le document du professeur

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SÉQUENCE II – Séance 7
À TABLE !
(lecture/langue/lecture de l'image)
Séance 7 : À table
Support : - Texte : extrait des Lettres de Pline le Jeune (I,15)
- Documents : Mosaïque d'une scène de banquet ; documents sur les repas, la cuisine
et la gastronomie, le triclinium, les plats de la cena et recette de la patina de poires,
extraite du De re coquinaria d'APICIUS.
Objectifs : ▶ Découvrir la manière dont les Romains organisaient leur repas :
horaires, dispositifs, nourriture.
▶ Comprendre l’importance de la cena dans la journée des Romains.
▶Aborder le genre épistolaire.
TEXTE : « Un invité bien mal élevé », Lettres, I, 15 de Pline le Jeune
– Présentation du texte.
Le texte, reproduit dans sa version originale, est ici donné intégralement. Il offre l’occasion
d’aborder un genre important dans la littérature latine : l’épistolaire, lié aux pratiques de la
convivialité (on s’écrit pour s’inviter, pour se raconter).
La correspondance de Pline le Jeune fournit de nombreuses occasions d’aborder les divers aspects
de la vie quotidienne. La lettre est un important témoignage concret du lien social, auquel les
Romains accordaient une grande place dans l’organisation de leur vie quotidienne.
– De quel type de texte s'agit-il ? Quels indices vous le montrent ?
Il s’agit d’une lettre (genre épistolaire). Divers indices d’énonciation le montrent : l’en-tête (la
formule d’adresse), les personnes verbales (le ≪ je ≫ du destinateur, le ≪ tu ≫ du destinataire), la
formule finale (Vale).
Épistolaire > epistula = la lettre.
– Comparer les deux menus évoqués par Pline. Nommez les plats en français, puis en latin.
Menu 1 : une laitue, trois escargots, deux œufs, un gâteau de semoule avec du vin miellé, des olives,
des betteraves, des concombres, des oignons : Lactucae singulae, cochleae ternae, ova bina,
halica cum mulso, olivae, betacei, cucurbitae, bulbi.
Menu 2 : des huîtres, des vulves de truie, des oursins : ostrea, vulvas, echinos.
Bien entendu, ces menus ne sont pas complets, Pline ne donnant ici qu’un aperçu de chacun d’eux,
mais les plats cités permettent de comprendre la différence entre une certaine forme de frugalité
d’un côté (produits de la campagne, légumes) et de luxe de l’autre (produits de la mer, mets plus
raffinés).
– À quoi sert la neige, à votre avis ?
La neige durcie en glace servait à tenir les plats au frais et à rafraîchir les boissons. Évidemment,
la glace fondait vite et ≪ se perdait ≫ sur les plateaux (voir le commentaire amusé de Pline).
Quels divertissements Pline propose-t-il pour accompagner le repas ? Qu'est-ce qui rend un
dîner agréable selon lui ? Que préfère Septicius ?
Pline propose des déclamations de ≪ comédiens ≫, des lectures faites par ≪ un lecteur
professionnel ≫, des morceaux de musique interprétés par ≪ un joueur de lyre ≫. Ce sont les
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accompagnements traditionnels qu’un maître de maison cultivé offre à ses amis pour agrémenter le
banquet. Mais, pour Pline, ce qui rend un dîner agréable, ce sont surtout les échanges entre les
convives (la convivialité, au sens étymologique) : discuter, plaisanter, rire (point de vue d’un
intellectuel aimant la conversation), dans une ambiance chaleureuse et ≪ décontractée ≫ (voir les
adverbes au comparatif hilarius, simplicius, incautius). Son ami Septicius, qui a dédaigné son
invitation pour aller dîner chez un autre hôte, préfère le luxe des plats et des divertissements. On
note, au passage, la mode des Gaditanae (≪ danseuses de Gades ≫, soit Cadix), aussi réputées
dans l’Antiquité que le seront plus tard les fameuses ≪ belles de Cadix ≫.
– Les reproches de Pline sont-ils sérieux ? Relevez des expressions justifiant votre réponse.
Les reproches de Pline ne sont pas sérieux : ils sont faits sur le mode humoristique, voire ironique.
On relève les exclamations (≪ Eh bien toi alors ! ≫), les digressions marquées par les tirets (sur la
neige, sur la dépense), le vocabulaire juridique de la sanction (dicitur jus), le ton de la plainte et de
la menace feintes (≪ tu me paieras la dépense jusqu’au dernier sou ≫, ≪ tu as fait du mal ≫, ≪ tu
vas en subir la punition ≫), les expressions volontairement vagues (≪ chez je ne sais qui ≫, ≪ je ne
dis pas laquelle ≫), la boutade finale autour des excuses.
LECTURE DE L'IMAGE : Mosaïque romaine d'une scène de banquet, env. 450 ap. J-C,
Neuchâtel (Suisse), musée du château de Boudry.
– Présentation de l'image.
Cette page propose de découvrir une scène de banquet caractéristique d’une certaine période et
d’une certaine société : celle que la postérité a considérée de manière souvent stéréotypée et
caricaturale comme typique du mode de vie romain, c’est-à-dire ≪ l’orgie romaine ≫.
Cette immense mosaïque (250 x 360 cm) représente une scène de banquet bien arrosée.
Il est important d’expliquer aux élèves que ce type de repas n’est pas représentatif de toutes les
époques (distinguer la sobriété républicaine du luxe impérial), ni de toutes les classes sociales, ni
de tous les repas. On ne sert pas un banquet de ce genre tous les soirs dans une maison romaine !
Le fameux épisode du banquet de Trimalcion dans le Satyricon de Pétrone a beaucoup contribué à
répandre l’image stéréotypée de l’orgie romaine (voir la vision de Federico Fellini dans son
adaptation au cinéma, Satyricon, 1969).
Cf Document 1 : Les repas
La mosaïque, exceptionnelle par sa taille et par son état de conservation, est caractéristique des
pavements trouvés dans l’Est de l’Empire romain et datant du IV°/V° siècles après J.-C. Les scènes
de la vie quotidienne y sont un thème très populaire, parallèlement aux nombreuses scènes
mythologiques ≪ classiques ≫.
On peut noter aussi que la composition de cette mosaïque n’est pas sans rappeler l’une des scènes
les plus célèbres de l’art chrétien : la cène, le dernier repas du Christ avec ses disciples. On sait
que les liens iconographiques entre paganisme et christianisme sont nombreux dans l’art romain à
partir des II°/III° siècles après J.-C. (voir les nombreuses représentations d’Orphée en ≪ pasteur
≫ charmant les animaux). Faut-il voir ici une scène volontairement parodique de la cène des
chrétiens ?
Le pavement en mosaïque représentant des restes de nourriture sur un ≪ sol non balayé ≫
(asarotos oikos en grec) est un type de décor très populaire depuis l’époque hellénistique (IVè-IIIè
siècles avant J.-C.). Pline l’Ancien attribue son invention à un mosaïste de Pergame.
On fait remarquer le fond noir, qui contraste avec les couleurs vives du reste de la scène : sur ce
fond, on distingue têtes et arêtes de poisson, têtes de crevettes, coquilles d’escargots et de fruits de
mer, os de poulet et pinces, indiquant les sortes de viandes et de poissons servis, comme un menu
illustre. Les légumes et les fruits sont aussi représentés : tiges d’artichauts, longues feuilles vertes,
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noix, etc. On note aussi la présence d’une souris et d’un chat pour accentuer l’effet ≪ réaliste ≫ de
cette sorte de ≪ nature morte ≫ avant la lettre.
La dimension religieuse est importante : les offrandes en nourriture faites aux ≪ bons génies ≫ de
la maison).
Remarque : cette mosaïque semble être le seul exemple connu qui combine une scène de banquet
avec un thème d’asarotos oikos. On peut la voir comme une sorte de ≪ mise en abyme ≫ : les ≪
vrais ≫ convives en train de manger pouvaient voir de ≪ faux ≫ convives représentés en train de
manger sur le pavement du triclinium, ou les ≪ vrais ≫ restes venaient se superposer aux ≪ faux
≫.
– Décrivez la tenue et l'attitude des personnages.
Le soin apporté à rendre les attitudes, les détails physiques et les caractéristiques propres à chaque
personnage laisse penser que l’artiste a représenté des portraits individualisés et non des images
stéréotypées. Aucun convive ou serviteur n’est semblable à un autre. On pourra donc les décrire un
par un, tout en notant l’interaction des regards et des gestes. On observe, par exemple, un serviteur
remplissant une coupe d’un liquide chaud (probablement du vin) d’une sorte de samovar pose sur
un feu attise par un autre petit esclave, face à lui. La peau des personnages est rendue avec de
subtiles nuances de couleur. Vêtements et draperies (étoffes sur le lit, rideaux) sont
somptueusement colorés en vert, bordeaux ou ocre, ce qui contribue à la richesse de la scène. La
coiffure des esclaves (cheveux ras, mèche longue sur le côté, attachée en queue de cheval) est
caractéristique d’un statut particulier dans le service. Cependant, on note que le serviteur chargé
de couper la viande (au centre de la scène) a une chevelure frisée, semblable à celle de deux des
convives, ce qui indique un statut particulier.
– Combien de convives sont à table ? Comment mangent-ils ?
On distingue neuf convives à table. Le banquet a lieu dans le triclinium ; le lit en demi-cercle,
caractéristique de la mode impériale, est appelé stibadium. Chaque table est recouverte d’une
nappe diaphane à franges. On devine la silhouette arquée des trois pieds de la table se rattachant
au plateau (trépied). Parmi les ustensiles utilisés, on remarque de la vaisselle en argent et en
bronze.
Les neuf convives reposent sur le côté gauche, selon l’usage gréco-romain du symposium
(banquet). Ils mangent avec les doigts : l’usage de la fourchette date de l’Empire byzantin et n’est
apparu en Europe (d’abord en Italie du Nord) qu’à partir du XIè siècle. On peut expliquer que son
usage ne sera adopté que très lentement : par exemple, Louis XIV préférait encore manger avec les
doigts qu’il posait sur une serviette humide entre chaque plat.
Cf Document 3 : Le triclinium
Le plan de table permet d’observer la disposition des lits et des convives dans le triclinium. Les
grandesmaisons possèdent plusieurs salles-à-manger (triclinia) richement décorées de fresques
et de mosaïques : pour l’hiver, pour l’été, pour un grand nombre d’invités, en plein air sous une
treille du péristyle, parfois même selon le type de menu.
– Que mangent-ils ? Comparez avec la lettre de Pline.
Les convives semblent avoir déjà beaucoup bu et mangé. On peut retrouver sur le sol des restes de
plats cités par Pline, comme la laitue, les coquilles d’escargots. La scène décrit le moment où le
plat principal est en train d’être servi : ≪ les poulardes bien grasses ≫ (Pétrone).
Cf Document 2 : Cuisine et gastronomie
→ Quel condiment de la cuisine vietnamienne ressemble au garum ? Le nuoc-mam.
Les élèves découvrent le condiment favori des Romains, le garum, dont Pline l’Ancien faisait
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même une panacée.
Le garum
Le garum guérit les brûlures récentes ; mais il faut le verser sans en prononcer le nom. Il est utile
aussi contre la morsure des chiens, et surtout du crocodile ; contre les ulcères serpigineux ou
sordides. Il est d’un merveilleux secours contre les ulcérations et les douleurs de la bouche et des
oreilles.
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XXXI, XLIV.
On montre que la mosaïque peut se lire comme une publicité moderne : elle est en quelque sorte
l’étiquette de marque d’une célèbre maison de production et de vente de garum à Pompéi. On
produisait (et on produit encore) du garum un peu partout dans l’Empire romain.
Document 4 : Les plats de la cena
On montre que les Romains aisés considèrent la cena comme un véritable moment de détente (cf.
texte de Pline) : il correspond à notre repas du soir, commence vers 16 heures et dure souvent
plus de trois heures, voire plus. On l’entame souvent par des œufs (ovum) et on le termine par
des fruits (malum), d’où l’expression courante de ovo usque ad mala pour dire ≪ du début à la
fin ≫. Avec le goût du luxe, la cena se fait aussi spectacle, organisé comme une véritable
cérémonie sacrée : le maître de maison (dominus) et ses invités (convivae), qui ont quitté leurs
chaussures et leur ≪ tenue de ville ≫ pour revêtir une legere ≪ robe d’intérieur ≫, s’allongent
confortablement selon la coutume grecque. Couronnes de fleurs et parfumés, le coude appuyé
sur un coussin, ils savourent des mets aussi copieux que raffinés et exotiques (par exemple, des
talons de chameaux ou des langues de rossignols), apportés en musique par les esclaves.
Document 5: Les plats de la cena
Flan de poires
Écraser des poires cuites et évidées avec du poivre, du cumin, du miel, du vin doux, du nuocmam et un peu d'huile.
Mettre des œufs, faire un flanc, cuire à feu doux, saupoudrer de poivre et servir.
Synthèse
Les Romains commençaient, au réveil, par le jentaculum (petit déjeuner), souvent composé
d'un peu d'eau et de pain.
Vers midi, ils prenaient le prandium (déjeuner), souvent pris sur le pouce, et composé de pain,
d'olives, de fromage et de fruits.
En fin d'après-midi, les Romains se mettent à table dans le triclinium pour un repas copieux, la
cena (dîner), qui se termine, en principe, à la tombée de la nuit. C'est le principal repas de la
journée. On y mange des plats chauds, en famille ou entre amis, et on y discute abondamment
de politique, de littérature, …
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