La publicité

publicité
La publicité
De l’objet réel à sa représentation
• Double processus de
– déréalisation/déconcrétisation et de
– sémiotisation / accumulation symbolique
• La « Déréalisation »:
– le passage à la représentation comporte en général la
perte de la tridimensionnalité, donc une modification du
côté physique qui semble « dématérialiser » le produit:
•
•
•
•
•
perte du toucher
perte de la texture
perte des odeurs
perte des couleurs « originales »
perte des proportions réelles (on peut faire des reproductions à
des tailles différentes: cp. les petits modèles de voitures ou les
gros pots de Nutella dans les supermarchés)
La Sémiotisation
• Le passage à la représentation, donc la transposition du bien ou du
service du monde utilitaire vers l’univers de la communication,
l’enrichit au passage des attributs propres de cet univers, à savoir
les formes et les sens, et établit des liens entre ces unités, à travers:
– une mise en formes/packaging (de la fonction de
protection/quantité/transport à la valeur de donner la forme +
véhiculer un message + valeur esthétique de l’habit)
– une mise en couleurs (« code couleurs »)
– une mise en mots (attribuer un nom au produit « baptême »)
– une mise en textes (discours publicitaire)
– une mise en récits (discours d’origine + communiqués de presse +
articles où on parle du produit + infopub)
– une mise en rapport avec d’autres univers sensoriels (p. ex. la
synesthésie pour les parfums), expérientiels (p. ex. les voyages, les
voitures), valoriels (p. ex. les produits d’assurance, les banques). Cette
création d’équivalences vise à familiariser les consommateurs
potentiels avec des univers dont il n’ont pas forcément fait
l’expérience
Mise en forme, en couleur
et en relation du sucre
avec d’autres univers
Mise en forme
(packaging), en
couleurs, en mots.
en texte… du
sucre
Langue = outil de Sémiotisation
• L’outil principal de la sémiotisation est la langue;
c’est elle qui permet d’attribuer la bonne
interprétation aux images et aux liens qu’on peut
établir entre celles-ci et le produit
• C’est encore la langue qui permet au produit de
devenir mémorable, de circuler à l’intérieur d’une
communauté, à tel point qu’il peut devenir un
nom commun de cette langue (nom éponyme: p.
ex. Sopalin, Kleenex, Delco, Nutella, Scotch)
• La sémiotisation de la représentation a un tel
pouvoir sur les esprits qu’elle aboutit, par
ricochet, à sémiotiser la réalité aussi
Schéma de communication de R. Jakobson
D’après cet auteur, toute communication humaine comporte obligatoirement 6
composantes; suivant que l’une ou l’autre de celles-ci est particulièrement focalisée,
on aura une FONCTION COMMUNICATIVE différente
Contexte
F. RÉFÉRENTIELLE
Destinateur
Message
Destinataire
F. ÉMOTIVE
F. POÉTIQUE
F. CONATIVE
Contact
F. PHATIQUE
Code
F. MÉTALINGUISTIQUE
réf.: Essais de linguistique générale, p. 213-214.
Fonction émotive : Paris, Je
t’aime (centrage sur l’émotion
de l’émetteur et ambiguité
recherchée entre le nom de la
ville et ses symboles et le nom
du parfum et sa représentation
Fonction émotive : Le cri
onomatopéique est censé
traduire l’émotion de l’émetteur
(par conséquent il est
accompagné d’une
«traduction» qui explicite le
message publicitaire)
Fonction conative: conseil ou
instruction donnée au lecteur
sur la bonne démarche à suivre
pour comprendre la
performance de la puce
publicisée (à remarquer que la
pub associe de manière choisie
deux mondes
incommensurables: l’univers
technologique et l’univers
humain enfantin, apparemment
imperméable à la technologie)
fonction poétique: travail sur le message et
sur sa forme, qui devient le but principal de
la communication (même si ce n’est pas le
seul). Cela peut comporter une dimension
ludique (jeu sur la langue).
Publicité DIM: jeu sur le signifiant
(calembour) entre «ça va faire mal»
(promesse de jeu dur de la part des joueurs
de rugby sur la photo) et « ça va faire mâle »
(promesse que la marque fait aux
consommateurs potentiels: si vous portez ces
sous-vêtements, vous aurez l’air plus viril)
Dans la publicité Clairette de Die, la fonction
poétique se manifeste dans la recherche de
la rime et du rythme
Le but de la Fonction phatique c’est d’établir un contact avec son
interlocuteur. Ici, on mime cette fonction avec un produit, qui se trouve
de ce fait promu, humanisé. La formule de bienvenue se substitue à ce
que le lecteur pourrait dire au produit pour l’accueillir de façon
bienveillante parmi ses habitudes de consommation
Fonction référentielle du
slogan: le but est
simplement d’informer sur
le trait essentiel, sur
l’avantage compétitif le
plus immédiat, sur ce que
la voiture offre de plus,
même si on est en droit de
s’interroger sur le « tertium
comparationis »: plus de
rangement par rapport à
quoi? Par rapport aux
concurrent? Par rapport à
l’ancien modèle?
Fonction métalinguistique: on utilise souvent la langue pour définir
ce que les mots veulent dire pour nous, pour spécifier ce qu’il faut
entendre- Dans ce cas, la publicité redéfinit le sens des mots, refait le
dictionnaire de la langue.
Caractère pluriel du message
• Deux caractéristiques majeures de la communication humaine sont la
synonymie (plusieurs manières de dire la même chose) et la polysémie
(plusieurs sens pour une même forme linguistique) jeux de mots,
ambiguïtés, feuilleté de sens empaqueté dans un message publicitaire qui
ne se dévoile pas à la première lecture mais qui suscite la curiosité
• Le texte est évocateur d’un univers qui peut être repris ou contredit par
les images écho
–
–
–
–
niveau du choix des mots: connotation vs dénotation
niveau du texte: typologie textuelle
niveau du contenu des énoncés: argumentation/pseudo-argumentation
niveau transversal (mais surtout observable au niveau du choix des mots et de
leur ordre): rhétorique
– interaction image-texte: écho – continuité – rupture
– interaction aspect matériel de la langue (graphisme, sonorité) – sens
– interaction texte présent – textes absents mais très connus des lecteurs
(intertextualité, allusions, palimpsestes verbo-culturels)
L’accroche (ou «claim» ou
«headline» ou slogan)
Le rédactionnel (ou
«bodycopy» ou «body»
La signature ou phrase
d’assise ou «baseline»)
Dénotation/Connotation
•
•
La dénotation
C’est ce à quoi le signe fait référence (objet du réel, définition du dictionnaire, sur
laquelle généralement il y a consensus – dans l’image : les objets du réel
représentés).
•
•
La connotation
C’est l’ensemble des sens qui s’ajoutent au sens premier, qui sont suggérés,
évoqués
En langue, par ex. on peut utiliser un mot à la place d’un autre pour les
connotations dont il est porteur :
•
– Ex : dire « fric » au lieu de dire « argent » connote situation familière, style dégagé
– Couleur « rouge » : au niveau dénotatif désigne la couleur, au niveau connotatif désigne un
ensemble de valeurs symboliques (danger, passion, tendance politique, etc.)
•
•
Dans un système verbo-iconique complexe comme la publicité, on peut
reconnaître un sens dénoté (degré zéro de l’image) et un ou plusieurs sens
connotés (liberté, pouvoir etc.)
La connotation est un élément sémiotique beaucoup plus instable et variable
(éléments culturels et éléments subjectifs) mais il est fondamental parce que c’est
l’élément à partir duquel se déclenche la représentation, la valeur symbolique du
langage.
Marques énonciatives
• La langue, lorsqu’elle devient discours n’est plus une
entité abstraite (≠livre/exercices de grammaire), mais
une force en action, où il est important de reconnaitre
les signes d’embrayage à la situation concrète
– les «déictiques»: mots qu’on ne peut comprendre que si
on connait le lieu, le temps et les personnes qui participent
à l’échange («je-ici-maintenant»): p. ex. publicités portées
par une égérie (testimonial)
– les marques de l’énonciateur: Point de vue (subjectif vs
objectif); axiologiques (adjectifs et termes exprimant un
jugement de valeur
– les marques du destinataire: interrogations; pronoms
d’adresse (tu, vous); regard du personnage en cas de
photo…
Les genres textuels
• Même si chaque texte est apparemment unique, il est possible
d’identifier des prototypes textuels de base qu’on peut combiner
pour obtenir les textes concrets:
– texte narratif (les événements, les actions, ordre chronologique)
– texte descriptif (les objets, les caractéristiques physiques, sensorielles)
– texte explicatif (le lien entre les causes et les effets; niveau plus
abstrait, parfois passage par la théorie et référence à une cohérence
logique)
– texte argumentatif (lien entre des idées: prémisses conclusions).
• Argumentation au sens propre: démontrer le bien-fondé d’une opinion;
• Argumentation polémique: contester le bien-fondé d’une opinion adverse
– texte injonctif ou prescriptif (orientation vers l’action du destinataire,
sous les forme de l’ordre, du conseil ou de la prière)
• Globalement, le discours publicitaire est toujours sous-tendu par
une dimension argumentative (notre produit est le meilleur) et
injonctive (achetez!), mais elle n’exclut jamais les autres.
La pseudo-argumentation
• Puisque la finalité fondamentale de la publicité est celle de
convaincre à l’action, on a pu parler d’argumentation publicitaire
comme d’une typologie textuelle dominante. En réalité, il s’agit
plutôt d’une pseudo-argumentation, qui vise la persuasion à travers
la séduction, la suggestion.
• Cependant, comme pour l’argumentation véritable, trois
composants essentiels sont en jeu pour être efficace au point de
vue pragmatique : Logos, Pathos, Ethos, (éléments déjà définis
dans la Rhétorique d’Aristote).
• Logos : raisonnement, structure et disposition conceptuelle
(pseudo-logique publicitaire. Voir enthymème)
• Pathos : sentiments et émotions que l’énonciateur se propose de
susciter dans l’auditoire
• Ethos : image de soi construite dans le discours (choix stylistiques,
attitude personnelle, gestuelle)
LOGOS: La pseudo argumentation (paralogisme - enthymème) s’appuie
sur le rapprochement de deux réalités du monde végétal dont on prétend
assimiler aussi les propriétés. Or, le burger végétal consomme moins d’eau
que la viande, mais on est loin des neuf mois du baobab.
PATHOS: La vacance est associée à la promesse positive de transformation, prolongée par des
adjectifs tels que ludiques, reposantes, actives, tournées vers la découverte, épanoui, transformé,
satisfaits. Ces adjectifs s’adressent plus aux sentiments qu’à la raison
ETHOS: Les photos prolongent cette sensation et constituent une preuve éthique de la transformation:
on ne voit pas tous les jours un pirate, donc la transformation est bien réelle; dans les deux cas tous le
monde est épanoui. Promesse tenue!
La rhétorique
• Développée en Grèce pour servir aux avocats et aux
hommes politiques, la rhétorique est la science de la
persuasion à travers la langue: elle s’intéresse donc à
touts les procédés qui rendent la langue plus efficace:
– effets sonores (répétitions de sons ou de mots; rythme: p.
ex. le chiasme)
– jeux de mots (doubles lectures qui rendent un slogan plus
sympathique)
– création d’images (les « figures »: p. ex. les métaphores,
qui aident à mémoriser)
– figures de pensée (images qui sortent de l’ordinaire ou
carrément contrefactuelles comme le paradoxe mais qui,
de ce fait, retiennent l’attention)
jeux phoniques
• Bjorg. Mangeons bien, mangeons bio, mangeons
Bjorg
• Fuego, tout feu, tout femme
• Antikal: Le calcaire, c'est son affaire.
• Calvin Klein. Sois bien, sois mal. Sois toi (pub
anglaise: be good, be bad, just be)
• Bonduelle. Quand c’est bon, c’est Bonduelle
• La Redoute. Dorlotez-vous. On s’occupe de tout
• C'est bien, c'est beau, c'est Bosch
Figures de forme ou disposition
Anaphore rhétorique
• Clarins. Mascara. Plus de volume. Plus de brillance. Plus de regard
• Clarins. Envie de minceur, envie de fermeté, envie de douceur ?
• Whiskas. Le trio en gelée, le trio en sauce, le trio en terrine : du
changement à discrétion
Chiasme
• Ebel. Insondable merveille ou merveilleuse énigme ?
• Special Kellog’s. Vitamines et fer. Fer et vitamines. Le plus beau deux
pièces de l’été
Jeux de mots
• Toyota RAV 4 Pierre Cardin. C’est bien la première fois que
vous supporterez un coup de griffe sur votre Rav 4.
• Lancia Y climatisée. Une belle italienne doit savoir comment
refroidir un chaud lapin.
• Arcopal. Une maison bien dans son assiette
• Bourjois maquillage. Très réussi, ce vernis – sage !
• DIM: très mâle, très bien
• La vie est Bell
• Camtec Photo: La vie en pose ! (cf. La vie en rose)
• Folio: Vous lirez loin. (vous irez loin)
• Lapeyre: Y en a pas deux (Lapeyre – la paire)
• Maille: Il n'y a que Maille qui m'aille
Figures sémantiques/1
Métaphores :
• Toyota Hilux. Le roi de la route
• Mieux que des ailes pour s’évader...une Lancia Y bleu atoll,
vert lagon, vert oasis
• Harley-Davidson. Le frisson brûlant d’un parfum de liberté
• Philippe Matignon. Bas et collant. L’écrin de beauté de vos
jambes
• Hermès. 24, faubourg. Le monde secret où chaque femme
est un soleil
• Chez McDonald’s on croque la santé à belles dents
• Clarins. Double Sérum 38, quatre gouttes de jeunesse par
jour
Figures sémantiques/2:
dire plus ou moins que le réel
Euphémismes (atténuation, adoucissement):
• Nivea Visage. Adoucit les traces visibles du temps
• Lancôme. Les signes du temps s’effacent sous vos doigts
• Estée Lauder. Fond de teint anti-âge. Effacez les années
• Vichy. Soin du jour anti-temps. Passé. Présent. Futur
Hyperbole (amplification, exagération):
• Louis Vuitton. L’écriture (hyperbole de l’effet, devenant une valeur
absolue avec le produit)
• Chanel. Le temps
• Le Chat (lessive): La propreté absolue.
• Arthur Bonnet. Ici la couleur se fait douceur, luminosité et chaleur
• J.M. Martin. Passionnément féminin
• Motorola. Tout ce que vous n’avez jamais imaginé
Figures sémantiques/3
Antithèse
• Lipofactor. Pendant que certains parlent,
d’autres agissent
• Fiat Palio. Plus vous demandez de la vie, moins
vous ferez de compromis
• Calvin Klein. Contradiction. Elle est toujours et
jamais la même
• Dacia: Exigez plus, payez moins.
• Dove: Doux avec la peau, intraitable avec la
transpiration.
Figures de pensée
Paradoxe (contraire à la « doxa », savoir partagé,
opinion courante)
•
•
•
•
Givenchy. (Pi). Un peu plus loin que l’infini
Lacoste. Deviens ce que tu es
Calvin Klein. Sois bien, sois mal. Sois toi
NafNaf. Entre votre côté naf et votre côté naf qui va
l’emporter ?
• Nestlé. Bon jusqu’à l’excès, bien meilleur au-delà
• Kookaï: Je ne suis pas jolie, je suis pire
• Kraft Dinner: Coupable d'être bon
Figures de pensée
Enthymème (enchaînement pseudo-logique)
• Rolex. Si Annika Sorenstan a atteint les sommets du golf en 2 ans,
c’est parce qu’elle aime la perfection. Sa montre ? Une rolex.
• Rolex. Pour Sir Ranulph Fiennes, quand il fait –40° et il reste 20 km à
parcourir, il est hors de question de s’arrêter. Sa rolex explorer 2 a
toujours partagé ce point de vue.
• Rolex. La terre tourne en 24 heures. La rolex GMT Master aussi
• Patek Philippe. Jamais vous ne posséderez complètement une Patek
Philippe. Vous en serez juste le gardien, pour les générations
futures.
• Citroën Evasion : Les hommes naissent libres et égaux. C’est en
choisissant leur voiture que certains demeurent plus libres que les
autres. Citroën Evasion, pour les gens épris de liberté.
Jeux énonciatifs
Implication destinataire (pseudo-dialogue)
• Renault Scénic. La voiture a évolué, et vous ?
• Radion. Chacun ne peut pas sécher son linge au soleil. Mais si !
• Light Wool. Comment réagir face au réchauffement de la planète ?
Demandez à toutes celles qui portent de la laine légère.
• Bouggy Shoes. Hé mec ! t’as pas sandales ?
Implication énonciateur
• Vivaldi chaussures. Mes pieds n’écoutent que Vivaldi
• Retinol anti-cellulite Modeling. Mon jean me l’a dit le premier : une
taille en moins !
Les palimpsestes
• Très souvent, le slogan publicitaire utilise des locutions très connues
(proverbes, titres de films, de romans ou de chansons) dont il modifie un
mot ou deux, ce qui les détourne de leur fonction de base vers l’utilisation
publicitaire, tout en permettant de reconnaître la locution de base: c’est le
mécanisme du palimpseste
– ex. Un tien vaut mieux que deux tu loueras (pub. Caisse d’épargne pour les
prêts qui permettent d’acheter une maison « tienne » au lieu de la louer:
proverbe original « Un ‘tiens’ vaut mieux que deux ‘tu l’auras’ »: meglio un
uovo oggi che una gallina domani)
– Chez Citroën en septembre, Une offre peut en cacher une autre (Pub Citroën
promettant plusieurs offres cumulées au mois de septembre. Locution
proverbiale de base: « Un train peut en cacher un autre » mettant en garde les
piétons de traverser les passages à niveau immédiatement après le passage
d’un train)
• L’effet de la double lecture est source de plaisir pour le récepteur et
instaure une connivence avec l’émetteur du message publicitaire: on est
bien disposé vis-à-vis de celui-ci, on accepte plus facilement sa proposition
«Autant en emporte le vent»,
titre de film
«Un train peut en cacher un
autre»: avertissement près des
passages à niveau
«C’est la cerise sur le gâteau»:
exclamation proverbiale
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