N° 522 / Juillet-Août 2005 / 9,00 e ENTRETIEN SEVERINE MELAN L’ACCORD SUR LA RESPONSABILITE SOCIALE DU GROUPE EDF : LE VOLET HANDICAP DOSSIER LES ENFANTS DYSPRAXIQUES MAGAZINE COMETE FRANCE ET CINERGIE SIGNENT UNE CONVENTION DE PARTENARIAT I.S.S.N. 0484 - 0305 Juillet-Août 2005 COMITÉ DE RÉDACTION Mme Cécile Allaire, Fondation de France - M. P. Alviset, Vice-président de l’ANRH - Mme F. Baldy Présidente de l’ANPEA - M. B. Belin - M. P. Bernès (APF) - Pr F. Bonnaud, Président du Comité national contre la tuberculose et les maladies respiratoires - Mme C. Buisson Directeur général de l’AGEFIPH - M. J. Canneva, Président de l’UNAFAM - Dr Cassagne, Hôpital La Salpêtrière (Paris) - Mme D. de Castellane-Mouchy - Mme J. Chalude, Présidente de Action, communication, formation pour la surdité (ACFOS) M. L. Cocquebert, Directeur général de l'UNAPEI - M. J.M. Creff (APF) p.i. - Mme M.C. Courteix, Chargée de mission de l’adaptation et de l’intégration scolaire auprès de la Direction de l’Enseignement scolaire - M. J.C. Cunin (AFM) - Mme A.C. De Crouy, Fondation Santé des Étudiants de France - M. A. Dessertine, Président de l'ADEP - Pr O. Dizien, Hôpital R. Poincaré (Garches) - M. H. Faivre, Président du CLAPEAHA - Pr Fardeau, Directeur scientifique et médical de l’Institut de myologie - M. Gantet, Secrétaire général du CNPSAA - M. de Gaudemare, Directeur de l’Enseignement scolaire, Ministère de l'Éducation nationale - M. P. Gohet, Délégué interministériel aux Personnes handicapées - Mme G. Gomez, Chef de service à l’Office national des anciens combattants - Pr C. Hamonet, Hôpital Henri Mondor, Paris, Hôpital Bichat, Paris - Mme B. Idziak, Présidente du GIHP - M. H. Lafay, Vice-président de l’APAJH - M. J. Monteil, Directeur de l'Enseignement supérieur, Ministère de l'Éducation nationale - M. F. Montès, Membre fondateur du CNIR - Mme M. Palauqui, Chargée de l’accueil des étudiants handicapés, Direction de l’enseignement supérieur - Mme K. Reverte, Directrice du CCAH - Mme Sanchez, Association d’entraide des polios et handicapés (ADEP) - M. A. Savy - Mme N. Schild-Chipiloff, Vice-Présidente du CNIR, Membre fondateur - Mme J. Tabath (AFM) - Mme F. Tuchman, Responsable mission insertion professionnelle des travailleurs handicapés, ministère de l’Emploi et de la Solidarité - Mme C. Viennot (UNAFTC) - Mme J. Voisin, Direction de l’Action Sociale. l’entretien Interview de Séverine Mélan le dossier 7 LES ENFANTS DYSPRAXIQUES 8 Reconnaître une dyspraxie Dr Michèle Mazeau LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE ET ÉDUCATIVE 14 Les troubles visuels associés aux dyspraxies Dr Hélène Assali-Dalens 18 Rôle de l’orthoptiste dans la prise ne charge d’un enfant dyspraxique Laurence Cotard 21 Le rôle du psychomotricien dans la prise en charge des enfants dyspraxiques Florence Roger 25 Le rôle du psychologue dans la rééducation de l’enfant dyspraxique Françoise de Barbot LA SCOLARITÉ 27 La prise en compte des dyspraxies de l’enfant par le ministère de l’Éducation nationale Interview de Marie-Claude Courteix 30 Comment en tant qu’enseignant nous pouvons aider l’enfant dyspraxique Françoise Cailloux 35 Témoignage d’un instituteur spécialisé dans une CLIS accueillant des enfants dyspraxiques Éric Hurtrez 39 Témoignage d’un enseignant de la CLIS Dyspraxique (91) Cyril Petit LES PARENTS D’ENFANTS DYSPRAXIQUES 40 Dyspraxie visuo-spatiale et écriture au clavier Claire Le Lostec 45 TGT : un outil pour construire la géométrie ? Jack Sagot 49 L’association de parents d’enfants dyspraxiques : Dyspraxiques Mais Fantastiques (DMF) Interview de Françoise Cailloux et Catherine Amiel 53 Témoignages de parents d’enfants dyspraxiques 53 Cathy, maman de Nicolas 53 “Le parcours de notre fils est le prototype de celui d’un dyspraxique lourd” 54 La dyspraxie face au collège 55 Christophe 55 “Un combat qui vaut la peine même si ce n’est pas facile tous les jours” 56 “Nous appréhendons le passage de Stéphane en 6e l’année prochaine” 56 “On apprend à vivre avec la dyspraxie” 57 “Ma dyspraxie” 58 Françoise, professeur des écoles 58 Témoignage d’un professeur de dessin 59 Les dyspraxiques rejoignent la FLA (Fédération française des troubles spécifiques du langage et des apprentissages) ABONNEMENTS France métropolitaine ordinaire .............................................................................. 60,00 e Tarif réduit : étudiants, personnes handicapées ............................... 42,00 e Soutien ............................................................. à partir de 70,00 e Union Européenne .......................................................... 65,00 e Union Européenne par avion .......................................... 69,00 e S’adresser à : ONISEP Diffusion - LOGNES 77423 MARNE LA VALLEE CEDEX 2 Tél : 01.64.80.35.00 2 2 L’accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF : le volet handicap Couverture : dessin d’enfant 168 Bd du Montparnasse 75014 PARIS Tél : 01.43.21.46.05 / Fax : 01.43.21.05.65 Email : [email protected] Organe de presse de l’Office National d’Information sur les Enseignements et les Professions (ONISEP) et du Centre National d’Information pour la Réadaptation (CNIR) M. R. Buron , ancien Ministre, premier Président du Comité de rédaction (1973) M. A. Dessertine, Président du CNIR M. H. de Monts de Savasse, Directeur de l’ONISEP M. J. Savy, Rédacteur en Chef Mme M. Machtou, Secrétaire de rédaction Mme S. Pelletreau, Secrétariat avec la participation du Service Réadaptation de l’ONISEP Maquette et PAO : M. Ph. Amat 60 Les associations adhérentes à la FLA le magazine 4 4 Signature pour 3 ans d’une convention d’objectifs entre l’État et l’AGEFIPH 5 Comète France et Cinergie signent une convention de partenariat VENTE AU PUBLIC Librairie de l’Éducation, 13 rue du Four, 75006 Paris Tél : 01.46.34.54.80 PUBLICITÉ Tanco Communication, 29, rue de Lavaud, 23300 La Souterraine - Tél : 05.55.63.98.24/27 le Sommaire RÉDACTION N° 522 Ce numéro de Réadaptation bénéficie du soutien du Ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement. Directeur de la publication : M. de Monts de Savasse N° de la Commission paritaire : 1009 B 070 19 / Dépôt légal : Juillet 2005 Imprimeur : Centre Impression, Limoges Réadaptation N°522 1 l’Entretien l’ entretien L’accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF : le volet handicap Interview de Séverine Mélan Mission Insertion des Personnes Handicapées, EDF-Gaz de France F Séverine Mélan ruit des négociations entre la direction du Groupe, les représentants des salariés et les organisations syndicales des principales filiales d’EDF à l’échelle mondiale (Europe, Asie, Amérique du Sud), l’accord sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) a été signé le 24 janvier 2005. Il ne vise pas à définir de nouvelles normes transnationales, mais à impulser des orientations et des engagements communs. La notion de RSE est liée à l’application du concept de développement durable qui repose sur 3 piliers (économique, social et environnemental). La RSE (CSR, Corporate Social Responsability selon le vocable international) signifie qu’une entreprise doit non seulement se soucier de sa rentabilité et de sa croissance, mais aussi de ses impacts environnementaux et sociaux. Aujourd’hui, environ 700 sociétés se sont engagées dans cette démarche, principalement les grandes entreprises cotées en bourse qui ont de forts impacts environnementaux ou qui gèrent des marques grand public. Comment s’inscrit l’intégration des personnes handicapées dans l’accord RSE d’EDF ? 2 Réadaptation N°522 “La responsabilité du groupe EDF va bien au delà de la prise en compte de l’emploi des personnes handicapées.” Par la conclusion de cet accord, les signataires s’engagent à lutter contre toute forme de discrimination et à promouvoir l’égalité des chances. L’accord vise en particulier, à favoriser l’insertion des travailleurs en situation de handicap : démarche de recrutement volontariste, mesures d’accompagnement des parcours professionnels, aménagement des postes de travail, sensibilisation des équipes et recherche de solutions appropriées face à aux salariés les plus âgés ou susceptibles de développer un handicap. La responsabilité du groupe EDF va bien au delà de la prise en compte de l’emploi des personnes handicapées. Un article est en effet consacré aux engagements du groupe dans la vie de la cité, c’est à É T I C I L B U P l’Entretien L'ACTUALITÉ dire aux questions d’accessibilité (bâtiments, services, communication en ligne), à l’accueil clientèle et au recours aux entreprises du secteur protégé dans la politique d’achat. Comment se décline-t-elle au sein de nos entreprises ? L’accord RSE, c’est aussi un processus de communication et d’échange d’informations sur le handicap qui trouve son complément dans d’autres dispositions législatives françaises (art. 116 de la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques du 15 mai 2001*, loi sur l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées du 11 février 2005). *L’article 116 de la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques oblige les entreprises cotées de droit français à fournir des informations dans leurs rapports annuels, sur la manière dont leur société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité. Cela va des émissions de gaz à effet de serre à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes en passant par l’insertion des personnes handicapées. L’accord prévoit ainsi la désignation, dans chaque société du groupe EDF, d’un correspondant chargé du suivi des engagements et la possibilité pour l’ensemble des correspondants, de communiquer à travers un réseau internet dédié. En outre, des bilans détaillés des actions menées devront être réalisés. L’implication de la maison mère à l’échelle du groupe ? EDF veillera à poursuivre les démarches entreprises depuis octobre 2004 auprès de ses filiales françaises et européennes (ELECTRICITE DE STRASBOURG, EDF ENERGY, EnBW, FENICE, EDISON). Cet engagement est clairement rappelé à l’article 1 de notre nouvel accord national 2005 sur l’intégration des salariés handicapés. Il s’agit avant tout, par ces échanges d’expériences, de contribuer à impulser une politique commune propre à améliorer, voire renforcer l’implication des personnes handicapées dans nos différentes entreprises. 4 Réadaptation N°522 Résultat définitif : 104,7 millions d’euros 104 678 697 euros : c’est la totalité des dons finalement recueillis par l’AFM lors du Téléthon 2004. Grâce à la générosité renouvelée des donateurs, la promesse affichée au compteur le 4 décembre au terme des 30 heures d’émission en direct sur France 2 (98 373 842 euros) s’est donc concrétisée à 106,4 %. Grâce à cette mobilisation exceptionnelle, l’AFM peut poursuivre son combat pour la guérison des maladies neuromusculaires, bénéficiant à tant de maladies d’origine génétique, rares et incurables. Parallèlement à sa mission d’aide aux malades, l’AFM financera notamment cette année plus de 400 programmes scientifiques, ainsi que son laboratoire Généthon, l’Institut de Myologie ou encore l’Institut des maladies rares. Source : AFM Signature pour 3 ans d’une convention d’objectifs entre l’État et l’AGEFIPH Avec en 2004 un dépassement de ses dépenses de l’ordre de 15 millions d’Euros sur son budget prévisionnel, l’AGEFIPH (Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), comme l’a rappelé son Président Rémi Jouan, est désormais soucieuse de respecter le montant annuel de sa collecte qui est de 400 millions d’Euros. Une politique qui l’a amenée à décider de ne plus financer ce qui ne dépend pas expressément de la mission de l’AGEFIPH dont le Conseil d’Orientation a approuvé “une refonte de certains financements de mesures ou d’aides aux structures, afin de privilégier les actions porteuses de réels résultats sur l’emploi des personnes”. Cette politique a fait l’objet de la signature le 24 mai 2005 pour trois ans d’une Convention d’objectifs qui a été signée par Gérard Larcher, Ministre délégué aux Relations du Travail, Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’État aux personnes handicapées et Rémi Jouan, Président de l’AGEFIPH. Cette convention constitue la première concrétisation de la loi du 11 février 2005, dans l’attente de la publication des décrets d’application. L’Etat et l’AGEFIPH s’engagent à développer la qualification professionnelle en ayant recours notamment au dispositif de formation de droit commun, à améliorer l’accès à l’emploi et à le maintenir. Les entreprises seront mobilisées sur les nouveaux pactes territoriaux, dont l’objectif est de réduire de 20 % en un an le chômage des personnes handicapées. Si les mesures restrictives, dont il a été question plus haut, touchent un certain nombre d’associations, les CAP Emploi continuent à bénéficier du soutien financier de l’AGEFIPH. Parallèlement, l’AGEFIPH a fait l’objet d’une réorganisation, qui devrait contribuer à améliorer ses résultats. Si l’on constate une hausse lente mais régulière du taux d’emploi, le nombre des demandeurs d’emploi porteurs d’un handicap continue d’augmenter. Le phénomène, selon l’AGEFIPH trouve entre autres son explication dans l’augmentation importante du nombre de reconnaissances administratives du handicap (leur nombre a doublé en 10 ans), mais également dans la représentation négative que les entreprises se font du handicap. AGEFIPH - 192 avenue Aristide Briand - 92226 BAGNEUX Cedex COMETE-FRANCE et CINERGIE signent une convention de partenariat “Comète France” et “Cinergie” viennent de signer sous le haut patronage de l’Ordre des médecins représenté par son Président, le Dr Michel Ducloux, une convention de partenariat. “Comète France”, que préside le Dr Michel Busnel regroupe 27 établissements et services de Médecine Physique et de Réadaptation sur l’ensemble du territoire national. De son côté, “Cinergie”, dont le Président est le Dr Thierry Hennion est une association qui agit contre l’exclusion du monde du travail des personnes handicapées physiques, psychiques ou sensorielles. Elle mobilise les médecins du travail, médecins de prévention et de soins, ainsi que les professionnels de l’insertion ou du maintien dans l’emploi des personnes handicapées. La convention qui vient d’être signée entend notamment favoriser : “le lien entre la Santé et la Santé au Travail dans une démarche précoce d’accompagnement du maintien ou de l’accès au travail de personnes atteintes de pathologies neuro-motrices lourdes et complexes”. Une démarche préconisée depuis longtemps, mais qu’il est urgent de mettre en pratique, d’autant plus que 7 500 à 8 000 personnes handicapées à la suite d’accidents du travail ou autres transitent par les établissements et services de médecine physique et de réadaptation. Le Délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrick Gohet qui a conclu cette réunion a souhaité que se réalise au bénéfice des personnes handicapées, une politique qui réunisse étroitement “l’acteur santé et l’acteur travail”. Comète France - 14 rue Colbert - 56100 LORIENT. Tél : 02.97.35.08.28 - Cinergie - 50 rue du Théâtre - 75015 PARIS. Tél : 01.56.77.20.09 Signature de la charte d’engagement-téléphonie mobile Le 10 mai 2005, Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Patrick Gohet, Délégué interministériel, et l’AFOM, Association Française des Opérateurs Mobiles ont signé la Charte d’engagements pour faciliter l’accès des personnes handicapées à la téléphonie mobile. L’objectif est de tirer le meilleur parti de la téléphonie mobile en matière d’autonomie, d’insertion et de sécurité. Sous l’égide de la Délégation Interministérielle aux personnes handicapées (la DIPH), la Charte crée un espace de dialogue unique et institutionnel entre les opérateurs et les associations représentatives des différents handicaps : déficience auditive, déficience visuelle, déficience motrice, déficience d’élocution et déficience mentale. L’AFOM regroupe les trois opérateurs de Téléphonie mobile, Bouygues Télécom, SFR, Orange France. Les critères communs aux trois opérateurs de sélection des téléphones mobiles sont : des critères primordiaux, ou l’adaptation technique à tel handicap, auxquels s’ajouteront des critères de confort et l’intégration future en fonction des évolutions technologiques. Lors de la conférence de presse, quelques critères ont été démontrés : dans le cas de la déficience visuelle, un logiciel “parle“ sur toutes les fonctions du portable. Parmi les autres propriétés, la perception tactile des touches, des identifiants sonores différenciés pour avertir de l’absence de réseau, commande vocale des fonctions de l’appareil, menus déroulants bloqués, une facturation en braille... Et bien sûr taille, forme et contraste pour les touches et l’écran pour les malvoyants ; astuce pour les handicapés moteur : pas de portable au dos bombé, mais plat, pour plus de stabilité... Où trouver la Charte ? 500 000 exemplaires de dépliants seront diffusés par les associations de personnes handicapées et les préfectures. Renseignements : Pour en savoir plus sur l’AFOM : Internet : www.afom.fr - Tél. à Orane Faivre de Condé : 01 56 88 60 00. Ministère délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Tél. : 01 40 56 60 00 Réadaptation N°522 5 le Magazine L'ACTUALITÉ le Magazine MANIFESTATIONS 4 octobre 2005 au Sénat - Rencontres du CCAH 22 – 23 septembre 2005 AUTONOMIC MIEUX VIVRE GRAND OUEST LE SALON DE REFERENCE 1Oe édition – Parc Expo Rennes Aéroport L’exposition s’organise en pôle thématiques : • Equipement • Santé, bien-être • Conseils et services • Tourisme, sport, culture, loisirs • Education, formation, emploi • Habitat • Communication et nouvelles technologies • Déplacement et transport Elles auront lieu le mercredi 4 octobre 2005 au Sénat. Elles auront pour thème la nouvelle loi du 11 février 2005 “ pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées “ avec l’intervention de M. Patrick Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées. Entrée libre sous réserve des places disponibles - Inscriptions au 01.42.27.78.51 Du 9 au 11 septembre 2005 à Morges : ARTHEMO, Festival Art et Handicap Mental Les objectifs du festival sont notamment de permettre à des artistes mentalement handicapés de montrer leurs talents artistiques et de les faire reconnaître comme artistes à part entière. Organisation et renseignements : ASA-Handicap mental en étroite collaboration avec les Maisons des Chavannes et autres institutions romandes - 27 av. des Mayennets - CH-1950 SION. Tél : +41 27 322 67 55 - Fax : +41 27 322 67 65. [email protected] - www.arthemo.ch - www.asa-handicap-mental.ch Le lauréat du concours Affiche ARTHEMO 2005 est Monique Varin 42 ans et vit au Foyer les Fontenattes à Boncourt dans le Jura. 24 et 25 novembre 2005 Conseil Général des Hauts de Seine (92) Nanterre : Entretiens de l’Institut Garches Thème : “Handicap et environnement, de l’adaptation du logement à l’accessibilité de la cité”. En partenariat avec l’Institut de Recherche sur le Handicap (IFR25 IFRH) et la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité. Il sera traité plus particulièrement de la qualité de l’environnement, de l’accessibilité de l’environnement urbain, des moyens de déplacement, de l’accessibilité des transports publics. “de la chambre d’hôpital au domicile”, des établissements publics, des objets de la vie quotidienne, de l’accessibilité des moyens de communication. Renseignements et inscriptions : Agence Vocatif. Tél. : 01 43 55 33 60. Fax : 01 43 55 38 31- E-mail : [email protected] En parallèle de l’exposition, de nombreuses animations sportives et des conférences sont organisées. L’accès au salon est gratuit. 20 novembre 2005 à Paris, GERS, le Groupe d’Etudes et Recherches sur la surdité, organise sa Journée d’études Elle a pour thème : “Les relations sourds/ entendants dans les équipes. Différents points de vue”. Avec la participation d’orthophonistes, de psycho-sociologues, de psychiatre, et table ronde de parents sourds et entendants. Au FIAP, 30, rue Cabanis 75014 Paris. AUTONOMIC se déroule également à Paris – Salon International Autonomic Paris (7-8-9 juin 2006), à Nancy – Autonomic Grand Est (sept. 2006), à Marseille – Autonomic Méditerranée (nov. 2006), et à Toulouse – Autonomic Sud (mai 2007). Pour plus de renseignements, contacter le service presse du salon : IADES ORGANISATION – Marielle SCHWAN, 15 rue du Dr Roux 94600 CHOISY LE ROI Tél : 01.46.81.73.47 - Fax : 01.46.81.77.00 Email : [email protected] www.autonomic-expo.com 6 Réadaptation N°522 Renseignements - FIAP : 01 43 13 17 00 Fax : 01 45 81 63 91 GERS, Groupe d’Etudes et Recherches sur la Surdité 1, Square du Croisic - 75015 Paris. Internet : www.biling.net E-mail : [email protected] - Tél/Fax : 01 47 34 94 47. Du 27 septembre au 8 octobre : Festival européen Théâtre et Handicap, Versailles (78) Orphée, Œuvres et Réalisations des Personnes Handicapées d’Expression Européenne et la Fondation Crédit Coopératif présentent pièces de théâtre et comédies musicales afin de sensibiliser au handicap ; le 27/9 : “Les hors-la-loi”. Renseignements et réservations : à partir du 5 septembre au 01 39 20 16 00 ; Lieu : Théâtre Montansier, 10 rue des réservoirs 78000 Versailles. Prix des places : demi-tarif 7 a. Plein tarif : 14 a. ORPHEE. 5, Petite Place 78000 Versailles. Tél/Fax : 01 39 51 19 27 ; E-mail : [email protected] Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES C ’est sans doute une des premières fois qu’une publication consacre la quasi-totalité d’un de ses numéros aux “dyspraxies de l’enfant”. Si les dyspraxies lésionnelles sont connues et ont fait l’objet, depuis déjà longtemps, d’une approche pédagogique, comme le remarque Marie-Claude Courteix dans ce numéro, la prise en compte de ces troubles, caractérisés par un développement anormalement lent ou même déviant dans certains secteurs de la motricité, et leur identification sont beaucoup plus récentes. Ce numéro est divisé en trois chapitres : Le premier traite de la prise en charge sanitaire et éducative ; Le second présente ce qui a trait à la scolarité de ces enfants ; Le troisième présente l’Association “Dyspraxique mais fantastique” (DMF) représentative des parents de ces enfants et la Fédération (FLA), ainsi que des témoignages qui en illustrent les réalités. La Rédaction Réadaptation N°522 7 le Dossier le le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Reconnaître une dyspraxie Dr Michèle Mazeau, médecin de rééducation pratiquant la neuropsychologie infantile* D epuis toujours, certains enfants, indemnes de paralysie, de mouvements anormaux ou de tout autre trouble neuro-moteur dûment répertorié en neurologie, se révèlent, au fil des jours, avoir un développement moteur anormalement lent ou même déviant dans certains secteurs de la motricité : certaines acquisitions motrices ne se manifestent pas dans les délais attendus. Différents vocables ont été utilisés pour les décrire, dont les plus fréquents sont : retard psychomoteur, trouble d’acquisition de la coordination (TAC)1, apraxie de développement ou dyspraxie2. Les anglo-saxons ont aussi utilisé le terme de “clumsy children”, enfants maladroits. Cela soulève différentes questions 1 - Quels concepts différents reflètent la variété des termes employés ? Quelle motricité est préservée et quels gestes sont atteints ? Comment comprendre cet apparent paradoxe ? 2- Comment distinguer la maladresse banale, “normale”, celle qui s’inscrit dans la variété des talents et des faiblesses de chacun, de celle, pathologique, qui signe une anomalie, celle qui doit faire l’objet d’un diagnostic précis et précoce et faire proposer rééducations et adaptations spécialisées ? Les différents troubles du geste La réalisation de n’importe quel geste nécessite l’intégrité des systèmes sensori-moteurs (muscles et système ostéo-articulaire, en interaction avec les fonctions vestibulaires, visuelles, proprioceptives et kinesthésiques qui permettront l’orientation, la configuration et la régulation du geste), et une commande motrice intacte (nerfs périphériques, moelle, zones cérébrales de commande motrices, mais aussi fonctions cérébelleuses qui gèrent l’équilibre et la coordination des divers éléments sensori-moteurs). * LADAPT, SESSD, 185 bis rue Ordener, 75018, Paris. 1. Dénomination actuelle, dans le DSM IV, référence internationale de la dénomination des maladies “mentales”. 2. Stamback M., L’Hériteau D., Auzias M., Bergès J. & de Ajuriaguerra J. (1964), Les dyspraxies chez l’enfant, Psychiatrie de l’enfant, 7, 381-496 8 Réadaptation N°522 “Comment distinguer la maladresse banale, ‘normale’, de celle, pathologique, qui signe une anomalie et qui doit faire l’objet d’un diagnostic précis et précoce ?” Ces différents systèmes sont, par définition, supposés intacts lorsqu’on évoque un “retard psychomoteur” ou une dyspraxie (sinon, on parle de trouble orthopédique, musculaire, neuro-musculaire, neuro-moteur ou cérébelleux). Comment comprendre alors que, ces systèmes fondamentaux étant indemnes, l’enfant n’acquière pas, en temps voulu, la gestuelle propre à tous les autres enfants ? C’est que ces systèmes élémentaires, très immatures initialement, doivent maturer et se développer progressivement (avec le temps et l’expérience) pour permettre la réalisation effective, harmonieuse et efficace de tous les gestes de la vie quotidienne. Ce qui se développe, ce sont des coordinations de plus en plus complexes (intra et inter systèmes sensoriels et systèmes moteurs), qui permettent de configurer et réguler, en temps réel, les différents paramètres du geste en fonction du projet du sujet et des caractéristiques dynamiques et spatiales (en constante évolution) dans lequel s’inscrit le geste au cours même de sa réalisation. (espace corporel et espace extra-corporel, ego et exo centré), tels l’habillage, couper sa viande ou éplucher un fruit, se laver, visser/dévisser, prise du crayon... Par exemple, attraper une balle au vol suppose que, au fur et à mesure que l’on court, on réévalue en permanence en temps réel la distance et la position relative de la balle par rapport à soi-même pour ajuster exactement la position de son corps et le geste de réception de la balle ... spatiales” : jeux de construction (cubes, légos, mécanos, ...), puzzles, dessins, écriture manuelle, activités de comptage, ... Les anomalies du développement moteur peuvent toucher tout ou partie de ce développement de la gestuelle. Il peut s’agir de : retard à l’acquisition de la motricité dite “globale” : station assise, quatre pattes, marche, course, équilibre unipodal, sauts, vélo sans les petites roues, ... et/ou retard à l’acquisition de la motricité “fine” : différentes prises manuelles (pince pouce-index), motricité buccophonatoire ou oculomotrice, … et/ou retard dans les activités dites “visuo- ou... de tout cela à la fois ! Pour rendre compte de ces étranges dissociations, les cliniciens ont cherché à distinguer une motricité fine versus une motricité globale, ou des gestes “complexes” versus des gestes “simples”, etc. Cependant, ces distinctions restent floues, sans véritable cohérence et difficiles à comprendre, aussi bien sur le plan neurologique que si on se réfère aux différentes étapes du développement de l’enfant. Dans l’exemple ci-dessus - attraper une balle au vol - s’agit-il de motricité fine, ou globale, ou complexe, ou autre ... ??? et/ou retard à l’acquisition de certaines habi- Il semble plus pertinent, en fait, de distinguer deux grandes catégories de gestes : letés de la vie quotidienne, mettant en jeu la coordination de différents espaces 1 - ceux qui ont été inscrits par l’évolution dans notre patrimoine génétique, gestes universels qui s’acquièrent3 chez l’enfant par le libre jeu des systèmes sensorimoteurs concernés, pourvu que ces derniers (et leurs commandes motrices) soient intacts ; Par exemple : la marche, la course, l’équilibre unipodal, le saut, les mouvements oculomoteurs, attraper une balle au vol, etc. À noter : certaines de ces capacités sont partagées par d’autres espèces animales (les chiens aussi attrapent des balles au vol). 2 - et ceux qui, permis par notre équipement perceptivo-moteur et neurologique, sont des gestes “facultatifs” pour l’espèce humaine, cependant indispensables dans tel ou tel contexte social, gestes imposés culturellement, fonction du lieu et de l’époque : ces gestes s’apprennent et font toujours l’objet d’un enseignement explicite et systématisé des adultes en direction des enfants (aspect culturel +++). Si cet enseignement – et, en général, un certain entraînement – n’a pas lieu, ces gestes ne se mettent pas en place. Par exemple : manger avec des baguettes ou avec fourchette/couteau, tisser ou tricoter, manières de s’habiller, de se saluer, d’écrire, de conduire une voiture, d’organiser les gestes oculomoteurs pour lire ou les gestes buccophonatoires pour produire les sons propres à chaque langue, etc. Ainsi, l’enfant sauvage d’Itard savait-il marcher, courir, grimper aux arbres et attraper un lapin au vol (gestuelle universelle, dépendant de notre patrimoine génétique) mais il ne savait pas s’habiller, faire un nœud de cravate, couper sa viande ni traverser une rue (gestuelle dépendante des apprentissages culturels, des usages sociaux). Dans le premier cas, si le développement ne se fait pas normalement, on parlera volontiers de “retard psychomoteur”. Le terme de dyspraxie, lui, correspond à un trouble spécifique de l’apprentissage des gestes appris dans un contexte culturel4. 3. Acquisition versus Apprentissage : dans tous les domaines du développement de l’enfant, il est fondamental de distinguer quelles sont les évolutions qui se produisent “spontanément”, par exposition à l’environnement et libre jeu des systèmes sensori-moteurs et cognitifs intacts ( = “acquisitions”), et quelles sont les évolutions qui ne se produisent QUE sous la pression d’un enseignement, d’un entraînement spécifique et systématisé (= apprentissages). Il s’agit en effet de processus développementaux fondamentalement différents. 4. Quand au terme de Trouble de l’Acquisition de la Coordination (TAC), il est difficile, à l’heure actuelle, de savoir s’il désigne l’ensemble “retards psychomoteurs + dyspraxies” ou seulement les “retards psychomoteurs”, tels que nous les avons définis. Réadaptation N°522 9 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES En effet, ces gestes – enseignés, appris, entraînés – s’inscrivent, sur le plan neurologique, dans des réseaux de neurones partiellement spécifiques, ils n’ont pas exactement les mêmes substrats cérébraux que les gestes “spontanément” acquis (inscrits génétiquement). Les gestes “praxiques” relèvent de l’activité de larges réseaux essentiellement fronto-pariétaux ; il faut savoir que les régions pariétales sont également le lieu des différents traitements impliquant la structuration spatiale, qu’il s’agisse de l’espace corporel (schéma corporel) ou extra-corporel (espace “extérieur”, à deux ou trois dimensions)5. C’est pourquoi certains enfants souffrent d’un retard psychomoteur isolé, d’autres d’une dyspraxie isolée, d’autres enfin des deux associés (TAC ?). Nous ne traiterons ici que de la dyspraxie pure (isolée). Le diagnostic de “dyspraxie” Le diagnostic repose sur l’association d’une plainte, un symptôme, une gêne qui apparaît comme anormale au vu de l’évolution habituelle de la grande majorité des enfants ; et d’un faisceau concordant d’arguments et d’examens cliniques et para-cliniques, les uns négatifs (= élimination de diagnostics concurrents), les autres positifs (= caractéristiques de la dyspraxie). 1 - LA PLAINTE, LE(S) SYMPTÔME(S) : LE REPÉRAGE C’est en général lors des premières années d’école maternelle que se révèlent les premiers symptômes. En effet, auparavant, le désintérêt pour les jeux de manipulation et la “maladresse” générale de l’enfant sont souvent passés inaperçus. Mais, lors de l’entrée à l’école, les principales activités font alors l’objet d’exigences normées, en particulier les activités graphiques, mais aussi celles imposant la maîtrise de l’espace (encastrement, puzzles, cubes, ...). Le décalage entre les performances de l’enfant et les performances attendues pourra alors alerter l’enseignant. 5. Lorsque, du fait de lésions cérébrales secondairement acquises (tumeurs, accident vasculaire cérébral, etc.), certains de ces réseaux des lobes pariétaux sont atteints, alors les patients perdent ces acquis gestuels et deviennent a-praxiques. 10 Réadaptation N°522 Parmi les signes d’appel les plus pertinents, notons une grande dissociation entre les compétences verbales de l’enfant (excellentes) et ses manipulations (très maladroites, ou qu’il refuse) ; tout ce que touche l’enfant tombe, se casse, se froisse, se salit, se déchire ; l’enfant échoue (et déteste, voire refuse) les activités de découpage, collage, coloriage, travaux manuels ; un retard graphique (dessin du bonhomme, dessins spontanés, exercices de pré-écriture) associé à une maladresse générale (tenue du crayon, jeux d’adresse et de construction, habillage, repas à la cantine) contrastant avec une intelligence vive et un langage bien construit. Attention ! Ce retard graphique ne doit surtout pas être interprété comme une immaturité intellectuelle et/ou psycho-affective ; de même, l’aspect sale, médiocre et brouillon des productions de l’enfant ne doit absolument pas être interprété comme un manque de motivation ou une provocation. C’est l’association de ces signes chez un même enfant qui doit alerter, et faire sus- pecter une éventuelle dyspraxie. Plus le trouble est intense, plus le repérage peut être précoce. Le plus souvent, c’est en moyenne ou grande section que les parents et/ou l’enseignant seront alertés. Les parents signalent également qu’à la maison, l’enfant est maladroit, lent, peu autonome, privilégiant les jeux symboliques, la télévision, les histoires et les relations avec les adultes. L’habillage, les repas, la toilette sont des moments où leurs difficultés s’expriment et, après 8-9 ans, peuvent créer un sentiment de dépendance à l’adulte et constituer une gêne sociale non négligeable. Le soupçon de dyspraxie doit rapidement conduire à faire pratiquer les examens et évaluations, pour confirmer – ou éliminer – l’hypothèse de dyspraxie 2 - LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE Le diagnostic de dyspraxie repose sur la conjonction d’examens qui doivent, pour permettre de conclure, répondre à des questions précises puis donner lieu à une synthèse. Ce “trouble du geste” est-il avéré ? C’est le psychomotricien (ou l’ergothérapeute) qui va répondre à cette question. Il connaît les fourchettes d’âge normales d’acquisition de certains gestes et dispose des épreuves étalonnées en permettant l’exploration (constructions de cubes, imitations de gestes, épreuves graphiques, épreuves visuo-spatiales). Tout écart à la norme supérieur ou égal à 2 écarts-types attestera d’une anomalie patente, excluant un simple retard ou une banale particularité développementale. Ce “retard psychomoteur” est-il électif, spécifique ? Le psychologue proposera des tests psychométriques (de préférence, en première intention, les échelles de Wechsler adaptées à l’âge de l’enfant). On notera une dissociation entre les épreuves non-verbales (praxiques et visuo-spatiales) dans lesquelles l’enfant est particulièrement en échec et les épreuves verbales (normalement réussies). Ce dernier élément affirmera qu’il ne s’agit pas d’un retard global de développement (déficience mentale). Ce trouble du geste n’est-il pas un trouble neuro-moteur (ou neuromusculaire) ? Une consultation en neuropédiatrie s’impose. Outre l’examen neuro-moteur systématique, précis et fin, des examens complémentaires pourront éventuellement être prescrits, explorant les fonctions musculaires, la proprioception, l’équilibre et les fonctions cérébelleuses, etc. L’anamnèse recherchera d’éventuels antécédents susceptibles d’être à l’origine de troubles neuropsychologiques (embryo-foetopathie, prématurité ou anomalie lors de l’accouchement ou des premiers mois, autre évènement médical marquant, etc.). Enfin, une IRM permettra d’examiner la macro-architecture cérébrale, à la recherche d’une anomalie, d’une éventuelle malformation ou d’une lésion focalisée. Cependant, dans la plupart des cas, l’IRM est strictement normale. À ce stade, on a donc éliminé (diagnostic négatif) un trouble neuro-moteur ou neuro-musculaire, une déficience globale (psychomotrice et psycho-intellectuelle). Il faut maintenant faire le diagnostic positif de dyspraxie. Quelles sont les caractéristiques de ce trouble du geste ? C’est un ergothérapeute (quelquefois, un psychomotricien) qui pourra mener cet examen : tests évaluant la qualité de l’écriture (tests étalonnés), épreuves visuo-graphiques et visuo-spatiales de Marianne Frostig, évaluation de l’autonomie pour les gestes de la vie quotidienne (habillage,WC, toilette, repas). “L’enfant dyspraxique est donc un enfant qui, en dépit d’un enseignement et d’un entraînement habituels, ne peut pas, en raison d’une atypie développementale, inscrire cérébralement le schéma de certains gestes.” Mais, c’est surtout l’aspect qualitatif du geste qui sera désormais l’objet de toutes les attentions. Au décours d’une dyspraxie, on note en particulier que la réalisation du geste est fluctuante6 : à chaque essai, selon les jours ou les circonstances, l’enfant échoue d’une façon différente. En fait, conscient de sa piètre performance7, il cherche une autre stratégie, essaie une autre démarche, s’y prend autrement ... et échoue autrement ! C’est particulière6. Au contraire, en cas de trouble neuro-moteur, la performance est relativement stable, le déficit constant, l’échec ou la réussite à tel ou tel geste quasi-prévisible. 7. Source d’une grande souffrance et d’une mauvaise estime de soi, cette lucidité fait habituellement défaut aux enfants déficients mentaux. ment évident dans les épreuves de constructions, de reproductions de figures et les épreuves de graphisme. Enfin, la lenteur est constante, et elle devra être mesurée en fonction de critères objectifs, en particulier en ce qui concerne le graphisme. Enfin, il faudra savoir si l’enfant est aidé par des repères visuels (quadrillages, repères de points, de coordonnées), ou au contraire, gêné, parasité par les informations visuelles (et aidé par les informations verbales) : ce dernier cas, le plus fréquent, caractérise les dyspraxies dites “visuospatiales”. La synthèse de l’ensemble de ces informations permet de conclure au diagnostic de dyspraxie. Ce diagnostic signifie, fondamentalement, que l’enfant présente une anomalie développementale élective, fixée et non évolutive, touchant spécifiquement l’apprentissage de certains gestes complexes. Ce déficit s’inscrit au sein d’un déficit plus ou moins marqué de la structuration spatiale. Les conséquences fonctionnelles et scolaires L’enfant dyspraxique est donc un enfant qui, en dépit d’un enseignement et d’un entraînement habituels, ne peut pas, en raison d’une atypie développementale, inscrire cérébralement le schéma de certains gestes. Donc, continuer l’apprentissage et l’entraînement par les méthodes habituelles est inutile. L’enfant – avec ou sans entraînement – va progresser, mais : 1 - Ces “progrès” ne conduiront jamais à l’automatisation du geste, normalement obtenue lorsqu’une praxie est acquise. Or, l’automatisation est une condition sine qua non pour qu’un geste soit harmonieux, facile (ne provoquant pas de fatigue), mais surtout pour qu’il soit possible simultanément, de parler, penser, réfléchir, écouter, etc. (double-tâche). 2 - Ces “progrès” sont toujours moins rapides que l’évolution des exigences scolaires. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne le graphisme, l’écriture Réadaptation N°522 11 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES manuelle. Malgré des progrès relatifs, l’écart à la norme ne cesse de s’accroître. C’est pourquoi, la constatation d’un retard graphique chez un enfant ne doit pas obligatoirement conduire... à proposer plus de graphisme. En cas de dyspraxie, il s’agirait d’une sorte “d’acharnement pédagogique” sans effet et même nocif, ancrant chez l’enfant l’idée (fausse) qu’en s’appliquant, qu’en s’entraînant, il arrivera à faire “comme les autres”. Le corollaire étant que, s’il n’y parvient pas, on pourra l’accuser (et il pourra s’accuser) de n’avoir pas fourni les efforts suffisants ! Or ce n’est ni la maladresse, ni le fait “d’écrire mal” qui est l’essence de ce handicap : il ne s’agit là, somme toute, que de gênes minimes, qui, en elles-mêmes, ne justifient pas de médicalisation. Le véritable handicap consiste en 1 - L’absence d’automatisation du graphisme (quelle qu’en soit la qualité apparente), ce qui induit des conséquences qui, elles, ont des répercussions sévères sur la scolarité de l’enfant : La plus sévère, et aussi la moins visible, c’est l’impossibilité pour l’enfant de dégager suffisamment de ressources attentionnelles pour les aspects conceptuels du langage écrit. L’enfant est, à partir du CE1CE2, en permanence en “double tâche”, ce qui n’est pas le cas de ses camarades qui commencent à automatiser l’écriture manuelle. S’il investit dans le difficile dessin des lettres, l’enfant dyspraxique ne disposera plus d’assez de ressources pour écouter l’enseignant, prêter attention au sens ni à l’orthographe, mémoriser les informations. Les résultats scolaires s’en ressentent dans toutes les matières, même celles où l’enfant aurait pu faire normalement des apprentissages si on lui en avait laissé le loisir... Lenteur et fatigabilité, d’autant plus importantes que l’enfant “s’applique” à bien dessiner les lettres, aggravent sensiblement le pronostic scolaire, déjà bien compromis. 2 - La présence concomitante de troubles de l’organisation spatiale. Ces troubles génèrent en eux-mêmes d’autres soucis scolaires, extrêmement rebelles : 12 Réadaptation N°522 On voit donc que le diagnostic de dyspraxie est capital pour interpréter les difficultés de l’enfant et proposer des remédiations pertinentes “Le diagnostic de dyspraxie est capital Que proposer ? pour interpréter le diagnostic est précoce (avant les difficultés de l’enfant 7Lorsque ans), on pourra mettre en place simultanément des actions de rééducation, des et proposer adaptations ou des palliatifs, l’objectif principal étant d’éviter le sur-handicap des remédiations que constituent la situation de double tâche lors de l’écriture manuelle, la lenpertinentes.” difficultés d’organisation, de rangement, de classement, de mise en page ; cahiers sales et brouillons, désorganisés ; difficultés d’accès à la notion de nombre (en raison des aspects visuo-spatiaux des activités de comptage et de dénombrement sur lesquelles cette notion s’appuie), difficulté à la pose et la résolution des opérations (qui reposent entièrement sur des algorithmes spatiaux que ces enfants ne peuvent maîtriser) ; mais, sur le plan du raisonnement et de la logique, ces enfants sont tout à fait compétents ; échec dans toutes les activités réclamant des capacités spatiales : géométrie, géographie, ... Si l’on y ajoute les problèmes en travaux manuels, dessin (et schémas, graphiques), on voit qu’un échec scolaire sévère peut se constituer, générant redoublements (sans effets) puis exclusion des filières habituelles. La dyspraxie et son cortège de difficultés visuo-spatiales constituent donc une cause, souvent méconnue, d’échec scolaire sévère, qui peut apparaître comme plus ou moins diffus. Pourtant, les excellentes capacités langagières de ces enfants, la dissociation - très souvent évoquée par les enseignants - entre leurs capacités verbales (excellentes) et leur résultats effondrés lors du passage à l’écrit, enfin le fait que ces enfants n’ont, pour la plupart, que peu (ou pas) de difficultés d’apprentissage de la lecture8, devrait alerter. 8. Ce n’est que secondairement, les textes se densifiant, que l’enfant est gêné par des difficultés de recherche visuelle et de localisation d’éléments (sauts de mots, de lignes, difficultés à retrouver une information dans un texte, ou sur les murs de la classe, ...). teur, la fatigue, la dyscalculie spatiale et l’interprétation psycho-dynamique négative de l’ensemble du tableau. Ainsi, la proposition d’une écriture clavier vise, après un apprentissage adéquat (cf. article sur ce sujet, dans ce dossier), à libérer l’enfant de la contrainte du contrôle du geste graphique. On conseille toujours de limiter autant que possible la production d’écrits pour ces enfants (usage d’un secrétaire, photocopies, apprentissages et contrôles à l’oral, ...). Une pédagogie particulière et des techniques spécifiques pour aborder la notion de nombre peuvent limiter la dyscalculie spatiale. Pour pallier la lenteur, on demande que l’enfant puisse bénéficier d’un tiers temps supplémentaire lors des contrôles et examens. Enfin, pour éviter d’aggraver la fatigabilité, dans le cadre d’un projet d’intégration (qui réunit l’école, le Service de soins et les parents), on prévoira que les rééducations (ergothérapie, éventuellement, psychomotricité) puissent se dérouler en partie durant les heures scolaires. D’une façon générale, on favorisera les apprentissages (et les contrôles) par voie orale, utilisant au maximum les talents de ces enfants dans le domaine langagier, raisonnemental et mnésique, capacités qu’il conviendra même quelquefois de “surentraîner” afin de leur permettre de disposer de suppléances réellement efficaces. Surtout, on évitera de centrer toute leur énergie sur leurs troubles : les rééducations n’ont qu’un effet partiel, ne visant jamais à la “guérison” mais simplement à l’amélioration de leurs apprentisages, de leur confort de vie et de leur autonomie sociale. Ceci implique des choix qui valorisent leurs Faire le diagnostic assez tôt pour que l’échec scolaire ne soit pas consommé est un enjeu très important. Mais cette précocité, indispensable, induit une difficulté incontournable : en maternelle ou en tout début de primaire, les parents – mais aussi les enseignants – n’ont pas encore pris conscience de la réalité du handicap ni la mesure des conséquences. Les véritables sources d’échec scolaire (double-tâche, lenteur) sont difficiles à identifier pour les non-spécialistes qui de ce fait, refusent ou retardent l’introduction d’aides matérielles (ordinateur) ou d’aménagement pourtant scolairement urgents. Ils ne sont souvent pas encore prêts à accepter qu’il s’agit, non d’un retard d’acquisition, mais d’un handicap durable. compétences préservées, aussi bien dans le domaine des loisirs (théâtre, musique, musées, cinéma, ...9) que de la stratégie scolaire. Ainsi, le maintien en maternelle n’est habituellement pas justifié (l’enfant sera tout aussi dyspraxique l’année suivante), et, plus tard, il faudra conseiller (et favoriser) une orientation vers les matières littéraires, les langues étrangères, le droit, l’histoire, etc. l’expérience du plaisir, de la réussite et de la confrontation positive avec leurs pairs. Conclusions Ce diagnostic, comme souvent en ce qui concerne les troubles d’apprentissage, nécessite rigueur et méthode, car il faut éviter deux écueils : 9. Beaucoup de parents, pensant “allier l’utile à l’agréable”, proposent des activités de loisirs supposées favoriser la gestuelle générale (danse, par exemple) ou la dextérité manuelle (piano, ...). Dans ces activités, l’enfant risque malheureusement se trouver de nouveau rapidement confronté à ses limites, voire à ses échecs. 1 - celui des diagnostics “abusifs”, posés de façon extensive au vu d’un seul signe (par exemple, uniquement au vu d’une dysgraphie – or, si tous les dyspraxiques sont dysgraphiques, tous les enfants dysgraphiques ne sont pas dyspraxiques ! – ou au décours de difficultés isolées en mathématiques), ou encore chez des enfants simplement ‘normalement’ peu habiles (qu’il convient surtout de ne pas médicaliser), ou encore chez des enfants déficients mentaux chez lesquels on ‘préfèrera’ parler de dyspraxie + dysphasie + dyslexie + dyscalculie + ... Ces erreurs ou ces approximations diagnostiques se révèleront rapidement très dommageables pour l’enfant car elles ne déboucheront pas sur des aides appropriées. 10. Actuellement, seuls les enfants pris en charge par un Service de Soins à Domicile (qui intervient soit au domicile, soit le plus souvent, sur l’école) peuvent bénéficier d’ergothérapie. Il existe quelques ergothérapeutes en libéral, mais encore en nombre très insuffisant ; par ailleurs, leurs prestations ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, mais des aides peuvent être trouvées pour en permettre le financement par les familles. 2 - celui, également fréquent, du déni, de la banalisation des troubles ou de leur interprétation systématiques en termes inutilement négatifs (enfant paresseux, non motivé, opposant, immature, ...). Enfin, en ce qui concerne l’habillage, les repas, la toilette, il faudra savoir aider discrètement l’enfant, sans l’humilier devant ses pairs. Des adaptations, des aménagements, peuvent souvent être mis au point, aussi bien au domicile qu’à l’école, en collaboration avec l’ergothérapeute10, l’école et les parents. Il est en effet très important que ces enfants puissent, aussi bien en classe que dans leur vie quotidienne et leurs loisirs, faire Or, l’enfant empêché d’accéder à certains apprentissages du fait d’une atypie développementale telle la dyspraxie n’est en aucune façon comparable à l’enfant “standard” en cours d’acquisition d’une notion : les méthodes pertinentes pour les seconds ne le sont pas pour les premiers, chez lesquels elles peuvent même s’avérer désastreuse à moyen et long terme. En cas de dyspraxie, ce n’est donc ni la qualité ni l’intensité de l’entraînement, ni la méthode pédagogique ni les efforts ni la bonne volonté de l’enfant qui sont en cause, mais bien son aptitude, ses capacités cérébrales pour cette performance-là, ... Poursuivre les entraînements habituels ne consisterait plus alors qu’à proposer, sans cesse et sans fin, “toujours plus de la même chose qui ne marche pas”. Au contraire, limiter les effets de la dyspraxie à l’école et dans le quotidien (rééducations et adaptations), mais surtout reconnaître ses compétences dans les autres secteurs de la cognition, respecter son intelligence, sa vivacité d’esprit, ses goûts et ses talents permettra le plus souvent à l’enfant de faire des acquisitions scolaires de qualité et de s’épanouir harmonieusement. Bibliographie Mazeau M., Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de l’enfant, Masson, 1995 Mazeau M. , Conduite du bilan neuro-psychologique chez l’enfant, Masson, 2003 Mazeau M., Neuropsychologie de l’enfant et troubles des apprentissages, Masson, à paraître www.ladapt.net : livret “permettre ou faciliter la scolarité de l’enfant dyspraxique” Réadaptation N°522 13 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE ET ÉDUCATIVE Les troubles visuels associés aux dyspraxies Dr Hélène Assali-Dalens B ien que le terme dyspraxie ne contienne pas dans sa définition de notion de troubles visuels, ceux-ci existent si on élargit le propos aux troubles visuo-practo-spatiaux. Le neuroophalmologiste sera concerné par cette pathologie pour évaluer les différentes étapes d’analyse du message visuel, mettre en évidence les anomalies de l’oculomotricité dont certaines font partie intégrante de la dyspraxie visuospatiale. Leur diagnostique précoce, leur prise en charge rééducative peuHélène Assali-Dalens vent transformer les conséquences scolaires néfastes de cette pathologie. Deux chiffres pour situer l’importance des ces pathologies neurovisuelles : 50 % des enfants déficients visuels en âge préscolaire dépistés à San-Franscico sont porteurs de pathologies neurovisuelles (Hoyt 2003). Olsén, en 1997, retrouve 60 % de troubles visuospatiaux dans une population de 42 enfants nés avec un poids inférieur à 1750 g. Le contexte dans lequel évolue l’enfant interviendra largement dans le moment et la façon où l’ophtalmologiste sera concerné. Il peut s’agir d’enfants sans antécédents notables quant aux conditions de naissance et aux premières années, pour lesquels se pose le diagnostic de dyspraxie devant une grande maladresse, un retard graphique souvent mis en évidence depuis la maternelle, des difficultés d’apprentissage globale au cours des premières années de primaire ; dans un première approche, on 14 Réadaptation N°522 demande à l’ophtalmologiste de rechercher des déficits de l’acuité visuelle par troubles de la réfraction ou pathologie du globe oculaire, un strabisme, pour tenter d’expliquer la gêne de l’enfant. Ce n’est que dans un deuxième temps, souvent parce qu’au cours d’un des multiples bilans effectués, un professionnel évoquera le fait que cet enfant “n’utilise pas bien ses yeux”, que l’on se tourne à nouveau vers l’ophtalmologiste ; à cette étape, un bilan neurovisuel est nécessaire pour étudier les différentes cartes d’analyse du message visuel et surtout la stratégie visuelle et le retour moteur. Dans d’autres cas, il s’agit d’enfants aux antécédents néonataux chargés, prématurité, souffrances néonatales à terme, ou porteurs de pathologies neurologiques diverses ( malformations, accidents vasculaires cérébraux, tumeurs cérébrales, traumatismes crâniens) qui sont suivis par diverses structures spécialisées, pour lesquels le diagnostic sera suspecté plus rapidement, et l’approche ophtalmologique spécialisée réalisée d’emblée. Après un bref rappel sur la vision nous aborderons les atteintes neurovisuelles qui participent à la dyspraxie puis les déficits associés dont l’existence va aggraver le handicap neurovisuel. La vision : c’est bien plus que 10/10e ! La vision est une fonction neurovisuelle qui permet d’entrer en contact permanent avec le monde environnant, de l’analyser, de le décoder, et d’interagir avec lui par le biais du regard. Le capteur de la fonction visuelle est l’œil, il transforme les ondes électromagnétiques de l’information lumineuse en signaux électriques au niveau de la membrane neurosensorielle, la rétine. Celle-ci possède une région centrale, la fovea, support de l’acuité visuelle, de la vision des couleurs et des contrastes, et une région périphérique spécialisée dans la vision nocturne, la sensibilité au mouvement et chez le petit enfant elle joue un “La vision est une fonction neurovisuelle qui permet d’entrer en contact permanent avec le monde environnant, de l’analyser, de le décoder, et d’interagir avec lui par le biais du regard.” rôle dans la posture. Les signaux électriques codés par la rétine parcourent les voies visuelles jusqu’au cortex occipital. Celui-ci interprète les signaux en notion de couleur, de forme, de contraste avant de transmettre l’image constituée. Deux voies s’ouvrent, l’une en direction du cortex temporal interprète l’image en fonction du thésaurus d’images constitué au cours des premières années et permet sa reconnaissance (gnosie visuelle), l’autre, en direction du cortex pariétal, gère la localisation dans l’espace et la coordination œil/main. Toutes ces informations vont permettre à l’individu, en lien avec les autres sens d’interagir sur l’environnement par le regard. Formé de mouvements oculomoteurs rapides (saccades) et lents (versions, vergences), le regard répond au projet du sujet. Le regard est codé par de nombreux centres corticaux, sous corticaux, cérébelleux... Le regard doit être considéré comme un geste. On ne regarde pas de la même façon un coucher de soleil et un enfant que l’on recherche dans une foule. La stratégie du regard est une praxie, elle est normalement acquise très tôt. L’oeil guide le geste : une fois l’objet reconnu, l’anticipation du regard, la détermination de la position dans l’espace Réadaptation N°522 15 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES de l’objet et de la main (ou du pied) vont permettre l’élaboration d’un geste précis. Il s’agit des praxies visuospatiales parmi lesquelles la coordination œil/main est un excellent exemple. Les atteintes neurovisuelles en lien direct avec la dyspraxie et comment les mettre en lumière Les anomalies du regard et les troubles visuo-spatiaux représentent les pathologies neurovisuelles qui, associées à des degrés divers à la dyspraxie constructive, réaliseront la dyspraxie visuo-spatiale aux conséquences scolaires redoutables. Les anomalies du regard sont multiples mais toutes vont gêner la prise d’informations visuelles. La fixation, premier indice d’une vision centrale, peut être fugace, instable, entrecoupée de saccades, inexistante donnant un regard erratique. On la quantifie en faisant fixer un petit objet et en comptant au rythme des secondes. On note clignements, larmoiements, décrochages, ainsi que la gestuelle du visage. Il convient de faire la part d’une difficulté attentionnelle générale et d’une fixation oculaire pathologique (dans ce cas l’attention auditive est meilleure). Les saccades et la poursuite, composantes de nos mouvements oculaires, sont atteintes. Les saccades, étudiées à l’aide de deux petits cubes comportant des dessins présentés à 60° de part et d’autre de la tête, sont possibles sans mouvement de la tête ou pas. La poursuite, réalisée avec un petit objet de fixation déplacé devant l’enfant à 30cm des yeux de droite à gauche et de gauche à droite, peut être lisse, saccadique, nystagmique. On apprécie cliniquement sa vitesse, sa durée, et sa réalisation tête libre et tête tenue. La stratégie visuelle exploratoire qui conditionne l’exploration visuelle doit être systématiquement analysée. Au mieux elle devrait ainsi que les saccades et la poursuite pouvoir être enregistrée par photooculographie; on met ainsi en évidence la stratégie qu’utilise le sujet 16 Réadaptation N°522 “Les anomalies du regard sont multiples, mais toutes vont gêner la prise d’information.” pour explorer une tache visuelle (la stratégie est variable en fonction de la tache), les oublis, les lignes sautées, les retours à la ligne, les saccades de rattrapage dans la lecture. Cliniquement, on utilise des épreuves sur table, avec des cubes dont on demande la désignation (cubes de même couleur en horizontal), la dénomination (cubes de couleurs différentes en horizontal, et en vertical); l’enfant est invité à pointer des pseudo-lettres (symboles chinois) disposés de façon aléatoire dans une feuille, à réaliser une recherche de cibles parmi des distracteurs (14 pastilles rouges disposées de façon aléatoire sur une feuille remplie de pastilles de même taille mais de couleurs différentes). Outre la stratégie utilisée par l’enfant, il convient de noter les oublis, élément le plus pertinent, les répétitions. Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise stratégie, mais le nombre des oublis, des répétitions à évaluer par rapport à une norme établie chez l’enfant normal permet de juger de l’importance de l’atteinte. L’organisation de la ligne isolée mise en évidence par la désignation et la dénomination de cubes est acquise chez l’enfant normal à 4 ans; un enfant de 5 ans qui n’a pas acquis l’organisation de la ligne isolée ne pourra probablement pas entreprendre l’apprentissage de la lecture. Chez l’enfant en âge d’apprentissage de la lecture, on relève des problèmes pour le retour à la ligne. La stratégie exploratoire peut s’améliorer grâce à une rééducation orthoptique appropriée; par ailleurs évaluée régulièrement, elle permet de suivre les progrès de l’enfant. On étudiera la coordination œil/main lors d’une épreuve de pointage d’arêtes de cubes. Certaines épreuves utilisent des compétences en coordination œil/main et en stratégie visuelle, ce sont les labyrinthes et les tableaux à double entrée. Ces derniers sont à travailler en rééducation car ils sont largement utilisés au cours de la scolarité. Les déficits visuo-spatiaux sont mis en évidence lors de la reproduction des distances relatives ; l’enfant doit reproduire une suite de cubes disposés avec des intervalles variables en horizontal et en vertical. On dispose également d’épreuves dérivées des travaux de Benton, l’une demandant le repérage relatif de la position de points dans une feuille, l’autre la perception de l’orientation de lignes disposées comme des rayons de soleil. Il est toujours intéressant de rechercher une éventuelle héminégligence par la bissection le lignes de tailles variées. En général ces enfants connaissent bien sur le plan verbal les données spatiales. Les praxies constructives sont testées par la réalisation à partir de cubes de figures comprenant des lignes horizontales, verticales ou obliques avec 4 puis 6 cubes. La difficulté de réalisation croît avec le nombre de cubes et l’introduction de lignes obliques. La reproduction de figures géométriques, en fonction de l’âge de l’enfant, sollicite les compétences praxiques et visuospatiales, on note si la copie améliore ou aggrave la production. En effet l’information visuelle dégrade les productions de l’enfant dans les atteintes dyspraxiques visuospatiales. Certaines de ces épreuves sont certainement réalisées de façon plus précise par les neuropsychologues mais se révèlent nécessaires dans un bilan neurovisuel qui souhaite explorer les différents niveaux d’analyse du message visuel. D’autres atteintes visuelles peuvent être retrouvées chez l’enfant porteur de dyspraxie L’acuité visuelle est très variable, normale ou facilement normalisable en cas de dyspraxie isolée, elle peut être très déficitaire, par atteinte du globe oculaire (séquelles de rétinopathie du prématuré, atrophie ou malformation du nerf optique); chez les enfants cérébrolésés elle est variable selon les moments, dans le temps (amélioration tardive possible), et selon les symboles présentés. Certains enfants sont très sensibles à l’espace qui existe entre deux symboles, signe qui se rapproche de la simultagnosie. La dénomination et/ou la désignation de la vision des couleurs peut être atteinte dans les séquelles de cécité corticale, alors que la perception testée par appariement est correcte. Cette notion est importante à faire connaître à l’entourage éducatif car beaucoup d’apprentissages primaires sont basés sur la couleur. Si les voies optiques afférentes sont lésées, le champ visuel présente des anomalies; ce sont des hémianopsies, des champs visuels tubulaires, des déficits inférieurs dans les séquelles de leucomalacie périventriculaire par atteinte des radiations optiques. Un champ visuel fiable ne peut être réalisé que chez les enfants pouvant tenir leur tête droite, ayant une bonne attention et une fixation dans le droit devant stable, il se fait par confrontation (avec une boule ou le doigt) ou “aux marionnettes” mais il s’agit alors d’un champ visuel attentionnel qui ne peut être comparé aux autres techniques de recueil; chez les enfants attentifs et sans déficit moteur trop important, à partir de 7 ans, on peut essayer la réalisation au périmètre de Goldmann. Comme l’acuité, il peut s’améliorer avec les années grâce à une maturation retardée et une meilleure attention. Les atteintes de l’oculomotricité sont multiples, fonction du type et de la topographie de la lésion neurologique : Strabisme d’angle variable plus volon- tiers en convergence qu’en divergence, passant volontiers spontanément en divergence. Ils sont parfois associés à des nystagmus manifeste-latents. Les nystagmus présents peuvent être en lien avec une malvoyance profonde. Il faut toujours faire la part d’une position compensatrice de la tête liée au nystagmus ou à un déficit postural. Les déviation conjuguées du regard sont fréquentes dans les tableaux neurologiques lourds : déviations horizontales conjuguées, déviations toniques vers le haut ou le bas, déficit d’initiation des saccades réalisant une apraxie oculomotrice. La notion de profondeur est testée par l’étude d’une grande image de paysage donnant une représentation imagée en deux dimensions, par la différenciation de formes en deux et trois dimensions. On utilise également les tests de vision stéréoscopique classique (Lang, Wirt, TNO). La vision stéréoscopique est absente chaque fois qu’il y a un strabisme, mais la vision de la profondeur peut être altérée, sans strabisme dans les atteintes corticales postérieures. La perception des obliques peut être atteinte ; il est difficile actuellement de classer ce déficit, atteinte perceptive ou spatiale ? La reconnaissance visuelle peut être atteinte lors des lésions de la voie ventrale d’analyse du message visuel réalisant des tableaux d’agnosie; agnosie des images, la plus fréquente, variable selon les moments, très pénalisante dans la petite enfance où le support image est prépondérant. L’enfant est décontenancé par les réactions des adultes à ses réponses, les troubles du comportement avec des manifestations d’angoisses sont fré- “Au terme de cette revue des atteintes neurovisuelles pouvant accompagner les dyspraxies, il convient d’insister sur l’importance d’un dépistage précoce.” quents, seul le diagnostic amène un soulagement auprès de l’enfant et de la famille. Ces enfants ne sont pas attirés par la télévision. Cette symptomatologie s’améliore spontanément avec le temps mais les séquelles persistent, variables en fonction de l’atteinte initiale sur le plan neurovisuel et comportemental. D’autres types d’agnosie peuvent se retrouver, agnosie des visages, des objets, des signes conventionnels. L’atteinte de la reconnaissance des visages se rencontre volontiers dans des tableaux neurologiques lourds, les enfants ne reconnaissent leur entourage qu’au son de la voix, à leur tenue… On conçoit l’importance de mettre en évidence ce déficit, l’équipe pouvant alors pallier de façon active par des détails caractéristiques de la chevelure ou de l’habillage et rassurer l’enfant. Ainsi, au terme de cette revue des atteintes neurovisuelles pouvant accompagner les dyspraxies, il convient d’insister sur l’importance d’un dépistage précoce. Quand, dans un délai raisonnable, une acquisition praxique ne se fait pas, quand un comportement visuel paraît paradoxal (télévision, intérêt pour les images, pour le lointain) il convient de se poser certaines questions et de proposer un bilan neurovisuel détaillé. Celui-ci ne va pas résoudre toutes les difficultés, mais il permet de pénétrer dans le monde visuel de chaque enfant, de l’analyser pour remédier aux modules déficitaires par des actions éducatives ou rééducatives ciblées, évitant le suhandicap que représentent des attitudes néfastes liées à la méconnaissance du trouble réel. Il aide à la communication entre les différents acteurs interagissant autour de l’enfant. Dr Hélène Assali-Dalens, 1240 avenue de Samas, Sillery GIT2k4 (Yc) Canada Bibliographie Dalens H. et coll. Bilan des pathologies neurovisuelles de l’enfant cérébrolésé. VII Congrés de l’AREPO. Montpellier 5 et 6 Mars 2004 Dalens H. et cool. Les pathologies neurovisuelles chez l’enfant crébrolésé - À propos de 4 cas soumis au JFO 04 04 Mazeau M. Déficits visuospatiaux et dyspraxies de l’enfant. Masson 166p Mazeau M. Conduite du bilan neuropsychologique chez l’enfant, Masson 237p Montezer N. Les troubles neurovisuels chez l’enfant ancien grand prématuré infirme moteur d’origine cérébrale. Mt Pédiatrie 3, 4, 2000 Réadaptation N°522 17 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Rôle de l’orthoptiste dans la prise en charge d’un enfant dyspraxique Laurence Cotard, orthoptiste L ’orthoptiste est un auxiliaire médical spécialisé qui traite les déséquilibres visuels. Son champ d’intervention est vaste (dépistage, rééducation, réadaptation) et de ce fait s’étend du bébé à la personne âgée. Spécialiste de la vision, il va jouer un rôle important dans la prise en charge des dysfonctionnements visuels de l’enfant dyspraxique. Son intervention dans ce domaine est essentielle mais reste encore trop Laurence Cotard peu répandue. En effet il faut bien reconnaître que ce type de prise en charge est pratiquement méconnu du corps médical et particulièrement des professionnels de la vision. De plus, les techniques de rééducation visuelle pour les enfants dyspraxiques sont encore mal connues et peu développées en France. Il s’agit pourtant d’une étape fondamentale et indispensable dans la prise en charge globale de l’enfant dyspraxique. La fonction regard : C’est grâce aux mouvements oculaires que nous saisissons l’information visuelle. Le contrôle de ces mouvements est complexe. Il dépend du bon fonctionnement d’un ensemble de réseaux neuronaux qui mettent en jeu différentes parties du cerveau. qui permet de suivre une cible en mouvement et les saccades oculaires, mouvements rapides qui permettent le captage visuel. Le rôle du système visuel ne se limite pas à la fonction d’analyseur d’image mais va intervenir dans le développement global (acquisition des postures, élaboration du schéma corporel, mise en place des activités motrices gestuelles...). Le regard peut être considéré comme un “geste” qui va permettre la mise en place de capacités visuelles indispensables aux apprentissages scolaires. Ces capacités visuelles se développent progressivement chez l’enfant. Dès la naissance le bébé est doté de réflexes qui constituent une base qu’il va sans cesse développer. En permanence, notre regard est mobile. Deux types de mouvements sont utilisés : la poursuite oculaire, mouvement lent régulier C’est par apprentissage que l’outil regard va organiser ses déplacements selon un projet spatial de plus en plus précis. Le regard est une fonction souvent négligée par les professionnels de l’ophtalmologie. Ils ne prennent en compte qu’une seule composante du système visuel : la vision centrale, reflet de l’acuité visuelle . Pourtant la fonction regard est un outil précieux qui va permettre d’explorer, de capter et d’extraire les éléments du spectacle visuel. 18 Réadaptation N°522 Le trouble du regard chez l’enfant dyspraxique : Il est très fréquent chez l’enfant dyspraxique et se manifeste à des degrés plus ou moins importants suivant le type de trouble. Dans le cas d’une atteinte de la planification oculaire, l’enfant va éprouver des difficultés à utiliser une stratégie adaptée en fonction du projet spatial. Dans le cas d’une atteinte de la programmation des mouvements oculaires, l’enfant va être en difficulté pour utiliser une motricité oculaire coordonnée. Chez l’enfant dyspraxique, le trouble de programmation oculaire est souvent prégnant. L’enfant présente alors des difficultés de coordination des mouvements oculaires dans l’espace. Le mouvement de poursuite n’est pas lisse, souvent chargé de micro saccades avec une perte de fixation au passage de l’axe médian. À l’école maternelle on observera surtout : Les saccades oculaires sont mal contrôlées, imprécises. Enfant qui parfois ne regarde pas (rêveur,absent) Les capacités de convergence sont faibles, pénalisées par le mauvais contrôle oculomoteur. On constate assez fréquemment la présence d’un strabisme d’angle très variable. Ce strabisme atypique résulte du mauvais contrôle oculaire et ne doit pas être traité de la même façon qu’un strabisme classique. Dans ces conditions, la fonction regard ne va pas se développer correctement et ne va pas jouer son rôle instrumental de manière efficace. La motricité oculaire va rester dépendante de la motricité globale et l’enfant va utiliser sa tête et même le buste pour compenser la sous- utilisation du regard. L’enfant ne va pas prendre conscience du rôle de ses yeux et ne va pas s’appuyer sur son regard lorsqu’il réalise une tâche motrice (graphisme) ou une tâche cognitive (lecture). La coordination des deux espaces visuels droit et gauche a du mal à s’installer, la coordination de l’œil avec la main va être laborieuse. Les moyens instrumentaux (geste et regard) dont dispose l’enfant vont se mettre en place de façon maladroite, imprécise. On peut alors facilement imaginer les conséquences de ce trouble dans l’acquisition des apprentissages, la saisie et le traitement de l’information visuelle sollicitant des aptitudes visuelles où l’enfant doit en permanence coordonner et ajuster de façon précise ses mouvements oculaires. Les signes d’appel d’un trouble du regard sont importants à connaître car le dysfonctionnement qu’il induit n’est pas visible, l’enfant ayant en général une acuité visuelle normale et utilisant des stratégies de compensation. Les signes d’appel : Ce trouble va se manifester dès que l’enfant va devoir mettre en jeu des fonctions instrumentales fines c’est-à-dire dès qu’il va être confronté à l’école. Trouble du comportement Difficultés d’attention Retard au niveau du graphisme Difficultés de reconnaissance visuelle Difficultés d’organisation sur la feuille À l’école élémentaire : Tous les signes évoqués en maternelle peuvent être retrouvés. Lenteur dans les activités scolaires Fatigabilité avec dégradation dans la durée de la tâche cognitive demandée Mauvaise posture, enfant qui se tient mal sur sa chaise, se tortille. Variabilité des résultats Enfant plus performant à l’oral qu’à l’écrit. Difficultés de repérage au tableau, sur la feuille, sur les lignes... Fatigue visuelle, l’enfant se frotte sou- vent les yeux, voit flou parfois même double. Ces signes sont dus à l’effort permanent que l’enfant doit fournir pour regarder . Ils apparaissent souvent dès l’entrée en CP où les premiers apprentissage sollicitent des capacités visuelles plus fines. Les compétences visuelles étant peu performantes chez l’enfant dyspraxique, les difficultés vont se dévoiler peu à peu au fil des exigences scolaires. Les incidences sur les apprentissages : Les conséquences d’un trouble du regard vont avoir des répercussions sur l’ensemble des apprentissages scolaires. La lecture : Sauts de mot, lenteur, manque de fluidité, difficultés de compréhension L’orthographe : Difficultés pour mémoriser la forme globale du mot, mauvais orthographe d’usage. La copie : Laborieuse, oublis de lettres ou de mot, sauts de ligne. L’enfant est obligé d’effectuer plusieurs aller- retours visuels pour saisir l’ensemble du mot. Calcul : Le mauvais pointage visuel va entraîner des erreurs dans le dénombrement. Difficultés pour aligner les chiffres lors de la pose d’opération sources d’erreurs Difficultés de repérage dans les ta- bleaux à double entrée. Géométrie : Difficultés pour reprodui- re une figure dans un quadrillage, pour relier deux points, pour mesurer précisément etc. ... Bilan orthoptique du trouble du regard. Le bilan orthoptique du trouble du regard est capital car il permet : La compréhension des difficultés visuelles de l’enfant. La mise en place d’une prise en charge “Le trouble du regard chez l’enfant dyspraxique est très fréquent et se manifeste à des degrés plus ou moins importants suivant le type de trouble.” spécifique et adaptée. La mise en place d’adaptations péda- gogiques. Evaluation de la motricité oculaire : Epreuves qualitatives où l’on observe les capacités de détection et les aptitudes des mouvements oculaires. Evaluation de la coordination œilmain : L’œil joue-t-il son rôle pilote ? Evaluation du repérage visuel : Capacités de suivi linéaire et de retour à la ligne. Evaluation du comportement visuel dans l’exploration visuelle : Réadaptation N°522 19 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES L’enfant s’appuie t-il sur son regard pour explorer ? Le pointage visuel est-il efficace ? A-t-il une vision d’ensemble ? Utilise t-il le corps, le buste ou la tête lors de l’exploration ? Evaluation de la vitesse de traitement de l’information visuelle : Le déplacement du regard est- il suffisamment rapide ? Evaluation des capacités d’attention visuelle : L’enfant est - il capable de sélectionner correctement un stimulus visuel ? Prise en charge orthoptique du trouble du regard Elle comporte deux grand axes : Travail spécifique sur l’oculomotricité Utilisation de l’oculomotricité sur la feuille Travail sur l’intégration de la motricité oculaire : C’est dans un premier temps faire prendre conscience à l’enfant de ses capacités visuelles et lui montrer qu’il peut être “acteur” dans son projet regard. Travail de motricité oculaire en lien avec l’espace : Travail sur la coordination du geste et du regard dans la motricité : Être capable de coordonner l’œil et la main dans les deux espaces droit et gauche. Travail sur le balayage visuel : Notion de ligne et de colonne. Être capable de suivre une ligne, d’effectuer les aller-retours visuels nécessaires au retour à la ligne ... Travail sur la rapidité de traitement de l’information visuelle : Automatisation de l’anticipation visuelle lors de l’utilisation du regard. Travail sur les capacités visuo attentionnelles : Être capable de déplacer son regard tout en sélectionnant l’information visuelle. La prise en charge du trouble du regard est une rééducation qui apporte des progrès sensibles car elle s’intéresse à la motricité oculaire qui a un grand pouvoir de plasticité cérébrale et fait appel à des 20 Réadaptation N°522 procédures qui ne demandent pas un contrôle cognitif élaboré. Chez l’enfant dyspraxique, la prise en charge va durer une année à raison d’une séance hebdomadaire. Ensuite un suivi régulier est nécessaire pour accompagner l’enfant dans le développement de ses compétences visuelles afin qu’il puisse mettre en place des capacités visuo-attentionnelles efficaces indispensables au langage écrit . C’est un travail qui doit être effectué en harmonie et en coordination avec les autres prises en charge en particulier avec l’ergothérapie et l’orthophonie. Le lien entre les différents intervenants (enseignants et rééducateurs) est indispensable pour une prise en charge cohérente et efficace. Comment aider l’enfant dans ses apprentissages ? Afin que l’enfant ait les moyens d’utiliser au maximum ses compétences, nous recommandons aux parents et aux enseignants de : Présenter un matériel simple, dépouillé (peu de distracteurs). Utiliser une présentation claire et structurée. Limiter le nombre d’exercice par page, l’idéal étant un seul exercice par page (fichiers de math souvent surchargés) à défaut utiliser un cache afin d’individualiser chaque exercice . Éviter de présenter deux pages en même temps. Utiliser de la couleur pour surligner les lignes et / ou faire ressortir les éléments pertinents sur une page. Permettre à l’enfant de suivre avec le doigt lors de la lecture. Penser que le repérage visuel nécessaire dans les tableaux à double entrée est difficile : repérage à la fois horizontal et vertical. Utiliser la verbalisation en employant un vocabulaire spatial précis : “regarde en haut” par exemple et non “regarde”. Comprendre que l’enfant peut avoir une vision imparfaite de la forme globale du mot malgré une bonne acuité visuelle. Accepter que l’enfant ait besoin de plus de temps pour réaliser ses exercices. Penser que l’enfant va être en difficulté pour effectuer les aller-retour visuels nécessaires lors de la comparaison ou dans les exercices de copie (tableau feuille ou livre -feuille). Placer l’enfant devant, face au tableau. Ne pas penser que l’enfant est pares- seux. Ses résultats scolaires variables sont étroitement liés à la présentation des documents scolaires ainsi qu’à son état de fatigue . “Regarder” étant une action qui demande un contrôle et une coordination des mouvements oculaires difficiles à automatiser chez l’enfant dyspraxique. En conclusion Pour compenser une mauvaise utilisation du regard, l’enfant va devoir fournir un effort important pour aboutir souvent à un résultat décevant. Cela va entraîner chez lui un sentiment de découragement, une incompréhension de la part de l’entourage (famille, enseignants) provoquant un sentiment d’échec. Le trouble du regard va également avoir des répercutions dans les apprentissages cognitifs de l’enfant. Prisonnier de ses difficultés motrices, il va avoir moins d’attention et d’énergie à consacrer au fonctionnement cognitif. Actuellement ce trouble est méconnu et l’interprétation des difficultés qu’il induit est erronée. En effet, trop souvent seul le trouble d’attention est retenu. Il est donc important d’aller au delà des manifestations de surface pour faire apparaître les processus sous-jacents déficitaires afin d’orienter les enfants vers une prise en charge adaptée le plus rapidement possible. L’orthoptie classique ne permet pas de répondre efficacement car elle ne va prendre en compte que le déséquilibre binoculaire. Or, chez l’enfant dyspraxique ce déséquilibre (lorsque il est présent) est la résultante du trouble du regard. Il est urgent que l’ orthoptiste soit formé de façon spécifique à ces nouvelles techniques de rééducation. Spécialisé dans les troubles de la vision et habitué à explorer la fonction visuelle, l’orthoptiste est le professionnel qui va jouer un rôle primordial dans le dépistage et la prise en charge du trouble du regard de l’enfant dyspraxique. Laurence Cotard : 28 rue Royale, 74000 Annecy Le rôle du psychomotricien dans la prise en charge des enfants dyspraxiques Florence Roger, psychomotricienne A ctuellement, de plus en plus d’enfants qui consultent pour des troubles d’apprentissage scolaire, présentent des difficultés d’origine non-verbale. Les conséquences de ces troubles sont souvent dévastatrices sur le plan cognitif et psychoaffectif et peuvent engendrer des difficultés sur le plan de l’intégration sociale. La psychomotricité s’inscrit dans le cadre de l’observation et de l’analyse des savoirfaire non verbaux et corporels, nécessaires aux apprentissages et à l’adaptation scolaire et sociale. Les psychomotriciens sont donc des spécialistes dans la connaissance du développement de ces fonctions chez l’enfant depuis son plus jeune âge. La dyspraxie s’inscrit véritablement dans le cadre de dysfonctionnements dans ces domaines non-verbaux et corporels. Elle constitue une véritable anomalie de la planification et de l’automatisation des gestes volontaires. Un diagnostic précis est essentiel. Un diagnostic imprécis conduirait à une mauvaise compréhension des troubles de l’enfant et par la suite à un protocole de soins inadaptés. Il paraît donc primordial de mieux cerner et comprendre ces difficultés qui constituent un ensemble complexe et hétérogène. En libéral, le psychomotricien, dont la profession est aujourd’hui beaucoup mieux connue par les parents et tous les partenaires gravitant autour de l’enfant (enseignants, orthophonistes, éducateurs, etc...) accueille l’enfant avec les signes suivants : La psychomotricité s’inscrit dans le cadre de l’observation et de l’analyse des savoir-faire non verbaux et corporels, nécessissaires aux apprentissages et à l’adaptation scolaire et sociale (photo d’Edouard). difficultés d’écriture, lenteur ou mal- adresse, difficultés à choisir la main pour l’écriture, manque de soins, résultats en dent de scie, décalage entre les facilités orales et ver- bales et les productions écrites, maladresse globale, difficultés dans l’habillage et les repas. Ces signes orientent vers des difficultés non-verbales et corporelles et “handicapent” véritablement l’adaptation scolaire et sociale de l’enfant. Le diagnostic La tâche du psychomotricien, suite à ces signes évocateurs, consiste à recueillir les plaintes et les anomalies que l’entourage évoque ainsi que leur histoire. Il s’agit ensuite de mesurer objectivement des décalages dans les fonctions non-verbales et corporelles pour établir des liens de cause à effet avec les difficultés d’apprentissage. Pour cela, le psychomotricien se doit d’utiliser des tests étalonnés, référencés et dont la validité a été établie. Cette mesure précise permet de situer l’enfant dans des décalages pathologiques ou dans un simple retard Réadaptation N°522 21 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES d’acquisition. Dans le cadre de la dyspraxie les décalages sont toujours dans des proportions au-delà du simple retard. Il s’agit également de savoir, avec autant de précision possible, comment tout cela est organisé afin de déterminer les différents niveaux de la perturbation. Cependant, le bilan psychomoteur ne suffit pas et doit être complété par un examen cognitif (test de Q.I.).Une consultation auprès d’un neuropsychologue est essentielle. En France, il existe désormais de nombreux centres de référence chargés du diagnostic des troubles d’apprentissage du langage oral et écrit. Un neuropédiatre reçoit l’enfant et se charge de programmer les bilans nécessaires au diagnostic précis. Les médecins scolaires sont également des partenaires privilégiés. Formés aujourd’hui davantage aux troubles d’apprentissage, ils sont à même de dépister des problèmes dans l’évolution non-verbale de l’enfant. Dans le département de la Marne, un examen systématique en grande section de maternelle leur permet de dépister des décalages dans l’acquisition des relations spatiales, de la discrimination visuelle, des coordinations, de la motricité fine et de la graphomotricité. Ils participent donc grandement au repérage précoce de ces difficultés spécifiques. La dyspraxie est une grande famille regroupant les troubles praxiques, les troubles visuo-spatiaux et les troubles des coordination. Il existe donc de nombreux profils dans cette grande famille selon la prévalence des dysfonctionnements dans tel ou tel domaine. Les profils observés : Prévalence des troubles des praxies : ces enfants auront des difficultés dans tous les gestes appris : l’habillage, l’utilisation des couverts ; l’utilisation des instruments de géométrie, l’écriture, le soin. Prévalence des troubles visuospatiaux : les difficultés seront centrées sur la lecture, le calcul, la copie, la géométrie, l’organisation dans le travail. Prévalence des troubles des coordinations : les activités sportives, les jeux de 22 Réadaptation N°522 récréation, les équilibres, la course, le vélo seront délicates. Ces profils peuvent se conjuguer, s’associer. Il est donc primordial que les bilans puissent déterminer très précisément les domaines touchés. De même qu’il est très important que les points forts soient mis en évidence car ils seront des atouts pour la prise en charge (vocabulaire, mémoire de travail, syntaxe) et favoriseront la restauration d’une bonne estime de soi. La clinique nous apporte également des observations concernant l’absence ou la disproportion de certaines variables sensorielles ou proprioceptives. Certains enfants n’aiment pas toucher certaines textures, d’autres ont des sensations gustatives peu développées, d’autres encore montrent une agitation motrice qui s’apparente davantage à un déficit de sensation internes. Il est possible également de rencontrer des troubles associés tels que des difficultés attentionnelles, des difficultés d’articulation du langage . une stimulation proprioceptive et une approche sensori-motrice précise et adaptée. l’utilisation de la verbalisation. On détaille tous les gestes à accomplir et on les réalise ensuite. On élargit avec l’enfant son vocabulaire spatial et corporel. mise en place d’un système de repérage spatial simple et efficace propre à chaque enfant. Ces procédés sont toujours très simples et leur objectif est d’aboutir à une automatisation autrement que par la répétition gestuelle qui, chez le sujet dyspraxique, n’aboutit pas à une engrammation stable et reproductible. C’est grâce aux points forts révélés par les différents bilans que nous allons choisir tel ou tel moyen d’intervention. Les atouts seront : la mémoire du travail, la richesse du vocabulaire de l’enfant, les capacités d’attention et de concen- tration. Cette étude précise qu’est le bilan psychomoteur va contribuer fortement au diagnostic et va permettre également d’élaborer un programme de rééducation adapté. Établir des liens avec les autres partenaires La rééducation Il est nécessaire d’aller rencontrer les enseignants qui, souvent, ne perçoivent pas l’enfant dypraxique à sa juste valeur et ceci assez légitimement du fait du caractère aléatoire de ses productions. L’enfant peut être perçu comme paresseux, puisque “quand il veut, il peut”. Donc lorsqu’il ne peut pas c’est qu’il ne veut pas. On peut aussi penser de lui qu’il n’est pas motivé, immature voir parfois déficient. Il est important de donner des explications claires à l’enfant sur les difficultés qu’il présente afin d’éviter la culpabilité. Avec des mots simples et selon ce que nous savons de cette pathologie, nous devons lui expliquer pourquoi il est différent sur ces points précis et comment, ensemble, nous allons procéder pour qu’il puisse suivre une scolarité ordinaire et s’adapter au mieux scolairement et socialement. Il comprend ainsi mieux son sentiment d’être différent et comprend aussi qu’il peut être acteur pour poursuivre son développement. Selon les troubles présentés par l’enfant nous allons déterminer des priorités d’action. Les techniques utilisées sont : Un travail sur la posture est les réac- tions d’équilibration. AVEC LES ENSEIGNANTS Des explications claires aux enseignants permettent de changer ces images et alors un partenariat peut s’installer. Intégration scolaire des enfants dyspraxiques en primaire Les enseignants ont un rôle majeur s’ils acceptent de ne pas pouvoir “faire seul”... Comme pour le rééducateur, une bataille contre la souffrance de l’enfant est gagnée lorsque chacune des personnes aidantes est bien persuadée d’apporter seulement une petite pierre à l’édifice de sa construction. Chacun acceptant de réduire ou déplacer ses exigences et de se tourner vers un projet commun. Dès qu’il y a un maillon qui ne croit pas au projet, toutes les prises en charge s’en ressentent, et ce qui pourrait être gagné en un an va l’être en deux. Il est regrettable qu’une grande partie des intégrations soit accueillie avec une grande méfiance de la part du corps enseignant. La dyspraxie passe encore malheureusement pour une “croyance”. L’enseignant est un personnage central, sans qui rien n’est possible. Mais il se doit d’être attentif au travail effectué en dehors de la classe, par l’enfant , qui ne pourrait accéder que de manière partielle à son enseignement sans ces aides extérieures. La collaboration entre les personnes qui entourent l’enfant est primordiale dans ce genre de difficulté. L’écriture est le centre des conflits en classe. Les enseignants qui acceptent de baser leur enseignement sur le contenu des acquis en incluant les adaptations personnalisées pour les enfants dyspraxiques, ont tout gagné. Ils évitent d’enfoncer l’enfant vers une perte totale d’estime d’eux même et peuvent poursuivre leur objectif d’élever ces enfants vers la connaissance, ce que personne ne pourra faire à leur place ! Particularité du collège Nous n’avons plus à faire à un interlocuteur mais à une équipe, ce qui rend la collaboration plus complexe. La solution est d’instaurer une personne ressource, interlocuteur privilégié de l’enfant, de sa famille et des rééducateurs. Cette personne pourra lister les difficultés et faire remonter les informations afin que l’organisation matérielle ne devienne pas un obstacle supplémentaire. Au collège, les médecins scolaires sont également présents et se situent parfaitement au carrefour de la représentation du médical et des apprentissages scolaires. Dès lors qu’une collaboration est satisfaisante, des adaptations scolaires peuvent se mettre en place. Les termes “alléger”, “soulager” sont à mon sens à proscrire s’ils ne sont pas accompagnés d’exigences par- ticulières scolaires venant faire contrepoids. Ainsi, on permettra à l’enfant de travailler davantage à l’oral, d’être dispensé de certains écrits mais on sera très exigeant sur l’attention en classe, le comportement et on lui donnera des travaux adaptés pour compenser cela. Il est important d’insister sur cela car de nombreux enfants se sont vus rejetés par leurs pairs, accusés d’être le “chouchou” de l’enseignant. Pour éviter cela voici deux expériences qui ont bien fonctionné. Travail avec une psychologue sco- laire qui désormais intervient dans chaque classe où est scolarisé un enfant dyspraxique. Elle sollicite les enfants à s’exprimer sur le thème de la différence au sens large. Elle expose ensuite les cas particuliers dans la classe et les besoins que chacun peut avoir à un moment de sa vie d’être aidé. Elle en arrive à la dyspraxie et finit par la nécessité de développer la solidariComme pour le rééducateur, une bataille contre la souffrance de l’enfant est gagnée lorsque chacune des personnes aidantes est bien persuadée d’apporter seulement une petite pierre à l’édifice de sa construction (photo de Christophe). té entre tous et les points précis sur lesquels l’enfant dyspraxique doit être aidé ou accompagné. Mise au point d’un exposé avec un jeune adolescent dyspraxique scolarisé en 5e. Ce garçon avait obtenu la compréhension de ses professeurs mais se sentait incompris dans sa classe. Il s’est donc exprimé devant ses camarades en ces termes : “Dans la vie les gens ont des difficultés. Elles peuvent être différentes (écrire, parler, se concentrer). Ces difficultés ont des noms (dyspraxie, dyslexie, etc...). Moi j’ai une légère dyspraxie, certains vont se dire : c’est quoi ce truc !... Et bien moi je vais leur répondre avec ce petit exposé que j’ai préparé ce week end. Moi ma légère dyspraxie m’empêche d’écrire à la vitesse que je voudrais ; certains se disent : ce n’est pas le seul ! Je suis totalement d’accord avec eux, mais n’empêche que j’en fais parti. On m’a proposé de faire des photocopies, ce qui me permettrait d’écouter le cours car quand j’écris je ne fais pas attention à ce que dit le professeur. On m’a aussi proposé un clavier ; on va dire : pourquoi lui il pourrait amener un ordinateur au collège alors que cela nous est interdit ; je vous le dit, devant toute cette classe, je l’ai refusé car je me suis dit tout de suite sans temps de réflexion que vous camarades de 5e me diriez : Qu’est-ce-que tu fais avec un ordinateur portable ? Et là, au lieu que vous me le demandiez ce jour-là, je vais vous répondre maintenant : ce clavier me permettrait d’écrire en même temps que le professeur parle. J’ai un manque de confiance en moi et d’envie de participer à la vie de cette classe à cause de certaines moqueries répétitives et incessantes. Pour faire face à ces difficultés j’ai le soutien de mon professeur principal, de tout le reste de l’équipe enseignante, ainsi que des spécialistes médicaux et le soutien de ma famille et pour finir je demanderai votre soutien, merci infiniment. Pour mettre une conclusion à cet exposé je voudrais savoir si quelqu’un avait une ou plusieurs questions en rapport avec l’exposé”. Cet adolescent s’épanouit aujourd’hui dans sa classe et son collège malgré ses difficultés d’apprentissage. AVEC LES AUTRES RÉÉDUCATEURS Afin que l’enfant ne soit pas surchargé par les prises en charge, il est important de communiquer avec les autres rééducateurs (ergothérapeute, orthophonistes, orthoptistes). Une bonne communication permettra de décider ensemble des priorités du moment Réadaptation N°522 23 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES et créera, autour de l’enfant, un espace le plus cohérent possible. Des rencontres régulières basées sur le thème de la dyspraxie nous aident à mieux coordonner nos actions. Ils nous arrive d’élargir un peu nos champs d’action le temps du passage de relais avec un autre rééducateur. Nous nous donnons des nouvelles de l’enfant même lorsque nous ne le suivons plus et cela nous permet d’avoir un certain recul sur les stratégies abordées avec lui et sur nos choix partagés. AVEC LES PARENTS Il nous est souvent reproché d’enfermer l’enfant dans des étiquettes, des diagnostics. Cependant, il est impressionnant de constater combien les parents et leur enfant sont soulagés dès lors que le diagnostic est posé, mais surtout dès lors que le cadre des difficultés est défini. Ils ont enfin des explications sur le fait que cet enfant là, ils n’ont pas pu l’autonomiser comme leurs autres enfants. Les mamans disent souvent qu’elles l’ont peut-être trop couvé, habillé plus longtemps que les frères et sœurs. On peut alors leur expliquer que si elle ont agit ainsi c’est parcequ’elle sentait que cet enfant là ne prenait pas le relais naturellement. Le diagnostic n’est donc pas vécu comme un enfermement et nous devons veiller à ce qu’il ne devienne pas un prétexte. Une meilleure compréhension des troubles de leur enfant va leur permettre de restaurer la fonction parentale et d’agir en fonction des possibilités de cet enfant. Certaines familles ont pu montrer alors des trésors d’ingéniosité afin de mettre en valeur leur enfant dans des domaines divers et variés. L’important était que leur enfant puisse développer un sentiment de compétence quel qu’il soit. Cependant, une des questions qui revient le plus souvent est de savoir à quel moment l’enfant peut faire et à quel moment c’est la dyspraxie qui le gêne. La réponse est très individuelle et il est vrai que les bénéfices secondaires de ce handicap existent et que l’enfant s’en empare bien légitimement. Le psychomotricien, comme tout autre interlocuteur sollicité, doit pouvoir aider les parents à trouver une position adaptée et 24 Réadaptation N°522 … L’important était que l’enfant puisse développer un sentiment de compétence quelqu’il soit (photo de Charles). naturelle, ce qui n’est pas une tâche facile dans le cadre de la dyspraxie. Quelques idées à propos de l’estime de soi Les conséquences de cette difficulté spécifique sont dévastatrices tant sur le plan cognitif que sur le plan psycho-affectif. Il est toujours passionnant de regarder un nourrisson affiner ses gestes, sa posture au fil des semaines. Il persévère sans relâche, avec un intérêt immense, pour se redresser, attraper un objet, avec davantage de finesse à chaque essai. Il y consacre toute son attention jusqu’à ce que ce simple geste lui soit familier et soit intégré, mémorisé avec les schéma pré-existants. Ce geste est devenu automatique et ne lui coûte plus d’attention. Il peut même le conjuguer avec d’autres facilement. L’enfant dyspraxique est, quant à lui, confronté très tôt à cette difficulté d’automatisation. Il peut répéter à l’infini un mouvement sans que celui-ci s’intègre et s’enregistre dans un schéma stable et reproductible. Bien au contraire, il se fatigue et son geste, plutôt que de s’améliorer par l’expérience et l’entraînement, se dégrade. De plus, il ne peut être soulagé au niveau attentionnel. Je pense que cet enfant apprend, ressent très tôt qu’il ne peut pas compter sur son corps. Ce corps lui fait défaut sans qu’il en sache bien la raison, alors qu’intellectuellement il conçoit très bien le but à atteindre. Cette sensation est, me semble-t-il, très précoce chez l’enfant dyspraxique et contribue grandement à nourrir une insécurité corporelle et certainement une insécurité psychique et psycho-affective. En effet, par la suite, lorsqu’il grandit, on lui attribue des intentions erronées (paresse, rêveur, peu doué, etc) qu’il prend pour argent comptant sans parfois même se rebeller. Il intègre très tôt que tout est de sa “faute” puisque parfois il peut... Et ce d’autant plus qu’il ne souffre d’aucun handicap avéré. Je pense également que les enfants souffrant de troubles visuo-spatiaux et de troubles visuo-perceptifs sont la plupart du temps perdu dans des environnements qui changent. Ils ont besoin de stabilité, de repères et l’on comprend souvent mal leur appréhension face au changement ou leurs erreurs d’adaptation. Imaginez encore ou bien rappelez vous votre 1ère leçon de conduite. Il fallait faire attention à tout en même temps, coordonner des actions totalement inhabituelles. Vous en êtes sorti épuisé. Mais par la suite, par simple pratique et répétition, l’automatisation s’est faite et au moment de passer le permis vous étiez capable de tout gérer sans cette attention démesurée et sans cette maladresse caractéristique des jeunes conducteurs. C’est d’ailleurs grâce à l’étiquette auto-école que vous aviez parfois la clémence des autres conducteurs chevronnés. Imaginez que l’enfant dyspraxique en est toujours à sa 1ère leçon de conduite et qu’il s’épuise si on envisage pas avec lui l’apprentissage d’une autre façon. Florence Roger : 21 rue Pasteur, 51370 Saint-BriceCanalles Le rôle du psychologue dans la rééducation de l’enfant dyspraxique Françoise de Barbot, psychologue clinicienne L a place des psychologues, la façon dont ils se définissent, que ce soit au sein des équipes de CAMSP, de SESAD, etc... ou dans les consultations hospitalières, sont si variées qu’il est bien difficile de parler de leur rôle auprès d’un enfant dyspraxique. Certains réalisent des examens psychologiques ; d’autres s’y refusent et centrent leur travail sur les aspects relationnels. Il en est qui sont psychothérapeutes. Le psychologue clinicien aurait tendance à pousser les hauts cris à l’idée Françoise de Barbot d’entreprendre une rééducation ; pourtant certains font de la “remédiation logico-mathématique” et d’autres des rééducations cognitives : il est vrai que ces derniers sont plutôt des “neuropsychologues”. À ce point, le lecteur pourrait demander : “Mais qu’est ce donc qu’un psychologue ?” Rappelons simplement que, d’après son code de déontologie, sa “mission fondamentale est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique”. Ceci étant l’essentiel, ses modalités d’intervention sont secondaires et dépendent de sa formation et de ses compétences propres. Elles peuvent donc revêtir des formes très variées, la rééducation proprement dite en étant probablement une des moins fréquentes. Nous allons maintenant tenter de les passer en revue, dans le cadre des dyspraxies de l’enfant. Il est évident que cet “inventaire” ne saurait être exhaustif et sera très influencé par notre propre pratique ! L’examen psychologique L’examen psychologique s’impose en préalable à toute action rééducative. Lorsque certains signes ont alerté l’entourage de l’enfant – en famille, à l’école – il faudra avant tout s’assurer que ses difficultés correspondent bien à des troubles praxiques. Les tests psychométriques constitueront la première étape. Des échelles composites (laWPPSI et la WISC étant les plus couramment utilisées et, vraisemblablement, les mieux adaptées) permettent de voir si cet enfant particulier que nous avons en face de nous est en échec dans certains domaines, alors que, dans d’autres, ses réalisations correspondent à ce qui est attendu à son âge, à la moyenne obtenue par ses contemporains, ou même à des réussites supérieures à celle-ci. Si une telle discordance n’est pas retrouvée, on ne saurait parler de troubles spécifiques : lorsque l’ensemble des résultats est faible, on envisagera plutôt une déficience globale. Dans le cas des dyspraxies, l’enfant est en difficulté dans les épreuves dites “de performance”, où il faut rassembler des éléments pour reconstruire un modèle : reproduction de figures géométriques, puzzles, assemblages d’objets, constructions avec des cubes, etc. Au contraire, les épreuves verbales et celles de raisonnement utilisant le langage donnent lieu à des réussites. Évaluer les aptitudes verbales et les capacités d’abstraction est de la plus grande importance, puisque c’est grâce à elles que le jeune dyspraxique va pouvoir élaborer des compensations. À partir de là, le bilan doit être affiné (voir Mazeau 2003) : existe-t-il aussi des troubles visuo-spatiaux ? quelles aides apportées par l’examinateur paraissent efficaces pour cet enfant ? quelles sont les stratégies qu’il met en place de lui-même ? L’examen du psychologue se poursuit dans deux directions. D’une part, on sait que les dyspraxies de l’enfant ont des répercussions fréquentes et importantes sur les apprentissages en mathématiques (de Barbot et al 1989, 2000). Il est donc utile de s’interroger sur ce point. Il arrive, en effet, que l’attention des enseignants, des parents, des rééducateurs, soit polarisée par les difficultés d’acquisition de l’écriture et que l’on ne s’aperçoive pas que l’élève de maternelle fait des erreurs lorsqu’il compte des objets. Ce n’est que plus tard que seront signalés les échecs en calcul. Le psychologue qui connaît ce type de pathologie s’intéressera aux activités de dénombrement du jeune sujet dyspraxique, à la façon dont il construit le nombre, à la mise en place de la logique etc. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de repérer les difficultés, mais d’identifier les aptitudes particulières sur lesquelles on pourra s’appuyer pour aider l’enfant dans ses apprentissages. D’autre part, tout examen psychologique prend en compte les aspects relationnels et psychoaffectifs. Certes, une étude approfondie de la personnalité n’est pas toujours indiquée. Mais cet enfant est en difficulté : comment le vit-il ? Quelle image de lui a-til ? Quel est son désir ? Selon l’histoire familiale, selon la façon dont se sont tissées les premières relations, certains seront plus anxieux que d’autres ; quelques uns éprouveront de l’agressivité ; ailleurs, on repèrera des éléments dépressifs. Les attentes des parents, leur projet de vie, Réadaptation N°522 25 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES leurs inquiétudes sont d’autres facteurs, tout aussi variables, qui devront être pris en compte dans les conseils que l’on donnera et les propositions que l’on fera. Il est parfois nécessaire d’aller plus loin dans l’examen de la personnalité : en effet, certains troubles praxiques sont inclus dans ce qu’il est convenu d’appeler des “troubles envahissants du développement”. Certes il en existe d’isolés, mais nous voyons de plus en plus d’enfants dont les parents consultent pour suspicion de dyspraxie – la connaissance de l’existence de cette pathologie se diffusant dans le grand public – alors que l’atteinte de leur rejeton est beaucoup plus globale et beaucoup plus lourde. Ne pas identifier des troubles de la personnalité ne pourrait que leurrer la famille et priver l’enfant des soins dont il a besoin. La psychomotricité peut être indiquée, mais elle n’est pas suffisante et les objectifs doivent en être définis. Etablir un projet avec les intervenants Si nous avons consacré beaucoup de temps à parler de l’examen psychologique : c’est que celui ci va orienter la suite. Il est un des fondements du projet rééducatif. Disons le clairement : une dyspraxie ne se “rééduque” pas au sens précis du terme. L’enfant demeurera dyspraxique. Ce que les remédiations vont tenter de faire c’est de l’aider à développer des stratégies qui lui permettent de compenser ses troubles. Bref, il s’y prendra différemment des autres sujets, mais on espère qu’il parviendra à être plus efficient dans les domaines où, pour le moment, il est en échec. On comprend donc que le bilan n’est pas seulement destiné à poser un diagnostic, à identifier une pathologie, des difficultés, mais aussi à repérer sur quoi l’on peut s’appuyer pour les contourner. Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. L’enfant est peut-être déjà suivi par une équipe. Ou bien il s’agit d’une consultation, hospitalière, pluridisciplinaire. Le psychologue apporte alors ses propres observations, qui s’ajoutent à celles des autres professionnels : ergothérapeutes, orthoptistes, psychomotriciens, médecins. Les indications qui en découleront, établies en synthèse, seront généralement de deux ordres : pédagogiques et rééducatives. 26 Réadaptation N°522 Au cours de ces réunions, le psychologue a un double rôle. En effet , puisque les orientations ne dépendent pas seulement des éléments cognitifs mis en évidence, mais aussi de facteurs psychoaffectifs et relationnels, il retrouve sa mission fondamentale : œuvrer à “faire reconnaître la dimension psychique de la personne”. Loin de nous l’idée qu’il est le seul à s’en soucier, le seul à se préoccuper, par exemple, de ce que ressentent un enfant et sa famille ! Cependant il peut arriver que des prises en charge soient programmées en fonction des troubles d’un jeune sujet – “il aurait besoin de ceci” – sans que l’on s’interroge sur sa capacité à s’y investir et sur la façon dont il va les vivre. Lorsque nous proposons une rééducation à un enfant, quel message lui transmettons nous, sans nous en rendre compte, bien souvent : “je comprends pourquoi certaines choses sont difficiles pour toi ; on peut essayer de t’aider” ou : “ce que tu fais n’est pas satisfaisant,tu n’es pas à la hauteur ; il va falloir que l’on s’en occupe” ? Le message que reçoit l’enfant ne dépend d’ailleurs pas uniquement de notre attitude et des mots que nous utilisons, mais aussi de l’image qu’il a de lui-même et de ce qu’il croit que ses parents pensent de lui. On sait que les Infirmes Moteurs Cérébraux anciens prématurés présentent fréquemment des dyspraxies. Or certains programmes établis pour des écoliers handicapés, intégrés dans des classes ordinaires, sont d’une lourdeur extrême : séances de kinésithérapie, d’ergothérapie, d’orthophonie. Va-t-on y ajouter de l’orthoptie, qui serait bien utile, c’est vrai, pour ce petit dyspraxique avec troubles visuels associés ? une rééducation “logico-mathématique” ? Or ces enfants handicapés acceptent souvent l’inacceptable, tendent à se conformer à ce que l’on attend d’eux, tant ils souhaitent faire plaisir, être acceptés, réparer la souffrance que leur handicap cause à leurs parents. Etablir des priorités, mettre en attente des interventions qui paraissent nécessaires, suppose que les professionnels acceptent qu’il y ait des limites à leur action. Leur désir de réparation est parfois le plus fort. Dans le cas des dyspraxies développementales, il est fréquent que l’enfant ne soit pas suivi par une équipe. Ce seront alors les parents qui insisteront sur les rééducations, pensant que tout va ainsi s’arranger. Et après... A la suite des bilans et des orientations qui auront été données, l’enfant rencontrera sans doute encore des psychologues. Une remédiation logico-mathématique lui sera éventuellement proposée, en raison de ses difficultés d’apprentissage. Il s’engagera peut-être dans une psychothérapie. Au cœur du dispositif, demeurera probablement un psychologue “généraliste”. À celui ci, il est demandé d’avoir à la fois des lumières dans des domaines très divers et une position décalée par rapport aux autres intervenants. Ce qui détermine son action est qu’il s’adresse à des enfants en souffrance. En souffrance parce qu’ils “n’y arrivent pas”, qu’ils déçoivent leurs parents, qu’ils se sentent dévalorisés par rapport à leurs contemporains, qu’ils sont en échec dans le domaine du “faire”. Ne pas pouvoir agir sur le monde est source de frustration et d’un sentiment d’impuissance. Ne pas pouvoir agir sur le monde peut altérer la perception que l’on en a. Ces observations nous les avons faites bien souvent auprès de sujets handicapés moteurs. Pour l’enfant qui n’est “que” dyspraxique, la situation paraît beaucoup moins dramatique. Pourtant il est parfois plus douloureux d’être proche du but et d’échouer que d’en être si éloigné qu’on ne peut envisager d’y parvenir Et nous voyons l’enfant s’accrocher, s’obstiner : “il faut que j’y arrive”. Combien de temps pour reboucher un feutre ? toute son énergie peut y passer. Alors le rôle du psychologue n’est-il pas de l’accueillir... ailleurs ? D’abord de le reconnaître et le valoriser dans les aptitudes qui sont les siennes. Mais aussi, mais surtout, “ailleurs” cela veut dire que l’on n’est plus dans le “faire”. Où alors ? dans le rêve ? dans le dire ? Au fond le rôle de ce psychologue là dans la rééducation de l’enfant dyspraxique c’est d’être... hors de la rééducation. Françoise de Barbot : 17 avenue de Madrid, 92200 Neuilly Bibliographie de Barbot F., Meljac C., Truscelli D. et al 1989, Pour une meilleure intégration scolaire des enfants IMC : l’importance des premiers apprentissages en mathématiques, CTNERHI. de Barbot F., Bernardeau C ; et Gaie B. 2000, Dix ans après : évolution de neuf enfants infirmes moteurs cérébraux sur les plans scolaire, cognitif et psychoaffectif Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 48 204-213. Mazeau M. 2003, Conduite du bilan neuropsychologique chez l’enfant, Masson. LA SCOLARITÉ La prise en compte des dyspraxies de l’enfant par le ministère de l’Éducation Nationale Interview de Marie-Claude Courteix, Chef de la mission de l’adaptation et de l’intégration scolaire (MAIS) D ans cette interview, Marie-Claude Courteix, Chef de la mission de l’adaptation et de l’intégration scolaire (MAIS), nous présente la politique du ministère de l’Education nationale, de l’enseignement et de la recherche à l’égard des dyspraxies de l’enfant. Pouvez-vous donner une définition des dyspraxies et de ses conséquences sur la scolarité des enfants qui en sont atteints ? Il appartient aux spécialistes de donner une “définition précise” de la dyspraxie. Mais pour l’enseignant, ce qui va, en règle générale, être perceptible dans le contexte de la classe, c’est avant tout la maladresse de l’enfant, le décalage entre les performances verbales et les performances motrices, et notamment graphiques, qui peuvent faire l’objet d’interprétations erronées (manque d’effort, manque d’application, manque d’intérêt pour le travail scolaire) si l’enseignant ne comprend pas la nature des difficultés présentées par l’élève. Lorsque les parents, avant même l’entrée à l’école de leur enfant, ont fait des observations identiques, voire ont déjà eu la possibilité d’en comprendre l’origine, l’enseignant va plus rapidement “Au sein de l’école, il importe d’appréhender les conséquences d’un trouble présenté par un enfant sur sa scolarité.” pouvoir faire appel, avec l’accord de la famille, aux compétences du psychologue scolaire, du médecin de l’éducation nationale, pour mettre en place au sein de la classe, les adaptations nécessaires, faire appel en tant que de besoin à l’intervention des enseignants spécialisés du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Pourront également être coordonnées les aides au sein de l’école et les aides extérieures, évitant l’aggravation des conséquences de cette pathologie sur la scolarité. Lorsque ce n’est pas le cas, le risque est bien sûr celui d’une incompréhension grandissante, induisant découragement ou opposition du jeune enfant. Voici encore quelques années, on ne parlait pas ou peu des dyspraxies. Depuis quand le ministère de l’Education nationale a-t-il pris conscience du problème ? Réadaptation N°522 27 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Ce sont d’abord les dyspraxies lésionnelles qui ont été connues et qui ont fait l’objet, depuis déjà longtemps, d’une approche pédagogique dans la formation des enseignants spécialisés de l’option “C” du certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées de l’adaptation et de l’intégration scolaire (CAAPSAIS), prédécesseur de l’actuel certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH). La prise en compte de ces troubles et leur identification chez des enfants n’ayant pas d’antécédents pathologiques (dyspraxies dites développementales), est beaucoup plus récente. L’intérêt, dans le cadre scolaire, s’est développé au fur et à mesure que l’approfondissement des questions liées aux troubles spécifiques du langage oral et écrit a conduit à l’émergence d’une approche plus vaste des troubles dits “de l’apprentissage”, c’est-à-dire des atteintes spécifiques de certaines fonctions grevant parfois lourdement la scolarité, dont la dimension neurologique semble aujourd’hui attestée, et qui placent en situation d’échec scolaire des enfants qui ont pourtant des capacités intellectuelles tout à fait satisfaisantes. Le poids qu’a eu en France l’approche en termes psycho-affectifs de ces difficultés a sans doute induit une forme de méconnaissance du substrat “Il va de soi que, dans la majorité des cas, ces élèves doivent pouvoir effectuer leur scolarité dans une classe ‘ordinaire’.” neurologique. Pour autant, la reconnaissance de ce substrat ne doit pas aujourd’hui nous conduire à ignorer la “souffrance” effective de ces enfants confrontés dans leur cursus scolaire à des écueils qui peuvent être vécus très douloureusement. Connaît-on en France le nombre d’enfants dyspraxiques ? Le dépistage de ce handicap est-il réalisé et à quel niveau de la scolarité ? Les données recueillies par le ministère de l’éducation nationale ne comportent jamais d’éléments diagnostiques, au sens médical Il faut aider les enseignants à mettre en place des stratégies d’apprentissage appropriées. de ce terme. Les enquêtes statistiques lui permettent de déterminer le nombre d’élèves bénéficiant d’aménagements de leur scolarité, la nature et l’ampleur de ces aménagements. Au sein de l’école, il importe d’appréhender les conséquences d’un trouble présenté par un enfant sur sa scolarité, c’est pourquoi il est fait usage dans le recueil de données d’une typologie qui caractérise seulement à grands traits la nature des atteintes. En ce qui concerne le dépistage, il peut s’effectuer à l’école dans le cadre des bilans de santé obligatoires à 4 ans et à 6 ans. La coopération entre parents, enseignants et médecins dans le contexte de l’école peut suggérer l’intérêt d’approfondir une recherche diagnostique lorsqu’il apparaît, en particulier au cours de l’examen de santé de la sixième année, que l’enfant rencontre dans certaines situations scolaires des difficultés qui sont peu compréhensibles. L’appui que peut apporter en outre dans ce domaine le psychologue scolaire est loin d’être négligeable. Si des symptômes de dyspraxie sont décelés chez un enfant quels conseils peut-on donner aux parents pour qu’il poursuive au mieux sa scolarité ? Leur scolarité peut-elle s’effectuer en milieu scolaire ordinaire ? Doit-on l’orienter vers des structures médico-sociales spécialisées ? Si de premières observations réalisées en milieu scolaire font qu’il y a suspicion de dyspraxie, le premier conseil à donner aux parents est d’abord la consultation dans un centre spécialisé capable de réaliser un diagnostic et d’identifier avec précision s’il y a dyspraxie. Le diagnostic permettra en outre de préciser, dans le cas de cet enfant, les manifestations du trouble les plus susceptibles d’entraîner des perturbations dans les processus d’apprentissage, de mettre en place un projet individualisé pour éviter que l’échec ne s’installe, en complétant si besoin les aides apportées au sein de l’école par des rééducations extérieures qui peuvent être indispensables Il va de soi que, dans la majorité des cas, ces élèves doivent pouvoir effectuer leur scolarité dans une classe “ordinaire”. Il serait paradoxal que dans le moment 28 Réadaptation N°522 même où il est demandé à l’Ecole de scolariser des élèves, présentant parfois un handicap lourd en termes d’apprentissages et/ou de communication, les jeunes dyspraxiques en soient exclus. Il reste que certains enfants peuvent présenter des formes particulièrement sévères et invalidantes de dyspraxies et qu’il peut alors être utile de leur proposer, ne serait que pour une durée déterminée, une orientation vers un milieu spécialisé pouvant leur proposer une prise en charge globale. Pour aborder la question du parcours scolaire d’un élève qui présente des besoins particuliers liés à un “trouble de la santé”, entendu au sens large et quel que soit ce trouble, il y a une seule méthodologie possible, celle de l’élaboration d’un projet de scolarisation articulant les volets scolaires, thérapeutiques et rééducatifs, nécessaires à son développement, et privilégiant dans chaque cas le maintien dans une classe ordinaire ou au plus près de cette classe ordinaire. Cependant, dire que cette voie est privilégiée ne signifie pas qu’elle soit exclusive de toute autre prise en charge s’il s’avère que, pour cet enfant là, à ce moment là, une autre proposition éducative doit être faite. Il faut simplement veiller à ce que le “détour” n’interdise pas le “retour” dès lors qu’il est possible. Il faut aussi encourager la mise en œuvre de “passerelles” entre les établissements scolaires et les établissements médico-éducatifs pour concevoir des projets vraiment personnalisés de scolarisation. Estimez vous que les enfants dyspraxiques doivent bénéficier de méthodes éducatives et scolaires spécifiques ? En a-t-on évalué les résultats ? Le terme de “méthodes éducatives et scolaires spécifiques” me semble un peu excessif. Il faut pouvoir apporter aux enseignants des informations suffisantes pour qu’ils comprennent pour quelles raisons il est vain de chercher à obtenir d’un enfant dyspraxique qu’il écrive “bien” manuellement, de même qu’il est inutile de faire réaliser des activités de dénombrement à un enfant qui ne parvient pas à manipuler des collections d’objets. Mais il faut surtout les aider à mettre en place des stratégies d’apprentissage appropriées. Le plus souvent, il s’agit pour ces enfants – comme pour beaucoup d’autres – de déterminer les voies les plus propices pour contourner les obstacles, en prenant appui sur leurs points forts, en compensant les effets du “handicap”, afin de mener à bien les apprentissages scolaires, en dépit des difficultés qui sont les leurs. Il peut également être utile d’introduire, dans de bonnes conditions, certains outils (ordinateur, calculette, magnétophone, ...) sans pour autant imaginer que la seule introduction de l’objet va résoudre les problèmes. Encore faut-il donner à l’élève les moyens d’en maîtriser l’usage. Le ministère de l’Education nationale dispose-t-il des structures nécessaires pour les prendre en charge ? Il appartient au Ministère de fixer des orientations claires qui valent pour l’accueil au sein de l’école d’élèves qui présentent des besoins éducatifs particuliers, dont l’origine peut être extrêmement diverse. Il appartient ensuite aux “Il n’existe pas de catégories d’élèves, il n’existe que des élèves présentant des besoins singuliers auxquels il est nécessaire de répondre.” responsables des services déconcentrés (recteurs, inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale) de déterminer une offre de ressources en fonction des besoins qu’ils recensent, des moyens dont ils disposent, et des contraintes géographiques et démographiques du territoire. Le temps n’est plus où l’on s’imaginait que l’on allait pouvoir créer autant de classes spécialisées que l’on déterminerait de catégories d’enfants recevant tous une “étiquette” spécifique. Il n’existe pas de “catégories” d’élèves, il n’existe que des élèves présentant des besoins singuliers auxquels il est nécessaire de répondre, dans le cadre d’un projet individualisé, pour qu’ils puissent effectuer une scolarité la plus aisée possible. Dans un certain nombre de cas, il est utile pour mener à bien ce projet de pouvoir faire appel à des réponses autres que celle de la classe “ordinaire”. C’est ainsi que des dispositifs collectifs (classe d’intégration scolaire, unité pédagogique d’intégration) peuvent contribuer efficacement à la scolarisation d’élèves ayant des besoins suffisamment proches pour tirer parti de moments de regroupements, pendant lesquels un maître spécialisé peut répondre à leurs difficultés spécifiques dans le cadre d’un petit groupe, autorisant d’autres formes d’interactions maître/élèves. Dans d’autres cas, ce sont des partenariats avec des établissements, sanitaires ou médico-éducatifs, qui permettront l’élaboration de projets de scolarité adaptés aux besoins d’élèves ne pouvant s’accommoder de façon permanente des contraintes qui sont inhérentes au milieu scolaire. C’est dans ce contexte que peuvent se développer les passerelles évoquées ci-dessus. Ces mêmes orientations valent s’agissant des réponses à apporter aux jeunes dyspraxiques. En complément, le ministère s’est efforcé au cours de ces dernière années, de mettre à la disposition des enseignants des outils (en ligne ou en brochures papier) pour faciliter leur information et leur formation. Réadaptation N°522 29 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Comment, en tant qu’enseignant, nous pouvons aider l’enfant dyspraxique Françoise Cailloux, enseignante L Françoise Cailloux ’enseignant doit d’abord connaître les différents troubles induits par les dyspraxies ainsi que les éventuels troubles associés, pour comprendre pourquoi l’enfant éprouve des difficultés dans certaines tâches, certaines conditions de réalisation et certains apprentissages. C’est la collaboration entre toutes les autres personnes qui interviennent autour de l’enfant : médecins, rééducateurs, parents, membres du RASED qui permettra une analyse fine des difficultés de l’enfant, mais aussi de mettre en évidence les compétences préservées et les points forts sur lesquels on pourra s’appuyer. L’enseignant pourra alors concevoir les adaptations pédagogiques indispensables selon plusieurs principes : Faciliter, voire réduire les activités nécessitant habileté manuelle lors de la manipulation d’objets, d’outils, de livres : car l’enfant a du mal à automatiser ses gestes et il est gêné au niveau de la motricité fine. Faciliter la prise d’informations visuelles : si l’enfant a un trouble du regard, il aura des difficultés pour explorer, fixer, chercher des informations dans un support trop chargé et trop spatial. Il sera gêné pour faire des aller-retours avec ses yeux. L’enseignant cherchera à rendre l’enfant à la fois acteur et partenaire de ses apprentissages. Il lui fera prendre conscience de ses difficultés et l’aidera à développer des stratégies qui lui permettent de les surmonter : 30 Réadaptation N°522 Verbaliser ce qu’il perçoit, ce qu’il doit faire. Favoriser la représentation mentale. S’appuyer sur la mémorisation: voie auditivo-verbale Tout passage à l’écrit met l’enfant dyspraxique en difficulté, que ce soit au moment de la phase d’apprentissage ou au moment de l’évaluation. Restituer ses connaissances à l’écrit est difficile voire parfois impossible pour l’enfant dyspraxique : Dessin de Julien “il sait mais...” : il se trompe, ne répond pas, ne réussit qu’à compléter un seul exercice. Son écriture n’est pas assez automatisée : il se concentre sur le dessin et l’enchaînement des lettres et n’est plus disponible pour le sens, l’orthographe, la ponctuation et la présentation. Il faut donc lui demander moins d’écrit : en privilégiant les exercices à trous par exemple. L’enfant peut écrire ou taper sur l ‘ordinateur un mot isolé, rajouter le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES une terminaison, indiquer les chiffres dans une opération. Privilégier les réponses à l’oral est une excellente adaptation (pour ceux qui ne sont pas gênés au niveau de la parole.) “Ma fille Doriane n’a jamais le temps de finir ses exercices en classe, temps trop court pour elle et mise en page trop fournie. Il peut y avoir jusqu’à 7 exercices sur la même page, surtout en mathématique. De plus, le bruit des autres enfants qui eux, ont terminé, la gêne énormément !” Témoignage de Marie, maman de Doriane. “ Hier en revenant de l’école, mon fils Kévin me dit : - Maman il m’est arrivé quelque chose à l’école aujourd’hui et c’est fantastique ! Interloquée, je lui demande quoi et là Kévin me dit : - Eh bien, la maîtresse nous a donné un exercice et moi j’avais pas le même que les autres pour éviter que je copie trop, j’avais juste à remplir des trous ! Et je n’ai pas fini le dernier !” Témoignage de Danièle, maman de Kévin. Dessin de Lucas “La maîtresse a seulement adapté ses textes en faisant un interligne plus grand. Elle a proposé à Mathilde d’intervenir au tableau pour la correction en conjugaison par exemple, correction qu’elle réussit parfaitement alors qu’elle a en général beaucoup d’erreurs sur sa feuille. Même démarche pour la géométrie qu’elle ne peut réaliser sur son cahier alors qu’elle anticipe et suit parfaitement au tableau. Elle dit de Mathilde qu’elle raisonne en 3D.” Témoignage de Sylvie, maman de Mathilde. Copier ne les aide pas à mémoriser, et beaucoup ne pourront plus tard apprendre chez eux leurs leçons car ils ont du mal à se relire et des mots seront manquants, ce qui nuira à l’accès au sens. “Plus les écrits sont longs, plus l’écriture est illisible. La vitesse est un facteur de déformation et de fatigue accrues. C’est un souci majeur pour réapprendre les cours, car avant, il lui faut déchiffrer son écriture ! Je suis parfois étonnée néanmoins qu’il puisse retrouver les mots, je pense que sa bonne mémoire est un atout !” Témoignage de Yolaine, maman de Thibaut. Ils ne peuvent à la fois écouter l’enseignant, comprendre, intervenir à l’oral et écrire, organiser la présentation. La multiplication des activités multi-tâches est toujours épuisante pour l’enfant. Il est donc judicieux de lui proposer des photocopies de qualité ou d’utiliser des carbones, de mettre en place un tutorat, d’être soutenu par une AVS pour leur permettre d’écouter le cours et d’en faciliter la mémorisation. Certains peuvent écrire mais à quel coût cognitif non perçu par l’adulte ? Il ne faut surtout pas les pénaliser pour la propreté, les fautes, l’oubli de majuscules, la présentation. Il faut chercher à soulager l’enfant en évitant tout exercice de copie, comme les copies des leçons écrites au tableau, les poésies, les devoirs... “Comment nous appréhendons la présentation et l’écriture avec notre enfant ? Depuis que nous ne nous préoccupons quasiment plus de ces aspects, Lionel est beaucoup plus “Le stress est également une composante importante de la dyspraxie. Valentin se retrouve régulièrement en difficulté pendant les contrôles écrits.Tout se mélange dans sa tête, il ne trouve plus ses phrases ou bien ne sait plus écrire les mots. Donc il en choisit d’autres plus ou moins au hasard. L’attitude d’un de ses professeurs est admirable : elle le repère quand il commence à se prendre la tête dans les mains et à flanquer ses stylos par terre et lui recadre alors la question, ce qui lui permet de repartir.” Témoignage de Françoise, maman de Valentin. à l’aise et disponible pour le contenu des apprentissages. La mise en place de l’ordinateur y est pour beaucoup, toutefois, nous avons maintenu l’écriture manuelle pour les cours scientifiques, et nous avons appris à ne plus nous arrêter sur les traits tirés sans règle, les phrases qui passent sous, puis sur la ligne principale, l’oubli des noms sur les interros (les profs en déduisent qu’il s’agit de la copie de Lionel), sans parler des fautes d’orthographe qui en feraient bondir plus d’un mais qui n’empêchent pas la prof de français de cette année de confirmer que Lionel est un très bon élève parce que ses écrits commencent enfin à refléter ses capacités d’expression.” Témoignage de Christine, maman de Lionel. Il faut être clair sur l’objectif : quelle est la notion, le concept à acquérir ? La tâche ne doit pas être compliquée par des compétences transversales de type “praxique” qu’il ne maîtrise pas et qui vont le mettre en échec. Si l’exercice est de classer 3 oeufs du plus petit au plus grand, ne pas lui demander de les découper ! Il risque de couper les oeufs ! Manipuler la paire de ciseaux tout en suivant un trait lui demande beaucoup d’efforts. Il peut être également mis en difficulté par la technique du collage ! Il risque de perdre ses papiers... de renverser la colle, de coller à l’envers et finalement de se tromper alors qu’il aurait pu donner la réponse oralement sans difficulté. Réadaptation N°522 31 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Il faut être attentif à la présentation de la fiche de travail mais aussi à la consigne demandée. Ne pas hésiter à simplifier : éviter de le faire dessiner (fleurs, étoiles... ), de lui demander de faire des schémas, (dessiner les billes d’un problème), de lui faire relier avec des traits... Par exemple, si la consigne est de dessiner 5 étoiles, l’enfant va se concentrer sur le dessin de l’étoile (qui est particulièrement difficile car il comporte des obliques). Il va perdre du temps, de l’énergie, va peut-être se tromper, alors qu’il aurait simplement pu faire des points, ou coller des étiquettes avec les constellations du dé ou éventuellement coller des gommettes. Il est préférable d’adopter une présentation simple, aérée, structurée : en ligne ou en colonne, pour l’aider à suivre une certaine stratégie au niveau du regard. S’il doit rechercher un mot parmi d’autres, lui fournir des étiquettes amovibles, rigides et suffisamment grandes qu’il pourra manipuler et déplacer au mieux de ses capacités. Il pourra comparer avec d’autres mots et trouver les mots identiques. Dessin de Étienne On peut ajouter des repères pour guider son regard : feu vert à gauche, surligner les lignes en fluo en suivant toujours le même code de couleur (algorithme que l’on retrouvera partout). Pas trop d’informations sur la page, en aérant ou en proposant par exemple un seul exercice sur chaque page. Il peut éprouver des difficultés à rechercher des informations dans un texte, lui faire lire les questions avant. Ne pas surajouter à ses difficultés. Il faut éviter de lui faire tracer des tableaux, organigrammes... : “Mesurer et tracer le tableau puis écrire à l’intérieur est compliqué : c’est difficile de placer la règle le long d’une ligne, la maintenir tout en faisant glisser le crayon avec l’autre main...” Témoignage d’Odette, enseignante. “Comment écrire lisiblement un mot dans un tout petit espace quand son écriture est grosse, saccadée ! Cela déborde tout le temps des cases ! Quand il a pu surmonter toutes ces étapes en fournissant un effort colossal, il ne sait plus ce qu’il faut faire, son épuisement l’empêche bien souvent de répondre !” Témoignage de Yolaine, maman de Thibaut. Utiliser, lire des quadrillages, des tableaux à double entrée, labyrinthes, tables de Pythagore, lui demande donc beaucoup d’efforts. Il faut absolument l’aider en matérialisant avec des couleurs les différentes colonnes, puis utiliser un cache au niveau des lignes pour guider son regard. Pour poser les opérations, proposer un cadre avec des couleurs pour les unités, dizaines, centaines... Conseils pour le graphisme en maternelle : Copier un modèle, repasser sur des pointillés, promener son crayon dans une piste graphique, un labyrinthe peut être difficile, voire impossible pour un enfant dyspraxique qui a un trouble du regard. Selon les enfants, on peut faire relier des points entre eux ou proposer de repasser un trait pré-tracé par le maître à sa demande (ce qui montre qu’il a compris) avec un fluo. Il faut essayer de le guider verbalement en donnant des images, en verbalisant le chemin de la lettre: tu fais un chapeau pointu, un rond, un ventre, un trait debout (tu montes), tu glisses en toboggan, ou encore par un guidage kinesthésique (qu’il sente le geste à réaliser et le vive avec plaisir). On peut faire percevoir la lettre en relief grâce à de la pâte à modeler ou avec une lettre rugueuse découpée dans du papier de verre. Il peut concevoir certains tracés mais ne pas pouvoir les organiser entre eux. Eviter d’insister sur l’apprentissage du graphisme (si l’enfant bloque ou n’a pas envie, c’est qu’il ne peut pas réaliser ce qu’il lui est demandé). Par exemple : des lignes horizontales ou verticales qui s’interrompent et qui continuent un peu plus loin, il lui est impossible de les prolonger ! Proposer des activités plaisirs : Pour la peinture : lui proposer des feuilles grand format sur plan vertical, jouer avec les couleurs permet d’obtenir des résultats intéressants, (mais pas trop longtemps car répéter le même mouvement lui est fatigant). Préférer des outils qui glissent : gros feutres pour le coloriage (sans insister s’il dépasse) plutôt que les crayons de couleur. 32 Réadaptation N°522 Proposer des pochoirs : “gabaritsguide” fixés avec de la patafix. qu’il lui sera très difficile de compter des objets alignés : “l’œil saute”. Travailler les compléments à 5 : 8 + 5, c’est 5 + 5 + 3 = 10 + 3 = 13. Utiliser les programmes de coloriage et de dessin sur ordinateur. Il faut l’aider à acquérir la notion de quantité en apprenant à calculer sur de très petites collections d’objets et en s’appuyant sur des exemples ou problèmes concrets, sur des référents culturels, des histoires, des comptines. Par exemple: dans Boucle d’or il y a le papa ours, la maman et l’ourson : un et un et encore un ça fait 3 ours, 2 pattes devant et 2 pattes derrière... ça fait 4 pattes par animal et au final, il y a 4 + 4 + 4 = 12 pattes, etc. Ou encore le passage par les doubles. 6 + 7 c’est 6 + 6 + 1 = 12 + 1 = 10 + 3 = 13. Quand il dessine : noter ses commentaires sur le dessin et valoriser son projet plutôt que la réalisation elle-même.Veiller à ce que les autres ne se moquent pas de ses “gribouillages”. On peut lui donner des lettres magnétiques (assez grandes) pour qu’il puisse écrire les mots. Il est important det l’entraîner à reconnaître les différentes graphies des lettres. Cela facilitera son entrée dans l’écrit et favorisera son apprentissage de la lecture. Il faut insister dès la maternelle sur l’éveil de la conscience phonémique et phonologique. Adaptations en mathématiques : Il convient d’être prudent lors des activités de comptage d’une collection. En effet, l’enfant dyspraxique a du mal à coordonner plusieurs actions à la fois : parcourir des yeux la collection, pointer les objets tout en récitant la comptine numérique (coordination externe/interne). Il risque de se tromper ou d’en oublier certains ou encore d’en compter d’autres plusieurs fois. Il peut trouver ainsi un résultat différent à chaque nouveau comptage, ce qui ne lui permet pas de développer la notion d’invariance du nombre, d’autant plus qu’il est convaincu de son résultat. Comment l’aider à appréhender la notion de quantité : Il doit être aidé lors des activités de dénombrement : quelqu’un pointe pour lui les objets pendant qu’il compte (on favorise l’apprentissage de la comptine numérique). Les manipulations d’objets qui lui sont peu aisées, doivent se faire dans certaines conditions: choisir des objets déplaçables faciles à différencier : petits personnages, objets de couleurs différentes. Il faut guider l’enfant quand il dénombre : lui faire mettre les objets comptés dans une maison, les ranger sous forme de constellations (sur les points d’un gros dé ou sur une fiche). Il perçoit ainsi immédiatement la quantité représentée sans avoir à dénombrer alors “L’album à calculer” de R. Brissiaud aux Ed. RETZ est intéressant car on apprend les différentes décompositions des nombres jusqu’à 7. Par exemple : pour l’histoire des 4 souris : sur la page de gauche, il y a quatre souris dans un fromage qui a quatre trous (les trous sont disposées comme sur le dé), sur la page de droite, le sol est vide. Sur les pages suivantes, 2 souris sont parties par terre et il en reste 2 dans le fromage (l’enfant apprend que 2 et 2 souris ça fait 4 souris, que 3 et 1 souris ça fait 4...) Il y a un système de rabat pour cacher soit la page de gauche, soit celle de droite. Attention, car beaucoup d’enfants ont des difficultés pour isoler leur doigt (on peut voir qu’ils peinent lors des jeux de doigts), On peut les aider à positionner les doigts sous forme de configuration. Mais évitons le comptage ou surcomptage sur les doigts qui est source d’erreurs. Il est également difficile de comparer des collections par correspondance terme à terme ou de compter sur des intervalles. Il est préférable de favoriser l’accès au calcul mental et au calcul réfléchi : il faut arriver à ce que l’enfant se représente mentalement les collections sous forme de constellation du dé, organisée par 5. “Développer des stratégies de calcul en s’appuyant sur les repères 5, 10 et les doubles, cela aide l’enfant à trouver des résultats sous une forme qui favorise leur mémorisation” (R. Brissiaud : le livre du maître “Apprendre à calculer avec Tchou” Ed. RETZ). Travailler les décompositions de 10 : 9 + 7, c’est 9 + 1 + 6 = 10 + 6 = 16. Travailler avec un enfant dyspraxique est particulièrement enrichissant pour comprendre comment apprennent les autres élèves. Les adaptations au niveau de la présentation et les méthodes pédagogiques utilisées pourront bénéficier à d’autres enfants en difficultés voire à tous les enfants. Comprendre certains comportements de l’enfant dyspraxique : Il faut savoir être patient et compréhensif, car la dyspraxie est un handicap caché. Il est lent, ne pas hésiter à répéter plusieurs fois les consignes. Il parle tout haut, trop fort, car il a besoin de verbaliser ses actions pour être plus efficace. Il peut faire des mouvements parasites avec la bouche, il tire la langue dès qu’il fait des efforts. “La maîtresse de Mathilde avait permis qu’elle fasse ses évaluations de lecture dans le couloir. Cela l’aidait beaucoup car elle avait encore à ce moment là, en CE2, le besoin de verbaliser pour faire ses exercices et celui de lire à haute voix pour mieux comprendre. Maintenant, elle fait la même chose mais à voix basse et cela perturbe nettement moins la classe.” Témoignage de Sylvie, maman de Mathilde. Il a des difficultés pour regarder le maître dans les yeux, ce n’est pas ni de l’impolitesse, ni de l’inattention. Donner des consignes courtes et simples et l’inviter à les reformuler pour s’assurer qu’il ait bien compris. Il a du mal à se concentrer : le placer près du bureau vous et au premier rang pour éviter des afférences distractibles. Ne pas hésiter à l’interroger, à lui proposer des corrections verbales. Veiller à ce qu’il soit bien installé : pieds au sol, il doit pouvoir poser ses avant-bras sur le bureau. Maintenir sa posture peut lui demander un effort supplémentaire. Il est très fatigable, vous pouvez le laisser se reposer dans le coin bibliothèque et alterner activités de structuration et de libération. Réadaptation N°522 33 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Il est déroutant car il peut réussir quelque chose mais ne pas pouvoir le reproduire à un autre moment. Il peut être distrait par le bruit et l’agitation. Il peut réagir de façon brusque mais sans violence dans les rangs, supportant parfois mal le contact d’autres enfants. Il s’intègre mal pendant les récréations ou ne participe pas aux fêtes (Carnaval, Noël...). Il réagit par peur de ne pouvoir se situer correctement dans l’espace ou de manipuler aisément un objet. Lui proposer des rôles à textes. Ils ont souvent des difficultés en EPS : rattraper le ballon, s’intégrer dans un jeu collectif et dans la cour : tous les jeux de marelle, élastique ou foot (jeux essentiellement spatiaux). Il peut réagir de façon exagérée, se mettre en colère, voire s’opposer, il est peut-être fatigué ou on lui demande quelque chose qui le met en échec. Expliquer aux autres les limitations fonctionnelles de l’enfant dyspraxique et les difficultés qu’elles engendrent dans des situations qui paraissent banales aux autres. Insister sur la tolérance. Au niveau de l’autonomie : Pendant la collation, l’enfant peut manger lentement, se salir, renverser son verre ou sa compote ! Il peut avoir des difficultés pour se laver les mains, prendre du savon, se frotter les mains, s’essuyer avec la serviette, se moucher ou se rhabiller après le passage aux toilettes. Il peut avoir des soucis au niveau de la propreté. La peur de demander de l’aide à l’hygiène (estime de soi) peut provoquer des accidents. Il peut avoir du mal à s’habiller, se déshabiller, accrocher son manteau, enlever et remettre ses chaussures, retrouver ses affaires, oublier fréquemment ses affaires, avoir du mal à ranger et à trouver son casier. “Je découpe pour lui lorsque c’est nécessaire, sa trousse est sur mon bureau, je lui donne ses outils selon les besoins. J’instaure un parrainage de ses camarades pour gérer la sortie et rangement des cahiers.” Témoignage de Bernadette, institutrice. 34 Réadaptation N°522 On peut prévoir des pots à crayons qui restent en classe. Il sera peut-être gêné pour descendre les escaliers, porter son cartable. Expliquer les difficultés aux autres enfants de la classe. C’est important pour que l’enfant dyspraxique ne soit pas sujet aux moqueries, à la jalousie (il a un ordinateur, il a moins d’exercices à faire, il n’a pas besoin de copier au tableau...). “En CP, les élèves ne comprenaient pas pourquoi Benjamin n’arrivait pas à écrire alors qu’il avait un an de plus qu’eux. Ils dénigraient les dessins que Benjamin offrait. La directrice du SESSAD s’est alors déplacée à l’école pour expliquer ses difficultés et initier un dialogue dans la classe. Benjamin a pris la parole pour expliquer que ses yeux et sa main ne travaillaient pas ensemble et qu’il allait avoir un ordinateur.” Témoignage de Françoise, maman de Benjamin. “Comme les autres n’étaient pas contents, la maîtresse leur a expliqué ce qu’était la dyspraxie. J’ai senti qu’il reprenait confiance et ce matin il n’a pas pleuré pour aller à l’école, contrairement aux autres jours où depuis quelques temps, c’était la galère tous les matins (maman j’aime pas l’école). Il faut dire que récemment, après avoir informé l’école, la maîtresse a adapté le travail de Kévin. Je précise que nous avons la chance qu’il soit dans une école, ouverte et compréDessin de Guillaume hensive aux problèmes d’apprentissages. J’ai remis à la maîtresse une documentation sur la dyspraxie, ce qu’elle a beaucoup apprécié. Ils n’ont jamais eu un tel cas dans l’école mais elle m’a dit qu’on saura comment agir si on a un nouvel élève dans le même cas que Kévin.” Témoignage de Danièle, maman de Kévin. “C’est à la maîtresse d’expliquer les difficultés car si les enfants sont aussi injustes, c’est parce qu’ils sont dans l’ignorance. Les enfants comprennent très bien quand on leur explique et quand ils sont informés. À chaque classe, les maîtresses ont toujours expliqué en début d’année les difficultés de mon fils et il n’a jamais subi de moqueries au niveau du sport ou en activité de dessins. Enfin, pour le moment, et j’espère qu’il n’aura jamais ce genre de choses à subir, il a subi assez comme çà. Je vais vous donner un exemple. Mon fils était en CE1 l’année dernière et les enfants savaient qu’il avait des difficultés au niveau du dessin, etc. Et bien, il y en avait toujours un de la classe qui l’aidait. Maintenant il a changé d’école et j’ai revu un ancien camarade, et bien fier de me dire que cette année il y avait un autre enfant dans sa classe avec les mêmes difficultés que mon fils et que la classe l’aidait. Et il m’a dit – Maintenant on a l’habitude, on sait comment faire pour l’aider ! J’étais émue. Les enfants s’entraident.” Témoignage de Stéphanie, maman de Nicolas. Témoignage d’un instituteur spécialisé dans une CLIS accueillant des enfants dyspraxiques Eric Hurtrez, Instituteur Spécialisé, CLIS 4 Longuenesse Pasteur (62) J Éric Hurtrez ’exerce depuis septembre 2001 dans une CLIS pour enfants porteurs de troubles spécifiques du langage. Créée en septembre 2000 à la demande d’une Inspectrice AIS, d’un Inspecteur de l’Education Nationale, d’un neuropédiatre, d’un neuropsychologue et d’un directeur de SESAD, elle regroupe des élèves dépistés comme dysphasiques, dyspraxiques ou dyslexiques. Elle comprend douze élèves âgés de 6 à 11 ans. La diversité des pathologies et l’hétérogénéité des classes d’âge obligent à un enseignement très individualisé basé sur les besoins cognitifs, affectifs et sociaux de chacun. Un SESAD Spécifique a été créé en septembre 2001 et se situe dans les locaux même de l’école. Des salles adaptées sont occupées par une orthophoniste, une ergothérapeute, une psychomotricienne, une neuropsychologue et une neuropédiatre. Pour les enfants dyspraxiques, l’ergothérapeute travaille à l’utilisation de l’outil informatique sur les deux axes rééducatifs et réadaptatifs, les deux étant fortement intriqués : apprentissage du clavier caché, fonctions de base du PC, automatisation et vitesse de frappe, etc. La psychomotricienne intervient au niveau du schéma corporel et de l’image du corps, de l’espacetemps, du contrôle postural et du tonus. L’objectif est que l’enfant puisse prendre du plaisir à être en mouvement. Les élèves partagent leur temps entre les moments d’apprentissage dans ma classe, les intégrations dans les classes ordinaires de l’école et les rééducations thérapeutiques. Chaque élève de la CLIS participe au projet des classes dans laquelle il est intégré et la participation et l’implication dans un groupe d’appartenance conforte l’idée d’une intégration réussie et par voie de conséquence en est un facteur important d’insertion sociale. Les démarches pédagogiques décrites cidessous sont le fruit d’une expérience avec des élèves dyspraxiques visuo-spatiaux aux besoins spécifiques particuliers. Elles sont des trames générales réajustables en fonction des projets individualisés de chaque élève. Chacun s’attachera bien sûr à compléter par des expériences issues d’autres personnes et d’autres lieux. L’apprentissage de la lecture chez mes élèves dyspraxiques visuo-spatiaux avec intégration au CP La démarche pédagogique mise en place est inspirée des propos tenus par Mme Mazeau concernant les difficultés d’acquisition liées aux troubles du regard et de la construction de l’espace à deux dimensions : “Les apprentissages en écrit précèdent ceux faits en lecture. La lecture se met en place après que l’élève ait construit ses représentations de l’oral sous forme de suites de lettres organisées séquentiellement et ordonnées de gauche à droite (= épellation), et qu’il soit capable de les évoquer. On cherche donc à privilégier la construction de l’écrit par les voies auditivo-verbales.” (Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de l’enfant. M. Mazeau, Ed Masson, p. 84). Les difficultés d’accès à un lexique orthographique imposent le choix d’une méthode analytique bien indépendamment du débat sur les avantages et inconvénients de telle ou telle méthode. Les élèves travaillent sur clavier caché (photo 1) dont la configuration et le choix de la police, de sa taille et de son style ont été évalués au mieux par l’ergothérapeute en fonction de chaque élève. La police Times New Roman normal est en général utilisée dans la mesure où elle représente, semble-t-il, 80% des caractères utilisés dans la majorité des livres scolaires. Le passage sous d’autres polices et au lié Réadaptation N°522 35 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Photo 1 Photo 2 s’effectue après apprentissage de la lecture et s’effectue relativement bien avec l’aide de l’accès au sens. PHONOLOGIE AU CP : Dans les moments d’intégration au CP, mes élèves participent verbalement à la mise en place du nouveau texte de lecture. Quand la classe découvre un nouveau son et les syllabes associées, la maîtresse fait régulièrement segmenter oralement les mots en syllabes puis épeler les lettres qui les composent par tous les élèves sans aucun support écrit sur le tableau, le livre ou le cahier. Elle privilégie la phonétique des consonnes plutôt que leur nom alphabétique. Des exercices d’épellation de mots sont enfin systématisés. Ex: Gafi le fantôme (Ed. Nathan) (livre utilisé au CP) page 39 : Découverte de la voyelle orale [u] [o][y] puis route rou te [r][o][y] [t][∂] Apprentissage de la syllabe : Le Pictop (photo 2) permet d’écrire avant de lire. Il permet à l’élève de s’approprier une graphie constante, stable et lisible de chaque lettre de l’alphabet et d’en “automatiser” la correspondance phonétique par un retour verbal. Il permet également d’acquérir les règles de correspondance entre l’oral et l’écrit. Le travail sur les syllabes selon le principe énoncé plus haut s’effectue aisément. Il arrive néanmoins que l’élève confonde de temps à autre des lettres spatialement proches, mais l’accès au sens lui permet de se corriger. (Ex : Le singe mange une danane... euh... une banane). Par expérience, un élève a tendance à “se lasser” du Pictop dès lors qu’il aura acquis toutes les lettres. Certaines difficultés réapparaissent à l’apprentissage des digraphes ou des diconsonnantiques. Il convient alors de travailler sous forme de contrat avec lui : en cas d’échec, le Pictop s’imposera de nouveau mais ponctuellement. Les tableaux flash (photo 3a et 3b) renforcent le travail précédent. Ils permettent la Photo 3a. Les élèves remplissent les cases [u] en dictée sur clavier en fonction des lettres acquises dans la progression. Ils écrivent à nouveau pour mieux lire encore. Privilégier la phonétique des consonnes plutôt que leur nom alphabétique. Tableau général de la démarche pédagogique mise en place Photo 3b. Lecture des syllabes. Par un jeu de touches de raccourci, le maître fait apparaître et disparaître une case à la fois : une seule prise d’indice. Ici, les élèves lisent après avoir écrit. 36 Réadaptation N°522 lecture de syllabes ou de mots-outils de manière isolée et photographique (sans la surcharge visuelle d’un tableau de syllabes classique). De plus, le maître peut contrôler le temps d’apparition de l’information. Cette activité, toujours menée en séquence très courte parce que volumineuse sur le plan du coût cognitif mais répétée dans la journée, peut se conduire en groupe de 2 ou 3 élèves sous forme de compétition en terme de vitesse de lecture, ce qui amplifie la motivation. Les élèves peuvent remplir les cases en activité de dictée. Enfin, un côté ludique induit par le matériel informatique favorise cet apprentissage. L’opposition syllabique en couleurs permet de soulager la mémoire de travail de l’élève. Elle est une aide temporaire au découpage syllabique des mots et évite l’emploi de traits de césure syllabique qui seraient des afférences visuelles supplémentaires et nocives visuellement. On peut utiliser le rouge et le bleu, le gris étant utilisé par les lettres qui ne se prononcent pas. (L’imprégnation syllabique. D. GarnierLazek, cédérom, Ed. OrthoEdition ). Concrètement : l’enfant lit une liste (ici incomplète) de mots : tou : une toupie - tout mou : une moule rou : une roue - la route - il roule Puis une liste de phrases (les majuscules ne sont pas proposées, l’objectif étant de ne rien construire sur du sable, elles seront proposées une fois l’appréhension visuelle des minuscules bien acquise) : mélanie s’est coupée et sa maman lave la coupure avec de l’ouate. le chat pacha attrape la souris. Par expérience, c’est l’élève, en confiance et en progrès dans ses apprentissages, qui demandera de lui-même à supprimer une couleur, puis les autres pour “lire comme tout le monde”. Louise a amené des bonbons à l’école (l’opposition syllabique est préservée). Au final, il arrive que des confusions dans la segmentation (Ex : la route = la ro-ute) persistent, le coloriage temporaire des digraphes et trigraphes est proposé. Il joue alors un rôle de soutien attentionnel efficace : Les élèves jouent au ballon dans la cour et doivent faire attention de ne pas casser les carreaux. Remarque : En évaluation, il est courant de proposer la lecture orale de lettres, puis de syllabes, puis de mots, puis de phrases et enfin de textes. Les dépenses cognitives pour des enfants dyspraxiques restent toujours massives et une certaine fatigue s’installe rapidement : si la lecture de lettres, de syllabes et des mots se passe bien, des erreurs sont notables à la lecture des phrases et les textes sont chutés. Il faut donc proposer d’abord les textes. S’ils savent lire les textes, cela signifie qu’ils sauront lire le reste... qu’il est donc inutile de proposer et ainsi l’énergie est préservée. ACTE DE LECTURE = ACCÈS AU SENS Les textes de lecture travaillés au CP sont repris dans la classe avec adaptations (photo Photo 4. Texte de la page 38 du livre Gafi le fantôme n°1. Des soulignages en couleur aident à fixer le regard sur les lignes. Les barres verticales aident le regard trouver le début de ligne (vert) ou le retour à la ligne (rouge). Les syllabes acquises selon la progression de la maîtresse du CP sont colorées en opposition syllabique en couleurs. Elles aident à retrouver le déchiffrage des mots dans la mesure où l’enfant était présent à la préparation du texte. Photo 5. Exercice de lecture adapté pour le PC. Volontairement, le maître n’a pas présenté la fiche d’exercice en opposition syllabique en couleur. L’objectif est de vérifier les acquisitions et de permettre à l’élève d’accéder à une lecture plus conventionnelle (noir sur blanc). En cas de grosses difficultés, il est toujours possible de rajouter la couleur. Sur l’écran, il est possible d’aérer encore plus la présentation en ne présentant qu’une seule ligne à la fois. 4) : opposition syllabique en couleur, soulignages au feutre fluo ou en imprimé selon un algorythme vert - jaune - bleu - rouge utilisé dans toutes les présentations (lecture, mathématiques, textes des activités de découverte du monde), aides orales pour les mots irréguliers ou mots dont l’acquisition doit être globale dans la progression du livre. À chaque texte correspond une fiche d’exercices sur PC (photo 5) s’il y a du texte à écrire, ou à la main pour des exercices du type “Réponds parVrai ou Faux”, le v et le f suffisent à répondre, ou un code couleur si la dysgraphie est massive. L’élève construit donc du sens et appréhende les structures syntaxiques et les composantes lexicales tout à fait normalement. Au total, la lecture orale est syllabique compte tenu des troubles du regard, mais rapide, et l’accès au sens est abouti. L’expérience de l’entraînement à la lecture mènera à la fluidité. ORTHOGRAPHE D’USAGE ET GRAMMATICALE Les activités d’orthographe sont appréhendées corrélativement avec l’apprentissage des sons. Avec le Pictop dans un premier temps pour s’assurer d’un retour verbal, ou sur un traitement de texte classique ensuite. La technique employée dans la classe est d’épeler le mot mentalement, puis de l’écrire sur clavier caché et écran caché. Cette technique évite des aller-retours écran - clavier nocifs visuellement et favorise la vitesse de frappe. Elle permet surtout de pallier d’éventuels troubles de l’attention et de la concentration en restant dans une démarche de mono-tâche. En autonomie, on peut proposer l’enregistrement de la dictée sur le magnétophone du PC en verbalisant les espaces : [le chat pacha attrape la souris] = [le espace chat espace pacha espace attrape espace la espace souris]. Le logiciel Abalexic (P. Cheve, téléchargeable sur le net) permet également une bonne autonomie à l’apprentissage de l’orthographe. Le correcteur d’orthographe des traitements de texte reste inefficace si la dysorthographie est importante et si les espaces ne sont pas respectés. La conjugaison et la grammaire améliorent l’expression écrite et le respect des espaces. “Mélanie abite à la campagne dens une grende maison blanche. Devant la porte dantré, il i à de trè bèle fleres” (Elève DVS du CE2). Si les règles grammaticales et la phonologie sont dans l’ensemble respectées, le non-accès au lexique orthographique reste un obstacle à l’orthographe qui demande encore à être approfondie. Les mathématiques : Les difficultés rencontrées en mathématiques par les enfants présentant une dyspraxie visuo-spatiale sont directement liées aux difficultés d’exploration spatiale qu’ils rencontrent. Mais ils sont compétents en terme de conceptualisation des notions mathématiques et en raisonnement logique. LE NOMBRE Pour lutter contre une potentielle dyscalculie spatiale, nous permettons à l’enfant DVS de se construire une représentation du nombre qui ne soit pas visuelle ou en tous les cas le moins possible. Pour éviter les activités de dénombrement et de comptage d’une collection, nous lui proposons une présentation des collections aux dispositions non aléatoires comme celles des constellations de dés jusqu’à 5 et en favorisant le subitising. Cela permet d’accéder au processus de mentalisation du nombre en utilisant les images mentales des constellations des quantités utilisées. Il faut éviter les exercices où il s’agit de relier des collections à des nombres, exercices toujours trop spatiaux. Nous insistons particulièrement sur les suites numériques orales des nombres par la mémorisation de comptines (de 2 en 2, la dizaine, décompter, les doubles, etc.). On s’appuie sur une file numérique pour travailler les notions d’ajout et de retrait de petites collections (on “avance” et on “recule” sur la file numérique). Cette procédure aidera au calcul réfléchi d’une soustraction ou d’une addition. L’écriture des nombres est rendue difficile de par leur construction spatiale. On peut utiliser un code couleur pour faciliter la lecture. Ce code permet à l’enfant de connaître dès le début de la lecture du nombre (à gauche) si le premier chiffre est une centaine, une dizaine, etc. et lui évite des aller-retours épuisants avec le regard entre le début à gauche, le compta- Réadaptation N°522 37 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES ge du nombre de chiffres, le retour à gauche, etc. Des points (les espaces ne sont pas signifiants pour un enfant dyspraxique visuo-spatial) séparent les classes des unités, des mille, des millions, etc. 47.302 On peut supprimer les couleurs à la demande l’enfant. Mais cette procédure aura des limites évidentes pour les grands nombres. Il convient de proposer alors un clavier numérique ou une calculatrice dès que le besoin s’en fait sentir. Nous utilisons également la comptine numérique “à l’asiatique” en parallèle avec la comptine traditionnelle. Elle permet un accès à la numération décimale efficace et facilement mémorisable. Elle évite les confusions de lecture et d’écriture des nombres tels que 60 et 70 (6010), 85 et 95 (8015). Elle évite les oublis des zéros quelque soient leurs positions. Quand la taille des collections est grande, ces changements d’unités sont explicites. Le vocabulaire utilisé est très réduit. Elle permet un meilleur accès au calcul réfléchi. 452 : 4 cent 5 dix 2. 1.063 : 1 mille 6 dix 3 (J’apprends les maths avec Tchou de R. Brissiaud Livre du maître CP Ed. Retz). LE CALCUL Le calcul mental et le calcul réfléchi peuvent aider à compenser une dyscalculie spatiale. Nous travaillons en priorité sur les compléments à 5 et les décompositions de 10 en utilisant des boîtes à constellations (photo 6) fabriquées en classe et qui favorisent le subitising et la représentation mentale des nombres. L’élève utilise alors la stratégie qui lui convient le mieux pour effectuer des opérations (additions et soustractions). L’apprentissage “par cœur” des tables complètes d’addition et Photo 6a. À partir d’un problème simple : “Rémi a quatre billes en début de récréation. Il en gagne 3. Combien en a-t-il en rentrant en classe ? (verbaliser). Les boîtes permettent d’utiliser des constellations stables et favorisent le subitising. 38 Réadaptation N°522 Photo 6b. Complément à 5 pour effectuer l’opération. Le demi couvercle fermé signifie une constellation de 5 et favorise la mentalisation de ce nombre. Photo 6c. La boîte fermée signifie une dizaine. Elle est symbolisée par le rectangle rouge et aidera à la lecture des nombres où les dizaines sont écrites en rouge. Cette boîte est très complémentaire des boîtes de Picbille ou Tchou de Rémi Brissiaud. soustraction est alors inutile (photo 7). Cependant, une bonne mémoire de travail est indispensable. 8 + 5 = 5 + 5 + 3 = 10 + 3 = 13 (complément à 5) ou 8 + 5 = 10 + 3 = 13 (décomposition de 10). Photo 7. Les stratégies sont identiques pour des opérations avec ou sans retenues plus importantes (25 + 36 = 20 + 5 + 30 + 6 = 50 + 10 + 1 = 60 + 1 = 61). La verbalisation est une compensation précieuse car elle permet de mettre en place des stratégies de compensation et de mémoriser des algorithmes indispensables d’une part pour la compréhension des acquisitions et d’autre part pour permettre à l’élève de s’auto évaluer. La pose et la résolution des quatre opérations imposent des mécanismes essentiellement spatiaux avec des exigences plus importantes en ce qui concerne la multiplication et la division où des décalages, alignements, etc., interviennent fréquemment. Le sens de l’opération et la résolution de problèmes sont plus importants et l’usage de la calculette dans le calcul des opérations est pertinent pour ces élèves. LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES L’essentiel est de vérifier la compréhension du problème en gardant à l’esprit les probables déboires spatiaux provoqués par les présentations elles-mêmes : tableaux, images, diagrammes, etc... Il convient de favoriser le recours à une formalisation du problème, essentiellement par la verbalisation. Si les élèves résolvent leurs problèmes sur fiche papier, c’est le raisonnement qui est évalué, pas la qualité graphique. LA GÉOMÉTRIE Les difficultés pour un enfant DVS sont de trois ordres : la lecture de figures planes, la réalisation de figures géométriques et l’utilisation d’outils géométriques. La voie auditivo-verbale peut permettre d’acquérir certaines notions formelles concernant des propriétés de certaines figures: un carré a 4 angles droits et ses 4 côtés égaux... Elle permet de résoudre des problèmes comme le calcul de périmètres, d’aires, etc... Les logiciels Cabri géomètre (CABRILOG) et Géotracé (CNEFEI) aident à suppléer les déficiences. Un logiciel qui permettrait le tracé de figures géométriques sur commande vocale ou sur commande texte complèterait l’efficacité des apprentissages en géométrie : “Je trace un segment de droite [AB] de longueur 8 cm. Je trace une perpendiculaire [BC] de longueur 4cm. Etc.” Témoignage d’un enseignant de la CLIS Dyspraxique (91) Après plusieurs années passées en Institut d’Education Motrice auprès d’adolescents handicapés moteurs, je m’occupe depuis le début de l’année scolaire 2004-2005 d’une Clis pour élèves dyspraxiques à l’école élémentaire Paul Langevin de Corbeil-Essonnes (91). Ce dispositif expérimental pour l’année en cours a pour objectif d’accueillir des enfants dont la dyspraxie est le trouble majeur, les éventuels troubles associés ne devant pas être dominants. Les élèves doivent être capables de suivre le rythme d’une classe d’accueil de leur niveau scolaire, mon rôle étant de leur permettre de suivre le projet de cette classe d’accueil en les y intégrant le plus souvent possible. Je leur propose donc un projet individualisé évoluant au fil de l’année en fonction de leurs capacités et de leurs besoins. Pour atteindre cet objectif, il était nécessaire d’anticiper les difficultés des élèves afin de leur proposer des adaptations pédagogiques, didactiques et matérielles adaptées qui leur permettent de sortir le moins souvent de la classe. Cela ne peut se faire qu’avec un travail d’équipe très régulier. Lorsque la difficulté est majeure, ils bénéficient de temps individualisés pour travailler cette compétence dans la salle de la Clis, dans un cadre spécifique, au calme. Leur emploi du temps est donc personnalisé pour leur permettre de vivre une scolarité la plus “normale” possible. Après quelques mois de fonctionnement, je peux me rendre compte combien il est important pour eux que leur trouble soit reconnu pour progresser ; ces élèves sont volontaires, ils ont une envie évidente de montrer ce dont ils sont capables mais, pour cela, ils ont besoin d’être aidés car ils ne peuvent résoudre seuls certaines de leurs difficultés et ils ne peuvent porter tout seuls le poids de ce trouble handicapant. Il est donc nécessaire de les soutenir, de les accompagner tout au long de leur scolarité pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes ; il est étonnant de constater, au quotidien, leur volonté d’être au niveau pour rester dans leur classe d’accueil, de faire plaisir à l’enseignant de celleci en leur montrant qu’ils peuvent faire comme les autres si on leur en donne la possibilité, souvent au détriment de leur fatigabilité. En effet, si l’enseignant est à leur écoute, ils peuvent alors se sentir en confiance, redoubler d’efforts (même si cela n’est pas toujours perceptible pour l’observateur) et se montrer performants en utilisant toutes leurs compétences. Cependant, ils apprécient ces moments privilégiés où ils sortent de la classe pour venir travailler en individuel, ce qui constitue pour eux une forme de reconnaissance de leur spécificité. En effet, la dyspraxie se présente sous différents aspects ; si certains profils sont repérables en fonction du comportement ou de la nature de la dyspraxie, chaque enfant est unique, avec sa déficience qui, selon les troubles à auxquels elle est associée, donne à chacun toute sa spécificité. Souvent, ils sont intelligents, performants à l’oral, dotés d’une bonne mémoire et d’une bonne culture générale. Parallèlement, certains d’entre eux indisciplinés, difficiles à canaliser mais très attachants par leur sincérité avec toujours cette volonté de bien faire, même si les résultats sont parfois éloignés de ce que l’on attend d’eux. D’autres sont à l’inverse renfermés. Cette diversité de comportement ne les empêche pas, tous, de fournir toujours les efforts nécessaires, tant que ce qu’on leur demande est à leur portée. Cerner leurs capacités, leur état de forme, est donc primordial dans l’élaboration de leur emploi du temps et des préparations, car cela influe énormément sur les résultats, leur attitude et donc l’opinion que l’on peut avoir d’eux. Il est primordial que ces enfants aient confiance en eux et ne soient pas durement jugés sur les paramètres qu’ils ne peuvent pas maîtriser (la graphie par exemple) pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Les cadrer pour qu’ils restent concentrés est donc parfois difficile mais cela est nécessaire pour qu’ils soient réceptifs ; Les enfants l’acceptent tant que les remarques sont faites en tenant compte de leur trouble, avec respect de celui-ci pour ne pas être injuste. Privilégier le dialogue avec ces élèves s’avère en réalité efficace, ainsi qu’avec leurs parents qui sont eux aussi compréhensifs à notre égard et au leur. Ces enfants sont à la recherche d’une stabilité ; ce dispositif est là pour la leur donner. A partir de là, en s’appuyant sur un travail d’équipe pluridisciplinaire, ils peuvent se montrer travailleurs, persévérants, au point qu’il est parfois nécessaire de leur dire de se préserver car ils veulent faire comme les autres, alors que c’est très fatigant pour eux pour certaines tâches. Enfin, j’ai été frappé par les commentaires des parents qui nous ont témoigné du changement de comportement de leur enfant depuis leur arrivée dans ce dispositif ; ils ont retrouvé, pour certains, l’envie d’apprendre qu’ils avaient perdue ; Cela ne signifie pas que nous soyons plus réceptifs que nos collègues à leurs difficultés : en effet, prendre en compte la spécificité du trouble dyspraxique au sein d’un effectif important est extrêmement difficile. Simplement, cela est rendu possible par les moyens qui nous sont attribués pour accorder du temps à ces élèves dans l’automatisation de certaines compétences, pour faire les verbaliser au sein de petits groupes, pour adapter les écrits, pour leur offrir des moments de “repos” en adaptant les emplois du temps,... Cyril Petit Réadaptation N°522 39 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Dyspraxie visuo-spatiale et écriture au clavier Pourquoi ? Comment ? Claire Le Lostec, ergothérapeute A ctuellement l’ordinateur est assez souvent conseillé comme outil palliatif. Cependant, sa mise en place ne peut se faire sur un mode habituel, compte tenu des fréquentes difficultés neuro-visuelles. Fournir le matériel à l’enfant, sans aides adaptées, ne suffit pas à régler le problème, et aggrave les sentiments d’échec et d’impuissance, de l’enfant, de l’école et de la famille. Introduction Dans la langue française le mot écriture est utilisé à la fois pour le geste moteur qui consiste à dessiner des lettres (calligraphie) et pour l’aspect conceptuel du langage écrit, c’est-à-dire la traduction de la pensée ou de la parole en signes alphabétiques. L’écriture manuelle est, dans la vie quotidienne, scolaire, professionnelle et sociale, un moyen incontournable de communication, il faut pouvoir écrire et pouvoir être lu y compris par soi-même. C’est le moyen le plus simple de laisser une trace écrite quand l’apprentissage a été automatisé. Sans entrer dans le détail du conflit qui se fait jour dès qu’on parle de mettre en place une écriture “clavier”, il faut signaler que l’aspect calligraphique de l’écriture reste souvent très investi, même s’il est inefficace. La calligraphie est l’art de former d’une façon élégante et ornée les caractères de l’écriture (Larousse), la notion de beauté dans l’écriture donne souvent lieu à un jugement de la valeur de ce qui est écrit (“il écrit comme un cochon !”). 40 Réadaptation N°522 Or, cela n’est pas en effet un problème d’écrire “mal” si la déformation est constante, l’auteur peut se relire, les autres lecteurs aussi (avec parfois un peu d’habitude). Ce n’est pas le cas des dyspraxiques1 pour lesquels la déformation sera inconstante, fluctuante et ne concernera pas toujours les mêmes lettres. Il y a donc souvent une confusion entre le coté esthétique de l’écriture et son aspect fonctionnel. En ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture et surtout son utilisation dans la scolarité, il ne faut pas oublier que pour être utilisable, une écriture doit être rapide et lisible et surtout automatisée. Habituellement l’apprentissage de l’écriture manuscrite débute en calligraphie (en grande section de maternelle), elle s’automatise secondairement, (en primaire) pour que l’enfant puisse ensuite se consacrer au sens de ce qu’il écrit et non pas à la forme. Il convient aussi de préciser d’emblée que les ergothérapeutes ne travaillent pas à l’apprentissage de l’écriture mais à la mise en place d’un outil permettant à l’enseignant de le faire. 1. Dyspraxie : trouble de la préprogrammation du geste. 2. La DVS associe une dyspraxie constructive, un trouble spatial et un trouble neurovisuel.[1] Indications du clavier Dans le cadre d’une dyspraxie visuo-spatiale2, les enfants se trouvent confrontés à une difficulté d’ordre spatial pour l’organisation des traits et des boucles qui constituent notre écriture. Quand cette difficulté est très importante, elle requiert toute leur attention et reste une activité en permanence volontaire, consacrée uniquement à l’aspect calligraphique et qui ne s’automatise jamais. Par contre, le geste de taper sur une touche n’est pas une praxie constructive, la frappe ne demande pas la gestion de plusieurs gestes complexes, mais requiert plutôt des capacités (à minima) de motricité fine, telle la dissociation des doigts et la précision de frappe. Sans l’indispensable automatisation du geste, l’enfant ne peut utiliser facilement ses capacités cognitives pour des aspects plus grammaticaux, orthographiques, de raisonnement, ou pour mobiliser son attention pour écouter les consignes. Si l’on persiste à encourager une écriture manuelle l’enfant doit dans le même temps réfléchir au sens de ce qu’il écrit et à l’organisation du geste qu’il produit, il le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES est alors placé en “double tâche3”, le coût cognitif de son activité est énorme et va ralentir l’ensemble de ces activités. Par ailleurs, la forme graphique générale du mot permet d’en fixer une image globale qui participe à la mise en place de l’orthographe d’usage, il y a donc un risque, lorsque l’enfant ne peut se relire, de favoriser secondairement une dysorthographie. Quand la dysgraphie est importante, la nécessité de la mise en place d’un système palliatif est évidente. Par contre, lorsque l’écriture semble possible, c’est-àdire lisible, se pose encore le problème de la vitesse d’écriture. En effet, le besoin de rentabilité graphique croît au fur et à mesure de la scolarité de l’enfant. Une vitesse moyenne est acceptable jusqu’au début du CM, mais, au-delà, elle ne répondra plus aux impératifs scolaires et surtout aux objectifs pédagogiques. Il faut encore noter que la mise en place d’un clavier pour l’écriture n’empêche pas de continuer à utiliser l’écriture manuelle qui dans la vie quotidienne sera toujours utile, par exemple pour des tâches très simples (phrases à trous, imprimés administratifs), ou le plaisir d’écrire un courrier par exemple. Le clavier conserve alors un aspect fonctionnel, efficace et rapide pour la scolarité, où l’on n’écrit pas pour écrire, mais comme support pour d’autres acquisitions. L’apprentissage du clavier BILANS PRÉALABLES Évaluation de l’importance de la DVS. Évaluation de la vitesse d’écriture et évaluation de la qualité graphique. Prise en compte de la qualité du champ visuel fonctionnel pour déterminer les secteurs les plus efficaces et les conséquences sur le positionnement de l’enfant et du clavier. 3. Une double tâche : il est possible de réaliser deux tâches distinctes en même temps à partir du moment ou l’une au moins de ces tâches est automatisée. Ex : réciter la comptine numérique tout en marchant sur une poutre. La comptine est automatisée, alors l’attention peut se focaliser sur l’endroit où doivent se poser les pieds pour ne pas tomber. Si aucune des deux tâches n’est bien automatisée (tracer des lettres et retenir une consigne), les mener ensemble induit une baisse de performance importante, ou un échec dans chacune des deux tâches.[2] “Je démarre au feu vert et je m’arrête au feu rouge”. Bilan de la motricité globale afin de déterminer l’installation générale capable de favoriser la fonction. On testera en particulier les aptitudes posturales du tronc pour choisir les détails de la position assise, mais aussi le positionnement du clavier. Bilan de la motricité des membres supérieurs : D’une part, la détermination des secteurs efficaces de mobilité globale : capacités de fixation posturale de l’épaule, efficacité des automatismes neuro-moteurs du membre supérieur. D’autre part, la motricité des doigts : motricité fine distale, capacité de dissociation, précision du pointage, présence éventuelle de syncinésies. On cherche une autonomie maximale de l’enfant : on peut évidemment proposer une écriture clavier à deux mains et avec tous les doigts, néanmoins, pour des raisons motrices ou praxiques on est le plus souvent amené à choisir la frappe avec deux doigts voire un seul si cela permet finalement d’améliorer la vitesse et la rentabilité de l’écriture, et sa lisibilité par l’enfant ou par un tiers. PRÉPARATION DU CLAVIER Habituellement, l’apprentissage du clavier se fait en utilisant des logiciels du commerce, dont la progression est bien contrôlée. Cependant, ces méthodes “classiques” supposent une excellente maîtrise gestuelle des 10 doigts, l’absence de trouble oculaire et induisent souvent des confusions car les lettres sont apprises soit en miroir (ex : O/Z, position en “miroir” sur le clavier), soit par zone d’utilisation d’un doigt ( ex : toutes les lettres tapées par l’index gauche). On rappelle que dans le cadre d’une D.V.S, le but est d’alléger la situation de double tâche, de faire l’économie cognitive d’une écriture manuelle non automatisée et donc strictement calligraphique. Il ne faut pas oublier que les stratégies oculomotrices sont affectées, (balayages, exploration, fixation), la réception et la compréhension dans le cerveau des informations envoyées par l’œil peuvent l’être également (trouble gnosique visuel éventuel). Si l’enfant doit rechercher avec ses yeux les touches du clavier, puis reconnaître les symboles imprimés dessus, ce qui du fait de la prégnance de l’écrit sera inévitable, il va se trouver encore en double tâche : nous aurons simplement changé de tâche. 4. La mémoire topologique est généralement très efficace chez ces enfants. Réadaptation N°522 41 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Si nous voulons qu’il puisse automatiser la frappe, il convient de changer de porte d’entrée, c’est ce qui a conduit à imaginer une stratégie dans laquelle on va faire mémoriser à l’enfant des repères topologiques, en cachant les lettres du clavier pour supprimer la recherche visuelle, longue, laborieuse et fatigante pour l’enfant.4 On peut d’ailleurs signaler que dans les apprentissages de dactylographie classique (hors contexte de D.V.S.) le clavier est également caché, condition sine qua non d’acquisition de la vitesse de frappe. On va donc utiliser un système de repères de position, qu’il faut considérer dans un cadre global. Il faut donc successivement s’intéresser à : L’installation générale de l’enfant. Le positionnement de sa machine par rapport à lui. L’apprentissage de la position de chaque lettre sur le clavier On dispose des gommettes de couleur sur les lettres, en utisant la séparation classique droite/gauche. Nous avons choisi d’utiliser les gommettes rouges et vertes déjà utilisées en rééducation neuro visuelle et en repérage sur les écrans et tous les documents écrits pour donner le sens de la lecture. Le vert est à gauche, le rouge à droite et on dit : “je démarre au feu vert et je m’arrête au feu rouge ”. PROTOCOLE INITIAL Cette démarche est le fruit des différentes observations d’enfants, avec un recul de plus de dix années pour certains, de l’apport de la neuro psychologie à la compréhension des troubles d’enfants porteurs de D.V.S., mais aussi d’une démarche pragmatique. En aucun cas cette “méthode” n’est figée, elle peut et doit encore évoluer, se compléter et sans doute se modifier. Ce qui est présenté ici est ce à quoi nous sommes arrivés pour l’instant. L’apprentissage du clavier s’il est indiqué, doit idéalement commencer dès la grande section de maternelle et va durer environ 18 mois, 2 ans à raison de deux séances d’ergothérapie par semaine. Dans un premier temps, l’adulte va gérer les ensembles des réglages de 42 Réadaptation N°522 l’ordinateur, de sorte que l’enfant puisse se consacrer uniquement au repérage de l’emplacement des lettres et à l’automatisation de son apprentissage. L’apprentissage débute en majuscules. En effet, dans le cadre d’un trouble spatial, le recours aux minuscules entraîne souvent des confusions (d et b, p et q etc.). On utilise les lettres du prénom de l’enfant, c’est un “mot” qu’il connaît en général bien et qu’il peut même épeler. Si son prénom est long, on le segmente, on commence avec 3 ou 4 lettres. L’adulte va lui montrer sur le clavier l’emplacement des lettres en les nommant. En grande section de maternelle, il faut alors préciser à l’enfant que les lettres ont un nom et qu’elles font un son, que c’est ce nom et ce son que l’on va utiliser pour apprendre leur position sur le clavier. Pour certains il est intéressant d’associer un geste (type Borel-Maisonny) qui permet de vérifier qu’on est bien d’accord avec l’enfant, sur la lettre demandée. Si l’enfant est dysarthrique et que les sons qu’il produit ne sont pas fiables, ou en cas de difficultés gnosiques auditives, quand peuvent se produire pour l’enfant des confusions (P/B, M/N, K/G, G/J...), il faut éviter l’oralisation. Dans tous les cas il est souhaitable de travailler en lien avec l’enseignant pour essayer de suivre si possible la même progression. Après avoir montré à l’enfant l’emplacement des lettres, on lui propose de les taper en les lui dictant. Il faut aussi tout de suite introduire l’espace entre chaque mot ou série de mot, il est essentiel pour la segmentation et souvent difficile à automatiser. Exemple : le jeu de la marchande : L’enfant tient le rôle du marchand de lettres, il dispose des lettres qu’il connaît pour le moment, bien rangées “dans des tiroirs”. Pour les sortir, il suffit de taper sur la bonne touche et la lettre s’écrit. L’adulte lui achète ses lettres ; on peut évidemment les acheter dans le désordre (c’est à dire dans un ordre différent de celui du prénom). On peut aussi inverser les rôles : l’enfant demande les lettres mais l’adulte va quelquefois se tromper de “tiroir”, l’enfant doit alors lui signaler son erreur sans lire le résultat qui s’écrit, mais simplement en regardant quelle touche l’adulte a choisi. On peut également montrer l’emplacement des lettres sans se tromper et l’enfant doit dire les lettres et deviner le mot qu’elles forment. (Cet exercice s’adresse à des enfants qui sont déjà lecteurs débutants). En progression, on va introduire une nouvelle lettre environ toutes les deux séances ; avant chaque nouvelle lettre, on vérifie que l’enfant a bien retenu ce qui à été vu auparavant. S’il y a un oubli, on se contente de préciser que son emplacement est “chez les rouges” ou “chez les verts”. Pour éviter les confusions topologiques, la nouvelle lettre ne doit pas être trop proche de la précédente sur le clavier, on essaie de faire en sorte qu’elle puisse s’intégrer aux lettres déjà connues pour faire un mot ou de nombreuses anagrammes. Pour chaque nouveau mot ainsi constitué, on recommence des “dictées de mots”, on cherche des anagrammes ce qui permet de travailler un même groupe de lettres en changeant l’ordre de repérage. Le jeu de la marchande est toujours utilisé mais se complique. Exemple : on dicte à l’enfant les lettres de son prénom. On dicte : “C/L/A/I/R/E espace” (le mot “espace” est également dicté), le nombre de fois nécessaire pour en faire une ligne CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE Au démarrage de chaque séance l’enfant tape une ligne de son prénom qu’on lui propose de chronométrer ; il a ainsi un autre type d’objectif à améliorer, la vitesse, l’adulte peut aussi se poser en challenger et tenter de faire un meilleur temps, l’enfant et l’adulte vont ainsi organiser des matchs. Cette étape est en général très appréciée et réclamée régulièrement. La poursuite de l’apprentissage doit avoir un caractère ludique, on peut utiliser tous les types de “jeux de mots” qui existent et même en inventer d’autres. Quand l’enfant connaît un certain nombre de lettres, on peut lui demander de chercher un mot où telle lettre est présente et de le taper. On commence à utiliser les touches de ponctuation et d’accent lorsque toutes les lettres du clavier sont connues. Pour les touches avec accent on les situe en donnant leur position. Ex : “é” sous le 2, ou “è” sous le 7, ou encore “ç” sous le 9... LA PHASE D’AUTOMATISATION commence quand l’emplacement de toutes les lettres du clavier est connu. Durant cette étape il faudra tenir compte de plusieurs paramètres : 1. Le choix du support de travail 2. Le rythme de la dictée 3. Des exercices neuro-visuels incluant le travail des fonctions du traitement de texte. 4. Des exercices ciblés sur la mémoire de travail auditivo-verbale. Il est parfois utile durant cette période de travailler écran éteint, ou s’il s’agit d’un portable de basculer l’écran pour que l’enfant n’ait pas la tentation de se corriger au fur et à mesure qu’il tape, ce qui le ralentirait beaucoup. Pour la relecture et les corrections on rallume l’écran. En effet certains enfants sont “aimantés” par l’écran, ce qui les empêche d’être disponibles pour l’automatisation. Le choix du support de travail On choisit des textes dans lesquels certains mots reviennent avec redondance, comme par exemple un personnage dont le nom revient de manière récurrente ou une phrase qui commence toujours de la même façon, qui utilise régulièrement les mêmes formules, ou bien des histoires construites sur la même forme : ceci est intéressant pour l’évocation et doit permettre à l’enfant d’anticiper la frappe. Exemple : “Le professeur Cerise” (dès que l’enfant commence à taper les premières lettres du mot professeur, il reconnaît le mot et peut ainsi anticiper les lettres suivantes ainsi que le mot Cerise, car il s’agit du héros récurrent de l’histoire) “TOC ! TOC ! TOC ! Qui est Là ?” (La phrase se répète régulièrement dans l’histoire, et donc l’enfant devance la fin de la phrase.) Le rythme de la dictée L’adulte dicte la suite des lettres du texte avec un rythme constant en rapport avec la vitesse habituelle de l’enfant (juste un peu plus rapide, avec une ou deux lettres d’avance), mais qui ne doit pas se modifier en fonction d’éventuels ralentissements de l’enfant. Si celui-ci prend du retard, soit il doit reprendre là où en est l’adulte, (et alors il lui manquera des lettres), soit il doit essayer de le rattraper en augmentant sa vitesse de frappe sur un court laps de temps. En fait on ne doit plus laisser à l’enfant le temps de réfléchir à sa frappe si on veut qu’elle devienne automatique. À ce moment de l’apprentissage, on dicte à l’enfant la succession des lettres sans les espaces. Ce décalage entre ce qui est dicté et la frappe est une situation scolaire habituelle pour l’enfant. En effet, l’enseignant explique souvent une consigne pendant que les enfants écrivent. C’est également durant cette phase qu’il faut insister sur les “petits trucs” qui font gagner du temps. Exemple : Lorsque l’on dicte “majuscule provisoire point“ il faut garder la majuscule enfoncée car il y a forcément une majuscule après le point. Même chose pour le point d’interrogation. Exemple de texte dicté sans espace : Non,madameForensky,jevousassure,aditl’i nfirmière.LesdentsdeWhitneynepeuvent pasêtreplusdetraversqu’avant... Ilyaeuencoredeshurlementsàl’autreboutd ufil.Biensûr,ledocteurrecevraWhitneycnet aprèsmidi.Venezàseizeheures.Tiens,tiens! Jen’étaispasleseuldontlesdentssemettaie ntàpousserdetravers!Ilmetardaitdelire cejournal. Cette dictée de lettres sans espace permet dans un deuxième temps de travailler les fonctions de traitement de texte : Copier, couper, coller, et leurs raccourcis clavier, également l’utilisation des curseurs. On demande donc à l’enfant de sélectionner le texte qu’il vient de taper, de le copier (Ctrl C), et de le coller (Ctrl V). Puis sur cette seconde version, l’enfant segmente la phrase en mots en mettant les espaces où il le faut. Cela met en jeu plusieurs capacités, liées cette fois à la lecture : une prise d’information correcte sur la forme globale du mot, la mise en jeu de ses connaissances orthographiques et grammaticales qui lui permettent de corriger ses erreurs, la mise en forme typographique (retours à la ligne, individualisation des paragraphes, mise en forme du texte). Exemple de corrections du texte dicté sans espace : Non, madame Fortensky, je vous assure, a dit l’infirmière. Les dents de Whitney ne peuvent pas être plus de travers qu’avant... Il y a eu encore des hurlements à l’autre bout du fil. Bien sûr, le docteur recevra Whitney cette aprèsmidi. Venez à seize heures. Tiens, tiens ! Je n’étais pas le seul dont les dents se mettaient à pousser de travers ! Il me tardait de lire ce journal Sur le plan neurovisuel il s’agit d’un exercice fatigant qu’il faut accompagner, soit en prenant en charge une partie de la lecture et c’est l’enfant qui segmente les mots, soit l’enfant lit et l’on place les espaces à sa demande, soit encore l’adulte se charge des manipulations lors des corrections. Des exercices neuro-visuels incluant le travail des fonctions du traitement de texte Pour le thérapeute il s’agit une fois encore d’amener petit à petit l’enfant à faire de plus en plus de choses seul, mais après une période d’étayage, en ciblant à chaque fois notre attention sur les difficultés que l’on impose pour ne pas noyer l’enfant sous une montagne de tâches à mener conjointement. A la fin de l’exercice d’automatisation, on reprend ce qui a été tapé par l’enfant, et on fait avec lui les corrections, (on rajoute les lettres oubliées, on enlève les lettres surnuméraires, on corriges les fautes de frappe, en changeant la couleur de la police pour pouvoir analyser les erreurs). C’est aussi à ce moment de l’apprentissage que l’on doit se concerter très précisément avec l’enseignant afin d’intégrer durant les séances les textes qui sont travaillés en classe, donc connus. De même, le clavier étant connu entièrement et de plus en plus fonctionnel, il peut commencer à être uti- Réadaptation N°522 43 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES lisé en classe comme instrument de prise de notes, de restitution et d’écriture. Il permet à l’adulte de vérifier les acquis, à l’enfant de faire ses devoirs, ses dictées et toute expression écrite, ce qui n’est pas possible ou peu rentable avec l’écriture manuelle d’un dyspraxique. Des exercices ciblés sur la mémoire de travail auditivo-verbale. Au cours des séances on peut également proposer des exercices de mémoire de travail auditivo-verbale. On dicte successivement 2 à 9 lettres au maximum à l’enfant, en fonction de son âge et de ses capacités mnésiques. Il doit dans un premier temps écouter puis, lorsque l’épellation est terminée les redire dans l’ordre, ce qui permet également de vérifier qu’il a bien entendu les bonnes lettres avant de les taper. On peut proposer à l’enfant ce travail pendant plusieurs groupes de lettres en fonction de sa fatigue. Dans un deuxième temps, quand l’enfant a bien compris on lui propose le même exercice mais il doit alors les taper, ou s’il ne le peut, les dicter à l’adulte à l’envers. C’est à ce moment là que se fait l’entraînement sur la mémoire de travail auditivo-verbale. Là encore en fonction de la fatigue de l’enfant on lui propose plusieurs groupes de lettres, en incrémentant d’une lettre lorsque la restitution ne pose pas de problème. Cet exercice est important sur le plan fonctionnel car il va permettre de renforcer la mémoire de travail auditivo-verbale essentielle dans les activités scolaires pour que l’enfant puisse conserver en mémoire ce qu’il doit taper tout en continuant à écouter ce que dicte ou explique l’enseignant. place ensemble, ce qui évitera des manipulations ( problèmes de manipulations des clés U.S.B. qui sont fragiles). En effet certains ordinateurs pour gagner du poids ont des lecteurs interchangeables, ce qui nécessite des manipulations qui sont parfois difficiles pour les enfants dyspraxiques, et sont source de pannes. Les adaptations peuvent porter sur le type de souris que l’on propose, le type de clavier, le type de logiciel, avec ou sans retour vocal. Aménagement du bureau de l’ordinateur La présentation du “bureau” de l’ordinateur est également importante. On peut augmenter la taille des icônes, la taille et la police de caractère sous les icônes, modifier l’image de fond d’écran, modifier le contraste, le type et la taille du pointeur pour en permettre la localisation rapide, ouvrir au démarrage de l’ordinateur le traitement de texte de manière automatique... En fonction du niveau de scolarité il faut prévoir un “modèle” de présentation par matière et par devoir. En effet, il est parfois demandé des présentations particulières que l’enfant n’a matériellement pas le temps de refaire à chaque devoir ou interrogation, voire à chaque cours, (sans parler de son trouble spatial). Sous Word, il existe une barre d’outils “Formulaire”, qui permet de faire un modèle, dans lequel l’enfant n’a qu’à compléter les cases prévues. On peut choisir et limiter le nombre de caractères que l’enfant va taper dans la zone de réponse. Il se déplace à l’aide des flèches du clavier. Il y a une fonction qui permet de “verrouiller” le formulaire. L’enfant ne peut donc effacer les questions, les zones de réponses sont “grisées” et sont les seules zones accessibles. On peut également imposer un ordre de déplacement dans les “zones réponses”. Il faut décider avec l’enfant d’une organisation qui soit la plus économique possible. Il a souvent besoin d’un “aidemémoire”, collé à côté du clavier, pour l’aider à gérer certaines fonctions, par exemple pour utiliser le modèle mais sans travailler directement dessus. L’aidemémoire traite la liste des tâches à faire de manière séquentielle. Exemple d’aide-mémoire : J’ouvre “modèle” Je sélectionne dans fichier “enregistrer sous” Je sélectionne la matière Dans “nom du fichier” j’écris la date Je clique sur “enregistrer” À la fin du travail, je clique sur l’icône disquette. La gestion de tous les documents nécessite souvent l’intervention d’une tierce personne. Il faut être vigilant à ce qu’il n’y ait pas trop de documents sur le “bureau”. Les documents imprimés doivent ensuite être effacés, ou si nécessaire, gardés sur une disquette ou un CD Rom. Il faut alors décider si il faut une sauvegarde par matière, ou par semaine (ex : semaine du 14 juin 04 au 18 juin 04). L’écriture des symboles mathématiques pose souvent problème. Il existe des logiciels spécialisés mais très chers. En dépannage il y a une barre d’équations dans Word. Son utilisation nécessite des Choix du matériel Il convient évidemment de mettre à la disposition de l’enfant le matériel qui lui est adapté personnellement : il n’y a pas de règles générales. Le choix se fera en fonction du bilan initial et des essais. Il convient de choisir un ordinateur dont le pavé tactile est désactivable si on doit l’utiliser soit avec une souris externe, soit avec une track-ball. Il faut également faire attention à ce qu’il ait un lecteur de disquettes et un lecteur de CD Rom en 44 Réadaptation N°522 Bibliographie [1] MAZEAU M. Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de l’enfant. Du trouble à la rééducation. 1ère édition. Collection Monographies de Bois-Larris. 2000, 176 pages. [2] SILVESTRE DE SACY C. Méthode phonétique et gestuelle crée par Mme Borel-Maisonny. Tome 1 Méthode phonétique et gestuelle. 13e édition. Editions E.S.F. 1973, 251 pages. [3] FAYOL M. ET JAFFRE J. P. L’orthographe : perspectives linguistiques et psycholinguistiques. Langue française sept. 1992 n° 95. Revue trimestrielle. [4] GOUELLAIN S. Influence de la forme de surface de l’écriture (clavier versus main) dans la performance orthographique des enfants IMC. Université René Descartes. Paris V. Institut de psychologie sept. 2001. Mémoire de DESS de psychologie de l’enfance et de l’adolescence. [5] GUBBAY Sasson Stephen, DE KLERK Nicholas Hubert. A study and review of developmental dysgraphia in relation to acquired dysgraphia. Brain and development 1995 ; 17 : 1-8 [6] MAZEAU M. ET LE LOSTEC C. Permettre ou faciliter la scolarité grâce à l’ordinateur. Les guides pratiques de L’ADAPT. Janvier 2005 manipulations qui font perdre du temps même lorsque l’on fait appel aux raccourcis clavier. Limites de l’utilisation du clavier L’utilisation de l’ordinateur répond à une partie des exigences scolaires. L’apprentissage du clavier est une condition indispensable à une scolarité longue, mais non suffisante. Au cours de la scolarité, le problème de la vitesse et de la prise de notes se posera soit au collège, soit au lycée. La réponse apportée est en général soit l’utilisation de photocopies, soit d’un magnétophone, soit encore le recours à un secrétaire. Dans beaucoup d’établissements scolaires il faut changer de salle à chaque cours, ce qui implique le transport du matériel d’une salle à l’autre, une nouvelle mise en route qui décale le début du cours, ou fait perdre une partie des informations. Il y a également des problèmes du type : prise de courant dans le fond de la classe, tables trop petites pour avoir et l’ordinateur et les livres, ou salles trop exiguës pour disposer une deuxième table à côté, etc. Conclusion La gestion des différents aspects de l’outil informatique est à prendre en compte et son utilisation inefficace peut à elle seule être préjudiciable au projet et à la scolarité. Il reste vrai que si la dyspraxie est importante il faudra de toutes façons prévoir à certains moments l’intervention d’une tierce personne, jouant un rôle de secrétaire. Plus la scolarité progresse et plus la gestion des prises de notes est à adapter (enregistrement des cours sur dictaphone, photocopies...). Actuellement une grande partie de la population a accès à un ordinateur, c’est un support privilégié de communication dans le monde du travail, à l’école, à la maison. Pourquoi de si fréquentes réticences pour ces enfants dyspraxiques ? Pourquoi cet outil grand public, présent partout dans le monde du travail serait-il inaccessible à ceux qui en ont le plus besoin ? TGT : un outil pour construire la géométrie ? Jack Sagot, professeur au Cnefei I l est habituellement reconnu que les enfants présentant des troubles moteurs purs ou des troubles praxiques rencontrent fréquemment des difficultés dans certaines tâches scolaires et tout particulièrement dans les activités mathématiques. C’est en effet dans ce domaine qui privilégie pourtant le raisonnement que l’on trouve paradoxalement le plus de manipulations et de tâches praxiques et /ou spatiales : tout petit, c’est le comptage d’une collection ; plus grand, c’est la pose d’opérations en colonnes, les tableaux à double entrée ; et plus tard encore, c’est principalement l’épreuve des tracés géométriques. A l’école, la plupart du temps, une fois prévenu, l’enseignant contourne les obstacles par des démarches et des outils appropriés ou bien évite tout simplement d’exposer ces élèves à ces tâches : ces élèves ne réaliseront donc pas de tracés géométriques. Cependant, ce qui peut être toléré à l’école ne l’est plus aussi facilement à l’arrivée au collège qui s’accompagne d’exigences plus fortes. Immédiatement, surviennent les fameuses évaluations nationales de 6e et leurs épreuves de mathématiques dans lesquelles ces élèves auront à répondre comme les autres à des exercices sollicitant certes des compétences de raisonnement et de calcul mais aussi de traçage. Souvent lents et écrivant mal, voire pas du tout, bon nombre de ces enfants pourtant intelligents sont en grande difficulté dans ces épreuves. La réponse habituelle est alors un recours systématique à l’ordinateur. En effet, cet outil limitant les praxies à mobiliser, ces élèves acquièrent dans l’ensemble une meilleure efficience scolaire. Mais est-ce toujours le cas et en particulier pour les tâches de traçage ? Dans le cadre de l’adaptation sur ordinateur des évaluations nationales de 6e pour les élèves handicapés moteurs, plusieurs exercices de tracés géométriques posaient problèmes : pouvait-on recourir à des outils de production automatique alors qu’il fallait précisément évaluer une compétence de traçage et non pas tant une connaissance de la géométrie ? Il nous est très vite apparu que l’usage de constructeurs géométriques automatiques ne convenait pas et qu’il était nécessaire de réaliser une trousse d’outils virtuels de mesure et de traçage regroupés dans le logiciel TGT (Trousse GéoTracé). Réadaptation N°522 45 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Dessins et figures géométriques Le dessin et la figure ont de multiples rôles en géométrie : La représentation d’objets géomé- triques : Ces représentations graphiques facilitent la représentation mentale. La perception de la notion de cercle par exemple est assez difficile sans un support visuel et selon certains professeurs de mathématiques, l’usage d’un outil qui réalise automatiquement un cercle plutôt que sa construction à l’aide d’un compas, même virtuel, peut donner une perception différente de cette notion. Le support à une action : Le dessin et la figure permettent de faire des mesures, des calculs, des évaluations. L’illustration d’un énoncé : C’est une aide au raisonnement, à l’expérimentation et plus tard à la démonstration. Le dessin ou la figure permet de conjecturer, de justifier, de vérifier. Un exercice de géométrie est souvent très difficile à réaliser sans le passage par la figure. Le dessin, ou la figure, est parfois même le seul but de l’exercice. Dessin et figure géométrique sont de nature différente. Le dessin géométrique fait plutôt référence à une géométrie “du faire”. On demande à l’élève d’effectuer avec l’aide Traçage avec TGT. du crayon une suite d’actions et de manipulations d’instruments de tracé, règle, équerre, compas et éventuellement rapporteur. Cela fait appel à la fois à un raisonnement qui se développe dans l’espace et dans le temps et surtout à des “savoir faire”. Le dessin géométrique est en final bien ou mal réalisé et les appréciations de l’élève ou de son professeur sont chargées d’une certaine connotation esthétique. Au contraire, la figure géométrique fait, elle, référence à une géométrie plus “théorique”. L’énoncé est de style déclaratif et fait référence non pas à des “savoirs faire” mais à des savoirs théoriques, les propriétés géométriques. La figure est relativement neutre d’un point de vue émotionnel, elle ne doit pas être appréciée par son esthétique, elle est juste ou ne l’est pas. Ainsi les logiciels de tracés “géométriques” pourraient être plutôt des logiciels de tracé de figures où l’on fait référence à des définitions et des propriétés, ils sont d’ailleurs très nombreux et très puissants, d’autres plutôt des logiciels de tracé de dessins mettant en jeu des manipulations d’instruments, il n’en existe pratiquement pas ! Dans le cadre d’une progression pédagogique, il est habituel de passer du dessin à la figure, c’est-à-dire de la pratique du traçage à la conception de la figure et à la compréhension de ses propriétés. Dans le cas d’élèves présentant des limitations ou des troubles de l’intégration des mouvements fins des membres supérieurs, fautil s’interdire cette démarche qui construit les concepts géométriques à partir de manipulations simples et n’autoriser que l’usage d’outils de construction automatiques de figures ? Nous pensons au contraire qu’il peut être intéressant de proposer à ces élèves des outils d’aide au traçage, c’est pourquoi nous avons réalisé la Trousse GéoTracé. Le logiciel TGT Développé par l’équipe informatique du CNEFEI, TGT1, pour “TrousseGéoTracé”, intègre des instruments virtuels de mesure (règle, équerre, rapporteur) à une feuille de traçage enrichie d’un crayon et d’un compas. Cet outil permet de réaliser toutes sortes de tracés et de mesures rencontrés à l’école primaire et au collège. Ces outils virtuels sont manipulables à la souris mais également partiellement par balayage et à l’aide d’un contacteur. Des menus d’options assurent un paramétrage fin et étendu de chacun des outils (taille, couleur, positionnement, valeurs des pas de translation ou de rotation). L’élève dessine ses figures géométriques en appelant un à un des instruments de traçage, par exemple le crayon puis la règle qui s’affiche horizontalement et au milieu de l’écran. Placé tout près de la règle le crayon s’aimante sur celle-ci et il suffira de le tirer pour tracer un segment. Afin d’améliorer la lisibilité de la mesure du traçage, le déplacement du crayon génère sur la règle une onde de réécriture dans une autre couleur. Ainsi par exemple les chiffres et les traits correspondant aux mesures en centimètre ou en millimètre passent du rouge au noir dans le paramétrage de couleur proposé par défaut. Outre cela, TGT offre plusieurs ressources particulièrement utiles aux élèves handicapés moteurs et/ou dyspraxiques. 1. TGT est un logiciel téléchargeable gratuitement sur le site du Centre National d’Etudes et de Formation pour l’Enfance Inadaptée (www.cnefei.fr) en sélectionnant sur le menu d’entrée “Ressources” puis “Productions”. Ce logiciel ne fonctionne convenablement que dans l’environnement Windows XP. 46 Réadaptation N°522 pas à l’aide d’une manipulation, parfois un peu laborieuse, d’outils virtuels. L’élève peut ainsi s’approprier naturellement des notions jusqu’alors difficiles par manque d’expérience de manipulation. TGT peut être particulièrement utile au début des apprentissages géométriques du primaire et du collège. Bien entendu, il sera efficacement relayé par des outils de production automatique plus performants une fois les concepts géométriques installés. Notre hypothèse d’expérimentation et notre population d’élèves Détail d’un traçage avec TGT. Manipuler les instruments à l’aide d’icônes : Un clic sur une icône de translation ou de rotation déplacera la règle par exemple d’un pas paramétrable, ce qui pourra faciliter grandement la manipulation. Simplifier l’affichage des mesures sur la règle, l’équerre et le rapporteur : On peut décider de paramétrer un instrument pour n’avoir que les centimètres ou les dizaines de degré, on pourra ainsi habituer l’élève à encadrer une mesure de longueur ou d’angle ou bien affiner progressivement le repérage visuel d’une mesure. De même on peut simplifier l’apparence d’un instrument en coloriant différemment les centimètres et les millimètres ou bien encore en supprimant des icônes de manipulation s’ils sont inutiles à l’élève. Travailler sur plusieurs calques : On dessine une figure sur un calque de base mais on peut ajouter autant de calques supplémentaires souhaités rendus visibles ou invisibles, protégés ou déprotégés. Cela peut permettre à l’enseignant de créer sur un premier calque, visible mais protégé, l’énoncé et la figure de base, de proposer un deuxième calque de travail à l’élève, rendu visible et actif, et même de réaliser à l’avance un troisième calque de correction qui sera bien sûr rendu invisible et inactif. Cela peut également lui permettre de présenter à l’élève en difficulté de repérage, calque par calque, une figure complexe, un triangle par exemple, puis la construction des médianes, puis le cercle circonscrit. Afficher une grille : Le calque de traçage peut présenter une grille paramétrable au niveau de la mesure entre deux nœuds et de la couleur du trait. L’usage d’une grille s’avère intéressante pour nos élèves handicapés lorsqu’ils doivent travailler sur les symétries ou bien plus grands quand ils doivent représenter le graphe d’une fonction. Faire apparaître un repère : associé ou non à une grille, l’apparition d’un repère orthogonal paramétrable permet de représenter simplement et proprement des fonctions affines étudiées en classe de 3e de collège. Flécher un segment : Sur un segment préalablement tracé et sélectionné, il est possible de faire apparaître une flèche directionnelle à l’une ou l’autre de ses extrémités. De même, on peut faire apparaître des marques sur un segment. Tout cela permet de créer facilement des supports pour la géométrie vectorielle étudiée au collège. TGT ne se substitue pas aux grands logiciels mathématiques de construction géométrique tels Cabri Géomètre, Chamois, Atelier de Géométrie ou Géométrix, que nous apprécions et préconisons dans une seconde étape. Il ne s’agit pas au début de produire automatiquement des tracés géométriques mais de les construire pas à “ TGT est utile aux élèves présentant des troubles moteurs ‘purs’ mais également aux élèves modérément dyspraxiques”, telle était notre hypothèse d’étude. En vue de tester l’utilité de TGT, de mieux cibler son public prioritaire et d’affiner son utilisation, nous avons mis en place, durant cette année scolaire, une petite étude sur trois lieux : En milieu ordinaire. Il s’agit ici du suivi d’intégration individuelle par un Sessad2 à la fois de deux élèves handicapés moteurs âgés de 10 ans en CM2 ; comme troubles associés, l’un présente des troubles visuels, praxiques et de coordination bimanuelle, l’autre uniquement des troubles visuels et d’un élève handicapé moteur de 8 ans intégré après un redoublement en CE1. Cette petite fille rencontre des difficultés à mentaliser et elle présente des troubles visuels associés. En milieu ordinaire mais en CLIS43, donc en intégration collective avec un groupe de 11 élèves principalement IMC, de niveaux scolaires allant du CP au CE2. Ces enfants tous handicapés moteurs et âgés de 8 à 11 ans sont atteints de troubles praxiques et/ou d’hémiplégies empêchant l’utilisation efficace d’outils traditionnels de tracés géométriques. 2. Sessad “Fondation Richard”, Lyon, 69, avec Martine Faron-Gabillaud, ergothérapeute, [email protected] 3. Clis4 Edouard Herriot, Lyon, 69, tenue par Hélène Terrat, professeur des écoles, enseignante spécialisée, formatrice associée à l’IUFM de Lyon, ([email protected]) Réadaptation N°522 47 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES Trois élèves ont été particulièrement observés : sévèrement atteints sur le plan praxique et/ou neurovisuel. A4, 9 ans 6 mois en mars dernier, pré- Conclusion sente une importante dyspraxie visuospatiale, mais compense beaucoup intellectuellement. B5, 9 ans 9 mois, souffre d’une très importante dyspraxie (dyspraxie visuospatiale et dyspraxie constructive). Il n’écrit pratiquement pas manuellement tant son écriture est illisible. C6, 10 ans 3mois n’est pas dyspraxique mais il est atteint de troubles cérébelleux importants. En établissement spécialisé7 et en classe de 6e avec principalement deux adolescentes présentant des formes sévères d’épidermolyse bulleuse qui limitent considérablement leur possibilité de tracés. Dans un premier temps : Un bilan moteur et praxique a été réalisé pour objectiver les difficultés des enfants et une observation en situation de classe a été menée, quand c’était possible, avec les outils traditionnels. Dans un second temps une appropriation de l’outil informatique est mise en place puis des exercices sont proposés en fonction de la liste des compétences à atteindre en fin de cycle 2, de cycle 3 pour les élève de primaire. En section collège, nous avons repris les quelques épreuves de géométrie des évaluations nationales passées en début d’année et comparé l’autonomie dans la réalisation et les résultats obtenus avec et sans TGT. Résultats Ils sont globalement positifs. Les deux élèves de 6e atteintes d’épidermolyse bulleuse et scolarisées en établissement spécialisé, peuvent enfin des4. Selon son ergothérapeute, à la passation de la batterie rapide des fonctions cognitives (BREV), on note pour lui un effondrement des items non verbaux et en particulier ceux qui demandent une recherche visuelle et une orientation visuo-spatiale. Cette discordance entre ses capacités verbales qui sont normales, voire supérieures, pour son âge signe une dyspraxie visuo-spatiale importante mais A. peut concevoir les obliques. 5. On ne peut même pas utiliser le test de la BREV, car ses résultats se situeraient en amont. 6. À la BREV ses scores sont moyens et beaucoup plus resserrés autour de son âge tant sur le plan verbal que non verbal, il n’est pas dyspraxique.. 7. Centre de Rééducation Fonctionnelle, Romans Ferrari, 01, avec Eric Saint Quentin, professeur de mathématiques. 48 Réadaptation N°522 Règle sans millimètre. siner des figures géométriques, des segments des cercles, qu’elles aiment d’ailleurs agrémenter de couleurs dès qu’elles le peuvent (On retrouve ici la dimension esthétique et émotionnelle du dessin). C., élève non dyspraxique de Clis4, rend maintenant des travaux de traçage plus propres qu’il réalise plus rapidement et plus facilement. Deux des trois élèves intégrés apprécient l’aide du logiciel car elles réalisent, là encore, des tracés plus propres, et plus rapidement. L’élève intégré présentant des troubles praxiques trouve un intérêt plus limité au logiciel. Cela l’aide car il peut corriger et rendre un traçage plus soigné mais il rencontre encore des difficultés à manipuler les outils virtuels. B., élève très dyspraxique de la Clis4 qui ne pouvait faire seul la plupart des tâches d’écriture ou de mesurage et aucune tâche de traçage, réalise maintenant mais encore très laborieusement quelques tracés. A., élève dyspraxique mais capable tout de même de réaliser quelques actions de mesurage et de traçage avec un rendu difficilement supportable au niveau du soin. A. réalise pour la première fois avec TGT des tracés impeccables avec le compas qu’il apprécie tout particulièrement. Ce travail nous permet dès à présent de pointer, à la fois, d’une part, les bénéfices de TGT qui donne de nouvelles possibilités aux élèves présentant des troubles moteurs sévères mais sans troubles associés de dessiner des figures géométriques et ainsi de construire plus facilement les concepts géométriques grâce à la manipulation (élèves hémiplégiques ou les deux jeunes atteintes d’épidermolyse bulleuse), d’autre part, des limites de son utili- sation avec des élèves trop lents, trop Cette expérimentation pédagogique modeste confirme doublement notre hypothèse de départ : Les enfants qui tirent le bénéfice le plus important de l’utilisation de la trousse TGT présentent des troubles de coordination visuomanuelle et de coordination bimanuelle (significatifs et évaluables au test de la B.R.E.V.). En revanche, des capacités de discrimination visuelle, les gnosies, sont nécessaires. De plus les troubles praxiques ne doivent pas être trop massifs. Il est nécessaire, pour un enfant, d’avoir en particulier la capacité d’orienter une oblique dans le plan. Ainsi donc, l’usage de TGT peut donner un accès facilité à la construction géométrique des élèves handicapés moteurs des membres supérieurs sans troubles majeurs associés mais les élèves fortement dyspraxiques ou présentant des troubles visuels importants rencontrent encore des difficultés à manipuler le logiciel certainement encore trop complexe8 : Sur la manipulation même des outils de la trousse, un enfant fortement dyspraxique sera presque autant en difficulté avec la trousse qu’avec des instruments réels. Cependant l’intérêt de la trousse est sa possibilité de corriger une construction plus facilement, plus rapidement et surtout plus proprement que sur le papier : en effet sur ce support, le fait de gommer un segment mal tracé risque de conduire tantôt à froisser, plier voire déchirer la feuille, et de gommer non seulement la partie du segment visée mais également des éléments de la figure autour. Le résultat final sale et imprécis complique l’analyse de la figure et perturbe le raisonnement de l’élève. TGT améliore tout cela et c’est tout de même déjà un progrès pour la scolarité de ces enfants. 8. Ce logiciel conçu et réalisé par Max Durand ([email protected]) et Jack Sagot ([email protected]), tous deux professeurs au Cnefei, n’est pas encore figé dans sa version définitive. Des versions téléchargeables gratuitement permettront d’étendre son utilisation et de l’améliorer à partir des suggestions et critiques de chacun.(Ministère de l’Education nationale, CNEFEI, Département Informatique, 58-60 av des Landes, 92150 Suresnes). LES PARENTS D’ENFANTS DYSPRAXIQUES L’association de parents d’enfants dyspraxiques : Dyspraxique Mais Fantastique (DMF) Interview de Françoise Cailloux, présidente de DMF, et Catherine Amiel, vice-présidente DMF Quelles sont les raisons qui vous ont amené à créer votre association ? La dyspraxie est un trouble méconnu et nous avons tous eu de grandes difficultés à obtenir un diagnostic de dyspraxie pour nos enfants. Nous souhaitons que, désormais, tous les professionnels de l’enfance connaissent ce trouble, afin de ne pas faire subir aux enfants une véritable maltraitance (sanctions sur l’écriture, lignes à faire, soupçon de paresse ou de mauvaise volonté, ridiculisation devant les autres...). De nombreux indices alertent les parents sur le comportement différent de leur enfant mais les professionnels de la petite enfance (pédiatre, médecins généralistes, de PMI, pédopsychiatres, personnels des CMP et CMPP...et même enseignants) connaissent peu ce trouble et les inquiétudes des parents ne sont souvent pas entendues. Aujourd’hui, en lien avec les professionnels spécialisés, notre but est de faire reconnaître la dyspraxie et de réunir les familles concernées pour obtenir des pouvoirs publics, de l’école, du monde médical et des commissions de l’éducation spécialisée que ce trouble soit repéré plus tôt et que sa prise en charge soit améliorée. Quel rôle avez-vous aujourd’hui ? Nous venons de fêter notre deuxième anniversaire et nous avons déjà 560 adhérents : parents d’enfants dyspraxiques, adultes dyspraxiques et professionnels. L’association correspond donc à ce que cherchent les parents : un réseau d’entraide, où l’on peut échanger des expériences et des idées en s’appuyant sur des professionnels expérimentés que nous avons rencontrés via l’internet et sur le terrain. Ceux-ci ont vivement encouragé notre action, car euxmêmes rencontrent des difficultés à faire admettre les répercussions scolaires des dyspraxies auprès des enseignants. La dyspraxie est un handicap “invisible” et ses manifestations sont mal interprétées. Les enfants sont souvent à l’aise à l’oral mais le passage à l’écrit est toujours problématique. Les troubles visuo-spaciaux peuvent bloquer l’enfant en géométrie ou en numération, mais l’enseignant ne comprend pas et pense que l’enfant est opposant ou qu’il a des troubles d’ordre socioéducatifs ou psychologiques. Même légère, une dyspraxie est handicapante en situation scolaire. Plus l’enfant est reconnu tôt, moins il aura à souffrir de sa différence. Nous faisons la connaissance d’adultes qui se découvrent dyspraxiques et qui nous racontent à quel point toute leur vie n’a été que brimades et efforts surhumains pour “faire comme les autres” : acquérir le permis de conduire, être efficace dans son travail, faire les courses, se repérer dans une nouvelle ville... Notre premier objectif est donc d’informer. Nous avons réalisé, mon mari enseignant en informatique et moi-même, un site tiré de mon expérience pédagogique, de documents du Dr Michèle Mazeau, ainsi que d’ergothérapeutes, psychomotriciens, kinésithérapeute, orthoptistes, enseignants spécialisés (Eric Hurtrez et Guy Réveillac). Le site permet Réadaptation N°522 49 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES de comprendre les symptômes dont souffre l’enfant et de connaître les démarches pour informer son entourage et mettre en place les aménagements scolaires et les rééducations. Nous avons aussi deux forums de discussion, un pour les parents, l’autre pour les professionnels. Malheureusement, seuls 25 % des gens ont accès à internet, donc nous devons aussi communiquer par les journaux, les télévisions (plusieurs reportages ont eu lieu sur la 5, France 3 et TF 1) et les brochures spécialisées. La Fondation de France nous finance actuellement une brochure sur l’annonce du handicap. Votre action commence-t-elle à porter du fruit ? Oui, si nous mesurons par le nombre de demandes de renseignements que nous recevons ! Nous avons créé un réseau de bénévoles dans chaque région ou département : certains ont organisé des réunions de parents et de professionnels localement, certains participent aux réunions Handiscol ou à d’autres réunions institutionnelles (réseaux médicaux ou associations partenaires comme la FLA, AAD, ...). Certains ont contacté leurs députés, l’inspecteur de l’Education nationale, des médias, d’autres ont rédigé des témoignages, fourni des documents aux parents ou pour le site, répondu sur le forum, rassemblé et conservé les échanges les plus intéressants. Des familles de l’Essonne, en se regroupant, ont obtenu l’ouverture d’une CLIS pour dyspraxiques. En janvier 2004, l’association a envoyé un dossier sur la dyspraxie à tous les Inspecteurs d’académie, envoi annoncé par une circulaire interne de l’Education nationale. Nous avons été reçus à plusieurs reprises au cabinet du ministère de la Santé que nous avons sensibilisé sur la situation des enfants et des jeunes dyspraxiques. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées, a souhaité rencontrer des personnes dyspraxiques, visiter une classe spécialisée, et programmer une réunion interministérielle avec les responsables des ministères concernés, dont l’Education nationale, pour améliorer la reconnaissance, le dépistage et le suivi scolaire et thérapeutique des enfants concernés et sensibiliser les services. 50 Réadaptation N°522 Les premières formations institutionnelles se mettent en place : suite à notre lettre, les académies organisent à présent des journées pédagogiques ou d’information sur la dyspraxie. Nous soulignons la volonté manifeste de certaines CCPE, CDES qui reconnaissent la dyspraxie et privilégient l’intégration des enfants dans le cursus scolaire normal avec des adaptations et des aides techniques adaptées : ordinateur, présence d’un accompagnateur de vie scolaire ... Cependant, il reste de grandes disparités entre les régions. Les PIIS ne sont pas toujours respectés, l’ordinateur pas toujours admis. Y a-t-il de grandes disparités entre les prises en charge des enfants dyspraxiques ? D’abord, chaque enfant est particulier. La dyspraxie peut être plus ou moins marquée, de divers ordres (idéomotrice, visuospatiale, oro-bucco-faciale, avec ou sans trouble de la coordination générale...), avec ou sans troubles associés (déficit d’attention, hyperactivité, nystagmus...). Mais il y a des signes d’appel communs (maladresse manuelle et graphique, difficultés de concentration, fatigabilité). Les jeunes dyspraxiques non diagnostiqués ne poursuivent leur scolarité qu’au prix d’un effort surhumain, grâce à la présence de leurs parents qui les font travailler sans relâche. La plupart du temps, ils s’épuisent, se dévalorisent et se démotivent en essayant de “faire comme les autres”. Les enseignants ne réalisent pas que les gestes ne sont jamais automatisés et nécessitent un contrôle volontaire extrêmement fatigant. “Elle n’a pas eu besoin de son ordinateur, elle a réussi à écrire tous les résultats de ses tables de multiplication à la main”, dit fièrement l’institutrice sans voir que la plupart des chiffres sont écrits péniblement et parfois en miroir. Dès qu’ils rentrent de l’école, les parents les voient s’effondrer sur le canapé, alors que les autres se précipitent pour jouer dehors. Sans aménagement, leur devenir scolaire est souvent compromis par des redoublements fréquents. Comme le dit Thibault : “Je sais que je redouble parce que je suis dyspraxique”. Ils sont pénalisés pour leur lenteur, leur manque d’autonomie, leurs difficultés à restituer par écrit leurs connaissances et leurs réflexions. “ Vous comprenez, votre fils ne sera pas capable au collège de prendre les cours au tableau avec son ordinateur”. Les jeunes perçoivent quand ils sont sanctionnés du fait de la dyspraxie et ressentent alors une amertume et une profonde injustice. Ils peuvent développer de graves troubles psychologiques du fait de la souffrance quotidienne liée à la non reconnaissance de leurs difficultés. Actuellement, si une partie des enfants dyspraxiques arrivent à suivre une scolarité classique en primaire – bien que certains soient orientés vers des CLIS 1 qui s’avèrent mal adaptées à leurs troubles – suivre au collège se révèle plus difficile et les orientations vers des SEGPA sont fréquentes. Or, les filières manuelles ne leur correspondent pas car précisément leurs troubles sont d’ordre praxique, c’est-àdire gestuel et spatial. “Que voulez-vous que je fasse avec un apprenti pâtissier qui ne sait pas casser des œufs ?”, se désespère un responsable de stage. Pire, ils peuvent être écartés du système scolaire à cause de leur dysgraphie, leur manque d’autonomie et dirigés vers des IME, voire des instituts de rééducation quand ils expriment leur frustration par des troubles du comportement. Ou encore vers des instituts d’éducation motrice IEM. Ils sont dispersés parmi d’autres enfants porteurs de handicaps tout à fait différents et ne bénéficient pas toujours d’un suivi spécifique. C’est pourquoi, certains parents préfèrent les scolariser à la maison. C’est ainsi que nombre d’adolescents ayant atteint l’âge limite de la scolarité se retrouvent sans diplôme et sans possibilité d’emploi. Quels sont les moyens que vous demandez ? Nous souhaitons une véritable sensibilisation de tous les acteurs et partenaires de l’Education nationale (enseignants, enseignants de réseau, médecins et psychologues scolaires, secrétaire CCPE, CCSD, personnel CDES). Il est essentiel que les enseignants soient sensibilisés dès la maternelle à l’existence des troubles d’ordre praxique et neurovisuels (troubles des fonctions non verbales) et soient le premier relais d’un dis- positif de dépistage précoce en alertant les médecins scolaires et les familles. Plus le diagnostic est précoce, moins l’enfant souffre dans le système scolaire. Des mesures simples permettent à l’enfant de suivre une scolarité ordinaire : Une évaluation de la sévérité du han- dicap de l’enfant permet des adaptations et aides techniques désormais assez banales (ordinateur, accompagnement par un AVS ...). Ces aides et adaptations doivent être définies en concertation avec l’enseignant et l’école, la famille et les professionnels qui assurent le suivi médical et rééducatif de l’enfant selon le type et l’intensité de la dyspraxie. Bien définir les apprentissages qui seront rendus difficiles par la dyspraxie, envisager des dispenses ou adaptation de certaines matières au collège (technologie, sport, musique, dessin...) Utilisation d’outils techniques : calculatrice, logiciels pour la géométrie. Préciser avec le corps enseignant le type d’évaluation. Favoriser les contrôles oraux. Valoriser ses connaissances et non pas son degré d’autonomie. Limiter l’écriture manuelle, éviter de le faire copier, tâche épuisante qui absorbe son énergie et le gêne dans les apprentissages. Fournir des documents polycopiés de bonne qualité. Prévoir qu’il pourra bénéficier d’un tiers-temps supplémentaire aux examens avec des aménagements dans la présentation (typographique et/ou visuo-spatiale), des sujets et des réponses, ainsi que plus d’examens oraux ou l’aide d’un secrétaire. “Simon est actuellement en 1ère littéraire, prépare son bac Français. Le travail, la persévérance, la curiosité, l’intelligence de Simon ont permis ce cheminement, mais nous aimerions qu’il ne s’interrompe pas là. Pourtant les obstacles sont de plus en plus difficiles à franchir. Rien n’est fait pour le dyspraxique dans les programmes scolaires, encore moins lors des examens, il ne suffit pas d’accorder un tiers de temps supplémentaire à un enfant dont le handicap n’est pas seulement sa lenteur mais son impossibilité à structurer l’espace à deux dimensions, l’espace de la feuille ; un schéma non compris ne demande pas de temps supplémentaire, mais une explication complémentaire ! Et pourquoi sanctionner un élève dont les connaissances verbales sont par ailleurs excellentes ? Des mesures visant à garantir l’avenir de nos enfants sont évidemment capitales”. Témoignage des parents de Simon 17 ans diagnostiqué à 12 ans et demi. Coordonner les différents interve- nants (rééducateurs, accompagnateur de vie scolaire, enseignants, parents) pour s’assurer dans la durée d’une réelle efficacité des aides mises en place (projet individualisé d’intégration scolaire). Création de classes adaptées : CLIS, UPI pour les enfants dyspraxiques en retard scolaire et en plus grande difficulté. Nous souhaitons que soient reconnues et mutualisées les connaissances et compétences pédagogiques des enseignants qui mettent d’ores et déjà en place les aides adaptées à leurs élèves dyspraxiques et demandons la réalisation et la diffusion d’un livret sur les dyspraxies et troubles neurovisuels. Le ministère envisagerait un livret sur la dyspraxie dans la collection des brochures : “Prévenir l’illettrisme”. Nous avons attiré l’attention de la Direction Générale de l’Action Sociale sur les disparités d’une CDES à l’autre, pour la reconnaissance de la dyspraxie. Nous demandions qu’une information plus complète soit relayée auprès de ces services afin d’harmoniser ces pratiques. Le bureau de l’enfance handicapée de la DGAS nous a informés Brochure DMF. par courrier que la circulaire du 29 mars 2004, qui s’inscrit dans le plan d’action pour les enfants plan gouvernemental sur les troubles du langage, concernait aussi la dyspraxie. Mais c’est insuffisant, car les troubles neurovisuels et praxiques dont nos enfants souffrent retentissent aussi sur leur vie quotidienne. Ils sont peu autonomes, peu organisés, fatigables, il faut les guider et être très présents pour les aider à s’habiller, ranger (ils oublient constamment leurs affaires : lunettes, habits...), organiser leur cartable, couper leurs aliments, se laver, se sécher. Ils ont parfois du mal à anticiper leurs besoins, beaucoup sont propres très tardivement, et les accidents sont fréquents. Ils se salissent en mangeant, sortent dehors sans habits (qu’ils ne peuvent fermer sans aide)... Certains ont des problèmes d’orientation spatiale et ne peuvent se déplacer seul, ils n’arrivent pas à ouvrir la porte avec une clef. Certains ne peuvent utiliser des outils. Un enfant dyspraxique qui doit constamment calculer ses gestes n’est pas autonome. Il faut sans cesse le piloter, le valoriser ! Pourtant comme ce handicap est invisible, l’enfant est parfois déclaré pas assez “handicapé” pour bénéficier d’un AVS, pour être suivi par un SESSAD handicap moteur ou pour percevoir une Allocation d’Education Spécialisée destinée à financer les rééducations non remboursées : ergothérapie, psychomotricité, graphothérapie... Le sort de nos enfants ne peut continuer à dépendre uniquement des bonnes volontés ou des seules initiatives individuelles : il doit être reconnu dans les textes et dans les institutions. Il faut former des rééducateurs spécialisés (ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, orthoptistes,...) et donner une formation générale à la dyspraxie aux médecins scolaires, psychologues scolaires et enseignants de la petite enfance, pour améliorer le dépistage précoce. Il faut faire connaître la dyspraxie dans les CAMPS, CMPP et CMP, ces deux dernières structures étant cause fréquente d’une confusion de la dyspraxie avec des troubles d’origine psychologique. Il faut renforcer les équipes Réadaptation N°522 51 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES hospitalières spécialisées pédiatriques réalisant les bilans et permettant de poser le diagnostic, car les attentes sont de plusieurs mois, voire un an. Il faut aussi penser à l’insertion professionnelle et là, nous n’en sommes qu’au balbutiement. Les adultes dyspraxiques (peu sont diagnostiqués) témoignent qu’ils ont des difficultés à garder leurs emplois, car ils ne sont pas assez performants au niveau de leur travail, bien qu’ils soient travailleurs. En effet, ils sont gênés par leurs difficultés d’organisation spatiale, temporelle, pour gérer plusieurs informations ou plusieurs tâches à la fois. Ils sont fatigables, distraits par trop d’agitations, de bruits, de sollicitations visuelles. Certains ne peuvent pas utiliser d’outils ou de machines (dyspraxie idéatoire). Plus ils sont stressés plus ils perdent leurs moyens. “Que propose l’éducation nationale à nos jeunes dyspraxique ayant dépassé l’âge de la scolarité primaire, et qui, à 14 ans ou plus, se trouvent sans projet scolaire faute de rentrer dans le cadre !Y a t il des centres de formation pour apprentis ou des centre de formation professionnelle qui auraient pris en compte cette problématique ?” Question d’un médecin. Comment réagissent les parents qui ont un enfant dyspraxique ? Avant d’avoir le diagnostic, ils ne comprennent pas leur enfant, ils ne savent pas comment l’aider : ce handicap est méconnu car il est complexe et difficile à comprendre au quotidien. Leur enfant est fatigable, ses résultats scolaires sont très inégaux selon les moments de la journée. Ses productions sont brillantes à l’oral s’il ne souffre pas de trouble de la parole. Mais ses productions écrites ou intellectuelles ne concordent pas avec l’intelligence qu’il manifeste spontanément : d’où la tentation d’incriminer l’enfant en l’accusant de paresse, de mauvaise volonté, d’opposition. Alors qu’il fournit constamment des efforts qui ne sont même pas perçus par son entourage ! “Il a eu des problèmes de comportement énormes, des colères extraordinaires, tout petit déjà... des colères que je comprends aujourd’hui puisque les enfants dyspraxiques savent ce qu’il faut faire, peuvent même l’expliquer mais n’arrivent pas à le 52 Réadaptation N°522 faire... Quelle frustration énorme, et en plus nous on en rajoute en lui demandant de s’appliquer, d’essayer, de faire attention, de se dépêcher... Quand je repense à toute cette souffrance endurée par lui, par nous... Et quelle culpabilité l’on nous a fait porter à nous parents, surtout moi la mère, (c’est toujours de la faute des mères, on le sait bien....), je ne savais pas l’élever, je cédais à tout, et j’en passe... Alors je suis en colère, en colère parce que personne n’a rien compris.” Témoignage de la maman de Léo. Les parents commettent souvent la même erreur que leur éducateurs, et s’en veulent ensuite lorsqu’une dyspraxie est dépistée : ils ont fait jouer l’autorité ou les reproches alors que leur enfant, pour réaliser ce qu’il a réalisé, a dû produire beaucoup plus d’efforts et d’énergie qu’un enfant “ordinaire”. C’est en cela que la dyspraxie est un handicap invisible et sournois. “Ce qui est déboussolant avec un enfant comme Mathieu, c’est qu’il calculait très vite, apprenait ses leçons très facilement, avait une mémoire extraordinaire, mais qu’il ne produisait rien. Je l’ai beaucoup grondé, il a eu beaucoup de fessées aussi - injustifiées finalement vu ce que l’on sait maintenant”. Témoignage de la maman de Mathieu. “Le diagnostic de dyspraxie est enfin fait à 7 ans !!!!! Depuis ce jour nous avons compris qu’Arthur a un réel problème qui est d’ordre physique et non psychologique, que nous n’en sommes pas la cause, que crier ou s’énerver après cet enfant (qui réussit parfois des choses difficiles mais rate les plus faciles) ne sert à rien, que l’aider va demander beaucoup de temps, d’énergie et de patience. Saura-t-il surmonter cette épreuve et ne plus sombrer dans des phases de grande tristesse comme cela lui arrive parfois ?” Témoignage de la maman d’Arthur. “J’ai ressenti une immense colère quand j’ai su pour la dyspraxie d’Arnaud, je dirais presque de la haine envers tous ces gens qui ont massacré mon fils et moi par la même occasion. Raconter m’a fait un bien fou, m’a déculpabilisée aussi (bien qu’il y a encore des petits restes, des réactions que j’ai pu avoir envers Arnaud dont je ne suis pas très fière). Aujourd’hui cette colère me sert pour tous les imbéciles que nous rencontrons sur notre route. En lisant les messages du forum (de DMF), c’est bon parce qu’Arnaud et moi ne sommes pas seuls dans l’incompréhension, la souffrance, le lourd passif mais d’un autre côté ça me rend triste de savoir qu’il y a plein d’autres souffrances inutiles, dû au fait que nous sommes dans une société qui ne veut que du rendement, des êtres ‘parfaits’. S’ils savaient que c’est la différence justement qui fait tourner le monde ! C’est vrai que nous avons des enfants fantastiques ! Encore un grand merci pour vos messages, vos encouragements, et d’exister surtout.” Témoignage de Marie-Amélie la maman d’Arnaud qui vient d’être diagnostiqué à 11 ans. Estimez-vous qu’en s’y prenant suffisamment tôt et avec des mesures éducatives adaptées, on peut améliorer, voire guérir les différentes formes de dyspraxie ? On peut très certainement améliorer la vie d’un dyspraxique au quotidien, sa scolarisation et son insertion dans la société en lui procurant le plus tôt possible les aides appropriées. On peut lui éviter les souffrances de la discrimination, du déni, la tristesse d’être accusé à tort de paresse et d’opposition, l’angoisse de ne pas avoir d’avenir professionnel. On peut accroître ses chances d’accéder à l’autonomie et de compenser son handicap afin de le rendre vivable. Je ne pense pas qu’on puisse “guérir” à proprement parler de sa dyspraxie, comme aujourd’hui on ne guérit pas de troubles d’origine cérébrale, dont la cause est inconnue dans l’état actuel des connaissances scientifiques. L’espoir de guérir un jour de ce handicap est subordonné à la recherche, encore à un stade balbutiant sur la dyspraxie. Mais qui sait ? Il n’est pas interdit d’espérer que des découvertes fassent accélérer les choses plus qu’on ne peut le concevoir aujourd’hui. D’ores et déjà, ceux qui ont la chance d’avoir une dyspraxie légère et de rencontrer des personnes qui les ont aidés, ont pu sans doute se faire une place dans notre société. Ce que nous ne voulons pas, ce qui est contraire à la modernité dans la manière de vivre aujourd’hui le handicap, c’est de laisser encore cette chance entre les seules mains du hasard ! Association Dyspraxique Mais Fantastique 8, chemin des Eycellets 30150 MONTFAUCON Tél.06 16 74 96 38 [email protected] http://www.dyspraxie.info http://www.dyspraxie.org Témoignages de parents d’enfants dyspraxiques Cathy, maman de Nicolas, 11 ans Je suis maman de Nicolas, 11 ans. Nicolas présente des difficultés d’apprentissage depuis l’âge de 5 ans. Les difficultés sont devenues importantes au CP car il n’arrivait pas à écrire comme les enfants de son âge (lenteur, tracé, sens, propreté), il présente aussi une lenteur dans les gestes quotidiens, une maladresse aussi. Nicolas a été suivi par le RASED, le CMP, des psychologues, psycho pédiatre, orthophoniste, ORL, ophtalmo... Il a passé un test de QI (sur la demande de son institutrice, surprise par ses réponses à certains moment, afin de vérifier une surdouance) l’année dernière donc à 10 ans, en CM2 avec la psychologue scolaire. Le résultat a été déroutant, elle m’a dit : “votre enfant est intelligent, pour moi il n’y a aucun doute à ce niveau, mais son test est ininterprétable : le résultat de certains items sont très élevés et d’autres très faibles”. Je n’en ai pas su davantage et n’ai pas de compte-rendu (une demande est en cours). Nicolas est passé en 6e mais les difficultés sont importantes à l’écrit, pour l’organisation. Son professeur d’anglais connaît dans son entourage des enfants qui viennent d’être diagnostiqués comme dyspraxiques et me demande de faire faire un bilan à Nicolas et vérifier s’il présente ce disfonctionnement. J’en suis là actuellement, les délais d’attente pour effectuer les tests sur Paris sont de 6 mois à 1 an. Nous venons d’avoir ce matin les résultats des tests passés par Nicolas en vue d’un diagnostic de dyspraxie. J’ai le résultat devant les yeux, c’est incroyable... depuis tant d’années de recherche pour comprendre les difficultés de Nicolas très marquées au niveau de l’écrire. C’est un soulagement de pouvoir mettre enfin un mot sur le comportement de notre garçon. Mais je suis aussi en colère devant tout le temps perdu pour mettre en place ce diagnostic. Nicolas, qui a 11 ans, a des difficultés depuis la 2e année de maternelle, avec un CP catastrophique sur le plan de l’écriture, à la fin il ne voulais plus rien produire... et notre incompréhension face à ce petit bonhomme si différent ! Je me remémore les 2 à 3 heures passées le soir pour qu’il puisse faire ces devoirs, entrecoupé de phases de jeux car il décrochait très vite. Enfin un parcours que beaucoup connaissent, où il nous a fallu développer des trésors de patience et où il a fallu à Nicolas développer une incroyable capacité d’adaptation et une grande force de caractère devant toutes ces personnes qui ne le comprenaient pas, tous ces enfants moqueurs, parce qu’ils ne savaient pas, toute cette souffrance qu’il a ressentie, que nous avons ressentie... Je suis si fière de lui, je mesure les efforts pas toujours reconnus qu’il a fournis... et le chemin parcouru. Aujourd’hui, nous allons retrousser nos manches pour que Nicolas puisse apprendre dans de meilleures conditions au collège, et faire en sort de faire respecter sa différence. Nous avons du pain sur la planche, mais au moins nous savons dans quelle direction aller. Merci pour ce lieu d’échanges enrichissant et de soutien, merci pour votre association. Cathy, maman de Nicolas, 11 ans et 4 mois, dyspraxique mais fantastique “Le parcours de notre fils est le prototype de celui d’un dyspraxique lourd”. A lire les divers témoignages, il apparaît que le parcours de notre fils est le prototype même de celui d’un dyspraxique lourd, sa dyspraxie ayant entraîner une dyslexie secondaire. C’était un enfant qui n’aimait pas les billes, le foot, les lego, mais seulement les livres, la nature, qui ne pouvait pas voir de différence entre un carré et un rectangle mais qui connaissait un nombre incalculable de dinosaures. Un enfant atypique dans le domaine scolaire : une de ses institutrices ne comprenait pas un enfant qui pouvait être en même temps le dernier de sa classe dans les matières fondamentales (calcul, orthographe) et le premier dans les matières d’éveil. C’est un véritable parcours du combattant qui lui a permis d’obtenir en 2004, son baccalauréat (série STT mais avec mention AB) Tout au long de sa scolarité primaire, puis secondaire, il a connu d’énorme embûches, des périodes de destabilisation profonde, comme tous. Mais tous, s’ils sont exclus à la base, ne pourront obtenir un baccalauréat et tenter un cursus d’études supérieures. Il a fallu s’accrocher, faire des efforts incommensurables. La chance énorme dont il a bénéficié est d’avoir été suivi très tôt, depuis l’âge de 5 ans par des professionnels très compétents. Le diagnostic a été posé par une équipe pluridisciplinaire et son profil parfaitement appréhendé par eux. Orthophoniste, psychomotricien, conseillére d’orientation-psychologue nous ont soutenus, nous ses parents, nous invitant à nous opposer malgré des moyens assez faibles à des redoublements proposés, notamment en 4e et en 2e. Il a eu aussi chaque année des enseignants qui ont été très présents à ses côtés et admiraient sa pugnacité. Mon propos ne sera pas de décrire son parcours de manière anecdotique, mais plutôt de rechercher une réflexion sur ce type de handicap par rapport au “système scolaire”. Beaucoup de progrés, de sensibilisation ont été accomplis. Des textes législatifs récents devraient permettre une amélioration sensible de la situation de ces enfants. Mais beaucoup reste à faire. Encore faut-il que les textes soient Réadaptation N°522 53 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES connus, appliqués et bien appliqués. Le probléme de ce type de handicap qui ne se voit pas à priori, se trouve dans la méconnaissance du personnel enseignant. Bon nombre de professeurs mettent beaucoup de bonne volonté pour chercher à comprendre. Notre fils a été souvent aidé, encouragé. Cependant, certains restent fermés, voire hostiles à leur intégration, estimant qu’il n’est pas de leur travail, de leur ressort de les prendre en charge. Ce sont les mêmes qui refusent de prendre connaissance du dossier médical, n’hésitant pas à les humilier devant la classe entière. Cet état d’esprit déplorable à l’heure actuelle est très dur à vivre pour l’élève qui doit affronter ses congénéres et faire admettre sa différence. Il est vrai que ce handicap est extrêmement difficile à expliquer. Bien sûr, il faut voir les enseignants, le professeur principal et faire le point en début d’année. Parfois, on est bien reçu. Parfois, beaucoup moins et il est alors extrêmement douloureux de ressentir une suspicion et qu’il vous soit fait grief de vouloir faire arriver à toutes forces un élève qui n’en aurait pas les capacités. Or, ce ne sont pas des priviléges que réclament les parents. C’est simplement, la prise de connaissance du dossier médical et le respect des droits de l’enfant, comme un mal-voyant ou un mal entendant, ni plus ni moins. Les textes récents (circulaire d’organisation des examens pour les personnes handicapés du 3 juillet 2003) permettent à ces enfants d’obtenir le tiers temps et l’assistante d’une secrétaire en cas de dysgraphie, très fréquente chez les dyspraxiques. Le tiers temps est, disons, rentré dans les mœurs. Beaucoup plus difficile est l’octroi d’une secrétaire et surtout d’une secrétaire qualifiée. Le respect des textes consisterait à la mise en place systématique : du tiers temps l’assistance d’un personnel qualifié pour toute épreuve soumise à évaluation. Les parents ne doivent pas hésiter à solliciter le bénéfice de ce régime. Le système se heurte certes peut-être à un manque de moyens, mais surtout à un manque de compréhension et de peut-être de volonté par rapport à ce handicap. Il semblerait que désormais l’on trouve du personnel qualifié pour lire le braille ou comprendre le langage gestuel des malentandants. Les dyspraxies elles, sont caractérisées par le trouble des fonctions praxiques de planification et de pré-programmation des gestes, s’accompagnant de difficultés de perception visuo-spatiale, de difficulté d’analyse. Le langage oral reste souvent intact. Le but des examens étant de vérifier et de contrôler les connaissances et la possibilité de réflexion du candidat. Le personnel qui assiste un dyspraxique devrait donc être qualifié : soit des professionnels para-médicaux, soit des enseignants qui ont une fonction spécifique connaissant cet handicap. Il est absolument nécessaire de prendre conscience que toute situation où l’élève se trouve pour composer dans un laps de temps imparti le pénalise, ainsi que la présention et la qualité des documents proposés. Des moyens et des vrais moyens doivent être absolument mis en oeuvre à tous les niveaux, y compris au niveau universitaire. L’aprés-bac constitue réellement un autre monde : Actuellement, en première année histoire, le contrôle continu pose un probléme malgré l’octroi du tiers temps au niveau de la rédaction et de la présentation des devoirs; ainsi qu’en amont dés la prise des cours. Situation très regrettable car l’intérêt et la connaissance de la matière sont pourtant là. 54 Réadaptation N°522 La dyspraxie face au collège Témoignage de Maïté et de Jean-Nicolas (20 ans) Pas facile aux professeurs de comprendre cet handicap invisible car bien souvent les élèves essaient de masquer, c’est le cas de Thibault. Donc il y a oubli d’une réunion éducative à l’autre ou il y a totale incompréhension de la nécessaire mise en place du projet d’intégration individuelle scolaire. Nous avons même parfois l’impression qu’on en fait fi !! Sinon comment expliquer la persévérance à tout mettre en condition l’élève vers un échec assuré : faire un contrôle de maths en cours d’espagnol, d’anglais quand il est écrit noir sur blanc sur le PIIS qu’en mathématiques et géométrie pour cet élève, il faille le plus grand silence afin qu’il puisse optimiser sa capacité de concentration, conserver ses stratégies compensatrices !! Ce qui conduit à anéantir tous les efforts de la famille vers une amélioration des résultats (cours particuliers, soutien familial dans les devoirs, exercices en supplément etc...). Que d’efforts mis au placard ! quelle considération est placée dans l’effort fourni par cet élève si particulier. Pourquoi s’obstiner malgré la demande d’un 1/3 temps supplémentaire pour compenser la lenteur, la fatigabilité, la difficile concentration, à ne pas le mettre en oeuvre. Les résultats dans toutes les matières sont nettement en deçà des capacités réelles de Thibault et quand arrive l’heure de l’orientation : il est proposé des BEP dans les domaines manuels (vu que l’intellect n’a pas l’air brillant) adieu les études générales !! Mais pour un IMC et dyspraxique visuo-spatial ??? quelle est la filière manuelle à préconiser ??? orientation par défaut, orientation sans prise en compte de l’élève dans sa difficulté propre, son handicap, sa globalité. Chaque année sonne le glas de l’avenir qui devrait être celui de Thibault. Chaque année nous devons réexpliquer les raisons de notre refus. Chaque année, nous devons prouver que nous ne sommes pas contre une orientation mais qu’elle soit réfléchie et adaptée !! Chaque année pour l’instant, nous avons gagné au prix des heures prises sur notre travail pour nous libérer et réexpliquer. Chaque année nous craignons les conseils de classe qui pointent les difficultés sans avoir mis en oeuvre le nécessaire (PIIS). Nous aimerions pour notre fils une projection qui soit compatible avec ses désirs qui sont d’ailleurs compatibles avec ses capacités. Il reste à inventer des filières intellectuelles ou inventer un cursus sur de plus longues années. Nous savons que nos enfants ont des difficultés, une lenteur, nous sommes nous, parents de Thibault, complètement conscients sur le fait que Thibault devra prendre plus de temps pour obtenir un diplôme, mais nous sommes aussi prêts à lui offrir ce temps. Pourquoi doivent-ils sortir du système à un âge fixé selon une certaine normalité (quelle normalité ??). Peu de choix d’orientation s’offre en fait pour un enfant dyspraxique après le BEPC par exemple. S’il est considéré comme ne pouvant pas atteindre la seconde générale, il sera “dirigé” vers une filière qui ne lui convient absolument pas. Nous voudrions des études courtes qui soient inventées pour eux ! Ne pourrait-on pas créer de nouveaux BEP type (aide-documentaliste, aide bibliothécaire), qui font appel à la culture générale que nos enfants ont de façon généralement innée (car ils ont cette soif d’apprendre, de connaissances) et peu de capacités à les restituer par écrit. Le Collège est un endroit où certainement il faudrait inventer une adaptation en effectif et je crois que cela pourrait être utile non seulement à Thibault mais à tous les enfants ! (31 élèves par clas- se c’est trop pour avoir une discipline surtout à la pré-ado). Les PIIS sont souvent rédigés correctement par une équipe éducative, approuvé par les principaux de collège, mais aucun moyen n’est mis en face pour le mettre en oeuvre (par exemple, il avait été demandé un secrétaire pour Thibault à raison de 30 heures par an pour l’aider au moment des contrôles de maths !). Nous étions confiants, nous reprenions espoir. Nous sommes au mois de mai et nous n’avons jamais vu ce “secrétaire”. Il n’est pas nommé car il n’y en a pas !!!! Avoir un enfant différent dans une société qui normalise au maximum n’est vraiment pas de tout repos. Tout au long de cette scolarité, j’ai trop souvent eu l’impression qu’on jouait avec mes espérances, mes désespérances. Voilà pour moi. Yolaine maman de Thibault (épileptique IMC fruste et dyspraxique Christophe visuo-spatial) Christophe dès la naissance présentait une légère hypotonie (tenue de la tête, position assise, acquisition de la marche un peu tardives.) Retard moteur accompagné d’un éveil intellectuel précoce : Très intéressé par les livres (lecture acquise en grande section de maternelle.) C’est un enfant très éveillé, curieux, intéressé par des sujets de “grand”, discutant comme un “grand”. Christophe a été scolarisé normalement jusqu’au CE1. Le niveau scolaire est acquis, mais face à son mal-être se traduisant par une régression dans son comportement, un isolement important... Nous prenons la décision de le déscolariser et les problèmes de comportements induits par sa souffrance vont être prétexte à son orientation vers un institut de rééducation. Avec la diminution de la pression scolaire au niveau de l’écrit, Christophe retrouve progressivement confiance en lui. Mais il se retrouve avec des enfants qui, eux, ont de gros troubles de comportements (violence, agressivité...) et ne lui permettent pas d’avancer dans sa scolarité, d’où la décision d’une intégration scolaire plus importante allant aboutir, à l’heure actuelle à une intégration à temps complet avec les suivis (psychomoteurs, orthophoniques et psychologiques) conservés au sein de l’institut. Rien n’est adapté à son trouble mais lui s’adapte bien et voit toujours le côté positif de chaque chose. C’est par hasard, suite à la lecture d’un article de presse sur la dyspraxie, que nous avons consulté un neuro-pédiatre et il fut diagnostiqué seulement l’été dernier malgré tous les suivis mis en place depuis la maternelle. Christophe a repris goût à la vie après avoir compris nous-même et lui avoir expliqué l’origine de ses difficultés, mis un nom sur sa dyspraxie. Nous avons alors entamé une véritable bataille : Démarches auprès de l’IR sans aucun résultats pour essayer d’expliquer le handicap (afin d’adapter au moins les suivis). De nombreuses réunions avec les équipes de la CDES afin d’adapter son orientation. Lettres et demandes auprès du ministère de l’éducation nationale. Différents rendez-vous auprès du conseil général. Ce n’est donc qu’un an après le diagnostic que Christophe pourra rejoindre son école avec un suivi et, je l’espère, un enseignement adapté... Nous n’avons pas fini de nos battre mais Christophe est un enfant extraordinaire capable de grandes choses si seulement tout le “Un combat qui vaut la peine même si ce n’est pas facile tous les jours”. monde n’était pas obligé de rentrer dans le même moule... Depuis la toute petite enfance, Maxime a eu un parcours difficile, tant dans sa vie scolaire que dans sa vie de petit enfant. Alertés par une maîtresse au cours de sa deuxième année de maternelle sur son comportement, retard en graphisme, en langage sur sa façon d’être en classe, son équilibre, un groupe de travail a été organisé (médecin scolaire, psychologue, etc. ...), bref tous avec un titre “ronflant” mais sans solution à nous apporter. Nous avons commencé divers examens, que de périples pour un enfant, avec un bilan vous disant “mais votre enfant est normal”. Maxime a suivi le cycle normal de l’école après un redoublement du CP, il était suivi par le Rased, Orthophoniste et Psychomotricité à notre charge. Deuxième cycle scolaire, évolution des difficultés, la directrice de son école nous alerte à nouveau en CM2, nouveau groupe de travail pour parler de son passage en 6e. Un médecin scolaire qui portait une attention particulière à Maxime nous a dirigés vers un centre hospitalier de notre région pour voir un pédopsychiatre qui a son tour nous a renvoyer vers l’hôpital national de saint Maurice où maxime a subi un bilan complet pendant une semaine, au terme duquel il nous ont annoncé une Dyspraxie Visio Spatiale. Il est à ce jour suivit en Orthopties et orthophonie mathématico logique vu ses lacunes en mathématique, il a enfin été déclaré en ALD. Maxime est actuellement en 5e dans un collège où il se sent isolé et mis à l’écart par ses camarades, et très mal vu par certain de ses professeurs qui n’ont pas conscience du problème. Il ne bénéficie pas d’une AVS et nous savons que la CDES n’a pas été saisie. Une réunion a été organisée au sein du collège au mois de novembre entre l’équipe soignante de l’hôpital, médecin scolaire et l’équipe enseignante, certains professeurs ont été réactifs, d’autres restent sectaires, ses résultats étant moyen en fonction des matières. Maxou, le diminutif de notre fils, baisse les bras depuis un trimestre, l’adolescence n’aidant pas, il est isolé, en dehors de son seul copain qu’il a depuis la 6e. À ce jour il a du mal à suivre en classe, et n’a pas assez de temps pour écrire ses cours en globalité, donne l’impression d’être tête en l’air, voir fainéant ou de n’en avoir rien à faire, sachant qu’en plus il n’arrive pas à avoir copie de ses cours ni pas les professeurs ni par ses camarades ! Nous, ses parents savons que Maxou est un enfant rempli de connaissance, de vie, d’humour, avec une mémoire parfois étonnante, qu’il est impressionnant car il a conscience de son handicap et a une vision très avancée des choses de la vie. Nous combattons depuis sa petite enfance pour l’aider, nous sentant seuls face aux gens indifférents qui nous entourent et ne nous apportent absolument aucune aide, nous sommes certains que vous nous comprendrez, et que pratiquement rien n’est fait pour l’avenir de ces enfants ! Au-delà d’avoir pris connaissance par notre orthoptiste de votre association, nous avons lu avec beaucoup d’attention les différents témoignages, et sommes heureux de rejoindre les ambassadeurs qui vont au devant des habitants de la planète “Exit” dehors en anglais (dysphasique, dyspraxique, dyslexique ...) n’est ce pas que bien souvent ils sont pris pour des extra-terrestres ? Et combien de fois incompris ! Nous avons un oncle qui nous a dit un jour froidement “mais tu es sûr qu’il est normal ton fils ?” Le combat vaut la peine, ils nous le rendent bien nos petits martiens, même si ce n’est pas faciles tous les jours. Nous espérons dans votre association pourra nous conseiller et Réadaptation N°522 55 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES nous aider à continuer son parcourt sachant que le collège nous a déjà fait comprendre qu’il ne pourrait pas garder Maxime l’année prochaine !! Alors que faire ? “Nous appréhendons le passage de Stéphane en 6e l’année prochaine”. Didier et Frédérique, parents de Maxime, 13 ans. Stéphane est né à terme sans problème de santé neurologique particulier. Il a marché à 12 mois et a été propre de jour à 2 ans 1/2 et de nuit à 4 ans. Il a parlé à presque 3 ans, du jour au lendemain. Il est passé sans transition d’une communication non verbale mais expressive à une communication verbale construite (sans passage par l’étape des mots phrases). Stéphane n’a jamais exprimé le souhait de dessiner ou crayonner, par contre il s’intéressait beaucoup aux dessins animés et films pour enfants avec une grande capacité d’attention et de mémorisation des scènes vues. Il a mis du temps pour apprendre à faire du vélo. En moyenne section de maternelle, la maîtresse nous a convoqué pour nous indiquer un retard dans le développement graphique de notre fils. Nous avons rencontré le psychologue scolaire qui nous a orienté vers le CMPP. Stéphane a été suivi pendant sa 3e année d’école maternelle par une pédopsychiatre une fois par mois en présence de sa mère. Un bilan psychomoteur (d’une séance) a été réalisé par la psychomotricienne du service. Au bout de cette année, le médecin nous a conseillé de faire suivre Stéphane en psychothérapie car elle pensait que son retard graphique était dû à un blocage psychologique dont nous ignorions encore la cause. Pour notre part, l’hypothèse d’un blocage psychologique ne nous satisfaisait pas. Nous penchions plutôt pour un problème physique. Nous avons consulté, en médecine parallèle, un naturopathe, une sophrologue, une kinésiologiste et un acuponcteur. Tous ont tenté d’apporter une aide à Stéphane mais aucun n’a réussi à le “guérir”. Stéphane savait lire à l’entrée au CP. Sa maîtresse était très ennuyée par le contraste entre ses capacités intellectuelles et ses difficultés graphiques. Nous avons alors pensé à un problème de vue. Nous avons consulté une ophtalmologiste spécialisée dans les problèmes oculaires des enfants. Elle n’a diagnostiqué aucun trouble de la vision. Nous avons ensuite pensé que Stéphane était “paresseux” et nous l’avons forcé à écrire en espérant qu’avec l’apprentissage, son écriture allait s’améliorer. Il n’en fut rien. D’une séance à l’autre, les lettres écrites étaient de nouveau mal formées. Son écriture s’est un peu améliorée avec l’âge mais sans aucune comparaison avec celle des enfants de sa classe d’âge. L’école primaire de notre quartier est une petite structure avec 3 classes et des enseignants qui font peu faire de travail écrit aux enfants en dehors du temps scolaire. Le travail sur fiches photocopiées est privilégié. De plus, nous sommes en contact régulier avec l’enseignant (qu’il a pour la 3e année consécutive) et qui juge les compétences et acquisitions scolaires de Stéphane plus sur le fond que sur la forme. En classe de CM1, la psychologue scolaire lui a fait tout de même passer un test d’efficience qui a bien montré un décalage entre ses capacités verbales et celles nécessitant des capacités d’abstraction dans l’espace (incapacité à créer une figure géométrique). Il n’arrive pas à tracer un trait droit et à reproduire une figure simple sans aide. Stéphane a besoin d’être soutenu individuellement. L’enseignant doit régulièrement l’interpeller pour qu’il s’intéresse au travail à faire et qu’il ne soit pas trop lent dans la réalisation de ses 56 Réadaptation N°522 devoirs. Sinon il semble plongé dans une profonde rêverie ou captivé par un magazine, une BD ou un film. Il en est de même à la maison. Toutes les activités quotidiennes lui pèsent. Se laver, manger correctement (couper sa viande), s’habiller (il ne sait pas lacer ses chaussures), sont difficiles pour lui. Il court, nage ou fait du vélo de façon “désordonnée”. Il a du mal à tenir un plateau chargé ou un verre rempli sans le renverser. Par contre, il est plus à l’aise avec la souris et le clavier de l’ordinateur, la manette des jeux vidéo ou les baguettes pour jouer de la batterie. Sa mère reste les mercredis avec lui pour l’aider à faire son travail, l’accompagner à des activités comme la natation, la batterie ou l’athlétisme. Stéphane doit normalement passer en 6e l’année prochaine mais compte tenu de ses difficultés graphiques, nous appréhendons beaucoup ce passage. Nous avons enfin obtenu un diagnostic au Kremlin-bicêtre. “ On apprend à vivre avec la dyspraxie”. Mélanie, 18 ans, en classe de terminale STT, option commerce. Je m’appelle Mélanie, j’ai 18 ans, et je suis en classe de terminale STT, option commerce. J’ai découvert que j’étais dyspraxique à 14 ans en classe de 3e grâce à une orthophoniste. Mes parents m’ont toujours considérée comme maladroite, allant même jusqu’à croire que je le faisais exprès. Lorsque j’étais en maternelle, j’avais beaucoup de difficultés à découper, coller, colorier... (j’en passe). Je me sentais différente mais sans jamais en parler autour de moi. J’ai toujours eu de bons résultats à l’école, j’ai même passé la classe du CP. J’ai su lire, en effet, très tôt mais à côté de cela, j’étais incapable, à 10 ans, de rentrer seule chez moi ou encore d’ouvrir ou fermer une porte à clef. Au collège, tout s’est compliqué. Les mathématiques se sont énormément compliquées et j’ai vite perdu pied. La technologie me posait également problème pour tout ce qui était travail de précision. Je suis passée devant une commission CDES et ils m’ont attribué l’AES pour taux d’incapacité de 50 %. Après cette commission, j’ai craqué. Je me sentais franchement stupide, je me suis rendu compte que je n’étais pas comme les autres. 3 jours après cette commission, j’ai été hospitalisée pour tentative de suicide. Après cette hospitalisation, et un temps de repos où j’ai arrêté les cours, une rééducation s’est mise en place, alliant l’aide d’une psychomotricienne, d’une ergothérapeute et d’une psychologue. Les progrès ont été longs à venir mais je ne me suis jamais découragée. Cela n’a pas toujours été facile, mais j’ai réussi à pallier certains de mes problèmes. Cette année scolaire-ci, j’étais en seconde, j’ai arrêté les cours en novembre et je les ai repris à mitemps en mars, je suis tout de même passée en première car malgré tout, mes notes étaient très bonnes. Aujourd’hui, je suis en terminale, mes notes sont maintenant excellentes, j’ai même, pour la première fois de ma vie, la moyenne en mathématiques. Après avoir décroché mon bac, j’envisage de faire une fac de langue pour ensuite rentrer à l’IUFM et devenir prof. J’ai encore quelques soucis car la dyspraxie ne se guérit pas, mais on apprend à vivre avec. Ce n’est pas tous les jours évident et j’ai encore parfois du mal avec le regard des autres lorsque je n’arrive pas à faire un acte du quotidien comme fermer un robinet du premier coup ou quand je trébuche souvent. Mais désormais, j’envisage mon avenir avec optimisme et je suis très heureuse de la vie que je mène. “ Ma dyspraxie”. Thomas Ricard (14 ans). Pour moi, la dyspraxie est un handicap trop mal connu, insupportable et profondément gênant pour bien des choses dans la vie de tous les jours. Elle me rend maladroit (je ne peux pas m’empêcher de courir partout où je vais, je suis incapable de bien coordonner mes gestes, quand je prends quelque chose comme un verre, parmi une bonne rangée très serrée de verres, je risque d’en renverser un je ne suis pas doué en sport, j’ai du mal à me tenir droit, je suis pratiquement incapable d’écrire avec un crayon, j’ai du mal à manger “proprement”, mon organisation est catastrophique (je perds tous mes affaires), les maths, surtout la géométrie, me posent beaucoup de problèmes, j’ai du mal à me repérer dans le temps...). Je crois bien que je suis né dyspraxique, né grand prématuré à 29 semaines, né avec mon jumeau, William, qui, miraculeusement se porte parfaitement bien. On m’a également trouvé une hémorragie cérébrale à 2 jours. Pour faire face à mes problèmes, je bénéficie de beaucoup d’aide (d’une AVS pour laquelle j’éprouve de la profonde gratitude, de beaucoup de rééducation (orthophonie, orthoptie, kinésithérapie, soutien psychologique, d’ergothérapie, et des cours particulier en maths), et d’un ordinateur portable pour remplacer le stylo et la feuille. Autre problème notable, ma différence d’avec les autres (l’année dernière, on se moquait beaucoup de moi mais cette année, ça va parfaitement mieux) : ils ne comprennent pas ma différence, en prennent peur et me rejettent, comme toutes les autres différences. J’étais rejeté même quand j’étais petit, par camarades et institutrices, ce qui n’est quand même pas rien ! Je ne pouvais pas jouer aux même jeux que les autres et je ne pensait pas comme les autres. J’ai d’autres centres d’intérêt : il ne doit pas y avoir beaucoup d’adolescents qui sont passionnés d’histoire, de l’histoire du cinéma, qui connaissent tout de Groucho Marx et Charlie Chaplin ! Mais malgré cela, je vois un avenir plutôt rassurant :je ne sais pas si j’arriverai à conduire une voiture un jour, mais j’ai la certitude que je serais indépendant et que j’aurais un bon métier. Mon rêve est de devenir romancier (j’ai commencé plusieurs romans, des romans d’aventure et des romans policiers) et acteur, directeur et scénariste pour le cinéma et la télévision. Le message que je désire adresser aux autres est que : malgré tous ces problèmes, il faut me traiter, et tous les autres dyspraxiques, en égal et non pas comme un pauvre malade. Réussissez cela et je vous promets sur ma parole que vous aurez une colossale gratitude de ma part. Des précisions de Fiona, mère de Thomas En CM2, Thomas a la directrice comme institutrice, et elle soutient l’utilisation d’un ordinateur pour Thomas, car il a de plus en plus mal à écrire ; tout ce qu’il produit est illisible, mais parfait au niveau grammaire et orthographique. Il n’a pas d’ordinateur attitré, mais il peut utiliser la machine de la classe. Un grand bon en avant pour lui. Je voudrais ajouter que nous sommes aussi très rassurés par les communications régulières entre l’équipe thérapeute et l’école. Thomas aborde sa 6e dans de bonnes conditions. Il a fait une très bonne 6e, grâce à l’aide de professeurs très compréhensifs, et à l’intervention de la conseillère d’éducation, qui l’aide à gérer son emploi du temps, vérifie ses cahiers, qu’il a bien pris ses leçons, les devoirs. On lui attribue un ordinateur portable, et c’est la grande joie. L’orthophoniste utilise le mot “dyspraxie” de plus en plus. Mais nous pensons faire tout le nécessaire pour la prise en charge de Thomas. À la fin de la 6e, il est pratiquement autonome. Je rajoute que Thomas n’était pas le seul enfant “différent” dans ce collège, mais il y avait la place pour d’autres enfants en difficultés (maladies orpheline, cancer, handicap moteur léger...). Voilà pourquoi nous étions si surpris quand mon mari a de nouveau été muté, cette fois, à la réaction de son nouveau collège. Nous déballons encore l’histoire de Thomas pour le directeur et une partie de l’équipe pédagogique, mais cette fois la réaction est très hostile. Travailler avec un ordinateur, “Comment ça il ne peut pas écrire ? Il peut s’il veut ! Quelle idée ! Mais il faudrait le placer à côté d’une prise ! Cela va être difficile à organiser, les salles sont trop petites ! Mais qu’est-ce qu’il a votre fils ? Nous n’avons pas les moyens ici, vous savez.” À la rentrée de sa 5e nous n’avons toujours pas de diagnostic concret, mais sa nouvelle orthophoniste nous envoie enfin à une bonne adresse. Un neuropédiatre qui m’annonce que notre fils a une spasticité moyenne dans les jambes, qu’il est “atteint” du bassin jusqu’aux pieds (et bien, Thomas a été très régulièrement suivi par des pédiatres - pourquoi ce problème n’a pas été décelé auparavant), enfin, ce premier diagnostic est qu’il a une dyspraxie visuo-spatiale sévère et d’autres tests vont suivre. L’orthoptiste révèle qu’il a aussi un problème neuro-visuel (là, stupéfaction, car la lecture ne lui a jamais posé de problème, au contraire, mais ceci expliquait beaucoup de choses sur la mauvaise copie des leçons depuis le tableau, qu’il a du mal a trouver des objets, même guidé verbalement, sa maladresse...), et l’IRM cérébrale a révélé bien des lésions dans les deux régions périventriculaire. Nous étions à la fois soulagés par ce diagnostic, mais aussi très en colère, car nous n’avons jamais cessé de chercher des réponses à nos questions, mais nous étions sans cesse orientés vers le “psy”. Je pense que la psychiatrie a tout à fait sa place, mais les problèmes de Thomas sont avant tout médicaux. Quel gâchis d’énergie, de temps, de ressources publiques, et notre fils, qui aurait pu bénéficié de thérapies spécifiques depuis toutes ces années ! L’année dernière, en 5e, a été épouvantable pour Thomas. Il y avait un rejet général de son collège, moqueries en tout genre (et pas seulement de la part des élèves !!), qui ne voulaient pas de nos explications, et ne voulaient surtout pas s’engager à l’aider. Nousmêmes, parents étaient soupçonnés d’avoir ”caché la vérité” du handicap de Thomas - eh oui, ce vilain mot a fait son entrée dans notre vocabulaire. Il a fallu se battre très dur, tous les jours. J’ai fait intervenir le médecin scolaire (le directeur m’a dit qu’il n’y en avait pas - mais je l’ai trouvé grâce à DMF), et un dialogue contradictoire s’est installé entre le collège et le médecin, nous au milieu, encore. Le médecin scolaire me disait que le directeur ne voyait pas de raison d’intervenir dans son établissement, auprès de Thomas, qui allait très bien, avait de bonne notes - “c’est la mère qui en fait toute une histoire”. Le directeur est allé chercher son ordinateur Handiscol, mais certains professeurs étaient farouchement opposés à son utilisation dans leur classe. Ces mêmes professeurs ne lui laissaient pas aller imprimer son travail – il devait descendre deux étages pour aller au secrétariat – à rendre en classe et s’il était trop lent, ou bien il n’avait pas la permission – un zéro suivait vite derrière. Au mois de mai, nous étions convoqués par le directeur qui nous a dit qu’il ne souhaitait plus accueillir Thomas, qu’il n’y avait pas sa place, nous parlons vaguement d’un établissement peut être plus adapté à 70 km de chez nous. Heureusement, il y avait quand même quelques personnes qui le soutenaient, mais qui malheureusement ne pesaient pas très lourd. Je pense que le collège a finalement compris que nous n’allions pas partir comme ça, que nous croyions que Thomas avait bien sa place dans un établissement “normal” (il avait 12 de moyenne générale !). C’est bien grâce à l’appui très fort du médecin scolaire, et aussi du médecin psychiatre qui suivait Thomas qu’il a obtenu une AVS pour sa 4e. À la fin de cette année scolaire si pénible, une réunion a eu lieu en présence de la nouvelle équipe pédagogique (réunis spécifiquement autour de Thomas parce que ce sont des gens plus ouverts et com- Réadaptation N°522 57 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES préhensifs, sensibles aux problèmes de Thomas), le médecin scolaire et nous les parents. Un tableau très noir était peint de Thomas pendant la réunion, de sa dyspraxie. On a même posé la question, “en mathématiques, vu les difficultés, est-ce que ça vaut le coup de continuer avec lui ?”, nous avons répondu avec un OUI très ferme, car nous voyions, de temps en temps des lueurs d’espoirs. Depuis la rentrée 2004 - 2005, Thomas a une AVS et une équipe très motivée derrière lui. Lors, de la réunion parents - profs au mois de novembre 2004, sa professeur de maths nous racontait comment il est maintenant placé 9e dans sa classe en maths (30 élèves), qu’il met en place des méthodes de compensations un peu particulières, mais qui marchent. Preuve qu’il faut toujours espérer, ne jamais abandonner. Cette année il souffle, nous soufflons tous. Son AVS est merveilleuse, juste la bonne dose d’aider, et ne pas trop assister. Ses notes ont bien décollés dans le bon sens. Mais surtout, il est heureux, participe pleinement à la vie de classe (les accrochages verbales, moqueries ont cessé depuis qu’il s’est exprimé à la télévision sur le plateau de Ça Se Discute). Il devient très indépendant, réclame de faire tout seul - même si nous sommes discrètement derrière, et son AVS aussi. Grâce aux thérapies spécifiques (orthoptie, orthophonie, ergothérapie depuis peu, kiné, et psychiatrie - qu’il a demandé d’arrêter, car il n’avait plus rien à dire) en un an il a fait d’énormes progrès. Si seulement on avait pu commencer ces thérapies spécifiques plus tôt, je suis sûre que Thomas n’aurai pas une dépendance totale à l’ordinateur, il n’aurait pas eu une enfance aussi difficile, qu’il ne méritait pas. Voilà notre histoire. C’est un peu long, comme notre parcours vers un diagnostic correct. Françoise, professeur des écoles Benjamin était notre premier enfant, il a marché tard, c’était un bébé calme. Il a été suivi tôt en ophtalmologie pour son nystagmus (dépisté dès la créche), il tombait souvent, ne cherchait pas à manger seul, descendait difficilement les marches, avait peur des bruits. Il courait de façon désordonnée ce qui nous inquiétait. Il avait 3 ans lorsque la maîtresse de petite section m’a alertée sur son comportement : “Je me rappelle encore du premier collage de Benjamin : une fiche raide de colle avec juste 2 ou 3 papiers dans une pomme !” “Ton fils a renversé le pot de colle, me disait ma collégue. Il n’aime que le coin voiture ou le moment des histoires et encore s’il est près de moi”. Mon petit garçon ne réussissait pas ses fiches de travail en moyenne section pourtant il connaissait beaucoup de choses : les couleurs, les chiffres, les figures géométriques, il retenait des noms compliqués de dinosaures ou des mots scientifiques exemple les macrophages de la lymphe. Dans le couloir, je reconnaissais immédiatement ses travaux de graphisme fait à la peinture : seul le premier modèle tracé avec la main de la maîtresse ressemblait à un escargot ! La maîtresse nous a dit : “Il est né en octobre, il manque de maturité, il a encore besoin de jouer, faites-le redoubler“. Deuxième moyenne section : il avait envie de participer aux activités mais se lassait rapidement, et ne se débrouillait jamais seul. Puis peu à peu, mon petit garçon souriant et heureux a commencé à dire non à la maîtresse, il réalisait qu’il ne réussissait pas ses fiches comme les autres. Il avait mal au ventre et ne voulait plus aller à l’école. Le pédiatre nous a alors conseillé de faire un bilan en Camsp ou en CMPP, le médecin du CMPP nous a vaguement parlé de troubles des praxies : J’ai pensé “Ah... c’est pour cela qu’il n’arrive pas à pédaler, c’est pour cela que quand il est fatigué il n’arrive plus à porter la cuillère à la bouche, c’est pour cela qu’il a du mal à reboucher ses feutres !” La psychomotricienne insistait sur le côté psychologique : il a une petite soeur, vous attendez un autre enfant, vous le couvez 58 Réadaptation N°522 trop.. Laissez-le à la cantine, cela va le décrocher de vous ! on nous a même conseillé de le mettre dans une institution à plus de 100 Km de chez nous : un petit bonhomme de 6 ans !!! Sur le conseil de l’orthoptiste, nous avons emmené Benjamin chez un neuropédiatre en libéral qui a diagnostiqué une dyspraxie visuospatiale constructive et a préconisé une scolarité normale avec ordinateur, accompagnement par un AVS et suivi par un SESSAD (handicap moteur). Nous avons transmis ce bilan à l’école, au médecin scolaire pour préparer la grande section de Benjamin. Première équipe éducative en octobre, on aurait dit que le mot dyspraxie était inconnu. On nous proposait d’orienter Benjamin vers une clis fourre-tout, tous disait surtout pas d’accompagnateur (malgré la lettre du neurologue), cela va l’infantiliser ! Par un concours de circonstances, le médecin scolaire a assisté à une conférence du Dr Mazeau et a enfin compris les répercussions scolaires des dyspraxies et nous aidé. Je me suis alors documentée et, j’ai peu à peu trouvé les clés pour décoder le fonctionnement de mon enfant : chaque geste lui coûtait, même le fait de fixer, parcourir avec ses yeux lui demandait un effort important. Nous avons proposé une pédagogie adaptée. Il est en CE2 avec une maîtresse qui est très attentive, il est accompagné par une AVS, a un ordinateur portable, il a enfin une place en SESSAD handicap moteur, l’ergothérapeute lui apprend à utiliser le clavier avec une méthode adaptée. Témoignage d’un professeur de dessin. L’enseignant de la discipline : Arts Plastiques (désormais renommés : Arts Visuels) fait acquérir des connaissances, des repères (époques, civilisations et sociétés), des termes de vocabulaire plastique, petit savoir-faire (approche de techniques) ; l’élève devra être capable de : regarder, se repérer, s’exprimer... avec tolérance et curiosité. Il s’agit d’éducation. Quand l’enseignant est un plasticien (engagé dans la pratique artistique), il “joue le jeu” de l’Education Nationale ; il en accepte les règles et les objectifs, s’adapte, s’efforce de... Mais la priorité est peut-être plus souvent donnée aux différences d’attitudes, à l’émergence de réponses personnelles aux situations provoquées. Quand les conditions “ambiantes” le permettent, le dialogue qui s’engage a lieu entre 1 enfant et 1 adulte, tous les 2 interpellés dans leur créativité, face à la problématique artistique abordée dans l’instant. Si “l’effervescence” de la pensée intervient : le questionnement, le plaisir de “sa” solution, de l’expérience à tenter (dont l’envie devient impérieuse), j’avance l’hypothèse que l’élève (dyspraxique, dans le cas de Lionel) est à ce moment précis un individu créatif (et créateur), demandeur d’une parenthèse dans le système éducatif, plus qu’un élève en situation d’apprentissage. Il éprouve la nécessité du “faire à ma façon”. Le rôle de l’enseignant est alors -d’aider à trouver l’argumentation (pour se situer dans le contexte : question,consignes,réponse), d’éviter la dispersion ou le manque de réalisme (par rapport aux contraintes matérielles, par exemple), de faciliter le choix de l’outil approprié. Son rôle est aussi de valoriser “la trouvaille”, de l’à propos de la réponse, de l’appropriation réussie de la proposition initiale faite à l’ensemble de la classe. (appropriation réussie par un détournement éventuel : révélateur de créativité, par la conscience, appliquée, du : “ce qui n’est pas interdit est permis” : autrement dit la capacité de l’élargissement des “possibles” (réflexions et techniques). L’individu éprouve alors le plaisir que son travail soit évalué, en éprouvant, sans doute aussi, le soulagement d’être compris et apprécié. Les dyspraxiques rejoignent la FLA (Fédération française des troubles spécifiques du Langage et des Apprentissages) C ’est en 1998 que la FLA a été créée à l’initiative d’associations de parents et de professionnels concernées par les troubles spécifiques du langage oral et écrit, en particulier dysphasie et dyslexie, et des apprentissages. Elle regroupe désormais environ 3500 membres. Certaines associations interviennent par référence à un trouble spécifique du langage et des apprentissages (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, troubles des enfants suivis en neurochirurgie) d’autres s’adressent à des publics ciblés (enfants de 2 ans1/2 à 6 ans ou enfants de niveau scolaire, à partir de 6 ans) présentant des difficultés d’apprentissage et de retards d’acquisition du langage. Les associations fédérées au sein de la FLA ont d’abord travaillé sur les problèmes concernant les enfants (dépistage, prise en charge précoce, pédagogie adaptée,..) Elles élargissent aujourd’hui leur domaine d’intervention en direction des adolescents et des adultes. Les personnes concernées par ces difficultés ont des profils très variés qui vont d’un simple retard à un handicap avéré. Le handicap entre alors dans ce que la nouvelle loi sur l’intégration des personnes handicapées intègre dans la notion de “handicap cognitif”. La FLA entend favoriser une concertation, une collaboration et une synergie optimale entre les associations adhérentes, et leur assurer une représentativité nationale, condition de la légitimité de ses interventions auprès de ses interlocuteurs privés ou publics. Elle entreprend de mettre en place des projets communs, de favoriser la diffusion de l’information et les initiatives de recherche. Son objectif est d’être un relais entre associations, organismes et institutions. Il est de sensibiliser les pouvoirs publics sur ces troubles et leurs conséquences en terme d’insertion sociale et professionnelle des enfants, adolescents et adultes atteints, et de santé publique. Quelques actions de la F.L.A. Il s’exerce autour de trois axes : participation aux travaux du rapport reconnaissance de la spécificité des troubles du langage écrit ou oral et des apprentissages, et leur prise en compte dans les textes de loi relatifs aussi bien à l’école, qu’en terme de santé publique en faveur des personnes en situation de handicap, prise en charge adaptée au sein de l’école, puis en vue d’une formation professionnelle, prise en compte des préoccupations des familles à tous les niveaux pouvant les concerner. Son activité intervient également à trois niveaux : écoute des difficultés et des attentes des familles, par le biais des associations, qui en sont le relais, veille sur les projets prévus au niveau national concernant les enfants et les jeunes atteints de ces troubles, intervention constante auprès des ins- tances publiques et organismes para publics afin d’obtenir la mise en place de mesures adaptées. La FLA s’efforce enfin de développer des relations avec les Fédérations nationales ou internationales partageant ses préoccupations. 1997 - 2000 : Interventions auprès des parlementaires et des ministères pour un reconnaissances des troubles spécifiques du langage et des apprentissages Ringard, organisation d’un colloque à la Sorbonne avec la FNO (Fédération nationale des orthophonistes) en présence de représentants des ministres de l’Education nationale et de la Santé qui, à cette occasion, annoncent la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre les préconisations du rapport Ringard 21 mars 2001 : obtention d’un “plan d’action interministériel pour les enfants atteints d’un trouble du langage” 2001 - 2003 : Actions pour l’application du plan nouvelle intervention auprès des parle- mentaires en 2003 participation à des colloques 2003 - 2005 : Action en faveur de l’orientation et de la formation professionnelle Édition du guide “Jeunes en situation en handicap, de l’école vers l’emploi”, élaboré par la FLA et AAD France (association Avenir Dysphasie) – éditions Fabert et diffusion auprès des réseaux concernés de l’ONISEP Enquête auprès des associations sur l’application dans les départements des mesures du plan d’action : éléments positifs et points à améliorer. Réadaptation N°522 59 le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES le Dossier LES ENFANTS DYSPRAXIQUES LES ASSOCIATIONS ADHÉRENTES À LA F.L.A. FLA (Fédération française des troubles spécifiques du Langage et des apprentissages) 43, avenue de Saxe - 75007 Paris e-mail : [email protected] AAD (ASSOCIATION AVENIR DYSPHASIE) “Parce que tous les enfants ont la parole” Dans un premier temps, c’est pour répondre à la difficulté que rencontrent les enfants dans leur scolarisation que l’association Avenir Dysphasie a été créée en avril 1992. Comme d’autres parents, les parents-fondateurs avaient constaté qu’il n’existait pas de réponses adaptées pour assurer une scolarisation “particulière”, “spécifique” pour leurs enfants. Ils ont réuni autour d’eux un groupe de parents puis de professionnels qui ont rédigé un projet de prise en charge spécifique. Les débuts de l’association ont été l’occasion de mettre en place un fonctionnement structuré, par projets, circulation organisée de l’information, relations étroites avec les professionnels, construction d’un réseau d’antennes, rencontres régulières... Les antennes (actuellement au nombre de 17) sont des associations à part entière, autonomes dans leur fonctionnement et liées à AAD France par une convention. Toutes portent le même nom, utilisent le même logo, fixent ensemble leurs objectifs, portent les mêmes valeurs, toutes se préoccupent de dysphasie. Les actions nationales sont portées par Avenir Dysphasie-France. Les actions de terrain restent propres à chaque antenne, la notion de secteur géographique est essentielle : il faut trouver des solutions dans l’environnement proche des enfants (les orthophonistes, les lieux de diagnostic, les écoles...) Avenir Dysphasie publie trois fois par an un journal “Parole, Paroles” à l’intention de tous ses adhérents et donne rendez-vous sur son site : www.asso-dysphasie.fr AVENIR DYSPHASIE-FRANCE et ses antennes : AAD France 108 ter, avenue Foch 78100 Saint-Germain-en-Laye Tél./Fax : 01 34 51 28 26 http://www.avenir-dysphasie.asso.fr [email protected] ACTION LANGAGE 29 Action langage 29 a été créée en 1997 à l’initiative de parents d’enfants dysphasiques et de professionnels. Elle intervient en Bretagne (région de Quimper) Ses objectifs et ses activités visent à : recenser les besoins dans ce type de pathologie dont la prise en charge actuelle paraît bien insuffisante, assurer le relais entre établissements spécialisés et familles, susciter des projets novateurs permettant au delà d’une simple acquisition des apprentissages la création d’espaces de rencontres et d’échanges. ACTION LANGAGE 29 Le Moulin Neuf 29670 Taulé Tél. : 02 98 54 83 12 et 02 98 54 64 85 http://www.action-langage-29.fr.st 60 Réadaptation N°522 APEDA (Association française de parents d’enfants en difficulté d’apprentissage du langage écrit ou oral) Deux mères d’enfants dyslexiques de 8 ans sont à l’origine de la création Apeda France en 1982. L’objectif de l’association est d’améliorer le sort des dyslexiques en particulier pour éviter à d’autres parents de méconnaître la cause réelle de l’échec scolaire de leurs enfants afin de commencer le plus tôt possible une rééducation orthophonique adaptée. Apeda-France organise des conférences, a une écoute téléphonique, répond à de nombreux courriers, publie trois bulletins d’informations par an, ainsi que des bulletins Hors-Série tels que “Comment aider le dyslexique en classe” HS4, “Des conseils pour les parents d’enfants dyslexiques” HS5, “Le Tiroir coincé ou comment expliquer la dyslexie aux enfants” HS6. Depuis le début de sa création, les contacts avec les associations de parents d’enfants dyslexiques d’Europe et d’Outre-Atlantique sont nombreux et fructueux. Le document de 80 pages “La dyslexie à l’étranger” en résume l’essentiel. Les antennes d’Apeda-France organisent des conférences et des rencontres avec écoute téléphonique. À titre d’exemple une des antennes a ouvert un atelier d’écriture pour adultes dyslexiques “n ecrilibre”. APEDA et ses antennes APEDA France (Association française de Parents d’Enfants en Difficulté d’Apprentissage du langage écrit et oral) 3bis, avenue des Solitaires 78820 Le Mesnil Saint-Denis Tél. : 01 34 61 96 43 http://www.ifrance.com/apeda CLES DE DYS L’association Clés de Dys, fondée en 1998, est née de la volonté de parents, praticiens et amis, qui refusent d’accepter l’exclusion des enfants atteints de ces troubles. Son objet est d’apporter : une aide morale, matérielle et financière, si nécessaire, à la scolarisation et rééducation de personnes atteintes de troubles cognitifs et de troubles d’apprentissage, et plus généralement à améliorer leurs conditions de vie, d’éducation, de travail et d’avenir ; une assistance juridique aux familles dans leurs démarches pour l’obtention des aides auxquelles elles ont droit, aux structures éducatives, sportives et médicales d’accueil pour ces personnes. CLES DE DYS 101, avenue de la Marne 92600 Asnières http://perso.club-internet.fr/bajoul DMF (Association Dyspraxique Mais Fantastique) Son objectif vise à : rassembler, informer et aider toutes les familles touchées par la dyspraxie, inciter les médecins, psychologues, pédagogues à s’interroger sur ces enfants “déroutants”, afin qu’ils soient diagnostiqués de maniè- re précoce, puis pris en charge de manière adaptée et suivant un cursus scolaire normal, alerter les pouvoirs publics afin que la dyspraxie soit reconnue comme un handicap à part entière avec ses spécificités et que s’en suivent, la formation de rééducateurs spécialisés, la création de classes adaptées ou de tout autre dispositif permettant de garantir à ces enfants une scolarité normale et une formation professionnelle leur permettant d’accéder à l’autonomie. DYSPRAXIQUE MAIS FANTASTIQUE 8, chemin des Eycellets 30150 Montfaucon Tél. : 06 16 74 96 38 [email protected] http ://www. dyspraxie.info ECLORE Eclore a été créée en 1990 à Paris, à l’initiative de parents confrontés à des difficultés d’insertion scolaire de leurs enfants atteints de troubles d’apprentissage. Une structure éducative a alors été mise en place, qui accueille chaque jour, par petits groupes, des enfants de 2 ans et demi à 6 ans. Les enfants sont d’intelligence normale ou subnormale, non porteurs de déficience sensorielle ou motrice sévère et ne présentent pas de troubles de comportement au niveau de développement, ce qui doit leur permettre de participer à une action éducative de groupe. L’objectif est de soutenir le développement cognitif et psycho-affectif des enfants et de favoriser leur épanouissement social et scolaire grâce au projet pédagogique d’ECLORE. Ce projet s’appuie sur la valeur interactive du groupe. Il est conduit par une équipe de professionnels composée d’orthophonistes, de psychomotriciennes et d’une psychologue. ECLORE a reçu en mars 2005 un agrément de la Ville de Paris, au titre d’établissement d’accueil collectif, du type halte garderie. Elle accueille dans ce cadre 30 % d’enfants en situation de handicap, en accord avec son projet initial. ECLORE 144, rue du Théâtre 75015 Paris Tél. : 01 40 58 15 46 TETE EN L’AIR Créée en 1999 par des parents par et pour des parents dont l’enfant est ou a été suivi en neurochirurgie. L’objectif est de favoriser, avec les équipes soignantes, la réinsertion scolaire, familiale, sociale et professionnelle de l’enfant. Au quotidien, l’association : accompagne les familles dans la résolution de leurs difficultés après l’hospitalisation ; “alerte” sur les difficultés d’apprentissage que peuvent rencontrer les enfants et la nécessité de leur prise en charge, informe les parents et l’entourage de l’enfant par la publication d’un guide, par la mise en place d’un site Internet et par un bulletin semestriel. TETE EN L’AIR 25bis, rue d’Alsace 78100 Saint Germain en Laye tél/fax : 01 34 51 35 95 http://www.teteenlair.asso.fr