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Photoniques 58
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conditions sont atteintes dans l’infrarouge
moyen aux alentours de 10 m où le
contraste nécessaire est de 106. La tech-
nique d’interférométrie d’annulation a été
proposée avec cet objectif. Dans ce cas
un déphasage de est généré entre les
faisceaux provenant de l’étoile centrale et
de la planète. Ainsi l’étoile se trouve cen-
trée sur une frange noire du système inter-
férométrique qui agit à la manière d’un
coronographe, alors que la planète est
placée sur une frange blanche. Des pre-
miers démonstrateurs ont été réalisés en
laboratoire et sur le ciel, pour franchir les
étapes intermédiaires, mais les perfor-
mances ultimes ne seront accessibles que
depuis l’espace.
L’efficacité de ce système d’annulation
est directement liée à la profondeur de la
frange noire que l’on est capable d’attein-
dre et elle sera très fortement contrainte
par la qualité instrumentale sur l’ensemble
des trajets optiques. Il sera indispensable
de contrôler avec le plus grand soin les
défauts de polarisation, de chromatisme,
de différence d’éclairement entre les
télescopes et de contrôler la différence
de marche entre les faisceaux. Il a été
identifié suite aux travaux réalisés conjoin-
tement à l’IAS à Orsay et à l’Observatoire
de Paris, qu’un filtrage modal est précieux
pour atteindre le niveau de planéité
requis. En optique de volume la spécifica-
tion sur la planéité est de /6000 pour
atteindre un contraste de 106. L’utilisation
d’un filtrage modal par un guide d’onde
ou une fibre monomode réduit cette
contrainte à /60.
Quelques technologies clés
La section précédente a mis en évi-
dence comment la structure même de l’in-
terféromètre conditionne les perfor-
mances attendues, en particulier par la
taille et le nombre des télescopes, ainsi
que par leur espacement. Par ailleurs
pour un réseau de télescopes donné, les
performances vont aussi être contraintes
par l’instrument de recombinaison lui-
même. Parmi les limitations importantes
on peut noter la sensibilité (turbulence
atmosphérique, sensibilité des détec-
teurs, transmission du système) et la com-
plexité du système imposée par exemple
par un nombre croissant de télescopes ou
par les fonctions requises par les modes
d’observations, la dispersion chroma-
tique dans les liens optiques entre les
télescopes, incluant les lignes à retard.
Nous abordons ici les travaux menés
actuellement en France pour réduire les
limitations les plus critiques.
La détection
C’est sur ce point que les premières
améliorations sont attendues. Pour le pro -
che infrarouge, les détecteurs actuelle-
ment disponibles ne permettent pas
encore d’atteindre en régime de faible
flux la limite du bruit de photons. Ils sont
encore limités par leur bruit de lecture.
Dans le cas des applications interféromé-
triques, ils sont aussi limités par la vitesse
de lecture : ceci empêche d’échantillon-
ner le temps de cohérence des franges
d’interférence, proche d’une dizaine de
millisecondes, imposé par la turbulence
atmosphérique. L’arrivée de nouvelles
matrices de photodiodes à avalanche en
HgCdTe sera un pas décisif dans ce sens.
Des développements sont en cours dans
le projet RAPID dirigé par l’IPAG incluant
Sofradir et le LIR pour les aspects techno-
logiques, l’IPAG, le LAM et l’Onera pour
les aspects applicatifs. L’objectif est d’at-
teindre un bruit de lecture inférieur à
3 e-/px par lecture et une cadence trame
supérieure à 1 kHz.
Dans le domaine du visible, les détec-
teurs disponibles fonctionnant en mode
de comptage de photons souffrent d’un
rendement quantique limité à celui des
photocathodes de leurs systèmes intensi-
ficateurs, avec des valeurs rarement supé-
rieures à 30 %. Par ailleurs la vitesse de
comptage de ces détecteurs en limite l’uti-
lisation en condition de fort flux, imposant
d’atténuer le flux incident au prix d’une
perte du rapport signal sur bruit. Des déve-
loppements sont menés à l’Observatoire
de la Cote d’Azur dans ce domaine.
Optique adaptative
Sur les interféromètres utilisant les plus
grands télescopes, la sensibilité est signi-
ficativement augmentée par l’utilisation
de systèmes d’optique adaptative au
foyer de chaque télescope. Ils permettent
soit d’optimiser l’injection dans des sys-
tèmes d’optique guidée, soit d’obtenir une
meilleure planéité des fronts d’onde à
superposer en optique de volume. De tels
systèmes sont opérationnels sur les téles-
copes de 8 mètres du VLTI ou de 10 mètres
du Keck-I. L’installation de dispositifs
d’optique adaptative pour les télescopes
de 1,8 mètre du VLTI et les télescopes de
1 mètre de CHARA est actuellement à
l’étude. Les systèmes d’optique adaptative
maîtrisés à ce jour ré pondent à ce besoin.
L’enjeu est davantage dans la mise en
œuvre du système complet, incluant l’ajus-
tement des paramètres en fonction des
applications et la synchronisation des
modules d’asservissement.
Le transport des faisceaux
Pour les réseaux interférométriques en
cours d’exploitation, le transport des fais-
ceaux et les lignes à retard qui compen-
sent les différences de chemins optiques
générés par le déplacement des étoiles,
sont réalisés par un train de miroirs. La lon-
gueur de propagation, en général supé-
rieure à 100 mètres, impose le diamètre
des miroirs pour ne pas être limité par la
diffraction. Lorsque ce train optique fonc-
tionne à l’air libre, la dispersion chroma-
tique de l’air dégrade la mesure. Une solu-
tion consiste à opérer en atmosphère
contrôlée idéalement sous vide, ce qui
devient difficile à mettre en œuvre et très
onéreux pour des réseaux étendus à
grand nombre de télescopes. Une autre
solution proposée par une équipe du
LESIA à Meudon et de Xlim à Limoges
consiste à utiliser des fibres optiques
(programme OHANA). La difficulté ré -
side ici dans la disponibilité de fibres
optiques à dispersion quasi nulle pour les
gammes de longueur d’onde consi -
dérées, en particulier au-delà de 2 m.
Jusqu’à 2,5 m des solutions à base de
verre fluoré sont considérées. Des solu-
tions à base de fibres à cristaux photo-
niques ont été analysées par l’équipe
XLIM.
L’optique intégrée, un outil précieux pour
une instrumentation complexe
La complexité instrumentale croît très
rapidement avec le nombre de télescopes,
apportant des contraintes croissantes
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