L
e développement économique de nos sociétés est
largement basé sur l’utilisation de ressources éner-
gétiques fossiles. La combustion du pétrole, du char-
bon ou du gaz naturel génère des émissions de dioxyde
de carbone (CO2) vers l’atmosphère en très grandes
quantités, augmentant l’effet de serre dont bénéficie
notre planète et induisant un réchauffement global de
la Terre dont les conséquences socio-économiques et
écologiques au cours du XXI
e
siècle suscitent légi-
timement de nombreuses inquiétudes.
Carbone et réchauffement climatique
actuel
L
e rôle climatique de la concentration atmosphérique
en CO2est un phénomène connu des scientifiques
depuis plus d’un siècle. En 1896, Svante Arrhenius
calculait déjà qu’un doublement de la concentration
atmosphérique en CO2correspondait à une augmen-
tation de température globale d’environ 4,5 °C. Ceci
n’est finalement pas très éloigné des estimations
actuelles
(1)
, avec des modèles infiniment plus sophis-
tiqués, qui situent cette sensibilité climatique entre 2 °C
et 5 °C de réchauffement moyen, avec un maximum
de probabilité au voisinage de 3,5 °C. Arrhenius était
suédois et sa vision d’un réchauffement climatique
planétaire était plutôt optimiste : grâce aux rejets atmo-
sphériques de gaz carbonique, les bienfaits économiques
de l’industrialisation allaient s’accompagner de béné-
fices climatiques qui allaient favoriser l’agriculture,
notamment dans les pays froids comme le sien.
S
’il est probable que des secteurs économiques dans
certaines régions du monde pourront en tirer des avan-
Le réchauffement climatique actuel se traduit par des modifications de notre
environnement qui, d’année en année, auront un impact grandissant sur l’activité
économique et sur le fonctionnement des écosystèmes. Mais qu’en est-il à l’échelle
des siècles et des millénaires ? S’agit-il d’un épiphénomène géologique ou bien d’une
crise majeure ?
Didier Paillard
Laboratoire des sciences du climat
et de l’environnement,
IPSL-CEA-CNRS-UVSQ
Centre de Saclay
91191 Gif-sur-Yvette
BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 49
Environnement
tages, le réchauffement de la planète est néanmoins
devenu, depuis les années 1970, une source d’inquié-
tude majeure. Le changement climatique en cours va,
en effet, entraîner une redistribution planétaire de
certaines ressources naturelles, notamment l’eau, qui
risque d’affecter profondément de nombreuses régions
de notre planète, souvent déjà fragiles
(1)
. Les fron-
tières nationales étant jalousement gardées, les
« réfugiés climatiques » risquent, dans un avenir assez
proche, de poser des problèmes géopolitiques qui
semblent aujourd’hui insolubles. L’actualité récente le
montre, la question climatique est maintenant devenue
un élément important de la politique internationale.
L
’adaptation de nos sociétés humaines à cette nouvelle
donne est bien évidemment l’une de nos premières
préoccupations. Mais une autre facette du changement
global en cours concerne l’évolution des écosystèmes
et les conséquences probables sur la biodiversité de
notre planète. Les écologues ont longtemps considéré
que l’impact anthropique sur la biodiversité résultait
presque exclusivement de la concurrence locale sur
l’utilisation des sols entre activités humaines et éco-
systèmes. Ceci a notamment permis la mise en place
de politiques de conservation d’espaces naturels qui
ont fait leurs preuves, bien que sans doute trop limitées.
Mais les conséquences planétaires de nos activités indus-
trielles, notamment les rejets de CO2, commencent à
jouer un rôle non négligeable, et surtout grandissant,
sur la répartition des espèces animales et végétales. Les
changements observés récemment correspondent, en
effet, majoritairement à des migrations géographiques
vers des latitudes plus élevées
(2)
, qui suivent le réchauf-
fement climatique. Ceci pose donc de nouveaux pro-
blèmes si l’on souhaite préserver la biodiversité, puisqu’il
Changement climatique :
la perspective géologique
(1) www.ipcc.ch/languages/
french.htm
(2) Ayrault S (2008)
Biofutur
292, 21
06-environnement_biof295 15/12/08 10:36 Page 49
BIOFUTUR 295 • JANVIER 200950
G
râce aux découvertes paléoclimatologiques récentes,
et aux nouveaux outils de modélisation du climat, notre
compréhension de l’évolution de l’environnement
physique pendant cette période de temps progresse
rapidement. Il serait utile de tester la dynamique et
la robustesse des modèles d’écosystèmes qui sont (ou
seront) utilisés pour simuler le futur sur cette période
de temps passé assez récente et assez mouvementée,
tout en gardant à l’esprit que le futur s’annonce bien
différent, avec un climat que la Terre n’a sans doute
pas connu depuis au moins des dizaines de millions
d’années. Car les organismes vivant aujourd’hui sont
adaptés aux climats froids du Quaternaire. Sauront-ils
aussi survivre à des climats beaucoup plus chauds ?
A
vant d’aller plus loin, il faut préciser ce que l’on sait
aujourd’hui sur la dynamique de ces climats du
Quaternaire. Depuis leur découverte au XIX
e
siècle,
deux théories des âges glaciaires se sont affrontées.
D’un côté, la théorie astronomique, qui explique les
cycles glaciaires par les variations des paramètres orbi-
taux de la Terre. De l’autre, l’hypothèse de variation
de la concentration atmosphérique en CO2. Au gré des
découvertes, l’une ou l’autre théorie a eu succes-
sivement la faveur des scientifiques. La mise en
évidence des périodicités astronomiques dans les enre-
gistrements paléoclimatiques a donné l’avantage à la
théorie astronomique dans les années 1970, mais les
mesures de la teneur en CO2dans les bulles d’air en
Antarctique, en retraçant l’évolution du CO2atmo-
sphérique sur presque l’ensemble du dernier million
sera nécessaire d’accompagner ou de favoriser ces
migrations dans un tissu géographique éminemment
morcelé et anthropisé. Ces déplacements risquent, de
plus, de se heurter à des barrières difficilement
franchissables (montagnes, océans,...), voire de devenir
impossibles lorsque certains domaines bioclimatiques
cesseront tout simplement d’exister. Que deviendront,
notamment, les ours polaires sans la glace de l’océan
arctique ?
Le contexte géologique récent :
les alternances glaciaire-interglaciaire
A
fin d’appréhender les conséquences possibles des
changements actuels, il est sans doute utile de se placer
dans un contexte temporel plus large que les observa-
tions récentes. L’échelle géologique est précisément
construite sur la base d’événements marquants la
planète tout entière, qui se sont traduits par des modifi-
cations sensibles de l’environnement et des êtres vivants
qui y habitent. Nous vivons aujourd’hui à l’ère
Quaternaire, ou Pléistocène, avant tout caractérisée
par de grandes oscillations climatiques entre des
périodes glaciaires et des périodes interglaciaires. Les
êtres vivants d’aujourd’hui ont donc traversé, lors
du dernier million d’années, des changements clima-
tiques considérables. Ils ont su, pour la plupart, migrer
vers des lieux plus propices ou trouver des « refuges
climatiques » qui ont autorisé la survie de leur espèce.
Environnement
Figure 1 Les réservoirs de carbone à la surface de la Terre et les principaux échanges entre ces réservoirs (en GtC et en GtC/an).
Le temps de résidence du CO2dans l’atmosphère s’obtient en divisant le total atmosphérique (~700 GtC) par les flux entrants (ou
sortants) annuels (~200 GtC/an), soit 3 ou 4 ans. Le temps de résidence à la surface de la Terre s’obtient de la même façon en
divisant le total (~ 40 000 GtC) par le flux (~0,2 GtC/an), soit de l’ordre de 200 000 ans. (Source : rapport du GIEC, www.ipcc.ch)
© IPCC 2007 / WORKING GROUP I, AR4 / CUP
06-environnement_biof295 15/12/08 10:36 Page 50
et
1
/4restant dans l’atmosphère
(tableau)
. Ce carbone
additionnel dans l’océan aura pour conséquence
d’abaisser sensiblement le pH, conduisant à une
dissolution massive de carbonate sédimentaire ou coral-
lien. Cet événement de dissolution constitue d’ailleurs,
pour le géologue, un premier indice probant de crise
biologique. Les conséquences de l’acidification des
océans sur les écosystèmes marins sont encore très mal
évaluées mais certains organismes calcifiants seront
sans doute soumis à rude épreuve. Au bout de quelques
milliers d’années, la dissolution de ces carbonates
marins aura pour effet de rééquilibrer partiellement le
pH océanique, un phénomène dit de « compensation
des carbonates ». L’océan pourra ainsi piéger encore
plus de carbone atmosphérique, pour n’en laisser
qu’environ 10 % dans l’atmosphère. Mais le carbone
anthropique qui a été injecté dans le système océan-
atmosphère s’y trouve toujours, accompagné d’une
quantité presque équivalente de carbone issu de la
dissolution des carbonates. Il ne sera éliminé qu’avec
l’aide de l’érosion des roches silicatées qui permettra
de rééquilibrer le système carbone au bout de quelques
centaines de milliers d’années en favorisant la
précipitation de carbonates marins.
Le carbone comme thermostat de
la planète
À
l’échelle géologique, le carbone est donc injecté dans
l’atmosphère ou dans l’océan par le volcanisme, puis
est éliminé de la surface via l’érosion des silicates qui
autorise la précipitation des carbonates. Une pertur-
bation chaude, quelle qu’elle soit (perturbation des gaz
à effet de serre ou autre), induira ainsi vraisembla-
blement une intensification du cycle hydrologique,
donc de l’érosion qui est souvent liée aux précipi-
tations, et par conséquent une augmentation du puits
de carbone, ce qui diminuera l’effet de serre. C’est ce
couplage entre climat et carbone qui a sans doute
permis à notre planète de conserver un climat
« habitable » pendant des milliards d’années, avec
de l’eau liquide à sa surface, en amortissant les
perturbations climatiques, parfois de très grande
ampleur, survenues dans le passé.
BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 51
d’années, a maintenant clairement démontré le rôle du
carbone dans ces cycles climatiques.
U
ne synthèse entre ces deux théories est aujourd’hui
nécessaire. Elle ne pourra être formalisée que lorsque
l’on comprendra comment la teneur atmosphérique en
CO2a pu varier naturellement entre 180 ppm et 280
ppm entre périodes glaciaires et interglaciaires. Le rôle
du CO2dans ces changements passés est néanmoins
clairement établi et il n’est pas possible de rendre
compte du climat glaciaire sans y référer. Son
augmentation anthropique sort manifestement de ce
cadre naturel puisque la teneur actuelle s’approche
bientôt des 400 ppm et que les scénarios de dévelop-
pement économique pour le XXI
e
siècle prévoient des
concentrations atmosphériques entre 500 ppm et 1 000
ppm. Si ces taux élevés de gaz carbonique persistent
suffisamment longtemps dans l’atmosphère, il est
évident que cela risque fort de perturber ou de sup-
primer les futurs cycles climatiques... Quelle est donc
la durée de vie du CO2atmosphérique ?
Le cycle du carbone : court terme ou
long terme ?
O
n entend souvent dire que le gaz carbonique reste
« environ un siècle » dans l’atmosphère. Ce mythe pro-
vient-il d’une confusion avec l’échelle de temps choisie
par le GIEC
*
pour se projeter dans le futur, c’est-à-dire
le XXI
e
siècle, en sous-entendant que tout redeviendra
normal le 1
er
janvier de l’année 2101 ? Quoi qu’il en
soit, ce chiffre est profondément erroné : la durée de vie
du CO2dans l’atmosphère, soit le temps moyen que
passe une molécule de CO2dans l’atmosphère, est de
l’ordre de 3 à 4 ans
(figure 1)
. Cette valeur n’est
toutefois pas très pertinente. La molécule de CO2 issue
d’un combustible fossile qui quitte l’atmosphère pour
être fixée dans une feuille d’arbre ou par le plancton
marin va assez rapidement, au bout de quelques
semaines ou bien quelques années, revenir vers
l’atmosphère. L’atome de carbone de cette molécule
est, en effet, issu du sous-sol terrestre. Il va rester dans
le système superficiel atmosphère-océan-végétation-
sols pendant une durée très longue avant de quitter la
surface terrestre et de passer durablement dans le sous-
sol, le plus souvent par l’intermédiaire de l’enfouis-
sement de carbonates dans les sédiments marins.
L’échelle de temps pertinente est donc la durée de vie
du carbone, non pas dans l’atmosphère mais à la
surface de la Terre. Les estimations actuelles suggèrent
que cette durée de vie est située, selon les auteurs, entre
100 000 et 500 000 ans
(3)
. Le CO2d’origine anthro-
pique est donc bien un déchet industriel à très longue
durée de vie dans notre environnement.
E
n attendant son enfouissement ultime, seule une partie
du carbone en excès se retrouve dans l’atmosphère, la
majeure partie étant dans l’océan et une petite partie
(probablement infime à long terme) dans la végétation
et les sols. Le mélange océanique permettra ainsi, au
bout de plusieurs siècles, un premier équilibre entre
l’océan et l’atmosphère avec une répartition approxi-
mative de
3
/4du carbone anthropique piégé par l’océan
(3) Archer D (2005)
JGR
110 C09S05
*Groupement
intergouvernemental
sur l’évolution du climat
Tableau Constantes de temps et réservoirs de carbone impliqués
dans la perturbation actuelle.
Le carbone issu des réserves fossiles (pétrole, charbon, gaz) est injecté
dans l’atmosphère. Très rapidement, une moitié est temporairement
piégée par la biosphère terrestre et par l’océan. À l’échelle du millénaire,
l’océan représente le puits de carbone le plus important (~3/4du total)
alors que la part de la biosphère sera sans doute marginale.
La dissolution des carbonates marins ajoute encore du carbone
supplémentaire mais permet néanmoins de diminuer la concentration
atmosphérique. Seule l’érosion continentale est susceptible, à très
long terme, de rééquilibrer le carbone terrestre.
Réservoir\temps (ans) 1 a 101a10
3a10
4a10
5-106a
Sous-sol (fossiles) -100 %
Atm 100 % 50 % 25 % 10 % 0 %
Végétation + Sols 30 %
Océans 20 % 75 % 90 %+90 %
CaCO3-90 % 100 %
06-environnement_biof295 15/12/08 10:36 Page 51
BIOFUTUR 295 • JANVIER 200952
U
n exemple intéressant est celui de la limite Paléocène-
Éocène, il y a environ 55 millions d’années. Cet
épisode est caractérisé par une augmentation très
brutale de la température globale de notre planète, de
l’ordre de quelques degrés, de façon quasiment
instantanée pour le géologue, c’est-à-dire à des échelles
de temps inframillénaires. Ce réchauffement est associé
à un rejet important de carbone dans l’atmosphère
(4)
sous forme de CO2ou, plus vraisemblablement, de
CH4qui s’oxyde en CO2dans l’atmosphère en une
décennie. Par ailleurs, la dissolution concomitante des
carbonates suggère clairement une acidification consé-
quente de l’océan. Cet épisode de bouleversements
environnementaux se résorbe au bout d’environ
100 000 ou 200 000 ans, conformément à la durée de
vie du carbone à la surface de la Terre évoquée plus
haut. Même si les causes initiales de cette transition
géologique demeurent encore incertaines, le scénario
général qui en ressort n’est pas sans rappeler notre
situation actuelle. Cette transition géologique brutale
est marquée par des extinctions d’organismes vivant
au fond des mers et par l’expansion des mammifères
supérieurs dont nous sommes issus, aux dépends des
premiers mammifères qui vivaient auparavant.
En route pour l’Anthropocène
C
aractériser une nouvelle ère géologique par notre
présence humaine est certainement très présomptueux,
comme le soulignent certains débats chez les géologues
sur l’utilité du mot « Quaternaire », défini au XIX
e
siècle sur ce critère et auquel on préfère désormais le
nom « Pléistocène ». Mais si l’apparition de l’homme,
il y a quelques millions d’années, n’est peut-être pas
un phénomène géologique marquant, il n’en va pas de
même de la période industrielle actuelle, qui modifie
à un rythme sans cesse croissant la physico-chimie
de notre planète. Nous sommes donc sans conteste à
l’aube d’une nouvelle ère géologique, avec tout ce que
cela implique en termes de modifications environ-
nementales et d’évolution de la vie. Bien qu’il soit
encore difficile, voire impossible, d’évaluer les consé-
quences sur les écosystèmes, il est néanmoins possible
d’envisager certains scénarios de l’évolution climatique
à venir, à l’échelle multimillénaire.
T
out comme pour les scénarios climatiques du XXI
e
siècle, la plus grande incertitude provient des décisions
humaines qui seront prises (ou non) dans les prochaines
décennies et par conséquent, des futures émissions
de gaz carbonique
(figure 2)
. Depuis la révolution indus-
trielle, l’humanité à déjà envoyé dans l’atmosphère
environ 400 milliards de tonnes de carbone (GtC). Les
réserves terrestres estimées en combustibles fossiles
conventionnels, surtout sous forme de charbon, sont
d’un ordre de grandeur supérieur, soit environ 4 000
GtC. Il est peu réaliste d’imaginer que le total des émis-
sions à venir sera plus faible que les émissions passées
et il est plus rassurant de penser que les sources
fossiles non conventionnelles (schistes bitumineux,
clathrates marins, ...) ne seront pas trop entamées par
nos sociétés gourmandes en énergie car celles-ci sont
nettement plus importantes encore. L’ordre de
grandeur de la perturbation anthropique se situera
donc probablement quelque part entre 1 000 et
5 000 GtC. La marge de manœuvre qui est aujourd’hui
encore offerte à l’humanité est donc assez considérable.
C
ette gamme des possibles laisse présager quelques
conséquences à long terme. Outre le réchauffement
actuel qui va suivre l’évolution de la concentration
atmosphérique en CO2, citons la fonte partielle ou
totale des calottes de glace groenlandaise et antarc-
tique. Il semble que l’avenir du Groenland soit d’ores
et déjà compromis, de nombreux experts tablant sur
sa disparition totale à l’horizon de quelques millénaires
(5)
. La remontée concomitante du niveau marin,
d’environ 7 mètres au total, s’effectuerait donc au
rythme de quelques dizaines de centimètres par siècle,
ce qui ne semble pas trop dramatique. Toutefois,
certaines indications paléoclimatiques et observations
Environnement
Figure 2 Niveaux de CO2 et températures projetées à l’échelle de plusieurs milliers
d’années dans le futur, pour reproduire le comportement des différents réservoirs de
carbone.
Catm = 280 + Ctot (0,75e-t/365 + 0,135e-t/5500 + 0,035e-t/8200 + 0,08e-t/200000)
L’amplitude du « pic » initial n’est pas représentée ici de façon très réaliste car elle dépend
du scénario économique et de la réponse de la végétation. Ce n’est pas le cas de la réponse
à plus long terme. La température s’en déduit grossièrement en supposant une relation
linéaire entre T et le logarithme de la concentration en CO2: T = 3 Log(C/C0)/Log(2), soit
ici 3 °C en plus pour chaque doublement de pCO2. (d’après (3))
(4) Dickens G (1999)
Nature
401, 752-5
(5) Charbit S
et al.
(2008)
Geophysical Research
Letters
35, L12503
© D. PAILLARD
06-environnement_biof295 15/12/08 10:36 Page 52
glaciologiques récentes
(6)
suggèrent que ce rythme
pourrait être sensiblement plus rapide, de l’ordre du
mètre par siècle. Avec des conséquences économiques
considérables sur les infrastructures côtières du monde
entier. La fonte de la partie ouest de l’Antarctique est
aussi potentiellement à l’ordre du jour, mais les
incertitudes restent encore trop grandes aujourd’hui
pour conclure à une remontée supplémentaire du
niveau marin, qui pourrait néanmoins être du même
ordre de grandeur que pour le Groenland. L’Antarc-
tique Est semble à l’abri de changements trop
dramatiques, mais notre connaissance de l’évolution
à long terme des calottes reste très fragmentaire.
C
es changements sont-ils temporaires ou permanents ?
Quand le Groenland pourra-t-il se reformer ? Les
grandes calottes du dernier maximum glaciaire revien-
dront-elles un jour ou bien allons nous définitivement
sortir de la cyclicité climatique caractéristique du
Quaternaire ? Les questions reste mais il est possible
d’extrapoler nos connaissances actuelles des cycles cli-
matiques passés pour les aborder. Si les causes des varia-
tions glaciaires-interglaciaires du CO2restent encore
mal connues, on sait aujourd’hui construire des modèles
mathématiques qui rendent compte de façon satis-
faisante des observations paléoclimatiques. Si ces
modèles représentent, d’un point de vue phénomé-
nologique du moins, le couplage entre gaz carbonique
et évolution des calottes de glace tout en étant soumis
aux variations des paramètres astronomiques, alors il
sera possible d’explorer l’évolution future de ce
système
(figure 3)
dans des conditions naturelles ou
anthropiques
(7)
. Bien entendu, il ne s’agit là que d’une
esquisse. Le modèle étant calibré sur les cycles
glaciaires-interglaciaires passés, il ne peut pas
prédire la fonte du Groenland ou de l’Antarctique et la
remontée correspondante du niveau marin. Mais il en
ressort clairement que les prochaines périodes glaciaires
ne sont assurément pas prévues avant plusieurs
centaines de milliers d’années, selon l’intensité de la
perturbation actuelle.
Une grande première
L
a planète a vécu de nombreuses crises au cours de sa
longue histoire, certaines ayant probablement été direc-
tement causées par des changements biogéochimiques
liés à l’évolution du monde vivant. La crise actuelle
rentre définitivement dans ce cadre car, une fois de
plus, la vie sur Terre s’est développée de telle façon
qu’elle va bouleverser le fonctionnement physico-
chimique de la planète, du fait de l’évolution des
sociétés humaines cette fois. Toutes les implications
sont encore bien loin d’avoir été explorées et l’évo-
lution à long terme du climat esquissée ici n’est qu’un
premier pas vers cette compréhension. Néanmoins, un
fait absolument nouveau mérite d’être souligné : pour
la première fois, les organismes vivants responsables
d’une crise planétaire sont largement conscients des
conséquences de leurs actes. Cette nouvelle responsa-
bilité, morale, suffira-t-elle à modifier le cours de
l’histoire ?
G
BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 53
Oscillations sur 41 ma
Oscillations sur 100,
41, et 23 ma
h. habilis
h. erectus
H. habilis
H. erectus
h. sapiens
H. sapiensH. sapiens ??????
200 ppm
--120 m
--120 m
-- 3 000 -- 2 500 -- 2 000 -- 1 500 -- 1 000 -- 500 500 1 0000
0 m
0 m
300 ppm
Niveau de la mer (m)
Milliers d’années (ma)
Niveau de la mer (m)
Concentration en CO2 atmosphérique (ppm)
Anthropocène
Figure 3 Climat depuis les 3 derniers millions d’années et projections pour le prochain million d’années, caractérisé par le taux
atmosphérique de CO2et le niveau marin (lié ici au volume des calottes de glace), issus d’un modèle simplifié.
Gris : scénario naturel, Vert : en stoppant aujourd’hui les émissions, Bleu : si l’on injecte 1 500 GtC (scénario optimiste),
Rouge : si l’on injecte 5 000 GtC (scénario pessimiste). La courbe du bas (noir) représente l’évolution réelle du niveau marin. (D’après (7))
(6) Rignot E
et al.
(2006)
Science
311, 986-90
(7) Paillard D (2006)
Science
313, 455-6
© D. PAILLARD
06-environnement_biof295 15/12/08 10:36 Page 53
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