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L’Île des esclaves
jeunes, qui découvrent l’amour, à qui l’on
fait vivre des expériences difficiles, que
l’on place dans des circonstances extraor-
dinaires. C’est ce que l’on voit tous les
jours dans les émissions de télé-réalité.
Pour moi, la pièce de Marivaux pouvait
correspondre à cette situation. On
retrouve cette modernité-là dans la mise
en scène. Le choix des costumes permet
lui aussi le mélange des époques, mais je
n’ai pas souhaité rendre la pièce totale-
ment contemporaine.
Pour le personnage de Trivelin, je ne me
rappelle pas exactement comment j’ai
trouvé Alex Descas, qui joue le rôle. Je sais
seulement que je cherchais un comédien
qui ait cette sorte de force, de puissance.
Trivelin, pour moi, c’est une sorte de
Prospero1, le personnage de La Tempête de
Shakespeare. Chez Marivaux aussi, il y a
cette tempête sur l’île, qui conduit au
naufrage des personnages
En ce qui concerne le décor, au début,
nous avons essayé des piles de sable pour
représenter une espèce de dune. Puis on
s’est aperçu que ce côté réaliste ne conve-
nait absolument pas : on a donc recou-
vert le tout d’un grand tissu rouge. Cela a
créé un effet très juste de « théâtre dans
le théâtre ». D’ailleurs, Marivaux, dans ses
didascalies, ne cesse de rappeler que l’action
se passe sur un théâtre.
xAvez-vous cherché à accentuer ou à
atténuer la dimension comique de L’Île
des esclaves ?
À l’accentuer, absolument. La pièce en
elle-même est certes une comédie noire,
mais elle reste résolument une comédie.
D’ailleurs, elle était destinée par Marivaux
aux Comédiens-Italiens.
xVotre mise en scène renvoie en effet
aux origines italiennes du théâtre de
Marivaux, avec une très grande expres-
sivité, des masques blancs aux joues
rouges pour les valets, des clowneries,
des pantomimes… Vous êtes-vous aussi
inspirée du travail proposé par Giorgio
Strehler en 1995 ?
Je me suis un peu inspirée du travail de
Giorgio Strehler. Mais ce qui m’intéressait
surtout, c’était de penser à la liberté
totale de jeu, de songer à ces comédiens
qui, au XVIIIesiècle, improvisaient chaque
soir un texte différent.
xAvez-vous, de votre côté, respecté le
texte à la lettre ?
Oui, totalement. On a juste ajouté ici ou
là, entre les répliques, quelques moments
de fantaisies délirantes.
Rencontre avec…
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