Un cas particulier
Les chercheurs ne savent pas avec certitude pourquoi une personne a réussi à maintenir une charge virale
relativement faible pendant 56 semaines malgré l’interruption de sa TAR (les chercheurs le suivent encore). Le
résultat de son plus récent test de la charge virale a été de 282 copies/ml. L’examen des antécédents médicaux du
participant d’avant son inscription à l’étude a révélé que sa charge virale la plus élevée depuis toujours avait été
légèrement supérieure à 3 000 copies/ml. Son compte de CD4+ le plus faible (avant de commencer la TAR) avait été
de 566 cellules/mm3. Trois ans avant son inscription à l’étude Ultrastop, une analyse de ses échantillons de sang
avait révélé que sa charge virale se situait régulièrement à moins de 20 copies/ml.
Ce participant ne semble pas avoir de gènes associés à une vulnérabilité réduite au VIH.
Malgré des analyses exhaustives, les chercheurs ont été incapables d’expliquer l’absence de réplication du VIH dans
le sang de cet homme pendant qu’il ne prenait pas de médicaments anti-VIH.
Points à considérer
1. Nos lecteurs devraient se rappeler que les participants à cette étude ont été sélectionnés avec beaucoup de soin.
En effet, pour que leur inclusion dans l’Ultrastop soit envisagée, les volontaires pressentis devaient avoir un nombre
extrêmement faible de cellules infectées par le VIH (on parle ici du réservoir) dans leur sang, soit une quantité
inférieure au seuil de détection. Dans l’étude française, cela voulait dire moins de 66 copies d’ADN VIH par million de
cellules sanguines. Les chercheurs ont décrit une si faible quantité comme un « événement rare ». De plus, notons
que les volontaires avaient commencé leur TAR lorsque leur compte de CD4+ se situait à près de 500 cellules/mm3,
et leur charge virale prétraitement avait été relativement faible. Étant donné la rigueur de ces critères de sélection,
notons que la personne séropositive moyenne n’aurait pas été admissible à cette étude.
2. Même si l’on croyait que les participants choisis pour cette étude avaient les meilleures chances de connaître une
rémission prolongée du VIH sans médicaments, la durée réelle de celle-ci s’est révélée remarquablement courte, soit
un mois environ. L’équipe française a souligné que la courte durée de la période précédant le rebond de la charge
virale chez la plupart des participants rappelait les résultats obtenus il y a environ 15 ans lorsque l’interruption du
traitement a été sérieusement évaluée pour la première fois.
3. L’épreuve utilisée pour évaluer le nombre de cellules infectées par le VIH avait une limite de détection inférieure de
66 copies d’ADN VIH par million de cellules sanguines. Les tests utilisés à l’heure actuelle dans les laboratoires de
recherche pour évaluer le volume du réservoir de VIH sont imparfaits et sous-estiment probablement son vrai
volume. L’usage de ce genre de tests est dans une grande mesure réservé aux laboratoires de recherche et à
certaines études qui éprouvent des thérapies potentielles contre l’infection au VIH. Il n’empêche que plusieurs
équipes de recherche travaillent à la mise au point de méthodes plus précises pour évaluer le réservoir de VIH.
4. Les résultats de l’étude Ultrastop portent à croire que l’interruption de la TAR, comme seule intervention visant à
induire une rémission du VIH sans médicaments, a sans doute peu de chances d’être adoptée à grande échelle à
l’avenir. Les chercheurs français ont fait preuve de beaucoup de rigueur dans leur sélection et n’ont choisi que des
participants dont le profil biomédical laissait espérer la possibilité d’une rémission prolongée sans médicaments. Mais
cela ne s’est pas produit.
5. Les chercheurs français n’ont pas fourni de données d’analyses des ganglions et tissus lymphatiques. Rappelons
que la majorité des cellules (lymphocytes) que le VIH infecte (98 %) se trouve dans les ganglions lymphatiques et les
tissus apparentés. Il s’ensuit donc que le VIH aussi se loge principalement dans ces parties du corps. De plus, des
chercheurs américains ont trouvé que, même lorsque la charge virale dans le sang est indétectable grâce à la TAR,
on peut encore observer le VIH infecter des cellules dans les ganglions lymphatiques. Espérons qu’à l’avenir les
chercheurs évalueront ces compartiments lorsqu’ils mèneront des recherches sur la rémission du VIH sans
médicaments.
Vers l’avenir
Il est probable que l’interruption de la TAR sera incluse dans certaines études futures où l’on tentera de guérir le VIH
ou d’induire une période de rémission sans médicaments chez des personnes sous TAR. Les études en question