C.CORTÈS - Lexique et syntaxe - Introduction
LEXIQUE ET SYNTAXE
INTRODUCTION
Colette CORTÈS
C.I.E.L., Université Paris 7
Les Cahiers du C.I.E.L. sont généralement consacrés à un phénomène lexical vu de différents points de vue, par
différents auteurs, à propos de langues différentes. Le Cahier du C.I.E.L. 2005-2006 fait exception à cette règle,
car il est consacré à une monographie sur l'anglais. C'est la spécificité de la question traitée qui justifie cette
publication singulière. Traiter de la relation entre lexique et syntaxe nécessite l'application de tests dont
l'interprétation impose de longs développements dépassant rapidement le cadre d'un article; quant aux
hypothèses proposées, elles doivent être vérifiées sur un corpus important pour être crédibles. Voilà pourquoi un
auteur unique a rédigé le Cahier du C.I.E.L. 2005-2006.
Il serait toutefois excessif de considérer que nous avons affaire à un thème unique car Michel Simon s'intéresse
dans ce travail à deux formes de combinatoires lexicales dont le résultat est fort différent : il s'agit de la
combinaison verbe + particule (dite "phrasal verb") d'une part et de la combinaison particule + verbe (dite
"compound verb") d'autre part. Outre le fait que la seconde combinaison est moins productive que la première,
elle est surtout le résultat d'un processus de lexicalisation plus abouti, où la syntaxe a une moindre part. C'est
pourtant une méthode d'analyse syntaxique et sémantique très poussée qui est le fondement de chacune des deux
études de la relation entre verbe simple et verbe complexe présentées dans cet ouvrage. Paradoxalement, c'est
cette méthode fondamentalement syntaxico-sémantique qui conduit Michel Simon au coeur de la lexicalisation,
un phénomène dont nous allons essayer de montrer dans cette introduction la singularité et qui doit donc être
appréhendé sur un arrière plan théorique adéquat.
Il n'est pas question pour moi d'exposer ici la méthodologie suivie par Michel Simon, qui est très bien expliquée
dans son premier chapitre. Je voudrais simplement replacer son travail dans la problématique plus générale de
l'interface entre lexique et syntaxe, puisque, tout en apportant la preuve de ses capacités de syntacticien
rigoureux, il fournit des arguments convaincants à la thèse selon laquelle il convient de poser un niveau d'analyse
du matériau lexical (lexie, phrasème, ..) qui ne saurait s'expliquer totalement par des règles syntaxiques. Nous
verrons que l'analyse du matériau lexical nécessite en effet un niveau de combinatoire qui lui est propre et dont
les règles syntaxiques spécifiques de la phrase ne sauraient à elles seules rendre compte. Cette position est
revendiquée par une branche de la linguistique qui a pris un grand essor ces dernières années, celle de la
morphologie lexicale. Les travaux de Bernard Fradin (2003), avec notamment son plaidoyer empirique et
théorique pour une "morphologie lexématique" et son étude pertinente de la lexicalisation, nous permettront de
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