et
1
/4restant dans l’atmosphère
(tableau)
. Ce carbone
additionnel dans l’océan aura pour conséquence
d’abaisser sensiblement le pH, conduisant à une
dissolution massive de carbonate sédimentaire ou coral-
lien. Cet événement de dissolution constitue d’ailleurs,
pour le géologue, un premier indice probant de crise
biologique. Les conséquences de l’acidification des
océans sur les écosystèmes marins sont encore très mal
évaluées mais certains organismes calcifiants seront
sans doute soumis à rude épreuve. Au bout de quelques
milliers d’années, la dissolution de ces carbonates
marins aura pour effet de rééquilibrer partiellement le
pH océanique, un phénomène dit de « compensation
des carbonates ». L’océan pourra ainsi piéger encore
plus de carbone atmosphérique, pour n’en laisser
qu’environ 10 % dans l’atmosphère. Mais le carbone
anthropique qui a été injecté dans le système océan-
atmosphère s’y trouve toujours, accompagné d’une
quantité presque équivalente de carbone issu de la
dissolution des carbonates. Il ne sera éliminé qu’avec
l’aide de l’érosion des roches silicatées qui permettra
de rééquilibrer le système carbone au bout de quelques
centaines de milliers d’années en favorisant la
précipitation de carbonates marins.
Le carbone comme thermostat de
la planète
À
l’échelle géologique, le carbone est donc injecté dans
l’atmosphère ou dans l’océan par le volcanisme, puis
est éliminé de la surface via l’érosion des silicates qui
autorise la précipitation des carbonates. Une pertur-
bation chaude, quelle qu’elle soit (perturbation des gaz
à effet de serre ou autre), induira ainsi vraisembla-
blement une intensification du cycle hydrologique,
donc de l’érosion qui est souvent liée aux précipi-
tations, et par conséquent une augmentation du puits
de carbone, ce qui diminuera l’effet de serre. C’est ce
couplage entre climat et carbone qui a sans doute
permis à notre planète de conserver un climat
« habitable » pendant des milliards d’années, avec
de l’eau liquide à sa surface, en amortissant les
perturbations climatiques, parfois de très grande
ampleur, survenues dans le passé.
BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 51
d’années, a maintenant clairement démontré le rôle du
carbone dans ces cycles climatiques.
U
ne synthèse entre ces deux théories est aujourd’hui
nécessaire. Elle ne pourra être formalisée que lorsque
l’on comprendra comment la teneur atmosphérique en
CO2a pu varier naturellement entre 180 ppm et 280
ppm entre périodes glaciaires et interglaciaires. Le rôle
du CO2dans ces changements passés est néanmoins
clairement établi et il n’est pas possible de rendre
compte du climat glaciaire sans y référer. Son
augmentation anthropique sort manifestement de ce
cadre naturel puisque la teneur actuelle s’approche
bientôt des 400 ppm et que les scénarios de dévelop-
pement économique pour le XXI
e
siècle prévoient des
concentrations atmosphériques entre 500 ppm et 1 000
ppm. Si ces taux élevés de gaz carbonique persistent
suffisamment longtemps dans l’atmosphère, il est
évident que cela risque fort de perturber ou de sup-
primer les futurs cycles climatiques... Quelle est donc
la durée de vie du CO2atmosphérique ?
Le cycle du carbone : court terme ou
long terme ?
O
n entend souvent dire que le gaz carbonique reste
« environ un siècle » dans l’atmosphère. Ce mythe pro-
vient-il d’une confusion avec l’échelle de temps choisie
par le GIEC
*
pour se projeter dans le futur, c’est-à-dire
le XXI
e
siècle, en sous-entendant que tout redeviendra
normal le 1
er
janvier de l’année 2101 ? Quoi qu’il en
soit, ce chiffre est profondément erroné : la durée de vie
du CO2dans l’atmosphère, soit le temps moyen que
passe une molécule de CO2dans l’atmosphère, est de
l’ordre de 3 à 4 ans
(figure 1)
. Cette valeur n’est
toutefois pas très pertinente. La molécule de CO2 issue
d’un combustible fossile qui quitte l’atmosphère pour
être fixée dans une feuille d’arbre ou par le plancton
marin va assez rapidement, au bout de quelques
semaines ou bien quelques années, revenir vers
l’atmosphère. L’atome de carbone de cette molécule
est, en effet, issu du sous-sol terrestre. Il va rester dans
le système superficiel atmosphère-océan-végétation-
sols pendant une durée très longue avant de quitter la
surface terrestre et de passer durablement dans le sous-
sol, le plus souvent par l’intermédiaire de l’enfouis-
sement de carbonates dans les sédiments marins.
L’échelle de temps pertinente est donc la durée de vie
du carbone, non pas dans l’atmosphère mais à la
surface de la Terre. Les estimations actuelles suggèrent
que cette durée de vie est située, selon les auteurs, entre
100 000 et 500 000 ans
(3)
. Le CO2d’origine anthro-
pique est donc bien un déchet industriel à très longue
durée de vie dans notre environnement.
E
n attendant son enfouissement ultime, seule une partie
du carbone en excès se retrouve dans l’atmosphère, la
majeure partie étant dans l’océan et une petite partie
(probablement infime à long terme) dans la végétation
et les sols. Le mélange océanique permettra ainsi, au
bout de plusieurs siècles, un premier équilibre entre
l’océan et l’atmosphère avec une répartition approxi-
mative de
3
/4du carbone anthropique piégé par l’océan
(3) Archer D (2005)
JGR
110 C09S05
*Groupement
intergouvernemental
sur l’évolution du climat
Tableau Constantes de temps et réservoirs de carbone impliqués
dans la perturbation actuelle.
Le carbone issu des réserves fossiles (pétrole, charbon, gaz) est injecté
dans l’atmosphère. Très rapidement, une moitié est temporairement
piégée par la biosphère terrestre et par l’océan. À l’échelle du millénaire,
l’océan représente le puits de carbone le plus important (~3/4du total)
alors que la part de la biosphère sera sans doute marginale.
La dissolution des carbonates marins ajoute encore du carbone
supplémentaire mais permet néanmoins de diminuer la concentration
atmosphérique. Seule l’érosion continentale est susceptible, à très
long terme, de rééquilibrer le carbone terrestre.
Réservoir\temps (ans) 1 a 101a10
3a10
4a10
5-106a
Sous-sol (fossiles) -100 %
Atm 100 % 50 % 25 % 10 % 0 %
Végétation + Sols 30 %
Océans 20 % 75 % 90 %+90 %
CaCO3-90 % 100 %