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N
DIRIGER LES OBJETS PAR
LA PENSÉE
QUAND LES NEURONES PARLENT AUX MACHINES… GRÂCE À DES ÉLECTRODES
ET UN SYSTÈME SOPHISTIQUÉ DE TRADUCTION DES SIGNAUX ÉLECTRIQUES ÉMIS PAR
LE CERVEAU, NOUS POUVONS AUJOURD’HUI UTILISER NOTRE MENTAL POUR FAIRE
DÉCOLLER UN DRONE OU COMMANDER UN BRAS ARTIFICIEL. PAR ANNE DEBROISE
ataliya Kosmyna court les foires,
les conférences et les salons.
Foire-expo de Paris, Wondercon
de Los Angeles, Conférence In-
teraction Homme-Machine
(CHI2016) de San José, Palais de
la découverte de Paris… Ses-
monstrations font fureur. Car la
jeune Ukrainienne, qui a obtenu
un doctorat en informatique au Laboratoire dinformatique
de Grenoble en 2015, s’est spécialisée dans le contrôle des
objets par la pensée.
Pour les scientifiques, le concept n’est pas nouveau. Mais
Nataliya a mis au point des applications grand public qui sus-
citent un engouement inédit. Fan de Star Wars, elle est ca-
pable de contrôler le déplacement d’une réplique de l’irrésis-
tible petit robot sphérique BB8 roulant sur une table (voir
photo p. 76) ou de faire décoller et atterrir une reproduction
du Millennium Falcon. Et surtout, elle propose au public de
tester son système. « Lors de mes démonstrations, environ
65% des personnes qui font l’expérience réussissent effecti-
vement à contrôler l’objet par la pensée. Et ça, au bout de
5 minutes d’entraînement seulement », senorgueillit-elle.
Le grand apport de Nataliya a consisté à simplifier une tech-
nologie extrêmement complexe pour la mettre à la portée de
tout un chacun. Le succès est tel que ce genre d’application
pourrait bien figurer au hit-parade des prochains cadeaux de
Noël. Mais comment tout cela fonctionne-t-il? Côté humain,
l’ingrédient essentiel est la concentration. Côté machine, il
faut surtout de bons algorithmes capables de reconnaître,
dans la prolifique activité cérébrale, LE signal capable de
commander le déplacement de lobjet.
Des électrodes sur le crâne
Le cerveau est le siège d’une intense activité qui permet de
contrôler les différents organes, et notamment les muscles,
de tout notre corps. Les cellules du cerveau, les neurones,
communiquent entre elles par de très faibles impulsions
électriques, qui circulent dans les fibres nerveuses jusqu’aux
organes auxquels elles sont destinées. Cette activité élec-
trique génère à la surface du crâne des ondes électromagné-
Séance d’élec-
troencéphalogra-
phie (EEG) au
Centre Wyss de
Genève, consacré
aux biotechnolo-
gies et aux neu-
rosciences au
service de la
recherche et des
interfaces cer-
veau-ordinateur.
wyss center www.wysscenter.ch
LES POUVOIRS DU CERVEAU
4
76 PARIS MATCH VOTRE CERVEAU
fotolia
de mouvements complexes: lever le bras et articuler les doigts
pour saisir des objets, bouger les jambes et, le plus difficile,
contrôler l’équilibre pour envisager la marche
« Le domaine des interfaces cerveau-machine était au ra-
lenti depuis quelques années, mais il retrouve du dyna-
misme », se félicite François Berger, neuroscientifique à luni-
versité de Grenoble. L’aventure a commencé en 1988. Cette
année-là, le Yougoslave Stevo Bozinovski réussissait à dé-
marrer et stopper le trajet d’un robot par la pensée grâce à des
électrodes posées sur son cuir chevelu.
Il faudra attendre dix ans pour qu’un neurologue audacieux,
l’Américain Philip Kennedy, annonce avoir implanté une
première électrode à l’intérieur même du cerveau pour re-
cueillir les ordres des neurones directement à la source.
L’homme quil a équipé, tétraplégique à la suite d’un accident
vasculaire cérébral (AVC), utilise sa pensée pour déplacer,
péniblement, un curseur sur un écran et ainsi s’exprimer en
choisissant des lettres dans un alphabet.
L’invention des multi-électrodes*, capables de capter les
impulsions nerveuses dune trentaine de neurones, va par la
suite permettre d’affiner le contrôle par la pensée. La pre-
mière multi-électrode à avoir été autorisée pour de tels essais,
aux États-Unis, a été mise au point dans les années 1990 par
le bioingénieur Richard Normann à luniversité de l’Utah,
avec l’idée de stimuler le cortex visuel de personnes aveugles
pour qu’elles recouvrent la vue. Il s’agit d’une plaquette de
4 mm de côté sur laquelle sont fichées 100 micro-électrodes.
Cest John Donoghue (université de Brown, États-Unis) qui le
persuadera de l’adapter pour commander des ordinateurs
par la pensée.
Un joueur de foot américain implanté
Le dispositif a d’abord été testé sur des animaux. Des rats ont
ainsi appris, en 1999, à utiliser cette multi-électrode pour ac-
tionner un bras robotique leur apportant une boisson sucrée.
Un singe réalisait le même exploit en 2003 à l’université dAri-
zona. Enfin, en 2004, l’équipe de John Donoghue équipait un
homme de la fameuse multi-électrode. Il s’agit de Matthew
Nagle, ex-star de foot américain dans l’équipe de la Wey-
mouth High School. Trois ans plus tôt, le jeune homme s’est
fait poignarder en portant secours à un ami engagé dans une
bagarre. Le coup a sectionné sa moelle épinière et l’a laissé
entièrement paraly. Doté dune volonté de fer, le jeune
homme apprend rapidement à diriger ses pensées pour dé-
placer un curseur sur un écran d’ordinateur. Une tâche qu’il
effectue avec une aisance inédite
Les chercheurs travailleront par la suite à améliorer les capa-
cités de décryptage des logiciels informatiques. Ils espèrent
pouvoir permettre aux patients de contrôler des mouvements
complexes. C’est en 2012 qu’ils démontreront quil ne sagit pas
que d’un rêve. Cette année-là, les vidéos de Cathy Hutchinson
font le tour du Web. L’Américaine, paralysée à la suite d’un
accident vasculaire cérébral, a été équipée de la multi-élec-
tiques que l’on peut capter par des systèmes d’électrodes
posées sur le cuir chevelu. « Il existe différents types de
casques, précise la jeune chercheuse. Les casques médicaux
que l’on utilise en laboratoire sont extrêmement perfor-
mants et sensibles mais valent entre 10000 et 20000 euros.
Pour mes démonstrations, j’utilise des casques disponibles
sur le marché, qui valent entre 300 et 400 euros.»
Chaque électrode fournit un électroencéphalogramme: une
courbe qui décrit lévolution du potentiel électrique sous
l’électrode au cours de l’enregistrement. Reste à la décrypter
« Le problème c’est que nous ne comprenons pas grand-
chose au langage des neurones, reconnaît le neuroscienti-
fique John Donoghue, qui dirige actuellement le Centre Wyss
pour la bio et neuroingénierie à Genève, en Suisse. Il est très
complexe dextraire une information pertinente des si-
gnaux électriques que l’on récolte.»
L’idée consiste donc simplement à associer un type de
courbe recueillie par une électrode à une pensée. Pour rendre
son système plus facile d’utilisation, Nataliya Kosmyna, dans
un premier temps, a ciblé l’activité du cortex visuel. Cette
zone du cerveau, située à l’arrière de la tête, est dévolue à
l’interprétation des images. Pour faire décoller son drone,
elle se concentre par exemple sur l’image mentale d’un
nuage; pour le propulser vers l’avant, elle fait le vide dans ses
pensées; et pour le faire atterrir, elle imagine une pelouse
verte. Avant toute démonstration, les volontaires qu’elle
équipe d’un casque passent une minute à se concentrer sur
ces trois images (ou sur d’autres qu’ils auront choisies). Cet
exercice préalable permet à l’algorithme d’identifier dans
l’ensemble de signaux perçus les quelques motifs caractéris-
tiques produits par chacune de ces images mentales à la sur-
face du crâne. Lors de la démonstration, il «suffit » donc au
volontaire de se concentrer sur ces images pour mettre le
drone en mouvement. Ce qui demande malgré tout une
grande force mentale
Commandes mentales
« En aucune façon ces systèmes de commande par la pen-
sée ne permettent de lire dans le cerveau », précise bien la
chercheuse. Ce qui représente un avantage dun point de vue
éthique constitue tout de même un gros inconvénient en
termes de précision de la commande mentale. Avec un tel
système, le contrôle se limite à quelques mouvements
simples: «décollage », «atterrissage », «aller tout droit », au-
quel la chercheuse pourrait ajouter «à droite », «à gauche ».
Pour linstant, le dialogue cerveau-machine reste trop ap-
proximatif pour envisager de conduire un drone avec autant
d’aisance que l’on conduit une voiture.
Dans les laboratoires de recherche travaillant sur les interfaces
cerveau-machine, ce défaut de précision constitue un véri-
table défi. Leur but n’est pas de fabriquer des jeux mais daider
des personnes handicapées à communiquer et à agir sur leur
environnement. C’est le rêve poursuivi par le neurochirurgien
français Alim-Louis Benabid, fondateur du pôle de recherche
Clinatec, à Grenoble. Celui-ci lance cette année l’essai clinique
d’un système particulièrement innovant développé avec le
CEA: un exosquelette commandé par la pensée.
Baptisé EMY, cet assemblage ressemble à une sorte d’armure
moderne, capable de soutenir les bras et les jambes d’un pa-
tient paralysé. La plus grande nouveauté de cet exosquelette,
c’est son mode de commande. Le patient sera équipé de deux
électrodes. Après une courte opération, elles seront insérées
dans l’os du crâne, une pour chaque hémisphère. Directement
au contact de la dure-mère, lenveloppe du cerveau, chaque
électrode recevra donc des signaux plus clairs que si elle était
en surface, mais elle ne sera pas directement en contact avec
la matière grise. Les signaux récoltés seront envoyés par ondes
radio à un programme informatique qui pilote lexosquelette.
Celui-ci apprendra à décrypter les ondes électriques, en ten-
tant d’y reconnaître cette fois-ci des signaux plus spécifiques
Le but est d’aider
les personnes
handicapées à agir sur
leur environnement.
C’est depuis cette
décennie que
la première multi-
électrode a été
autorisée pour
les essais du
bio ingénieur
Richard Normann.
Son projet :
stimuler le cortex
visuel de
personnes
aveugles pour
qu’elles recou-
vrent la vue…
1990
Le neuro-
scientifique
John Donoghue
gauche),
directeur du
Centre Wyss,
rêve de transfor-
mer le quotidien
des personnes
handicapées à
l’aide de systèmes
neuroprosthé-
tiques utilisés
hors laboratoires.
Ce n’est qu’une
question de
temps…
Aujourd'hui, la
poignée de main
d'un robot (ci-des-
sous) peut être
déclenchée
par la pensée
de l’homme.
Ci-dessous,
démonstration
de l’application
conçue par
Nataliya Kosmyna
au Wondercon
2016, à Los Angeles.
L’enfant, plongé
dans l'univers de
Star Wars, imagine
Yoda pour faire
venir le robot BB8
vers lui et le
contrôler par
la force
de la pensée…
ricardo mireles
wyss center www.wysscenter.ch
MULTI-
ÉLECTRODE
Les multi-
électrodes qui
sont implantées
dans le cerveau
se présentent
sous la forme
d'une matrice,
avec des élec-
trodes disposées
régulièrement.
Elles peuvent
capter et traiter
les signaux
qui sont émis
par les réseaux
de neurones avec
une précision
accrue.
LES POUVOIRS DU CERVEAU
4
78 PARIS MATCH VOTRE CERVEAU
DeMust, audit, nos ium harundem
dolum labo. Magnihicius de
maionsed qui dolenim ilignat
inveni nam quam sum facepere mo-
lupta tiunto blaborepudae nullupta
dolorrorro blaboritem est, aut por sum-
quis ad eosam nis atisque nes et quam,
quam saectus, consendel estrum ilit
laborporem ad et officiet quae core-
henes doluptur, sinctor uptatiis doles-
tota consequia ne sitas etum fuga. Ovit
disquaepedi cusdandusam quias id
etur adit volorro ea qui ant. Giassit
aerspel eost, occus et quo modigenis-
tem inulliqui nonsedit, sunt fuga. Nem
et et odis aut ipsa nes es plique exere,
odit ad et es endit laborios volorecto
vellorp oreriorio qui to exeritae. Itatiist,
quo quam, si ommodis essitiunto mole-
net volorporum ipitae. Nam, ipsae na-
tectorempe molupta nos ea sit lam re
cor alicil inctur, sit qui alit faccat ma-
gnimp erorum laccus eatia quia quia
dollit magniet as audit esed ma velique
porum fugit modis doloreiunti tet plati
duntint aut apelitem nobist, nullantem.
Nem venit utam, sam, undanda escil-
laut laborro ident voloreptia dolorro
resciti issimpostiae core serfere stibus
invelle niasper estotatur? Od minullo
restis et magnimodic tem aute est quo-
dignis eatiae a pre, que dolorrore quam
inctata ni sam, quiam nonecte cuptur
milla voluptibus inima dolore corum
sequia quas apis aut voluptatus auhillo
ium laceribusdae nisi ut facea natus
quundit iisciur es faceptat aboria que
et exera dolor abor sit, imi, tem fuga.
Nam inctotatio.Magniasi tiumquodit re,
1465 signes.
79
Plus personne n'imagine
l'éducation sans les outils
du numérique. Encore faut-
il les maîtriser pour garder
ses capacités cognitives.
E
n 2013, l’administration
Obama laait l’initiative
ConnectED, dont
le but était de connecter 99 %
des écoles à lInternet haut débit
en cinq ans. La même année,
le gouvernement promulguait en
France sa loi de refondation
de l’école au cœur de laquelle
figure une « grande ambition
nurique ». En mai 2015 le chef
de lÉtat, François Hollande,
annonçait qu’un milliard d’euros
seraient débloqués pour doter
100 % des collégiens d’équi-
pements individuels mobiles
connectés (principalement
des tablettes) à l’horizon 2018.
Internet serait-il un outil indispen-
sable pour l’éducation ?
D’après l’Éducation nationale,
« 9 enseignants sur 10 sont
convaincus de l’intérêt des TIC*
pour diversier les pratiques, pré-
parer les cours et les rendre plus
attractifs. » Il est vrai quInternet
propose une masse d’informa-
tions quasiment infinie : des cours
donnés par des professeurs,
des forums d’aide en ligne,
des vidéos d’expériences Bref,
selon toutes les apparences, un
kit complet pour réduire les iné-
galités dans l’accès à l’éducation.
Sauf que il y a des voix discor-
dantes. Le prestigieux Massa-
chussetts Institute of Technology,
aux États-Unis, a publié, en mai
2016, une étude pour le moins
troublante. Elle a é menée sur
726 étudiants de premier cycle de
lAcamie West Point, l’une des
écoles militaires américaines les
plus prestigieuses. Les élèves y
sont réputés pour leur discipline,
leur sérieux et leur motivation.
Les chercheurs ont sélectionné un
cours d’introduction à léconomie
et créé des groupes, dont un ban-
nissant tout usage dordinateur
portable ou tablette. À la n du
cursus, les groupes où ils étaient
autorisés obtenaient des résultats
18 % inférieurs à ce dernier… Pour
les auteurs de l’étude, « les étu-
diants ont de moins bons résultats
quand ils ont accès à des techno-
logies informatiques. Et il est fort
probable que ces effets néfastes
sont supérieurs à lextérieur de
West Point », c’est-à-dire dans
des environnements les élèves
sont moins disciplinés,
et donc plus faciles à distraire. Les
capacités d’attention des élèves
seraient en effet mises à dure
épreuve avec Internet, ses multi-
ples fenêtres ouvertes, les pubs
qui s’ouvrent sans prévenir, les
signaux des e-mails, et sa capa-
ci à captiver à la fois l’ouïe et le
regard. « De nombreu ses études
ont montré un déficit d’attention
de la part des jeunes gros usagers
d’Internet, indique Jéme Dinet,
professeur en psychologie à
l’universide Lorraine. On le
voit très vite : vous demandez à un
élève de chercher quelque chose
sur le Net, et, au bout de quelques
clics, il oublie tota lement ce quil
était venu y faire. »
L’usage d’Internet n’aurait cepen-
dant pas que des mauvaiss.
« Chez les jeunes, l’usage
d’Internet donne une grande
facilité à passer d’un sujet à
lautre, à manier un grand nombre
d’informa tions », note le psycho-
logue.Encore faudrait-il être,
ensuite, capable de trier et
d'organiser tout cela en connais-
sances ce qui n’est pas toujours
le cas. Une expérience menée en
mai 2015 au sein de la London
School of Economics and Political
Science a montré que la suppres-
sion des léphones mobiles dans
une classe néficiait essentielle-
ment aux élèves les plus faibles.
Loin de faciliter l’accès à l’éduca-
tion, Internet risque donc forte-
ment d’accentuer les inégalités
entre ceux qui savent l’utiliser
et ceux qui s’y noient. A. D.
Ils sont nés avec
et n’imaginent pas
leur vie sans.
Donc pas question
d’interdire Inter-
net à nos enfants.
Mais comme
souvent, tout est
dans la mesure
et l’éducation
pour que la jeune
génération reste
intelligemment
connectée.
INTERNET: son impact
sur les jeunes cerveaux
TIC
Technologies
de l’information
et de la communi-
cation regroupant
l’informatique,
l’audiovisuel,
les multimédias,
l’Internet et les
télécommunica-
tions, devenues
un segment ma-
jeur de l’écono-
mie des princi-
paux pays
industrialisés.
herrndorff / fotolia
trode intracérébrale par léquipe de John Donoghue. On se
concentrant sur ses pensées, elle réussit à commander un bras
robotisé posé à côté delle pour qu’il lui serve à boire.
Ces exemples sont spectaculaires, mais, comme le regrette
François Berger, ils ne parviennent pas à démontrer que les
interfaces cerveau-machine peuvent effectivement soulager
les patients paralysés dans leur vie quotidienne: « Ce sont des
approches “techno-push”... qui ne sont pas assez à l’écoute
des besoins exprimés par les patients. » Les dispositifs res-
taient lourds, coûteux, et leurs avantages limités. Le bras ro-
botisé, posé sur la table d’un laboratoire, ne peut finalement
que saisir les quelques objets mis expressément à sa portée.
Une main paralysée
fonctionne à nouveau
C’est dans ce contexte que l’annonce faite, le 13 avril 2016, par
l’institut de recherche Battelle (Ohio, États-Unis) a fait sensa-
tion. L’équipe menée par l’ingénieur Chad Bouton a tout sim-
plement redonné à un jeune tétraplégique l’usage de sa
propre main. Ian Burkhart s’est brisé le cou, et la 5e vertèbre,
le 13 juin 2010, après qu’une vague l’a violemment propulsé
contre un banc de sable. Il souffre depuis d’une lésion de la
moelle épinière. Il conserve un mouvement des épaules, du
coude, une mobilité partielle du poignet, mais ses doigts sont
totalement immobilisés. Or, six ans plus tard, il peut de nou-
veau se servir de sa main pour se verser à boire, porter le verre
à ses lèvres, ou encore jouer à un jeu vidéo de guitare.
Le jeune homme a été équipé d’une «dérivation neuronale ».
La multi-électrode de luniversité de l’Utah lui a été implantée
dans le cerveau dans la zone précise qui commande la motri-
cité des doigts de la main. Cette multi-électrode est connectée
(par des fils) à un ordinateur qui décrypte les signaux reçus.
L’innovation est lusage fait de ces signaux. Ils sont traduits en
impulsions électriques au niveau dun manchon souple qui
enveloppe le poignet paraly. Ce manchon est inspiré des élec-
trodes de stimulation neuromusculaire utilisées par les sportifs
ou les kinésithérapeutes pour contracter les fibres musculaires
lors d’exercices de rééducation. Il contient 130 électrodes qui,
posées sur la peau, stimulent le muscle sous-jacent.
Ian Burkhart mettra deux ans à maîtriser le dispositif pour
reprendre le contrôle (partiel) de son poignet et de sa main, à
raison de 2 ou 3 séances dentraînement par semaine, de 3 ou
4 heures chacune. Il complète cet apprentissage par de la réé-
ducation pour retrouver un peu de la force perdue par sa main.
« Ian a appris à se saisir d’une bouteille, verser son contenu
dans un verre, poser la bouteille, saisir un bâton mélangeur,
remuer le contenu du verre et déposer le bâtonnet dans la
carafe », décrit Chad Bouton. Il peut aussi se saisir d’un télé-
phone et le porter à son oreille, ou encore passer une carte
bancaire dans un distributeur.
Pour linstant, Ian Burkhart ne peut utiliser ce dispositif que
dans le laboratoire scientifique où a lieu l’essai (photo ci-
dessous). Chaque séance nécessite environ 2 heures de
mise en route: on lui enfile le manchon souple, on recalibre
ensuite l’ordinateur car le langage des neurones peut être
légèrement différent dun jour à l’autre et le manchon pas
exactement positionné de la même manière. Mais lexpé-
rience ouvre un nouvel horizon pour les paralysés, qui at-
tendent beaucoup de ces outils permettant à leurs neurones
de parler aux machines.
Ian Burkhart joue
les « guitar heros »
sur jeu vidéo grâce
au manchon
souple contenant
130 électrodes de
stimulation neuro-
musculaire mis en
place sur son
poignet paralysé.
the ohio state university wexner medical center and battelle
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