1138 ÉTUDE FAMILLE
Page 32 LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 12 - 24 MARS 2017
ouvertes à compter du 1er novembre 2017, le légataire universel
institué par testament olographe ou mystique ne sera, en prin-
cipe, pas soumis à envoi en possession.
L’envoi en possession est la procédure qui permet de vérifier
que les conditions d’ensaisinement du légataire universel sont
bien remplies : validité apparente de l’écrit testamentaire, vo-
cation universelle de la personne désignée (le titre) et absence
d’héritier réservataire. En faisant de cette procédure une excep-
tion, la réforme n’a pas pour autant supprimé ces vérifications
essentielles, c’est tout simplement leur auteur qui change.
Le décret d’application a été pris le 28 décembre 2016 et une
circulaire du ministre de la Justice du 26 janvier 2017 précise
certaines modalités de cette réforme3. Toutes les questions ne
sont pas pour autant élucidées.
1. Le principe : « l’envoi en
possession notarial »
A. - Établissement du procès-verbal de
dépôt et description
2 - Dépôt et conservation du testament - Ce procès-verbal aura
deux fonctions. L’une est ancienne, l’autre nouvelle. La première
est celle de conférer une authenticité à l’écrit testamentaire qui
devient, par le décès, le titre du légataire et par là même, un
moyen d’en assurer la conservation. La seconde fonction de cet
acte est de constater la vérification des conditions d’ensaisine-
ment du légataire universel.
En effet, le nouvel article 1007 du Code civil prévoit que, le dé-
cès survenu, le testament doit faire l’objet d’un dépôt au rang
des minutes soit du notaire qui le détenait, soit d’un notaire
auquel on l’aura remis. Le notaire, comme il le faisait avant
cette réforme, dressera un procès-verbal de dépôt et de descrip-
tion de l’écrit testamentaire. Il devra, dans cet acte, préciser les
circonstances de ce dépôt. Jusque-là rien de nouveau, mais le
notaire devra, pour permettre l’ensaisinement du légataire uni-
versel, procéder à deux types de vérifications ; certaines sont de
fond, d’autres de forme.
3 - Les vérifications de forme - Il semble qu’il incombe au no-
taire d’effectuer un contrôle formel et apparent du testament
qui lui est remis ou qu’il doit déposer. C’est d’ailleurs ce qu’en
pratique les notaires faisaient en mentionnant dans le procès-
verbal de dépôt que le testament était écrit en entier à la main,
daté et signé. Le notaire précisait également s’il présentait des
ratures ou autres mots rayés et ajoutait, en général, que le testa-
ment ne semblait présenter aucune défectuosité. Aujourd’hui,
cette vérification semble s’imposer au notaire car, sauf opposi-
tion, il n’y aura aucun contrôle judiciaire.
3 Circ. CIV/02/17, 26 janv. 2017 : JCP N 2017, n° 6-7, 1103, spéc. fiche 11 ;
Defrénois Flash 13 févr. 2017, p. 13.
4 - Première vérification de fond : le caractère universel du
legs - Le notaire s’assurera de la vocation universelle du léga-
taire. On peut dire que sous l’empire des anciens textes, le no-
taire n’avait qu’un rôle passif. Un testament lui était remis, il en
transcrivait le texte et relatait les conditions de sa remise et sa
mission s’arrêtait là.
Désormais, il devra se livrer à un travail d’interprétation si
les termes du testament ne sont pas clairs et analyser le texte
de la libéralité pour en confirmer la nature universelle. Dans
bien des cas, le testament comporte littéralement les termes de
« légataire ou legs universel ». Mais il arrive que la formulation
employée par le testateur ne soit pas aussi limpide et qu’il faille
se livrer à une interprétation et exposer les motifs de son inter-
prétation. Raisons objectives, subjectives et éventuellement en
faisant appel à des éléments intrinsèques ou extrinsèques au
testament (intervention de l’exécuteur testamentaire, annexe
d’un courrier qui accompagnait le testament et permettait son
interprétation, etc.).
5 - Seconde vérification de fond : l’absence de réservataire -
C’est sans doute la nouveauté la plus remarquable. Le notaire,
dans cet acte, attestera qu’il aura vérifié l’absence d’héritier ré-
servataire. Il est confié au notaire qui dépose le testament le soin
de contrôler l’absence de descendant ou de conjoint survivant.
S’agissant de ce dernier, dans la plupart des cas ce sera simple,
l’acte de naissance et l’acte de décès de l’éventuel époux peuvent
suffire et le notaire les annexera. S’agissant des descendants, ce
sera plus complexe et l’on en revient à la difficile preuve des
qualités héréditaires aujourd’hui assurée par l’acte de notoriété.
Le notaire a ici une vraie responsabilité de généalogiste et doit
faire preuve de vigilance.
Dès lors qu’il est impossible d’avoir la certitude qu’une per-
sonne ne laisse pas de descendant, plusieurs possibilités s’offrent
au notaire pour limiter sa responsabilité. Soit il diligente une
vérification par un expert qualifié tel un généalogiste qui fera
des recherches, soit il s’inspire de l’acte de notoriété, en faisant
intervenir à ce procès-verbal des témoins. Il prendra soin d’an-
nexer à cet acte : la copie du livret de famille du défunt, son
acte de naissance éventuellement son acte de mariage et l’acte
de décès de son conjoint. Bien évidemment, le notaire devra
également annexer le compte rendu d’interrogation du Fichier
Central des Dispositions de dernières volontés4 car n’oublions
pas que les reconnaissances d’enfant naturel peuvent prendre
la forme d’un testament… En outre, cela permettra de vérifier
l’absence de testament ultérieur contenant une révocation des
dispositions antérieures ou de mettre au jour d’autres dispo-
sitions testamentaires que devra exécuter le légataire universel.
Ces vérifications de fond, par leur nature, ne peuvent être ins-
tantanées et devront être préalables à la signature du procès-
verbal du dépôt de testament qui ne pourra donc pas être dressé
4 Contra N. Pierre et S Pierre-Maurice, préc. note (2).