LES ETATS–UNIS DU « NEW DEAL » A L’ECONOMIE DE GUERRE : QUELLES LECONS POUR LA CRISE D’AUJOURD’HUI ? Robert ROLLINAT Professeur des Universités Université Paris X. Université d’Artois Une interprétation orthodoxe du développement de la crise de 1929 aux Etats-Unis a souvent présenté, à partir de 1933, le premier New Deal de F.D. Roosevelt (les politiques d’assistance, les programmes d’investissement public , la réforme bancaire , la dévaluation du dollar) comme la réponse adéquate au chômage de masse, comme le signal du redressement de l’économie américaine. Ce « mythe du New Deal » avec le mirage d’économie « contrôlée » d’inspiration keynésienne qu’il sous-tend a largement été remis en question par de nombreux historiens et économistes. En réalité, le premier mandat de Roosevelt ne constitue que le prélude d’une période complexe où, dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus tendu, les conflits sociaux internes s’exacerbent, obligeant le pouvoir à concéder la reconnaissance des syndicats (Wagner Act de1935) tout en cherchant à redonner aux milieux d’affaires les moyens de poursuivre l’accumulation du capital. Pour ce faire, il faut, tout en contenant la pression sociale, permettre une reconversion et une restructuration productives pour restaurer la profitabilité de l’économie. Après la réélection de Roosevelt en 1936 et la brutale crise de 1937, l’ancienne génération des « New Dealers » de gouvernement , confusément orientée vers la réforme est écartée et peu à peu remplacée par des représentants de la Finance et de l’Industrie. Ce sont, jusqu’en 1941 (Pearl Harbour et la déclaration de guerre), les mécanismes et les politiques économiques de cette évolution vers la militarisation de l’économie et de la force de travail, avec les bouleversements institutionnels et organisationnels qu’ils ont nécessité au niveau de l’Etat et des firmes, que cette contribution se propose d’analyser. Comment les intentions originelles, pourtant bien timides, du « welfare state » rooseveltien ont elles été dévoyées vers le business de l’économie de guerre ? Comment s’est constituée, à la fin des années 30, cette nouvelle alliance du militarisme et du monde des affaires ? L’examen, pour les Etats-Unis, de cette période spécifique qui prélude à la guerre, trop méconnue au plan économique et politique, questionne directement la nature même du capitalisme « fin de crise » dont la survie, faute d’une alternative politique radicale, conduit à la destruction matérielle des richesses accumulées et au chaos politique et social. Elle doit nous aider à réfléchir sur la crise d’aujourd’hui et son évolution. °°°°°°°