Quelle place pour la cohésion sociale dans la politique

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CENTRE EUROPEEN DES ENTREPRISES
A PARTICIPATION PUBLIQUE
ET DES ENTREPRISES
D’INTERET ECONOMIQUE GENERAL
EUROPEAN CENTRE OF ENTERPRISES
WITH PUBLIC PARTICIPATION
AND OF ENTERPRISES
OF GENERAL ECONOMIC INTEREST
CEEP.01/AVIS.10
Orig. Fr. – Juin 2001
Quelle place pour la cohésion sociale dans la
politique communautaire de l’après Lisbonne ?
Résumé
Dans cette contribution faisant suite au sommet de Stockholm du 22 mars 2001, le
CEEP s’interroge sur la place véritable et le sens partagé ou non de la « cohésion
sociale » dans la stratégie de Lisbonne à travers les principaux textes
communautaires et contributions qui vont en nourrir les débats.
La lecture des textes principaux de l’actualité communautaire montrent que la
cohésion sociale est définie de façon relative par les critères ou considérations plus
ou moins convergents par lesquels chacun lui donne un contenu (protection sociale,
différences de revenu et de niveau de vie, inégalités régionales, …). Le Traité luimême ne la distingue pas de la cohésion économique.
La question est alors soit de construire une définition en soi de la cohésion sociale,
ce qui est affaire de chercheurs ou de philosophie, soit de choisir l’ensemble
pertinent de critères externes, ce qui est affaire de débat démocratique qui reste à
engager.
La lecture de la communication1 conduit le CEEP à regretter que ce texte garantisse
insuffisamment la prise en compte sérieuse de l’objectif de cohésion sociale présent
dans les conclusions de Lisbonne dans un contexte de transformation profonde des
équilibres entre l’économique et le social.
La contribution des Etats membres renforce la marginalisation de la cohésion sociale
dans l’objectif de Lisbonne. A l’inverse, le CEEP soutient les points énoncés dans la
résolution du Parlement en direction du sommet de Stockholm : (1) modernisation du
modèle social européen en faveur de la cohésion sociale ; (2) lutte contre l’exclusion
et la pauvreté ciblée sur les jeunes, les plus défavorisés, les personnes âgées, les
handicapés, et les immigrants en situation légale ; (3) l’usage des fonds structurels
1
Tirer le meilleur parti du potentiel de l’Union européenne : consolidation et extension de la stratégie
de Lisbonne – COM(2001)79 final
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------CEEP rue de la Charité 15 boîte 12 / 1210 Bruxelles / tél. 32-(0)2-219 27 98 / fax 32-(0)2-218 12 13 / E-mail :
[email protected]
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pour une politique de cohésion sociale dans l’Union élargie ; (4) le soutien aux
régions ultra périphériques.
Le 2ème rapport de cohésion établit que l’élargissement amplifie grandement les
disparités. Avec une convergence entre régions dans une Union élargie se
poursuivant au même rythme, demanderait au moins deux générations.
Ce constat clair et alarmant ne doit pas conduire à différer l’élargissement, mais ne
peut être passé sous silence dans le suivi du sommet de Lisbonne. Une plus grande
cohérence dans la synthèse des travaux communautaires améliorerait l’utilisation de
chacun dont la qualité est indéniable.
Le CEEP exprime dans cette contribution une vision de la cohésion sociale définie
en termes de territoires et de réseaux.
Le CEEP pense que l’équilibre entre l’économique et le social n’est en aucun cas
une résultante automatique du dynamisme de l’économie assorti de quelques
précautions sur la protection sociale.
Il est favorable à une prise en compte permanente de la dimension de cohésion
sociale (à définir dans un débat européen démocratique) dans la conception et la
mise en œuvre de chaque politique économique, avec une application intégrée au
niveau du territoire.
Le CEEP pense que l’économie globalisée d’une part et la cohésion sociale
territorialisée de l’autre, garantissent l’occurrence des crises de mutation industrielle
où les territoires seront isolés et sans défense face aux acteurs économiques
globaux tenus à la compétitivité internationale.
Il est temps de penser les politiques positives alternatives qui contribueront à pallier
ces effets, notamment la coopération interrégionale des secteurs à même
composante industrielle dominante ; le CEEP à travers son réseau EUREXCTER
prépare des propositions expérimentales dans ce sens.
En énonçant le concept de cohésion sociale et territoriale, la proposition de la
Commission pour un débat sur la nouvelle gouvernance introduit une dimension
majeure de la cohésion sociale :
Politique européenne de la proximité, réseau des villes d’Europe, réseaux de
services d’intérêt économique général sont les exemples qui confirment une vision
de la gouvernance « autour de l’idée-clef d’une unification continentale européenne,
d’une solidarité à reconstruire en mobilisant le patrimoine historique, géographique et
interculturel qui a fondé l’essor des relations économiques et commerciales sur le
continent européen. »2
Voici un cadre plus général et stimulant pour une conception opératoire de la
cohésion sociale à décliner dans chaque Etat, région et territoire et auquel le CEEP
est prêt à apporter son soutien et son expérience de terrain à travers le réseau
EUREXCTER.
2
SEC(2000) 1547/7 final p. 14
2
Table des matières
1. LE LANGAGE DE L’EUROPE
4
2. LA COHÉSION SOCIALE DANS LE TRAITÉ
4
3. A LA RECHERCHE D’UNE DÉFINITION DE LA COHÉSION SOCIALE COMME
FINALITÉ DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE
5
4. LES CONTRIBUTIONS DES ETATS MEMBRES POUR LE SOMMET DE
STOCKHOLM.
6
5. 2ÈME RAPPORT SUR LA COHÉSION
7
5.1.
5.2.
5.3.
5.4.
7
7
8
8
SITUATION ET TENDANCES
UN SAUT QUANTITATIF ET QUALITATIF MAJEUR AVEC L’ÉLARGISSEMENT
LA DIMENSION TERRITORIALE : DES DÉSÉQUILIBRES PERSISTANTS
CONCENTRATION OU DISPERSION : QUELLES TENDANCES ?
6. CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX ET PROJETS DE NOUVELLE
GOUVERNANCE EUROPÉENNE
6.1.
6.2.
LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX
LE DÉBAT SUR LA NOUVELLE GOUVERNANCE
3
9
9
10
1.
Le langage de l’Europe
L’édifice communautaire concret se construit progressivement dans le temps des
rencontres, des sommets et des traités sur le langage et les concepts qui le
structurent. A chaque étape importante une nouvelle forme langagière est associée,
dont le contenu se précise dans une représentation partagée au fil des négociations
et des textes qui l’intègrent.
La « subsidiarité » a acquis par exemple un contenu substantiel, aujourd’hui
pratiquement stabilisé à l’issue de longs débats contradictoires. Il en est de même du
« processus » dont la cohorte semble volontairement limitée (Lisbonne a veillé à ne
pas être interprété comme un nouveau processus) en même temps que son sens est
désormais consensuel dans le vocabulaire communautaire. Enfin, la « nouvelle
gouvernance » explicite un changement dont l’exploration est l’objet d’un grand
chantier communautaire ; le sens nouveau et partagé devrait en sortir.
Il n’en va pas de même pour la « méthode ouverte de coordination » née de
Lisbonne avec une définition ouverte et minimale, encore en débat contradictoire où
s’opposent des représentations de la « panacée » ou du « diabolique », ou encore
pour la « qualité », véritable mot-valise transféré sans précaution du paradigme
managérial vers celui bien différent de l’action publique, autour duquel le tourbillon
des discours se nourrit du flou avant de progresser et de se réduire dans la
rationalité négociée du discours politique pour enfin se traduire dans l’action
communautaire et la convergence.
Il en va ainsi généralement de la construction de la pensée commune et
communautaire.
D’autre mot aussi essentiels n’ont pas le même sort ; ils sont utilisés à tout bout de
champ comme si leur sens était élucidé, comme si leur seule évocation permettait
d’en partager l’importance et le sens.
Dans cette contribution complémentaire au sommet de Stockholm, le CEEP
s’interroge sur la place véritable et le sens - partagé ou non - de la « cohésion
sociale » dans la stratégie de Lisbonne et à travers les principaux textes
communautaires et contributions qui vont en nourrir les débats.
2.
La cohésion sociale dans le Traité
L’article 158 introduit le Titre XVII sur la cohésion économique et sociale :
Article 158 (ex-article 130 A)
Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté,
celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion
économique et sociale.
En particulier, la Communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de
développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins
favorisées, y compris les zones rurales.
4
Deux remarques s’imposent : la cohésion se définit d’abord en termes de disparités
territoriales et ne différencie pas les contenus de la dimension de cohésion
économique par rapport à celle de cohésion sociale.
La politique de cohésion s’identifie largement à l’usage des Fonds structurels et
notamment du fonds de cohésion.
3.
A la recherche d’une définition de la cohésion sociale comme
finalité de la politique européenne
C’est dans les conclusions du sommet de Lisbonne qu’on doit prendre la référence
de base à la cohésion sociale comme finalité de la convergence européenne :
« devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde,
capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative
et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. »
L’énoncé de l’objectif majeur, s’il ne définit pas la cohésion sociale a le mérite de
poser clairement l’équilibre nécessaire et la complémentarité de l’économique et du
social ; la communication de la Commission sur le suivi de Lisbonne le confirme :
« Au cœur de la stratégie de Lisbonne se trouve l'objectif de renforcer la compétitivité,
de tendre vers le plein emploi et de promouvoir la cohésion sociale, en ajoutant une
culture de dynamisme économique et de renouveau social à la stabilité économique
qui est désormais une réalité. »
On y trouve un texte plus précis3 qui énonce des éléments compatibles ou
antinomiques de la cohésion sociale : pauvreté, exclusion, disparités régionales de
l’emploi ou du niveau de vie, protection sociale (en fait retraites pour l’essentiel).
Il est remarquable d’observer que la définition est construite à partir de critères
supposés être explicatifs et non constitutifs : la pauvreté est supposée contraire à la
cohésion sociale ; intuitivement acceptable ce critère n’en reste pas moins externe ;
de plus il est des sociétés – peu recommandables certes - où la pauvreté associée à
l’exploitation est facteur de cohésion sociale et où l’information et la conscientisation
deviennent facteur d’instabilité et de rupture dans la cohésion ; on peut en dire autant
des autres critères de cette définition externe de la cohésion sociale.
La cohésion sociale est définie de façon relative où plutôt par rapport à une vision
positive de la société supposée cohésive dès lors que ces critères sont vérifiés : pas
de pauvreté ni d’exclusion, pas de disparités régionales de l’emploi et du niveau de
vie, une bonne protection sociale, … A tout système de critères peut être associée
une définition différente mais toute aussi légitime de la cohésion sociale
3
Cohésion sociale. La pauvreté et l'exclusion persistent au sein de l'Union européenne. Le
phénomène est aggravé par d'importantes disparités régionales au niveau de l'emploi et du niveau de
vie. Les systèmes de protection sociale doivent être modernisés et améliorés. Vu le vieillissement de
la population, il convient de s'attacher dès maintenant à faire en sorte que les pensions soient
garanties et viables à l'avenir et que les systèmes de santé soient en mesure de répondre à des
besoins nouveaux en matière de soins. (p. 3)
5
La question est alors soit de construire une définition en soi de la cohésion sociale,
ce qui est affaire de chercheurs ou de philosophie, soit de choisir l’ensemble
pertinent de critères externes, ce qui est affaire de débat démocratique.
Faute d’ouvrir le débat sur ce que l’on entend par cohésion sociale, on court le risque
tautologique et auto référentiel du créateur du test du QI : « l’intelligence est ce que
mesure mon test » (Binet) ; « la cohésion sociale est ce que décrivent mes critères ».
Même discutable la définition externe de la cohésion sociale aurait le mérite d’exister
si elle servait de référence au texte de la communication ; de fait les dix domaines
prioritaires pour le sommet de Stockholm4 n’y font pas explicitement référence et la
nécessaire convergence du dynamisme économique et de la cohésion sociale est
surtout illustrée par la première et la dernière priorité : « des emplois plus nombreux
et de qualité » et « une protection sociale efficace pour une population vieillissante ».
L’équilibre annoncé de l’économique et du social reste affirmé formellement mais la
politique exposée donne massivement la priorité à la dimension économique dont les
« nouveaux marchés européens du travail » sont une illustration, réduisant la
cohésion sociale à un sous-produit de la « priorité pour les réformes économiques et
structurelles ».
Enfin la communication ne prend pas en compte directement le scénario de
l’élargissement, cité allusivement, alors que la cohésion sociale risque d’être
gravement compromise par les disparités de développement entre les pays
candidats et les pays de l’Union venant s’ajouter aux transformations liées à la
mondialisation et aux nouvelles technologies.
La lecture de la communication conduit le CEEP à regretter que ce texte garantisse
insuffisamment la prise ne compte sérieuse de l’objectif de cohésion sociale présent
dans les conclusions de Lisbonne dans un contexte de transformation profonde des
équilibres entre l’économique et le social.
4.
Les contributions des Etats membres pour le sommet de
Stockholm.
La lecture comparée des contributions des Etats membres en vue du sommet de
Stockholm n’apporte pas sur ces sujets les apaisements que l’on pourrait en
attendre.
La mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne basée sur une interaction entre
politique économique, emploi et cohésion est rarement rappelée alors que
l’accélération des réformes économiques (libéralisations) est un critère partagé.,
4
(1) Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ; (2) Nouveaux marchés européens du travail
- ouverts à tous, accessibles à tous ; (3) Réformes économiques des marchés de biens et de
services ; (4) Marchés financiers intégrés ; (5) Un environnement réglementaire approprié ; (6)
eEurope 2002 ; (7) Le déficit des compétences dans les TI ; (8) Recherche, innovation et esprit
d'entreprise ; (9) Technologies d'avant-garde ; (10) Une protection sociale efficace pour une
population vieillissante
6
Les questions sociales sont peu développées et si des convergences certaines sur
l’objectif de plein emploi, la mobilité, les besoins en formation, en particulier dans le
domaine des NTIC, et la question des retraites s’expriment c’est sous un angle
purement économique (taux d’emploi, mobilité transnationale des travailleurs
hautement qualifiés et soutenabilité financière des retraites).
La qualité de l’emploi n’apparaît que rarement de même que la dimension sociale
des retraites, et les propositions en matière de cohésion sociale sont pratiquement
inexistantes à l’exception parfois de la lutte contre l’exclusion.
La contribution des Etats membres renforce la marginalisation de la cohésion sociale
dans l’objectif de Lisbonne. A l’inverse, le CEEP soutient les points énoncés dans la
résolution du Parlement en direction du sommet de Stockholm : (1) modernisation du
modèle social européen en faveur de la cohésion sociale ; (2) lutte contre l’exclusion
et la pauvreté ciblée sur les jeunes, les plus défavorisés, les personnes âgées, les
handicapés, et les immigrants en situation légale ; (3) l’usage des fonds structurels
dans une politique de cohésion sociale dans l’Union élargie ; (4) le soutien aux
régions ultra périphériques.
5.
2ème Rapport sur la cohésion
C’est en application de l’article 159 du Traité que la Commission propose ce
deuxième rapport de cohésion ; on peut légitimement espérer y trouver les
informations pertinentes et la meilleure représentation du concept dans la littérature
communautaire. On peut y relever les points suivants :
5.1.
Situation et tendances
« Le revenu moyen par habitant des 10% de la population de l’Union qui vivent dans les
régions les plus prospères est 2,6 fois plus élevé que celui des 10% de la population qui
vivent sans les régions les moins prospères. »
Si les disparités se sont réduites avec le temps entre Etats membres5, les disparités
entre régions se sont moins rétrécies, notamment parce que les écarts se sont
accrus entre les régions à l'intérieur de certains Etats membres.
La tendance à la convergence à l’échelle des Etats couvre une tendance à
l’accroissement des écarts (pauvreté, exclusion) à l’échelle des territoires ; les
facteurs d’instabilité et de régression de la cohésion se manifestent davantage à
l’échelle des gouvernements nationaux qui auront à la gérer dans un contexte de
dynamisme économique européen, les séquelles d’exclusion croissante à l’échelle
territoriale, c’est à dire celle de la vie citoyenne, familiale et culturelle.
La bonne nouvelle en couvre une mauvaise qui la remet en cause.
5.2.
Un saut quantitatif et qualitatif majeur avec l’élargissement
5
« Dans les trois Etats membres les moins prospères (Grèce, Espagne et Portugal), le revenu moyen
par habitant est passé de 68% de la moyenne de l’Union en 1988 à 79% en 1999, ce qui représente
une réduction d’un tiers par rapport au niveau initial. » COM(2001) 24 final p. 5
7
Le paysage économique changera fortement avec l’élargissement de l’Union. Une
analyse de la situation, telle qu’elle se présente aujourd’hui, révèle un doublement
des écarts de revenu entre pays et régions6.
L’élargissement amplifie grandement les disparités. Une convergence entre régions
dans une Union élargie se poursuivant au même rythme, demanderait au moins deux
générations.
Ce constat clair et alarmant ne doit pas conduire à différer l’élargissement, mais ne
peut être passé sous silence dans le suivi du sommet de Lisbonne. Une plus grande
cohérence dans la synthèse des travaux communautaires améliorerait l’utilisation de
chacun dont la qualité est indéniable.
5.3.
La dimension territoriale : des déséquilibres persistants
Alors que la dimension territoriale est à peine citée dans la communication sur le
suivi de Lisbonne, elle est le point essentiel du rapport sur la cohésion montrant ainsi
une pensée hétéroclite de la cohésion économique et sociale. Le CEEP exprime
dans cette contribution une vision de la cohésion sociale définie en termes de
territoires et de réseaux.
Le rapport de cohésion indique que « le déséquilibre territorial actuellement le plus
important dans l’Union est celui entre les régions les moins développées et les
autres. » mais ajoute fort opportunément que pour chaque région, la situation
constatée est une chose et le « potentiel de développement » en est une autre plus
importante pour l’avenir avec malheureusement des déséquilibres plus forts encore
et prenant une nouvelle dimension avec l’élargissement.
L’aveu implicite est ici que la croissance et le dynamisme de l’économie ne
garantissent pas l’éradication de la pauvreté et de l’exclusion pour les individus
comme pour les communautés et les territoires.
Le CEEP pense que l’équilibre entre l’économique et le social n’est en aucun cas
une résultante automatique du dynamisme de l’économie assorti de quelques
précautions sur la protection sociale, mais une prise en compte permanente de la
dimension de cohésion sociale dans la définition de chaque politique économique
avec une application intégrée au niveau du territoire.
5.4.
Concentration ou dispersion : quelles tendances ?
L’intégration économique risque selon le rapport d’accroître la spécialisation
territoriale par secteur économique notamment dans l’industrie manufacturière,
6
« Il s’agit d’un doublement en ce sens que, si une Union à vingt-sept existait demain :
– au niveau national, plus d’un tiers de la population vivrait dans des pays où le revenu (PIB) par
habitant serait inférieur à 90% de la moyenne de l’Union –seuil actuel d’éligibilité à l’aide pour le
Fonds de cohésion – contre un sixième dans l’Europe des Quinze actuelle ;
- au niveau régional, le revenu moyen par habitant des 10% de la population vivant dans les régions
les moins prospères de l’Europe des Vingt-sept n’atteindrait que 31% de la moyenne de l’Europe des
Vingt-sept. Dans l’Europe des Quinze actuelle, le revenu par habitant des 10% de la population situés
en bas de l’échelle est égal à 61% de la moyenne. » COM(2001) 24 final p. 5
8
rendant ainsi ces territoires plus vulnérables à des chocs extérieurs affectant les
secteurs concernés.
Le CEEP pense que l’économie globalisée d’une part et la cohésion sociale
territorialisée de l’autre, rendront inévitable l’occurrence de ces crises de mutation
industrielle où les territoires seront isolés et sans défense face aux acteurs
économiques globaux tenus à la compétitivité internationale.
L’Europe et les Etats membres agissent pour optimiser la distribution régionale des
activités économiques, mais le rapport constate que la cohérence entre les aides
structurelles et les aides d’Etat à finalité régionale (1% du PIB de l’Union) n’a pu être
obtenue, en raison des choix faits par les Etats membres7.
Il est temps de penser les politiques positives alternatives qui contribueront à pallier
ces effets, notamment par la coopération interrégionale des secteurs à même
composante industrielle dominante ; le CEEP à travers son réseau EUREXCTER
prépare des propositions expérimentales dans ce sens.
6.
Charte des droits fondamentaux et projets de nouvelle
gouvernance européenne
Un texte fondamental et un livre blanc en préparation donnent à la cohésion sociale
une conception territoriale liée aux services d’intérêt économique général.
Le CEEP attache une importance particulière à ces deux perspectives
complémentaires pour une définition démocratique de la cohésion sociale :
6.1.
La charte des droits fondamentaux
Dans son article 35 consacré à l’accès aux services d’intérêt économique général8 la
charte lui donne un statut de droit fondamental qui prendra tout son sens avec
l’ensemble du texte quand son intégration dans le Traité sera décidée, position que
le CEEP soutient.
En énonçant le concept de cohésion sociale et territoriale, ce texte introduit une
dimension majeure de la cohésion sociale qui, déjà dans une vision tocquevillienne
sur le paupérisme faisait des solidarités de proximité et des libertés locales le
meilleur rempart contre l’exclusion9, et n’est pas très éloignée de la pensée
d’Anthony Giddens, inspirateur de la troisième voie de M. Blair.
La thèse constante du CEEP selon laquelle les services d’intérêt économique
général et plus largement les services d’intérêt général, sont une composante
indissociable de l’ancrage territorial y trouve une consécration au niveau des
principes juridiques fondamentaux.
7
COM(2001) 24 final p. 15
« L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu
par les législations et pratiques nationales, conformément aux dispositions du traité instituant la
Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union. »
9
Alexis de Tocqueville : « Sur le paupérisme » ; 1835 ; Ed Allia 1999 et Futuribles mars 2001, n°262 :
« Tocqueville : entre libéralisme et socialisme » par Eric Kesslassy
8
9
6.2.
Le débat sur la nouvelle gouvernance
En attendant la publication du livre blanc sur ce sujet, un débat préliminaire conduit
par la cellule de prospective de la Commission a mis en évidence à trois reprises le
rôle clé des services d’intérêt général comme le souligne l’avis du CEEP sur ce
texte10
è « l'avenir des services publics européens renvoie directement à des valeurs ou à
des principes fondamentaux »
Le CEEP estime que le débat sur l'avenir des services d'intérêt général est rendu encore plus
nécessaire et urgent dans le contexte rapproché de l'élargissement : réaffirmer que ces
services sont partie prenante des valeurs fondamentales de l'Union Européenne et de
son modèle social ne devrait pas rester sans conséquences pratiques, sans effet réel.
Après la période de dérégulation, de libéralisation et de privatisation que nous connaissons
depuis une vingtaine d'années, et qui s'est accompagnée du recul du rôle des Etats - Nation,
et dans bien des cas, du recul des politiques sociales, le CEEP, s'appuyant sur l'article 16 du
Traité et sur les conclusions du sommet de Lisbonne, est d'avis qu'il convient de promouvoir
davantage la cohésion économique, sociale et territoriale en tant qu'objectif prioritaire
11
à tous les niveaux de la construction communautaire .
è « Etablir une typologie des réseaux polycentriques issus notamment de la
libéralisation des services d’ intérêt général et promouvoir les formes d’organisation
les mieux à même de garantir, à l’échelle européenne, les biens publics tels que
l’interopérabilité et le service universel. »12
Le CEEP partage cette idée clé selon laquelle la cohésion sociale territoriale fondée
sur la démocratie et les solidarités de proximité doit s’appuyer sur des réseaux de
services d’intérêt général garantissant les biens publics à l’échelle européenne.
La formule est quelque peu abstruse, mais l'idée qui la sous tend est claire: il s'agit de prendre
en compte, dans la mise en œuvre des politiques communautaires, et "au service des
objectifs européens de cohésion et de développement durable" des acteurs "ayant des
missions publiques tels que les villes, les régulateurs de l'accès aux services en réseau" ainsi
que la dimension territoriale.
Le CEEP souscrit pleinement à cette vision de prise en compte de la dimension
territoriale, et il a déjà eu l'occasion de le faire à de nombreuses reprises, en particulier
dans son avis sur la communication de la Commission "Agir au niveau local pour
l'emploi" (CEEP.2000/AVIS.17 – octobre 2000).
Dans cet avis, nous indiquions que" “ Acteur collectif ” et “ projet de territoire ” sont pour le
CEEP les notions clé pour une “ gouvernance territoriale ” conduisant au développement
13
durable."
Territoires et réseaux constitueront les deux aspects indissociables de la
gouvernance orientée vers le développement durable et la cohésion sociale où la
coopération inter- territoriale devrait contribuer à l’équilibre entre le marché globalisé
et l’intérêt général.
10
Un livre blanc sur la gouvernance européenne : approfondir la démocratie en Europe : avis du
CEEP.2001/9 - juin 2001
11
Id. p. 3
12
SEC(2000) 1547/7 final p. 12
13
Avis 2001/9 p. 5
10
è « Renforcer l'intégration et la dimension stratégique des politiques à l'échelle du
continent européen »
Politique européenne de la proximité, réseau des villes d’Europe, réseaux de
services d’intérêt économique général sont les exemples qui confirment une vision
de la gouvernance « autour de l’idée-clef d’une unification continentale européenne,
d’une solidarité à reconstruire en mobilisant le patrimoine historique, géographique et
interculturel qui a fondé l’essor des relations économiques et commerciales sur le
continent européen. »14
Voici un cadre plus général et stimulant pour une conception opératoire de la
cohésion sociale à décliner dans chaque Etat, région et territoire et auquel le CEEP
est prêt à apporter son soutien et son expérience de terrain à travers le réseau
EUREXCTER.
--------------------------
14
SEC(2000) 1547/7 final p. 14
11
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