vous devez me donner quinze dollars.” Car telle n’est pas la
transaction qui m’intéresse. Je ne veux pas de ses quinze dollars – ce que je désire, c’est qu’il
me rende mon tuyau quand le feu aura été éteint. (…) Il n’existe absolument aucun doute,
dans l’esprit d’une immense majorité d’Américains, sur le fait que la meilleure défense
immédiate des Etats-Unis est dans les succès de la Grande-Bretagne et de la France assurant
leur propre défense ; par conséquent, et en dehors même de l’intérêt historique et actuel que
nous prenons à la survie de la démocratie dans le monde, d’un point de vue purement égoïste,
il est également important pour la défense de l’Amérique que nous fassions tout ce qui est en
notre pouvoir pour aider l’Empire Britannique et la République française à se défendre. [Si
nous estimions que les armes fabriquées aux Etats-Unis] seraient plus utiles à la défense des
Etats-Unis en étant activement utilisées en Grande-Bretagne ou en Méditerranée qu’en étant
entreposées chez nous, nous pourrions louer ou vendre ce matériel, sous réserve d’une
hypothèque convenable, aux nations des autres continents. »
Le projet de loi Prêt-Bail, déposé début janvier au Congrès (H.R. 1776), a provoqué
d’intenses discussions publiques pendant tout le premier trimestre 1941. Cette loi prévoit
d’autoriser le Président des Etats-Unis à « vendre, transférer, échanger, louer, prêter ou
aliéner de toutes manières (...) tout instrument de défense [à] tout pays dont le Président juge
la défense vitale pour la défense des Etats-Unis. [En contrepartie de ces transferts, les]
avantages à recevoir par les Etats-Unis [pourraient être] soit un paiement, soit un
remboursement en nature ou en propriété, soit tout autre avantage direct ou indirect, que le
Président jugerait satisfaisant. »
Le calendrier montre bien l’urgence de la situation : définitivement votée par le Congrès le 11
mars 1941, signée le même jour par le président Roosevelt, la loi est immédiatement mise en
pratique. Le jour même, la Directive n°1 signée par Roosevelt indique que la défense de la
Grande-Bretagne est vitale pour la défense des Etats-Unis et autorise le Secrétaire à la Marine
à transférer à la Grande-Bretagne 28 vedettes lance-torpilles PT et PTC, 3 000 charges pour
mines anti sous-marines et des centaines de canons de moyen calibre avec leurs munitions
pour armer des navires marchands. Toujours ce 11 mars 1941, la Directive n°2 déclare la
défense de la France vitale pour la défense des Etats-Unis et autorise le Secrétaire à la Guerre
à transférer aux Français 50 canons de 155 mm GPF avec 100 000 obus, 100 canons de 155C
M1917 avec 200 000 obus et 50 canons de 75 mm avec 150 000 obus.
27 mars
D’autres batailles en prévision
Washington Signature de l’accord d’état-major “ABCF-1” entre les Etats-Unis, la Grande-
Bretagne, la France et l’Australie.
L’accord (qui reste évidemment secret puisque les Etats-Unis sont encore officiellement
neutres) précise que « La région euro-atlantique est le théâtre militaire décisif. L’effort
militaire principal des Etats-Unis s’exercera sur ce théâtre. (…) » Ayant promis de « battre
Hitler d’abord », le gouvernement américain indique qu’au cas le Japon attaquerait la
France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou l’Australie (ou bien sûr les Etats-Unis), la Pacific
Fleet américaine « soutiendrait les opérations défensives sur la ligne Singapour-Saigon par
des attaques contre les îles Marshall et par des raids contre les voies de communications
navales et les positions japonaises. L’Asiatic Fleet opérerait en coordination avec les marines
britannique, française et néerlandaise. » Dans cette éventualité, la délégation française
accepte de placer les Forces Navales françaises d’Extrême-Orient (FNEO) à ce moment
deux croiseurs lourds, trois légers, plusieurs grands avisos et neuf sous-marins sous
commandement britannique.
28 mars
Echanges de bons procédés
Washington Plusieurs accords particuliers franco-américains sont signés dans le sillage de
l’accord ABCF-1 sur l’Extrême-Orient.
En échange de la concession à l’US Navy de droits d’escale à Fort-de-France, Nouméa et
Tahiti, la Marine Nationale obtient en Prêt-Bail pour l’Aéronavale 30 G-36A (F4F-3 Wildcat)
à livrer avant fin avril, plus 90 G-36B (F4F-4) et 90 Douglas SBD-3 à livrer avant la fin de
1941. En outre, le gouvernement américain accepte la livraison ou le transfert à la Marine
Nationale de quatre destroyers modernes de classe Farragut : les Alwyn, Dale, Dewey et
Macdonough seront respectivement rebaptisés Le Corsaire, Le Flibustier, Le Téméraire et
L’Aventurier. De plus, deux pétroliers ravitailleurs de flotte, en cours de conversion en porte-
avions d’escorte, devraient compenser la perte du Béarn : l’AO28 Esso Trenton deviendrait le
Lafayette et l’AO29 Seakay deviendrait le Bois-Belleau. Ces deux conversions, déjà décidées
pour l’US Navy à la demande de Roosevelt, doivent être accélérées pour une livraison dans
les derniers jours de 1941 ou au plus tard en janvier 1942. Enfin, 24 vedettes PC-boats (173
pieds) et 24 PT-boats (de type Higgins), destinées à des missions côtières en Méditerranée,
seront livrées à la Marine Nationale.
Un autre accord signé ce jour-là concerne l’aviation et couvre les pratiques “d’infiltration” de
personnel de l’USAAC dans l’Armée de l’Air. Celle-ci utilisant à présent une grande majorité
d’avions d’origine américaine et possédant une riche expérience du combat avec ces avions,
le gouvernement américain accepte “d’infiltrer” sous le masque de la Légion Etrangère des
personnels de l’USAAC, pilotes, navigateurs, mitrailleurs, bombardiers… dans les groupes
français combattants. Cette infiltration facilite une certaine rotation des équipages français,
aidant l’Armée de l’Air à envoyer des personnels expérimentés comme instructeurs en Unités
d’Entraînement Opérationnel, pour préparer une nouvelle génération. De son côté, l’USAAC
bénéficie ainsi d’une expérience opérationnelle de première main. Ce procédé est
officiellement approuvé par un ordre exécutif non rendu public du Président Roosevelt lui-
même.
L’opération d’infiltration doit commencer avec le GC II/5, héritier des traditions de
l’escadrille Lafayette, constituée pendant la Première Guerre avec des volontaires américains.
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