« Le Petit-Maître corrigé » à la Comédie-Française : Clément
Hervieu-Léger exhume un texte censuré de Marivaux
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elle trouve peu à peu les ajustements qui lui permettent de déployer la palette des émotions.
Loïc Corbery (Rosimond) et Christophe Montenez (Frontin) complètent le traditionnel
quatuor des maîtres-valets, propre au théâtre de Marivaux. Si le premier n’échappe pas à
certains excès que nous reprochons à ses compagnes de scène – quoique d’une manière plus
atténuée -, avant de prendre progressivement une belle consistance, le second excelle de
bout en bout dans le rôle du pédant serviteur rappelé au bon sens. Le jeune comédien ne
cesse de nous surprendre, depuis son impressionnante interprétation de l’ambigu Martin
von Essenbeck dans Les Damnés, mis en scène par Ivo van Hove (pièce dans laquelle Loïc
Corbery est par ailleurs très bon).
Florence Viala campe avec adresse une Dorimène à la faconde intarissable, au corps
engoncé dans les codes étriqués et prétentieux de son petit milieu parisien : ses excès
épousent la subtilité des caractères tracés par Marivaux. Didier Sandre (le bon-papa comte),
Dominique Blanc (la mère-marquise aux élans castrateurs) et Pierre Hancisse (l’ami
manipulateur, Dorante) complètent décemment la distribution par leur jeu harmonieux.
Psychologie de l’aveu
Clément Hervieu-Léger a parfaitement raison de souligner la richesse psychologique du
théâtre de Marivaux : « Le Petit-Maître corrigé est une pièce résolument psychologique,
n’en déplaise à certains tenants du théâtre post-dramatique soi-disant hostiles à la
psychologie sur un plateau. Comment faire du théâtre sans psychologie ? Et l’objet même du
théâtre n’est-il pas, d’abord, psychologique ? […] Marivaux aborde d’ordinaire ces questions
au théâtre grâce au travestissement et au trouble qu’il génère. Le Petit-Maître corrigé nous
met face au travestissement interne de Rosimond, égaré par le déni de ses propres
sentiments. »
L’assertion faussement interrogative comme quoi le psychologique serait « l’objet même du
théâtre » nous semble – à bien des égards – erronée, dans la mesure même où la
psychologie irrigue bien d’autres genres littéraires, certains bien plus que le théâtre, à
commencer par le roman. Il reste que Le Petit-Maître corrigé contient une forte dimension
psychologique, tant sur la question de l’aveu amoureux que sur celle du rapport entre l’être
singulier et le groupe.
Amour et engagement pour faire alliance
Ces deux problématiques, au centre de la pièce, résonnent encore trois siècles plus tard,
mettant en exergue la contemporanéité du théâtre de Marivaux, si enraciné et si universel.
« Avouer son amour est-il nécessaire pour que l’amour existe ? », s’interroge le metteur en